Les remèdes attachés à la breach of contract

III. Les remèdes attachés à la breach of contract
Là aussi, nous allons constater la clarté de la Common Law. La breach of contract a un caractère mécanique indubitable, le créancier, face à une rupture du contrat possède un choix. Il n’a pas à choisir la discharge automatiquement. Dans certains cas de rupture, la discharge ne lui est même pas offerte. Elle reste le principe, mais, pour protéger le contractant et garantir l’efficacité de la relation contractuelle, elle n’est pas automatique. Dans tous les cas cependant, ce n’est pas la breach elle-même qui provoque la fin du contrat, mais bien le choix du créancier de résoudre le contrat. C’est ce que nous verrons dans un premier temps (a). Nous étudierons ensuite comment le créancier peut obtenir des dommages-intérêts, qu’il ait choisi ou non de résoudre le contrat (b). Toutefois, il est des situations où, comme nous l’avons vu, les remèdes de Common Law sont insuffisants. Le créancier peut alors recourir à l’Equity et ses remèdes spécifiques (c).
1. L’option : affirm or discharge the contract
La Common Law prévoit trois circonstances dans lesquelles le créancier peut choisir entre continuer l’exécution et résoudre le contrat. Le choix du créancier est libre : il choisit en fonction de son intérêt propre ou dans l’intérêt de l’efficacité de l’opération.
– Il s’agit en premier lieu, nous l’avons aperçu ci-dessus, du cas de l’anticipatory breach, dans laquelle le créancier a le choix de continuer ou de résoudre le contrat. L’action du créancier porte alors le nom de repudiation s’il choisit de résoudre le contrat. Le précédent qui s’applique est Frost v. Knight. Il peut s’agir d’une intention de ne pas exécuter a priori, mais il peut aussi s’agir d’une intention de na pas continuer l’exécution déjà entamée. C’est pourquoi l’option de résoudre le contrat est souvent utilisée en pratique en cas de rupture anticipée. Dans la mesure où le créancier déçu n’a pas encore exécuté sa contre prestation, il préférera choisir de résoudre le contrat, parfois avec des dommages-intérêts. Cette option lui donne l’occasion de rechercher un contractant plus efficace à la place d’une exécution défectueuse. Grâce à cette rupture anticipée ou violation positive du contrat, la Common Law encourage les parties à prévoir les coûts d’exécution, et leur offre la possibilité de terminer un bad bargain (un contrat perdant). Ce moyen ne se confond pas avec la frustration, qui est un véritable cas de force majeure.
– Le deuxième cas dans lequel la Common Law reconnaît un choix de résoudre ou de continuer l’exécution est le cas de la breach of a condition. En droit anglais, les contrats sont composés de conditions, warranties and innominate terms. Les conditions sont les termes du contrat qui sont les plus importants, ceux qui contiennent l’obligation principale. Les warranties sont des accessoires de l’obligation principale. Les innominate terms sont les termes qui sont, selon les circonstances, traités comme des conditions ou des warranties. Cette dernière catégorie permet au juge de permettre la résolution du contrat ou simplement des dommages-intérêts selon l’étendue du préjudice résultant d’une breach d’un innominate term. Mais le choix pour le créancier de terminer ou de continuer le contrat n’arrive automatiquement que dans le cas d’une breach of a condition. Dans les autres cas, le choix n’est soit pas présent (dommages-intérêts seulement pour la breach of a warranty), ou dépend d’une analyse des termes et des circonstances (innominate terms).
– Le dernier cas est donc le cas d’une rupture sérieuse d’un innominate term. Dans ce cas, le créancier aura encore le choix entre terminer le contrat et le continuer.
Ce choix (qui ne s’oppose pas à une demande de dommages-intérêts pour le retard dans l’exécution, par exemple) doit être communiqué à l’autre partie d’une façon claire et univoque37. Une fois que le choix a été fait, la partie qui l’a fait ne pourra pas revenir dessus. Il est rare que la victime d’une breach décide de continuer. Si elle le fait, il faut que ses obligations soient indépendantes de celles de la partie en inexécution, qu’elle les exécute et qu’elle agisse ensuite pour obtenir le paiement de sa prestation38.
A côté de ce choix, le créancier a toujours la possibilité de demander des dommages-intérêts en complément ou à titre principal (comme en droit français d’ailleurs).
2. La permanence : les damages
Toutes les breach d’un contrat valide et susceptible d’être exécuté donnent droit à la partie innocente d’obtenir des dommages-intérêts en rapport avec le préjudice causé par la rupture, à moins que le contrat ne contienne une clause d’exclusion valable. Une action en dommages-intérêts existe que la breach porte sur une condition, une warranty, ou un innominate term, à la différence du choix de résoudre ou de continuer le contrat. Il s’agit, d’après les études poussées sur le sujet39, du remède usuel en Common Law, loin devant les autres. Il est clair qu’il existe toujours une demande en dommages-intérêts dans tous les litiges contractuels. Mais cette affirmation est loin d’être surprenante : la vie des affaires a certains impératifs que seul l’argent peut satisfaire. A l’inverse, certains impératifs plus marginaux exigent une exécution coûte que coûte du contrat. Nous examinerons ces impératifs dans notre partie sur les remèdes en Equity.

37 Vitol SA v. Norelf Ltd , 1996, AC 800.
38 White & Carter v. McGregor, 1962, AC 413.
39 Voir A.I Ogus, Exposé sur les Remedies, in « Contract Law today, Anglo-French Comparisons », D. Harris, D. Tallon, Clarendon Press, 1989.

