Digitalisation et performance bancaire: le cas de l’Afrique subsaharienne 

PREMIERE PARTIE : DIGITALISATION ET PERFORMANCE SOCIALE DES BANQUES DANS LES PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE

INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

Le but de cette partie est de répondre à la question qui est celle de savoir l’effet de la digitalisation sur la performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne. En effet, la mesure de la performance sociale de la banque n’est pas une chose aisée. L’accent est mis sur la performance sociale puisque d’un côté les activités bancaires sont difficiles à répertorier et à cerner, d’un autre coté cette difficulté tient à l’importance des charges de structure et de support.

Dès lors, il est important pour nous dans un premier temps, d’évaluer de manière théorique la relation entre la digitalisation et la performance sociale des banques (chapitre I). Cet objectif permet d’une part, d’examiner plus précisément la relation théorique entre les deux concepts et d’autre part de souligner l’ensemble des travaux empiriques développer dans la littérature au sujet de la relation digitalisation et performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Dans un deuxième temps, d’effectuer une analyse empirique relative aux banques dans les pays d’Afrique subsaharienne sur la période 2014 à 2020 (chapitre II). Le travail est fait en deux points. Le premier consiste à analyser les faits stylisés sur la relation dans les banques des pays d’Afrique subsaharienne. Le second point effectue l’analyse économétrique entre la digitalisation et la performance sociale.

CHAPITRE I : DIGITALISATION ET PERFORMANCE SOCIALE : UNE ANALYSE THEORIQUE

Ce chapitre présente une clarification conceptuelle qui intervient et s’appuie sur un débat doctrinal. L’intérêt d’une telle approche se retrouve dans la nécessité de baliser les différents contours en ce qui concerne le sens des notions qui structurent l’intitulé de celui-ci. Ainsi le présent chapitre a pour but de montrer qu’il existe au sens théorique et empirique une relation entre digitalisation et performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Pour satisfaire cet objectif, ce chapitre est consacré à un examen approfondi de la relation entre digitalisation et performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne. Il s’articule autour de deux sections qui permettrons chacune en ce qui la concerne de mieux cerner la problématique centrale qui se donne pour objectif. La première examine les fondements théoriques et les modalités de mesure de chaque concept et la deuxième analyse les différents canaux de transmissions par lesquels la digitalisation agit sur la performance sociale et à la suite est présenté une brève revue de la littérature dure la relation.

Section 1 : Les fondements théoriques et une présentation des modalités de mesure

La relation entre la digitalisation et la performance sociale n’est pas très développée dans la littérature. En effet, les auteurs ne se sont pas réellement appesantis sur la relation à notre connaissance.

Il s’agit dans cette section de présenter, dans un premier temps, une analyse théorique de la digitalisation et de la performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne ainsi que le lien théorique qui existe entre ces deux concepts et dans un second temps de donner les différentes modalités de mesures permettant de capter chacun des concepts dans la littérature.

A. Analyse théorique des concepts

Il s’agit principalement de faire une analyse théorique des différents concepts et liens qui existent entre les deux.

Analyse conceptuelle de la performance sociale

Plusieurs auteurs ont défini la notion de performance sociale. Elle est en effet un concept complexe et difficile à définir du fait de sa dimension large. Ainsi, sa compréhension va dépendre de l’objectif et de l’intérêt visé par les entreprises.

Pour (Bourguignon 1996), « la performance est la capacité à agir selon des critères d’optimalité très variés, afin d’obtenir la production d’un résultat ». Elle désigne aussi bien le résultat que des actions qui ont permis de l’atteindre.

De même pour (Sutter 2017), la performance sociale « c’est la résultante – positive ou négative

– des interactions des salariés d’une organisation, dans l’atteinte des objectifs de celle-ci ». Elle concerne le capital humain. En effet, les salariés d’une entreprise socialement performante sont motivés, compétents et fidèles.

Wood (Wood 1991) définit la performance sociale d’une entreprise comme « une configuration des principes sociaux d’une entreprise, de la réactivité sociale et des politiques, programmes et résultats observables de ce qui touche la relation sociale entreprise et société. »5. La performance sociale est la capacité d’une organisation à mobiliser ses ressources humaines. Pour cela, elle doit s’assurer de leur bien-être. Elle doit mettre en œuvre des actions visant à améliorer les conditions de travail ou la rémunération afin de donner envie aux salarier de d’investir. La performance sociale est également stratégique afin de soigner l’image que l’organisation envoi à son environnement.

