DEUXIEME PARTIE :
LES DETERMINANTS DE LA FABRICATION DE L’ATTRACTIVITE TOURISTIQUE DE LA
REGION DE DOUALA
CHAPITRE IV : LES LOGIQUES D’ACTEURS (CUD, DRTL ET LES AGENCES DE TOURISME)
INTRODUCTION
Dans tout espace social où les individus évoluent, il existe des actions entreprises par ces individus. Ces actions obéissent à des logiques que nous appellerons dans le cadre de ce chapitre logique d’action. Ces logiques d’action permettent de mettre en scène les acteurs sur des secteurs d’activité précis, mais surtout, rendent compte de leurs positionnements en tant qu’acteur dans le champ social. Elles tiennent compte des normes, des règles, des contraintes, de « l’espace de jeu »75 et de l’activité de l’acteur. Ce qui laisse transparaître leurs stratégies par rapport au champ social concerné. Elles orientent le rôle social des acteurs et sont au fondement des logiques de ces acteurs. Car en agissant, les acteurs sociaux produisent des actes qui laissent transparaître leur bien fondé, la justification de cet agir. C’est ce bien fondé que nous appelons « logique ». Alors qu’elles sont ces logiques d’action et d’acteurs ?
Il nous incombe dans ce chapitre, de préciser dans le cadre de l’attractivité de la Région de Douala, ces logiques d’action qui jaillissent à partir des discours des acteurs étatiques et non étatiques, et ensuite, d’éclairer sur les logiques d’acteurs mis en scène. Tout en sachant que les logiques d’action se situent dans une échelle macrosociologique alors que celles des acteurs se situent dans une échelle microsociologique. Cependant elles restent interdépendantes.
QUELLES SONT LEURS LOGIQUES D’ACTIONS ?
Nous allons nous intéresser aux logiques d’action des acteurs suivants : CUD, DRTL, Agences de tourisme.
La CUD
Nous relèverons deux principales logiques d’action qui prédominent sur la base de nos échanges avec l’institution :
75En référence à Michel CROZIER et Ehrard FRIEDBERG in l’acteur et le système
1.1- La logique administrative d’essence régalienne
« Les actions sont entreprises dans la mesure où le tourisme est transversal. Si par exemple la voirie n’est pas bitumée, s’il n’y a pas éclairage public, s’il y’a les poubelles partout, le touriste n’est pas attiré par votre ville. Donc les missions régaliennes de la CUD font en sorte que c’est un levier pour attirer les touristes »76.
A travers cet extrait tiré de notre entretien avec un Responsable service de la CUD, nous décelons les traces d’une logique administrative d’essence régalienne, constituant « un levier pour attirer les touristes ». C’est une logique d’action fortement liée aux missions régaliennes de la CUD contenues dans le Décret N° 87 / 1366 du 24 septembre 1987 portant création de la communauté urbaine de Douala
1.2- La logique administrative d’essence déconcentrée
Pour moi il y a une politique nationale qu’on implémente. La délégation signifie quoi ? Cela veut dire qu’on met en œuvre la politique nationale mais au niveau local. C’est pour ça que je dis c’est un fil conducteur qui part du sommet jusqu’à la base, on n’a pas encore coupé le cordon ombilical, pour dire que vous vous imaginez pour vous et le sommet imagine sa politique non.
Cet extrait démontre à priori le mode de fonctionnement du système administratif camerounais appliqué, qui est jusqu’à aujourd’hui celui de la déconcentration. C’est-à-dire la dissémination des postes à statuts divers, chargé d’implémenter les décisions de l’administration centrale sur le territoire de compétence. Toute chose que Odilon Barrot considère comme « le même marteau qui frappe mais on en a raccourci le manche », même si les discours étatiques parlent très souvent de décentralisation. Et cela démontre également à posteriori, l’application des décisions de l’administration centrale et jamais rien au-delà ou en dehors. Alors toute décision prise par la CUD est en accord conforme avec le point de vue de l’administration centrale.
La DRTL
Les logiques d’actions de la DRTL tournent autour de l’aspect technique principalement et éducative. Elles sont liées aux missions qui sont les leurs selon l’article 71 du Décret N°2012/291 du 21 Juin 2012 Portant organisation du Ministère du Tourisme et des Loisirs.
76 Un responsable de service de la CUD
La DRTL également est organe déconcentré du ministère du Tourisme et des loisirs. On peut décliner cela en citant :
2.1- La logique administrative d’accompagnement et de contrôle touristique
La DRTL accompagne les établissements touristiques dans leurs œuvres et effectue un contrôle qualité et méthodique sur l’octroi des niveaux de standing selon que l’on est pour les hôtels 1 ; 2 ; 3 ou 4 étoiles, et pour les restaurants 1 ; 2 ; ou 3 fourchettes etc. ce contrôle qualité concerne aussi l’hygiène et la salubrité, mais aussi la sécurité.
