Analyse qualitative de la riposte à Ebola à Vutsundo : perceptions et résistances

Chapitre III : METHODOLOGIE

 

Cadre de l’étude

 

Notre étude a été menée dans le Quartier Vutsundo de la ville de Butembo, plus précisement dans la Cellule Mutsunga qui héberge aussi le Centre de santé de Vutsundo. Le quartier Vutsondo a été retenu comme cadre de cette étude parmi les 8 quartiers que compte la Commune Kimemi de la Ville de Butembo, sur base d’un choix raisonné tenant compte du critère d’inclusion des quartiers où ont été rapportés le plus d’actes de résistances communautaires contre les équipes de la riposte à la 10e épidémie de maladie à virus Ebola en Ville de Butembo. Notons également que le Quartier Vutsundo a été la porte d’entrée lorsque la dixième épidémie de maladie à virus Ebola s’est étendue vers la ville de Butembo. Ces mêmes critères d’inclusion, nous ont orienté pour le choix de la Cellule Mutsunga précitée.

Type d’étude

 

Il s’agit d’une étude descriptive utilisant l’approche qualitative. Comme techniques utilisées, nous avons recouru à des interviews semi-structurés moyennant un guide d’entretien pour les entretiens individuels en face à face avec des informateurs clés et un guide de discussion pour les focus groupes (Voir annexe 2 : Outils de collecte des données).

Les entretiens semi-structurés face à face avec les informateurs clés nous ont permis de collecter les perceptions de ces personnes ciblées sur la question principale de notre étude. Il s’est agi des catégories sociales suivantes : les autorités administratives, les autorités sanitaires, les autorités religieuses, les autorités scolaires, les leaders d’opinion (associations féminines, associations de la jeunesse, mouvements citoyens).

Les groupes de discussion dirigée nous ont permis de collecter les points de vue des membres de la communauté sur les facteurs ayant occasionné les résistances communautaires lors de la riposte à la dixième épidémie de maladie à virus Ebola en ville de Butembo. Nous avons organisé 4 focus groupes de discussion ciblant les habitants du quartier Vutsundo en les catégorisant par âge et sexe à savoir les jeunes filles, les jeunes garçons, les femmes et les hommes. Au total 10 entretiens individuels face à face avec des informateurs clés et 4 focus groupes de 10 personnes chacun ont été réalisés avec consentement préalable de tous les participants.

Les notes prises pendant les entretiens ainsi que l’enregistrement audio des entretiens individuels et des focus groupes sur consentement préalable, nous ont servi comme supports lors de la transcription.

Lors de la collecte des données sur terrain, nous avons recouru à l’appui de 4 enquêteurs qui ont été formés pendant 2 jours avant d’être déployés au quartier Vutsundo.

La formation des enquêteurs s’est focalisée particulièrement sur la méthodologie de collecte des données d’une étude qualitative, l’utilisation des fouilles passives, des fouilles indirectes et des fouilles directes ainsi que le ciblage correct des participants et le remplissage des outils de collecte. Cette formation a été clôturée par un pré-test des outils de collecte dans l’aire de santé de Makasi en zone de santé de Butembo, une localité non concernée par l’étude.

Les outils de collecte des données utilisés lors de notre étude peuvent être consultés dans l’annexe No 2 de ce mémoire.

Echantillonnage

 

Dans cette étude qualitative, nous avons considéré la population totale du Quartier Vutsundo comme population d’étude. Pour obtenir notre échantillon, nous avons recouru à la technique d’échantillonnage par choix raisonné pour sélectionner 10 informateurs clés et 40 participants des focus groupes. Les différentes catégories ayant été incluses dans la sélection des informateurs clés sont les suivantes :

L’autorité politico-administrative du quartier,

L’autorité sanitaire de l’Aire de santé de Vutsundo,

Les autorités religieuses de 3 confessions religieuses prédominantes,

L’autorité scolaire,

Un représentant de la société civile

Le leader des associations féminines,

Le leader des associations des jeunes,

Le leader des mouvements citoyens.