La performance sociale se distingue de la performance commerciale ou financière, car elle ne relève pas directement de l’activité économique : une organisation socialement performante agit en cohérence avec des valeurs sociales qu’elle s’est choisies (en général, des valeurs humaines).

La performance sociale est née de la volonté de l’entreprise à améliorer le bien-être des salariés au travail et d’augmenter par la suite, leur efficacité (Baggio & Sutter, 2013). Une entreprise est jugée socialement performante quand elle est apte à mettre en place une pratique de gestion des ressources humaines qui permette de déceler le rôle de chaque individu au sein de l’entreprise afin qu’il soit valorisé et que l’employé soit motivé et attaché à l’entreprise (Guerraou 2020). De (Louan 2001) considère la performance des ressources humaines comme

5 Traduit par nous.

l’influence des actes de gestion sur les personnes au travail, sur leurs attitudes et comportements.

La performance sociale représente les relations sociales ou humaines dans l’entreprise et la capacité d’attention de cette dernière au domaine social (Issor 2017). Elle est mesurée par « la nature des relations sociales qui interagit sur la qualité des prises de décision collectives, l’importance des conflits et des crises sociales (nombre, gravité, dureté…), le niveau de satisfaction des salariés, le turn over, qui est un indicateur de la fidélisation des salariés de l’entreprise, l’absentéisme et les retards au travail (signes de démotivation ou de travail ennuyeux, dangereux ou difficile). Le climat social de l’entreprise qui est une appréciation subjective de l’ambiance au sein de l’entreprise et des groupes qui la composent, le fonctionnement des institutions représentatives du personnel (comité d’entreprise ou d’établissement), le fonctionnement des cercles de qualité (le nombre et les résultats des actions) et la participation aux décisions » (Marmuse, 1997, cité par Issor, 2017, p. 101-102).

La digitalisation des banques est emblématique des opportunités et des risques dans les pays d’Afrique subsaharienne. (Warf 2016) Souligne l’émergence de l’argent électronique qui a impacté les marchés financiers du fait de la réduction des coûts de transmission des fonds en même temps que la déréglementation du secteur. Et que pour accélérer le phénomène, les banques se sont jointes aux acteurs télécoms pour construire un réseau de fibre optique reliant les principaux centres financiers mondiaux (par exemple ligne TAT-8 en 1989, lignes transatlantiques qui ont joué un rôle moteur dans la croissance du réseau Internet et systèmes de transfert électronique de fonds (EFTS)).

Dans la transformation digitale des banques de détail (Assayag 2014) soulignent 4 facteurs : l’optimisation de l’expérience client, la transformation des processus opérationnels, l’évolution des modes de fonctionnement et des business modèles. Ils distinguent le digital externe (présence de l’entreprise et visibilité sur les réseaux sociaux avec les interactions), le digital central (impact du digital sur l’écosystème de l’entreprise), le digital interne (impact du digital sur le personnel, l’organisation et les processus opérationnels).

Un constat s’impose pour les banques : une augmentation des coûts de gestion et une baisse des revenus. Déjà le rapport Nora-Minc (Nora, Minc, 1977) affirmait que « la banque serait la sidérurgie de demain ». Michel Godet et Jean-Pierre Plas ont repris cette formule choc dans un article du journal. Le Monde daté du 22 février 1979. Ils estimaient que la banque serait affectée,

car « celle-ci est au tertiaire ce que la sidérurgie est à l’industrie : une branche malade de sa croissance passée » en dressant des similitudes :

marché saturé et contraint ;

excédent de capacité de production (la saturation du marché a eu pour corollaire une course à l’ouverture d’agences et de guichets)

insuffisance de fonds propres (à l’image de l’endettement de la sidérurgie) ;

accroissement du coût des matières premières (diminution de la part des dépôts à vue côté bancaire et protection des dépôts rémunérés, encadrés par la loi) ;

des dizaines de milliers d’emplois peu qualifiés et menacés (en 1977, 50 % d’employés et 10 % de cadres).

