Analyse : Impacts des Exportations Agricoles sur la Croissance Économique

SECTION II : PRESENTATION DES TRAVEAUX ANTERIEUR SUR LA RELATIONENTRELECOMMERCEEXTERIEURETLA CROISSANCE ECONOMIQUE

EFFETS DES EXPORTATIONS SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE

Plusieurs concepts et arguments théoriques ont été développés pour expliquer comment le commerce en général peut contribuer au développement économique d’un pays.

En effet, alors que la théorie du commerce extérieur mettait l’accent sur les conditions et les avantages de la spécialisation internationale, les théories mercantilistes, reprises par les keynésiens, s’intéressent essentiellement au rôle que peuvent jouer les exportations en tant qu’instrument de la politique économique, en particulier pour assurer le plein-emploi.

Pour le courant mercantiliste fonde le développement économique doit se baser sur l’enrichissement par le commerce (exportations de biens) et l’accumulation des métaux précieux au détriment des autres nations (fermer les frontières aux importations) alors que pour Keynes (1936), pour relancer une économie par la demande, l’exportation peut apparaître comme un moyen plus sûr de redynamiser la production, et en conséquence l’emploi en exportant le chômage.

Cependant des critiques sont apparues depuis l’époque du mercantilisme de la part des économistes classiques que sont Adam Smith et David Ricardo, qui prônent le libre- échange. En effet, Adam (1776) affirme qu’un pays doit se spécialiser dans la production

des biens, pour lesquels il bénéficie d’un avantage absolu, c’est-à-dire une efficience supérieure à celle d’un autre pays mesuré par un coût unitaire inférieur et exportant le surplus de ces biens produits afin d’accroître sa richesse, ce qui condamne un pays qui n’en dispose à acheter de l’étranger et à vivre en autarcie. C’est Ricardo (1817) qui lèvera cette contrainte dans sa théorie du commerce international en affirmant que pour bénéficier des gains à l’échange, un avantage absolu dans la production n’est pas nécessaire mais qu’un avantage comparatif suffit.

Hecksher (1919) et Ohlin (1933), ont prolongé l’approche ricardienne en énonçant que chaque pays participant au commerce international, se spécialise dans la production et l’exportation d’un bien qui utilise intensément un facteur dont il est relativement abondamment doté. La spécialisation stimule la compétitivité et favorise la réalisation des excédents commerciaux qui assurent le financement des importations des biens d’équipement, vecteurs de croissance et de la hausse des revenus, conformément à l’analyse libérale.

A cet effet, plusieurs autres contributions ont montré que l’abondance et/ou la dépendance aux produits de base et aux ressources naturelles ont un effet négatif sur le taux de croissance. L’un des cas connus est désigné par de nombreux auteurs par MDD ou « malédiction des matières » ou de maladie hollandaise assimilée au développement par essor des exportations de produits primaires.

La maladie hollandaise, peut empêcher la stimulation de la croissance économique par l’entrée massive de devises, pour les pays bénéficiant d’une forte hausse de leurs exportations de produits primaires.

La hausse des exportations de matières premières entraîne précisément, des élévations du taux de change réel et l’inflation. L’explication de ce paradoxe est qu’en favorisant l’accélération de l’inflation intérieure et en provoquant, de la sorte, la hausse du taux de change réel, la forte progression des exportations des produits primaires nuit également à la compétitivité et, dès lors, à la rentabilité des autres exportations.

Pour Deutsch et Ecksteind, (1961) une baisse des exportations peut réduire le taux de croissance économique ou l’accroître. Cette baisse peut s’expliquer par la « loi du commerce extérieur décroissant », selon laquelle, si le revenu d’un pays augmente au-delà d’un certain seuil, le commerce extérieur représente une proportion de plus en plus faible du revenu national, en raison de l’élasticité-revenu élevée de la demande de services qui sont moins commercialisables que les biens mobiles. Si la loi n’est pas établie il est difficile d’imaginer une croissance exponentielle d’une composante de revenu entraînant elle-même une croissance exponentielle du revenu.

De nombreuses études historiques et contemporaines ont été réalisées en vue de saisir le rôle des exportations sur la croissance économique. La littérature économique récente a apporté plus d’éclaircissement sur la relation entre les exportations et la croissance économique que la littérature historique.

L’analyse des travaux économétriques menés par Tamaschke en 1980 à propos des Etats de Victoria et des Nouvelles Galles du Sud montre que les exportations des produits agricoles contribuèrent de façon significative directement au PIB de ces deux Etats et de celui de l’Australie en général.

Au sens de la première condition de Kuznets on peut admettre que les exportations de produits agricoles constituent un secteur moteur (l’impulsion autonome et la contribution directe à la croissance). Ce rôle moteur n’est cependant évident que si on ajoute les effets indirects : les effets de liaison découlant des moyens de transport et des chemins de fer principalement.

Dans son étude sur le commerce extérieur et la croissance économique en France et en Grande-Bretagne, Kindle berger (1961) souligne que les exportations des produits agricoles peuvent stimuler la croissance ou la ralentir. Ce ralentissement peut provenir de la « loi du commerce extérieur décroissant ».