Nous veillons à cela, parce que nous ne pouvons pas attribuer un standard à un hôtel lorsqu’il ne le mérite pas, il y’a des dossiers qu’il doit déposer et nous faisons des descentes sur le terrain pour vérifier si vraiment ce qu’il est en train de nous demander de lui octroyer est valable (…) Nous faisons beaucoup de descentes sur le terrain, il y’a le service de contrôle qui regarde la qualité, l’hygiène, la salubrité, la sécurité, il veille à ça…
De toutes les façons nous sommes à la tête du tourisme ici dans le littoral, donc nous coordonnons toutes les activités, et même la promotion nous coordonnons, parce qu’on ne peut pas aussi laisser libre cours à tout le monde. C’est qu’il y aura un désordre. Donc nous sommes là pour coordonner et canaliser la promotion
2.2- La logique administrative pédagogique
Le souci ici est de s’assurer de la bonne qualité de services. En s’assurant que les acteurs impliqués aient les acquis nécessaires, pour être à la hauteur des fournitures de services convenables aux attentes des touristes.
En fait il y’a d’abord les syndicats, des hôteliers, des agences et tout…ils s’organisent. Ici nous nous occupons beaucoup plus du domaine administratif et parfois nous organisons des rencontres avec tous ces acteurs du tourisme dont les agences, les hôteliers, les restaurateurs. On fait des séminaires de formation ici, nous organisons beaucoup de séminaires de formation (…) pour que le personnel soit aussi à la hauteur. Ce n’est pas seulement l’établissement qui compte, si le personnel n’est pas à la hauteur ils vont ramener l’établissement plus bas
2.3- La logique administrative de promotion
Il s’agit des outils et stratégies et actions de promotion choisis par la DRTL pour promouvoir dans l’ensemble le tourisme dans la Région du Littoral
Nous avons un site, nous avons des guides, des manuels que nous donnons souvent aux usagers, il y’a les dépliants que nous avons aussi. Nous faisons des séminaires pour promouvoir aussi. Nous prenons souvent des stands dans les foires, nous avons des foires qu’on organise jusqu’à l’international
2.4- La logique administrative de réhabilitation des sites touristiques
La DRTL a pour mission de réhabiliter les sites touristiques en travaillant à les aménager et en veillant à la qualité, l’hygiène, la sécurité. Mais aussi à la visibilité des sites concernés.
On est en train d’améliorer beaucoup de sites touristiques, on les rend plus attrayants dans la ville, il y’en a même déjà beaucoup. Et on veille aussi dans le maintien de la qualité de la chose touristique. C’est-à-dire par exemple dans les hôtels nous veillons à ce que les normes soient respectées, et nous voyons aussi l’hygiène et la sécurité (…) nous ce que nous faisons c’est l’aménagement des sites et on essaie de les rendre beaucoup visibles (…) dans le littoral il y’a les voies d’accès que nous sommes en train d’aménager par exemple à Ngog lituba présentement, on est en train de travailler aussi sur les chutes d’ekom nkam etc.
Les Agences de tourisme
3.1- La logique de type profession libérale
Elle est fondée sur la volonté de réaliser dans un environnement concurrentiel des prestations techniques et de services, et cela crée une dynamique singulière dans la pratique de ces agences de tourisme. Mais surtout, cela démontre une liberté praticienne de chacune d’entre elle de s’approprier de l’activité touristique de manière individuelle.
Pour SOFITOUL :
Quand je monte une excursion pour la ville de Douala, je m’assure que le matériel roulant que j’utilise est de très bonne qualité, je m’assure que je répertorie les sites d’un intérêt selon le thème que j’aurai choisi pour mon excursion. Par exemple pour les élèves de l’école primaire, eux ils sont beaucoup plus attirés par les manèges. On a essayé de créer des contrats avec des manèges de la ville de Douala.
Pour ATM :
Nous offrons le service client aux voyageurs par exemple « aviation tour », on facilite l’achat des tickets, on envoie les références par mail aux voyageurs et ils arrivent. On loue des bus pour leur transport, nous avons aussi des bus disponibles. Et donc nous faisons un programme d’activité que nous les soumettons à l’avance, dans lequel les activités se font étape par étape.