Par rapport à cette vision, une analyse peut être faite aujourd’hui par rapport à la transformation à venir. Pour 1, un relai de croissance peut être à l’international notamment dans les pays en développement et auprès des personnes dé-bancarisées d’autant que les grandes banques françaises se sont internationalisées. Les taux bas et leur corollaire la renégociation des prêts notamment immobiliers ainsi que les remboursements de prêts par anticipation érodent le produit net bancaire, ce qui complexifie la tâche. Pour 2, des agences seront à fermer ou mieux à réinventer pour abriter des usages nouveaux en développant des relais de croissance et en faisant des agences des lieux de vie qui apporteront une valeur ajoutée et seront différenciantes par rapport aux banques en ligne, fintech et acteurs déshumanisés. Pour 3, le problème est structurel et les marges de manœuvre sont réduites. Pour 4, les banques augmentent chaque année leurs frais de tenue de compte (mensuels ou trimestriels). L’inflation atone donne par ailleurs peu de marge de manœuvre. On pourrait considérer que la courbe de Phillips s’applique en partie. Pour 5, nous avons assisté à de nombreux départs à la retraite, a beaucoup de recrutements de personnels intermédiaires en agences et de conseillers financiers depuis les années 1980. La question de la conduite du changement est clef par rapport à une clientèle plus informée et exigeante. Les clients souhaitent toutefois garder un contact avec leur conseiller financier (et réciproquement également !).

À cela s’ajoute aujourd’hui le numérique qui induit une concurrence croissante avec pour corollaires des nouveaux entrants agiles qui n’ont pas de contraintes de systèmes d’information historiques à gérer et qui se positionne soit sur des niches soit viennent concurrencer les banques sur leur front, middle ou back office. D’autres types de contraintes pèsent sur les banques

contrairement aux fintech comme le droit au compte3 qui permet de lutter contre la discrimination d’un client et consacrer l’universalité de la banque. (Korobov, 2017) indique que les principaux facteurs de transformation de la banque sont la mondialisation, la concentration du capital, la formation d’un nouveau modèle bancaire et une nouvelle culture bancaire. Il est démontré que les forces motrices de ces processus sont la concurrence et l’innovation, ce qui a pour effet de faire évoluer les business modèles des banques et un élargissement de la gamme de produits et de services.

Lien théorique entre la digitalisation et la performance sociale des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne

La digitalisation dans la littérature renvoie généralement aux questions du digital interne (impact du digital sur le personnel, l’organisation et les processus opérationnels), ainsi est opportun de dégager le lien entre l’impact du digital sur le personnel et la performance sociale des banques. Ce choix est fondé sur l’idée qu’à notre connaissance, les travaux portent sur le lien théorique entre la digitalisation et la performance sociale ne sont pas assez développés dans la littérature. Les études analysent généralement le lien entre le digital interne et la performance sociale selon deux théories. D’un côté, nous avons des auteurs de la théorie des relations sociales et la théorie du capital humain.

Théorie des relations sociales

Relativement à la performance sociale, elle représente les relations sociales ou humaines dans l’entreprise. Elle résulte pour J. M. Descarpentries du rassemblement de Collaborateurs : motivés, compétents et communiquant bien entre eux par le moyen d’une langue et de valeurs communes (culture).

Elle dépend des politiques de gestion du personnel, concerne l’état des relations sociales ou humaines dans l’entreprise et traduit la capacité d’attention de l’entreprise au domaine social. Elle est un concept central de la recherche en éthique des affaires (J. Igalens et J.-P. Gond, 2003). Facteur déterminant du bon fonctionnement des organisations modernes, cette performance est mesurée selon C. Marmuse (1997) par la nature des relations sociales qui interagit sur la qualité des prises de décision collectives, l’importance des conflits et des crises sociales (nombre, gravité, dureté…). Le niveau de satisfaction des salariés, le turn over, qui est un indicateur de la fidélisation des salariés de l’entreprise, l’absentéisme et les retards au travail (signes de démotivation ou de travail ennuyeux, dangereux ou difficile). Le climat social de l’entreprise qui est une appréciation subjective de l’ambiance au sein de l’entreprise et des groupes qui la composent, le fonctionnement des institutions représentatives du personnel

(comité d’entreprise ou d’établissement), le fonctionnement des cercles de qualité (le nombre et les résultats des actions) et la participation aux décisions.

