La signification de la breach of contract

II. Sa signification
G. Treitel30 a défini la breach selon les termes suivants: « a breach of contract is committed when a party, without lawful excuse fails or refuses to perform what is due from him under the contract, performs defectively or incapacitates himself from performing. » Nous pouvons d’ores et déjà noter que, pour que la breach soit reconnue, il faut que le débiteur ait inexécuté sans excuse licite. Alors, et comme nous l’avons précisé auparavant, quand intervient la discharge by frustration, il ne s’agit pas d’une breach puisque les deux parties ont pu prouver une lawful excuse pour leur inexécution mutuelle. De même, lorsqu’une partie a rompu le contrat unilatéralement, et que cette breach a donné le droit à l’autre partie de mettre un terme aux relations contractuelles, cette partie ne commet pas de nouvelle breach si elle refuse d’exécuter le contrat. C’est aussi ici un cas de lawful excuse.
Bien que la breach puisse prendre la forme de paroles ou d’écrits (comme un refus express d’exécuter), elle peut ne pas être matérialisée du tout. La preuve d’une breach peut résulter de la conduite du contractant qui se met lui-même en mauvaise position pour exécuter le contrat, ou qui l’exécute visiblement mal. Quand il est allégué qu’une partie s’est rendue elle-même incapable d’exécuter, sa capacité à tout de même exécuter doit être appréciée sur une échelle de probabilité (afin d’ouvrir le right to cure, un droit de se rattraper, passible tout de même de damages si retard). La chose est aisée lorsque, par exemple, le contractant a vendu la chose- objet du contrat à une tierce personne, mais il est beaucoup plus difficile de le faire lorsque le contractant est entré dans d’autres relations contractuelles incompatibles avec les précédentes. En effet, le fait qu’une partie soit entrée dans des relations contractuelles incompatibles avec d’autres « ne veut pas nécessairement dire qu’il est dans l’incapacité d’exécuter le premier contrat, à moins que les nouvelles obligations soient tellement contradictoires qu’il n’y a pas d’alternative »31.
La question de la survenance d’une rupture dépend également des termes mêmes du contrat. Il n’existe pas, en Common Law, de principe général qui puisse dispenser le juge d’une attentive analyse des termes du contrat. C’est sur le demandeur que repose la preuve de la breach bien sûr. C’est donc à lui de prouver, le cas échéant, le contenu du contrat. Mais il n’a pas à prouver une faute du débiteur pour prouver la breach. En fait, c’est ici une différence majeure avec le droit français.

30 G. Treitel, « Introduction to Contract Law », Clarendon Press, 1995, p.5.
31 « does not in itself necessarily establish [an inalienability to perform], unless these obligations are of such a nature or have such an effect that it can truly be said that the party in question has put it out of his power to perform », Alfred C. Toepfer International GmbH v. Itex Hagrani Export SA, 1993, 1 Lloyds Rep., 360, 362.

Même si les cas de responsabilité pour faute présumée se multiplient dans notre droit, la différence ne se fait plus au niveau des concepts, ni des mécanismes (semblables lorsqu’il s’agit d’une responsabilité pour faute présumée), mais au niveau de la mentalité: l’inexécution n’est pas synonyme de faute en Angleterre. Elle ne l’est plus depuis le Moyen-Age.
La stricte causalité en cas de breach est généralement illustrée par le fait qu’il n’existe aucun moyen de défense selon lequel la breach a été causée en toute bonne foi. La partie innocente ne doit prouver que la breach. Parfois, lorsque le contrat insistera sur un soin particulier à apporter à l’opération, les juges s’interrogeront sur la diligence du débiteur, sans toutefois parler de faute contractuelle. Les juges se demandent juste si les soins spéciaux ont été inférieurs à une « reasonable expectation ». Ce critère d’attente raisonnable (et non légitime) permet de juger en fonction de ce qui était humainement possible. D’autant plus que ce critère permet une adaptation aux circonstances de l’espèce, in concreto, les juges déterminent s’il était possible à un « ordinary man »32 d’apporter autant de soin à cette opération.
Mais afin de mieux cerner la breach, nous vous proposons quelques exemples qui permettront de mieux comprendre ses traits caractéristiques. Nous allons prendre deux exemples d’actual breach, qui est l’inexécution pure et simple, et un exemple d’anticipatory breach, qui est le cas où le débiteur annonce qu’il n’exécutera pas.
1. exemple et contre exemple d’actual breach
L’exemple suivant est donc un exemple d’inexécution totale qui n’est pas sans rappeler un arrêt de la Chambre Civile de la Cour de Cassation du 6 Juin 200033, qui traitait d’un contrat entre un avocat et son client. Dans l’affaire Pilbrow v. Pearless de Rougemont & Co. (1999)34, l’appelant avait contacté un cabinet d’avocats par téléphone et avait demandé un rendez-vous avec un solicitor (avocat qualifié et autorisé à plaider devant certaines cours). A la suite du rendez-vous, l’appelant a indiqué qu’il était très mécontent quant à la qualité des conseils reçus. En effet, la personne à qui il avait eu affaire n’était pas un solicitor, mais cette circonstance lui avait été cachée. Le client refuse conséquemment de payer les honoraires. Le cabinet engage une procédure en paiement. La Court of Appeal relève que le contrat disposait que les conseils juridiques devaient être prodigués par un solicitor expressément. Il ne s’agissait pas de fournir de conseils juridiques par tout moyen. Le cabinet d’avocats est donc reconnu avoir rompu unilatéralement le contrat, et n’est donc pas, de ce fait, admis à réclamer le paiement des honoraires. Il ne s’agit donc pas d’un cas de mauvaise exécution, mais bien d’inexécution totale.