3.2- La logique pédagogique et éducative professionnelle
Elle est fondée sur la mise à jour des standards et du service lié au standard des établissements en fonction des observations sur le terrain et des retours des touristes. Il s’agit pour les agences de tourisme de partager des informations pratiques avec leurs différents partenaires, pour le bon déroulement du séjour des touristes. L’une des responsables d’agence nous expliquera que :
Le touriste dans sa tête a un dessin de trois étoiles chez lui, et quand il arrive ici votre trois étoiles c’est un, deux étoiles ; une étoile même en termes de standing, mais on dit trois étoiles, le service en chambre il est nul, le professionnalisme…donc vraiment il y’a beaucoup de choses à refaire vraiment pour que le touriste se sente à l’aise et vraiment pris en charge. Il flotte toujours une impression d’arnaque quelque part, vraiment il y’a une anarchie totale ; tout n’est pas canalisé, ce n’est pas centralisé, ce n’est pas ordonné. Et nous on lutte pour ça c’est vrai qu’il y’a des syndicats qui sont en train de se faire, par exemple le syndicat des guides touristiques pour essayer de laver un peu cette image-là, donc même si ce sont des guides qui ne sont pas formés, on essaie de leur donner le B-A-BA, même si c’est juste sur le tas, pour qu’ils puissent véritablement mieux se comporter quand les touristes sont là, pour qu’ils ne partent pas avec cette idée que le camerounais ne sait pas en termes d’accueil. Il faut créer des partenariats avec les différents propriétaires des sites-là, il faut même parfois les éduquer, parce que beaucoup même sont dans le métier comme commerçants et ils ne maitrisent pas vraiment la déontologie touristique, eux cherchent leur argent, maintenant nous on va vers eux, on les éduque. Et du coup à ce niveau-là s’ils font bien et que nos touristes sont satisfaits, ça veut dire qu’ils reviendront
3.3- La logique professionnelle de promotion
Il est question des outils, stratégies et actions de promotion choisis par les agences de tourisme pour promouvoir dans l’ensemble le tourisme dans Douala et sa Région
Pour SOFITOUL :
C’est vrai qu’on a des croquis touristiques, par exemple on a le « tourisme for all », vendre le Cameroun au camerounais (…) il y’a le balnéaire, on met un accent sur l’ouverture de la ville de Douala, le coté business (affaire) de la ville de Douala, et c’est vrai qu’en termes culturels c’est beaucoup plus pendant le Ngondo, en décembre on met un accent sur le culturel de Douala, dans le littoral on a les plages de yôyô (…) on met un peu les randonnées avec nos lacs, puisqu’il faut faire une randonnée pour arriver au niveau de Nkongsamba, on met aussi un intérêt particulier sur les chutes d’ekom nkam
3.4- La logique technologique de promotion
Les TIC étant les supports par excellence de la visibilité en contexte global, sont pleinement usés dans le cadre de la promotion du tourisme par les agences de tourisme. Ils sont au cœur même de leurs actions de communication et de promotion. Les TIC à partir de leur capacité à défier la distance physique des agences et de leurs cibles, constituent donc des outils stratégiques privilégiés de ces agences, pour la promotion du tourisme dans la région de Douala aux côtés des autres moyens de promotion. Les acteurs choisis dans le cadre de notre étude nous dirons d’ailleurs que :
ATM « We mostly use the internet; internet is the best way to do tourism…now we do flyers »
JUMIA TRAVEL
Internet aujourd’hui c’est l’outil par référence de ce que les gens appellent mondialisation (…) parce que quand on dit la mondialisation aujourd’hui c’est dire que tout le monde parle, tout le monde se côtoie, tout le monde peut discuter à travers une interface. Et la seule ou la première interface aujourd’hui pour le faire c’est internet. Vous êtes au Gabon vous parlez à un gars au Cameroun en un clic, vous êtes en Chine vous parlez à un gars au Gabon en un clic. (…) internet devient de plus en plus un outil qui va s’imposer
JULLY VOYAGE « nous avons trois pages Facebook à travers lesquels nous communiquons »
SOFITOUL
Nous communiquons beaucoup à travers les médias (…) internet aussi c’est un moyen de communication. Maintenant ce qui nous motive plus à choisir beaucoup plus les médias publics donc ça veut dire des spots au niveau des chaines de télévision, parce qu’on se dit ça va beaucoup plus loin, la portée est beaucoup plus étendue. Parce qu’avec peut-être un flyer, oui on le donnera mais ça restera juste au niveau de la personne. Mais avec peut-être un spot dans une chaine internationale on se dit ça aura une grande portée au niveau de l’international. Moi en tant qu’acteur je travaille beaucoup plus par mail, par téléphone, via Linkin oui parce que c’est aussi une plateforme où on retrouve beaucoup de professionnels, parfois par Facebook aussi
Après avoir présenté quelques logiques d’actions des différents acteurs suscités, nous essaierons d’expliciter les différentes logiques qui leurs sont propres et qui dictent leurs comportements dans l’organisation du tourisme dans la Région de Douala. Du fait de l’interdépendance qu’entretiennent les logiques d’action des logiques d’acteurs.