Les types de dommages compensés sont :
– le préjudice physique40,
– les dommages causés aux biens41,
– le préjudice économique42.
Les circonstances dans lesquelles le préjudice moral est indemnisé sont très restreintes. L’arrêt de référence en la matière43 interdit l’allocation de dommages- intérêts pour le préjudice moral, mais deux exceptions sont venues atténuer la règle : si le contrat a pour but d’apporter un certain plaisir (contrat de voyage44), ou si le contrat a pour but d’éviter un préjudice moral (l’échec de l’avocat à obtenir une injonction pour faire cesser un trouble45. La règle générale pour l’évaluation des damages est de remettre la partie innocente dans la position dans laquelle elle aurait été si le contrat avait été exécuté. Il existe (bien sûr) plusieurs facteurs qui peuvent réduire le montant des dommages-intérêts alloués. L’analyse de la causalité peut montrer qu’un événement a rompu la chaîne de causalité, aggravant le dommage, ce qui a pour effet de limiter la réparation à la proportion du dommage qui est survenu du fait de l’inexécution seule. De même, les dommages trop lointains ne sont pas pris en compte : il faut que les dommages soient « reasonably foreseeable »46. Il faut surtout que le demandeur n’ait pas participé activement ou même passivement à l’aggravation du préjudice. Il a une obligation de mitigation47. C’est au défendeur de prouver que le dommage aurait pu être réduit par une action raisonnable du créancier. L’idée est que le créancier puisse, avec le montant des dommages-intérêts prévisible, trouver un mode alternatif d’exécution du contrat, en fonction des circonstances.
Nous verrons plus loin comment la Common Law américaine a développé cette pratique des dommages-intérêts, le rendant encore plus simple, mais encore plus attractive. Pour le moment, intéressons-nous à ce système parallèle qui a fait concurrence à la Common Law et qui a développé des remèdes originaux en matière contractuelle : l’Equity.

40 Tous les préjudices pécuniaires sont indemnisables : c’est la base normale de l’indemnisation en Common Law.
41 Même remarque.
42 Les règles quant à l’évaluation du dommage économique sont soit prétoriennes (référence au prix du marché), soit légales (pour la vente : Sale of Goods Act 1979 fournit des modes de calcul supplétifs de volonté et écartés si injustes en l’espèce).
43 Addis v. Gramaphone Co Ltd, 1909, AC 488.
44 Jarvis v. Swan Tours Ltd, 1973, 1 All ER 71, CA.
45 Heywood v. Wellers, 1976, 1 All ER 45.
46 Victoria LaundryLtd v. Newman Industries Ltd , 1949, 2 KB 528 .
47 Brace v. Calder, 1895, 2 QB 253.

3. Le recours éventuel à l’Equity
Le recours à l’Equity, rappelons-le, n’est pas automatique et est resté discrétionnaire. Mais les remèdes que ce système proposent ne sont pas en général, pécuniaires, et sont de ce fait, complémentaires de ceux accordés par la Common Law. Deux grands types de remèdes sont accordés en Equity :
– la specific performance
Lorsque la Common Law ne peut pas trouver de solutions au litige, l’Equity le peut. Elle peut donc forcer l’exécution du contrat, sous certaines conditions.
Les dommages-intérêts doivent être inadéquats, mais ils peuvent être simplement complémentaires. C’est pour cela que la specific performance est utilisée pour les contrats portant sur l’immobilier. L’exécution forcée ne doit pas porter préjudice au contractant. L’exécution forcée ne s’applique pas aux contrats viciés, car selon l’adage : « He, who comes to Equity, must come with clean hands », on ne peut se prévaloir de sa propre malhonnêteté.
L’exécution forcée ne s’applique pas aux contrats de travail, ni aux contrats à exécution successive48.
– L’injunction
L’injonction (généralement de ne pas faire quelque chose) permet d’intervenir sur les types de contrat auxquels la specific performance ne peut s’appliquer. La cour peut donc décider d’accorder une mandatory injunction qui a pour but de rétablir la situation avant la breach. Un exemple parlant est celui donné par l’arrêt Warren v. Mendy49. Un boxeur avait conclu un contrat de management avec Warren pour une durée de trois ans. Pendant cette période, le boxeur avait perdu confiance en son manager, et avait demandé conseil à Mendy, un autre manager. Warren demanda une injonction contre Mendy pour l’empêcher d’induire une breach of contract. La Court of Appeal accepta, arguant du fait que l’injonction laissait le boxeur avec des ressources pour vivre (puisqu’il retournait avec son ancien manager).

48 Deux cas d’espèce ont pourtant été rendus consacrant la solution inverse : Hill v. CA Parsons Ltd, 1972, et Irani v. Southampton AHA, 1985.
49 Warren v. Mendy, 1989, 1 WLR 853.

Nous allons faire à présent un détour par la Common Law américaine pour constater que, si les concepts sont les mêmes, le traitement de l’inexécution aux Etats-Unis est plus expéditif qu’en Angleterre.
Lire le mémoire complet ==> (Le traitement de l’inexécution (la breach of contract))
Mémoire D.E.A. de Droit Des Contrats, Option Droit Des Affaires
Université De Lille II – Centre RENE DEMOGUE – Droit Des Contrats
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
 

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