Il convient de souligner que la prise de conscience croissante de l’importance des ressources humaines dans le pilotage de l’entreprise est à l’origine de l’intérêt de l’analyse de l’effet des pratiques de gestion des ressources humaines sur la performance des entreprises. À cet effet, V. barraud-Didier et al. (2003) soulignent que la compétitivité de l’entreprise et la recherche de l’excellence passent par la création de structures et de systèmes de gestion favorisant l’initiative et la créativité des ressources humaines.

Dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, plusieurs acteurs ont mis en place des politiques prospectives d’identification des métiers, des compétences, des modèles managériaux et organisationnels pour s’assurer de l’adéquation entre besoins et richesses humaines. Toutes les institutions bancaires recensent dans leur réponse un besoin renforcé de profils experts sur les sujets techniques : data, IA, IT, Cloud etc… avec des spécialisations en data science, data analyse, data engineering, UX Design, architecture ou développement logiciel. Mais ce besoin s’étend également à des profils hybrides associant compétence métier (par exemple juridique ou financière) et familiarité avec les nouvelles technologies. De nouveaux postes et de de nouveaux titres apparaissent dans les organigrammes.

Les banques témoignent de potentielles difficultés de recrutement et de fidélisation de ces profils sur un marché en pénurie et très compétitif (le nombre de candidats est bien plus faible que la demande). En revanche, ces difficultés constituent, pour le secteur bancaire, un point d’attention plutôt qu’un obstacle insurmontable : les institutions parviennent très majoritairement à atteindre leurs cibles de recrutement.

Au-delà du recrutement des expertises nécessaires, les banques ont mis en place d’important programmes pour former leurs collaborateurs aux nouveaux outils et méthodes de travail liées au numérique. Cet effort permet notamment d’assurer que les ressources humaines rendues disponibles dans certains champs par les solutions technologiques nouvelles sont réaffectée à des tâches à plus haute valeur ajoutée.

La théorie du capital humain

La formation fait partie des multiples éléments de gestion des ressources humaines. Cette stratégie est inspirée de la théorie du capital humain développée par (Becker 1962). Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par

accumulation de connaissances générales, spécifiques ou de savoir-faire, etc. il se résume à un stock immatériel imputé à une personne pouvant être accumulé et susceptible de s’user.

La contribution de l’accumulation du capital humain à la productivité des banques et à la croissance économique est largement reconnue par les nouvelles théories de la croissance, développées par (Romer 1990) et (Lucas 1988). Le capital humain est essentiel à une production à forte valeur ajoutée et participe donc à l’acquisition d’avantages comparatifs et à la compétitivité des entreprises dans un pays (Ashton et Green, 1996 ; Green et Sakamoto, 2000). Cependant, l’investissement dans la formation continue ne se fait pas sans coût pour les entreprises. (Gosselin 2006) Énumère, entre autres, les coûts relatifs au lieu de la formation, au honoraire des formateurs, aux salaires des individus en formation, aux cotisations envers les organismes de formation, à la perte de productivité du personnel en formation.

La transformation numérique n’est pas un simple processus technique mais implique également des transformations importantes dans les différentes lignes métiers des établissements bancaires

: les outils à maitriser changent, les modes de communication avec les clients se transforment, les attentes des employés évoluent. Cette transformation des métiers et des besoins doit être anticipée lors du recrutement mais elle nécessite également un accompagnement au changement pour les collaborateurs déjà employés. Au-delà de l’évolution des compétences techniques disponibles, les banques cherchent à promouvoir une culture de l’innovation en interne.

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Digitalisation et performance des banques dans les pays d’Afrique subsaharienne
Université 🏫: Université de Yaoundé II - Faculté des sciences économiques et de gestion - Département de mathématiques appliquées aux sciences sociales
Auteur·trice·s 🎓:
BOURDANNE SOBDIBE CHERIF

BOURDANNE SOBDIBE CHERIF
Année de soutenance 📅: Mémoire rédigé et présenté en vue de l’obtention d’un Master II Professionnel en Gouvernance Financière, Option : Métiers de la Banque - 2021-2022
Master 2 en GOUVRNANCE FINANCIERE .
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