Le particularisme américain – la breach of contract

IV. Le particularisme américain
Selon les mots de G.A. Bermann50, la Common Law américaine est loin de s’intéresser à la nature du contrat. Si les juristes anglais sont de plus en plus friands de théorie contractuelle, les juristes américains ne veulent pas comprendre le contrat comme nous désirons le faire. Les américains ne connaissent pas du tout la conception morale du contrat, et ils ne croient pas que l’important soit le respect de la parole donnée, mais bien, en cas d’inexécution, la garantie pour le créancier d’obtenir l’équivalent monétaire. La seule exception que reconnaît le droit américain est le cas où il n’existerait pas d’équivalent sur le marché. C’est pour cette raison que les contrats sur la real property sont exclus de la compensation monétaire. Nous constatons encore que le raisonnement (la référence au marché) marque une tendance plus libérale qu’en Angleterre, et a fortiori, qu’en France. La Common Law américaine reconnaît que le défendeur est souvent plus enclin à payer des dommages-intérêts qu’à exécuter un contrat qui lui serait préjudiciable. Le Restatement (second) of Contracts51 donne, dans son premier article, une définition absolument typique du contrat :
« A contract is a promise or a set of promises for the breach of which the law gives a remedy, or the performance of which the law in some way recognizes as a duty. »
La définition peut étonner un juriste de droit civil : le contrat ne se définit que par rapport à son inexécution. Il faut encore remarquer que le recours à la specific performance est mentionné dans la définition du contrat, mais à titre accessoire comme le montre l’expression « in some way ». Le recours à ce remède, comme le précise E.A. Farnsworth52, est en train de se simplifier, mais le chemin à parcourir reste long pour obtenir un remède autonome, qui ne soit pas soumis à la constatation de l’inadéquation des remèdes pécuniaires.

50 Cours de droit comparé des contrats par le Professeur G.A. Bermann, professeur à Columbia (Etats-Unis), enseigné à l’Institut de Droit Comparé, 2001-2002.

Les remèdes pécuniaires, en Common Law américaine, sont divisés en trois types de damages.
Les premiers damages sont les expectation damages : il s’agit du montant nécessaire pour remettre la partie innocente dans la position dans laquelle elle aurait été si le contrat avait été exécuté à temps et complètement.
Les deuxièmes damages sont les reliance damages : il s’agit de l’argent que la partie frustrée a dépensée en vue du contrat. Il faut donc ici remettre la partie dans la position dans laquelle elle aurait été si la promesse n’avait pas été faite.
Le troisième type de damages sont les restitutional damages : il s’agit d’un moyen d’éviter l’enrichissement injuste. Le but est de forcer la partie en inexécution à rendre l’argent gagné à l’occasion de la rupture.
Cette organisation est claire et immédiatement compréhensible. De plus, la Common Law est très pratique : le requérant peut demander les trois évaluations à la Cour, bien sûr il n’en obtiendra qu’une. Mais cela lui permet de ne pas avoir à choisir entre des dommages-intérêts et de faire valoir ses prétentions dans chacun des cas.
Concernant ces remèdes, le Restatement (Second) of Contracts est également typique de l’esprit de la Common Law. Nous y retrouvons les thèmes que nous avons étudié plus haut : partial et total breach, anticipatory breach, et le choix de terminer le contrat (repudiation).
Nous le voyons, la Common Law américaine est encore plus simple, parce qu’elle est plus récente, mais aussi et surtout parce qu’elle est presque codifiée. Le Restatement (Second) of Contracts n’est pas un texte officiel, l’American Law Institute étant un organisme privé composé de professeurs de droit, de juges et de professionnels, à part égale. Mais de fait, tous les juristes américains et les juges l’utilisent de façon régulière et officielle : les juges n’hésitent pas à le citer dans leurs jugements, ou à y faire des renvois, comme à une base incontestée du droit américain. La Common Law et la codification ne sont pas, par nature, incompatibles, et la quasi-codification n’a pas fait perdre à la celle-ci sa spécificité.
Cette étude préalable nous permet la comparaison des deux approches de l’inexécution, en droit français et en droit anglais.
Lire le mémoire complet ==> (Le traitement de l’inexécution (la breach of contract))
Mémoire D.E.A. de Droit Des Contrats, Option Droit Des Affaires
Université De Lille II – Centre RENE DEMOGUE – Droit Des Contrats
Ecole doctorale des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
 

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top