Les 40 participants des focus groupes ont été sélectionnés sur base de leur appartenance aux tranches d’âges et sexe en prenant en compte les premières personnes qui nous ont accordé leur disponibilité à participer jusqu’à saturation de 10 personnes par focus groupe. Il s’agit de :

Focus groupe des filles (âgées de 18 à 25 ans)

Focus groupe des garçons (âgés de 18 à 25 ans)

Focus groupes des femmes (âgées de plus de 25 ans)

Focus groupe des hommes (âgés de plus de 25 ans)

Collecte des données

 

Les données de notre étude ont été collectées par entretiens individuels semi-structurés en face à face avec les informateurs clés ainsi que par les focus groupes. Chaque entretien individuel a été mené sur base d’un guide d’entretien contenant des questions ouvertes formulées sur base des événements qui ont entouré les activités de riposte contre la dixième épidémie de maladie à virus Ebola en ville de Butembo. Les entretiens avec les informateurs clés ont été organisés dans les milieux de travail de ces derniers dans un endroit neutre, sécurisant, sans bruit, convenu avec un seul participant et pouvant préserver son intimité et la confidentialité.

Chaque interview a été enregistrée à l’aide d’un dictaphone et a duré en moyenne 45 minutes. Les focus groupes de discussion ont été organisés à tour de rôle dans la salle de réunion du Centre de santé de Vutsundo.

Au total 4 focus groupes ont été organisés : un focus des garçons, un focus des filles, un focus des hommes et un focus des femmes. Pour chaque focus groupe, nous avons sélectionné 10 participants remplissant les critères des tranches d’âges et de sexe. Les participants et les enquêteurs ont été disposés en cercle dans le respect des mesures de distanciation physique et de port des masques respiratoires. Pour faciliter la prise des notes lors de la discussion, les participants des focus groupes ont été identifiés par des numérotés de P1 à P10 (P pour « Participant ») suivi du numéro de la place occupée pendant la séance en suivant le sens des aiguilles d’une montre à partir des 2 enquêteurs. Dans la prise des notes, chaque verbatim est précédé de Px (x variant de 1 à 10) pour identifier correctement la personne qui a pris la parole.

Dans cette activité de collecte des données, nous avons bénéficié de l’appui de 4 enquêteurs. Ceux- ci ont suivi préalablement une formation pendant deux jours, sur l’éthique en recherche, le ciblage des participants et les techniques de collecte des données de la recherche qualitative. Les 4 enquêteurs ont été répartis en 2 équipes comprenant chacune un facilitateur et un preneur de notes.

Traitement et analyse des données

 

Les entretiens ont été enregistrés sur un dictaphone et transcrits sur un fichier MS Word avec verbatim. Les analyses ont été réalisées à l’aide d’une matrice d’analyse conçue sur MS Excel en utilisant différentes couleurs de surligneurs. Les transcrits ont été complétés par les notes prises par les enquêteurs sur terrain.

N’ayant pas recouru à la pré-codification des données dans notre démarche, l’approche d’analyse inductive des entretiens, basée sur la théorie enracinée (GLASER & STRAUSS, 1967), a été utilisée. Elle nous a conduit à l’identification de thèmes évoqués par les participants eux-mêmes, ce qui nous a permis de répondre à la question principale de notre étude. Ces thèmes ont émergé d’une lecture répétée des verbatim d’entrevue (FEREDAY & MUIR-COCHRANE, 2008) accompagnée par une remémoration constante de la question de recherche à laquelle les thèmes à identifier devaient répondre « Quels facteurs ont concouru pour que des populations en proie à une maladie aussi grave que la maladie à virus Ebola en ville de Butembo développent des attitudes violentes allant jusqu’à des agressions physiques envers des agents de riposte qui leur viennent en aide ?». Cette démarche dans laquelle créativité et scientificité se complètent (GARREAU, BANDEIRA-DE-MELLO, 2010), nous a permis de mettre en place un processus de codage cohérent, orienté sur le même objectif à chaque instant. À travers cette démarche, l’organisation des données composant le verbatim a été rendue plus facile par la reconnaissance et l’annotation de segments d’entrevues pertinents. Ceux-ci ont été regroupés sous des thèmes, qui correspondent à des patrons dans les verbatim synthétisant l’essence du discours des participants. Le tableau 3 ci-dessous nous donne l’arborisation du codage inductif des entretiens :

Tableau 3: Arborisation du codage de l’analyse inductive

 