32 « the man on the Clapham omnibus », Hall v. Brooklands Auto Racing Club, 1933, 1 KB, 205, 217. Voir plus bas.
33 Cass, Civ 1°, 6/6/2000, Bull. 2000, 1° Partie, n°173.
34 Pilbrow v. Pearless de Rougemont & Co, 1999, 3 All ER 355, CA.

Dans l’espèce française du 6 Juin 2000, il s’agissait d’une question sur une éventuelle cession de contrat. Le débat particulièrement technique, en France, sur l’existence d’une cession de contrat, n’existe pas en Angleterre. Les contrats sont des valeurs patrimoniales librement cessibles en Common Law, et, si le conseil prodigué n’est pas conforme à ce qui est stipulé dans le contrat originel ou si le contrat est cédé sans l’accord du créancier, il ne peut s’agir que d’une breach of contract.
Un contre-exemple de breach nous est proposé dans l’affaire Modhal v. British Athletic Federation Ltd (1999). Le demandeur était une athlète internationale très renommée qui fut suspendue par la B.A.F. (British Athletic Federation), parce qu’elle était suspectée d’avoir consommé des produits dopants. L’athlète avait fait appel contre la procédure de dopage et avait obtenu gain de cause. Elle a donc ensuite attaqué la B.A.F. pour breach of contract et demandait en conséquence une indemnisation. Elle avait, en effet, été écartée du circuit mondial pendant un an à la suite de cette affaire. Mais la B.A.F. étant membre de la I.A.A.F. (International Amateur Athletic Federation), et cette fédération ayant adopté une procédure de suspension immédiate en cas de dopage suspecté (même si, parfois, cela se révélait injuste), la Court of Appeal a décidé que le contrat liant Modhal à la B.A.F. ayant été traité comme le voulait la I.A.A.F., aucune breach ne pouvait être constatée.
2. Anticipatory breach
Nous traitons ici d’une originalité du droit anglais de la rupture unilatérale. La Common Law reconnaît que le créancier puisse actionner la justice alors même que l’exécution n’a pas encore commencé, s’il a des indices suffisants pour prouver que le débiteur ne s’exécutera pas, ou qu’il s’est mis dans une position qui l’empêchera d’exécuter le contrat. Nous allons étudier ici le précédent qui fait autorité dans la matière. Il s’agit de l’affaire Frost v. Knight (1872)35. Le défendeur avait promis de se marier avec la demanderesse dès que le père de celui-ci serait mort. Mais le demandeur avait rompu les fiançailles avant la mort de son père. La demanderesse l’avait alors poursuivi pour breach of promise (il n’est bien sûr plus possible de nos jours de poursuivre quelqu’un pour une telle rupture : en mariage, trompe qui peut !). Elle fut accueillie dans sa demande, alors même que le temps de l’exécution n’était pas encore venu. Il s’agissait du premier cas de rupture anticipée reconnu en Common Law. Le même précédent est aussi utilisé en Common Law américaine.
Après avoir vu ces quelques exemples, nous pouvons saisir ce qu’est la breach of contract. Nous avons vu qu’elle peut être totale ou partielle, qu’elle peut être anticipée (c’est la violation positive du contrat, qui a désormais disparu du droit allemand36), et nous allons voir maintenant quels sont les remèdes attachés à cette rupture (nous avons déjà suivi leur évolution), et comment ils fonctionnent.
Lire le mémoire complet ==> (Le traitement de l’inexécution (la breach of contract))
Mémoire D.E.A. de Droit Des Contrats, Option Droit Des Affaires
Université De Lille II – Centre RENE DEMOGUE – Droit Des Contrats
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
 

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