NoCodesThème induit
1J’ai considéré cela comme une maladie imaginaireOrigine de la maladie
On n’a jamais compris son origine
La communauté n’a pas cru à l’existence de cette maladie
Nous pensions que c’est juste du business
D’après moi les épidémies proviennent de la saleté
La maladie proviendrait des chauve-souris
On nous a dit que la maladie est venue d’un singe
2En voyant un nombre élevé des décès on a commencé à croireAcceptation de la maladie
La communauté n’a pas cru à l’existence de cette maladie
Les signes étaient semblables aux autres maladies
On nous disait que la maladie venait de Mangina
Pour les autres maladies on ne voit pas autant de véhicules
On amenait les malades pour aller les tuer
On ne voyait pas les hémorragies
Même de simples maux de tête, on vous transfert au CTE
La population n’était pas bien informée pour comprendre la
maladie
3On voyait des personnes qui parlent des langues étrangèresRecrutementdespersonnes
Lepersonnelsoignantétaitconstituédebeaucoupétrangères
d’étrangers,
Les sensibilisateurs nous parlaient en Lingala

Les autres venaient en étant masqués

On a utilisé des personnes incompétentes qui ne sont pas du domaine de la santé

Pourquoi on n’avait pas utilisé les mêmes RECO qui nous sensibilisent pour les autres maladies

Le personnel soignant qui ne parle pas la langue locale

Des policiers même au cimetière

Des coups de balles pour prendre un malade Au CTE, il y avait des militaires

Les agents de ripostes venaient avec des militaires Nous avions peur des militaires et policiers

On nous a chassé par des coups de balles

Les équipes accompagnées des militaires et policiers On venait décontaminer les ménages avec des policiers

Certains disaient que le médicament qu’on pulvérisait dans les maisons contient le virus d’Ebola

On brulait des biens de valeur

On jetait des comprimés dans les toilettes et toute personne qui utilise ces toilettes était contaminée

Le produit pour se laver les mains sentait très mal

On venait décontaminer les ménages avec des policiers

On cachait les cas aux RECO On se méfiait des voisins

Personne ne rentrait vivant du CTE Le CTE était le mouroir

On l’avait amené au CTE et personne ne l’a plus revu On se soignait à domicile et chez les tradipraticiens Même de simples maux de tête, on vous transfert au CTE

Enterrement en secret,

Nous n’étions pas d’accords avec ces enterrements Sacs mortuaires,

Femmes dans les équipes d’enterrement, Pas des prières

Pas d’exposition du corps Suppression des deuils en famille Pulvériser le cadavre

Les agents de riposte recevaient beaucoup d’argent Les RECO étaient corrompus

On payait pour chaque mort

Les agents ont construit des maisons après On donnait l’argent pour le deuil

On donnait des cadeaux aux personnes guéries Plusieurs véhicules pour prendre un seul cas

On disait qu’on payait pour l’enregistrement d’un décès

 

Recours aux agents de l’ordre

Décontamination des ménages

Peur d’être transféré au CTE

Organisation des enterrements

Ebola-business

3.6Considérations éthiques

 

Notre protocole de recherche a été préalablement soumis au bureau provincial du Comité National d’Ethique de la Santé de la République Démocratique du Congo (CNES-RDC) en Province du Nord-Kivu et a obtenu l’autorisation avant la collecte des données sur terrain (Voir annexe 1 : Certificat d’approbation de la recherche pour les normes éthiques).

Les autorités politico-administratives communales ainsi que l’autorité sanitaire en zone de santé de Butembo ont également accordé leur autorisation pour que la collecte des données de cette étude se déroule dans l’Aire de santé de Vutsundo, dans la zone de santé de Butembo en Commune Kimemi.

Tous les participants à cette étude, aussi bien les informateurs clés que les participants aux focus groupes ont reçu les explications nécessaires avant de signer individuellement un formulaire pour donner leur consentement éclairé.

Les données de cette étude ont été collectées de manière anonyme et confidentielle grâce à l’utilisation d’un code pour chaque participant. Chaque membre de l’équipe de collecte des données sur terrain a signé un accord de maintien de la confidentialité durant tout le processus.

La permission de chaque participant a été sollicitée et acquise avant tout enregistrement et la prise desnotes.

Chaque participant a été informé de ses droits durant le processus de collecte des données : participation libre, droit de refuser de prendre part à une interview, droit de refuser de répondre à une question donnée même s’il a accepté de participer à l’interview.

Aucun participant n’a été payé pour sa participation. Seul un frais de transport de 6000 francs congolais, équivalent à 3 dollars américains par personne, a été remboursé aux 40 participants des focus groupes.

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Institute AFRAC - Travail présenté en vue de l’obtention du Master en Santé Publique
Auteur·trice·s 🎓:
MUKAMA KAMBALE Eric

MUKAMA KAMBALE Eric
Année de soutenance 📅: Option : Epidémiologie - 2020 – 2021
Encadreur de zones de santé à la division provinciale de la santé du Nord-Kivu de Février 2022 à nos jours. .
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