Abdelkader Sid (1988) montre que l’Egypte et le Chili n’ont pas pu bénéficier d’un développement harmonieux grâce à leurs avantages comparatifs en produits agricoles à l’expansion du secteur agricole (principalement le blé) pour le chili et pour l’Egypte (principalement le coton) contrairement au Costa Rica (principalement le café). Ces deux premiers pays ne sont pas arrivés à développer une industrie manufacturière efficace à cause de la faible qualification de la main d’œuvre, de la faiblesse des capitaux provenant des pays plus développés et une corruption accrue des dirigeants.

Examinant la relation de corrélation entre la croissance économique et les exportations, Michaely (1977) et Balassa (1978) ont utilisé à cet effet le coefficient de corrélation de rang de Spearman. En effet, pour un premier ensemble de pays « non- développés » sur la période 1950-1973, Michaely trouve un coefficient de 0.38, significatif au seuil de 1%. Pour un autre groupe de 23 pays à revenus (prix constants de 1972) supérieur à 300 $, il trouve un coefficient de 0.523, par contre pour les pays les moins développés de cet échantillon il trouve un coefficient quasi nul et conclut que la croissance économique d’un pays est impactée par les exportations qu’à partir d’un seuil de revenus.

S’inspirant des études antérieures [Michaely (1977) ; Balassa (1978) ; Tyler (1981)], Feder construisit deux fonctions de production, une pour le secteur d’exportation agricole et l’autre pour le secteur domestique pour tenir compte des externalités d’exportation pour un échantillon de 31 pays dont 19 sont définis comme pays semi-industrialisés et 22 marginalement semi industrialisés au sens de Chenery (1980) sur la période 1964-1973. Les résultats de son estimation en coupe transversale montrent que l’augmentation des exportations des produits agricoles agit positivement sur l’augmentation du PIB.

Il confirme le fait que la productivité des facteurs dans le secteur des exportations des produits agricoles est supérieure à celle du secteur domestique et que ce différentiel n’est dû qu’aux externalités. Mais RAM (1987) vérifie la robustesse et la fiabilité de cette estimation en coupe transversale. Il estime ce modèle en série temporelle et trouve que le modèle n’est stable ni dans le temps ni dans un groupe des pays.

Rodrigue (1987) étudiant 19 pays de l’OCDE (Allemagne de l’Ouest, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Autriche.), de 1966 à 1983, à partir des tests en coupe instantanée, affirme que la croissance des pays de l’OCDE semble avoir été stimulée de façon significative à la fois par le taux de croissance des exportations des produits agricoles et par celui des investissements.

En ce qui concerne la contribution des exportations agricoles en général, un accroissement d’un point de pourcentage dans leur croissance est associé à une expansion de 0.15 point de pourcentage dans la croissance du PIB. Ce résultat est comparable à ceux qu’a obtenus Balassa (1985) pour un groupe de 43 pays en voie de développement, pour lesquels chaque point de pourcentage de croissance dans les exportations est associé à 0.15-0.22 point de pourcentage d’accroissement dans le taux de croissance du PIB.

Wei (1993) utilise deux bases de données à un niveau urbain : la première comprend 434 villes pour la période 1988-1990, la seconde, 74 villes pour 1980-1990 pour analyser l’effet des exportations des produits agricoles sur la croissance des villes chinoises et l’effet de diffusion. Wei observe que leur croissance a été tirée par les exportations agricoles pendant la période 1980-1990 et par l’investissement étranger pendant la période 1988- 1990.

Erfani (1999) a examiné la relation entre la performance des exportations des produits agricoles et celle de la croissance économique entre 1965 et 1995 dans plusieurs pays d`Asie et d`Amérique Latine. Le résultat a montré une relation positive et significative entre ces deux variables. L‘étude a avancé aussi des hypothèses selon lesquelles l’exportation des produits agricoles va entraîner une croissance économique forte.

Pour Emery, 1967 ; Michaely, 1977 et Zamfir 2016 en Afrique subsaharienne. Ces auteurs ont fait une étude en Afrique centrale, australe, de l’ouest et de l’est ont démontré que les exportations des produits agricoles ont un effet négatif sur la croissance économique dans ces sous-régions.

Vohra (2001) a étudié la relation entre les exportations des produits agricoles et celle de la croissance économique pour l’Inde, le Pakistan, les Philippines, la Malaisie et la Thaïlande de 1973 à 1993. Le résultat a indiqué que l’exportation des produits agricoles a un impact significatif sur la croissance économique si un pays atteint un certain seuil de développement.

Lezona (2005) a tenté d’analyser l’impact des exportations des produits agricoles sur la croissance économique du Congo sur la période 1972-2002 à partir d’un modèle économétrique (modèle à correction d’erreur) qui prend en compte, aussi bien, les effets de court terme et de long terme. Les résultats obtenus de l’estimation révèlent que les exportations des produits ont une influence positive mais non significative sur la croissance économique.

De même, Subasat (2002) a analysé les liaisons empiriques entre l’exportation des produits agricoles et la croissance économique pour les pays en développement. L’analyse a montré que les pays plus orientés vers les exportations agricoles, comme les pays à revenu moyen voient leur croissance économique augmenté plus vite que les pays relativement faibles en termes d’exportation. L’étude a montré aussi que la promotion des exportations des produits agricoles n’entraine pas forcement des impacts significatifs sur la croissance économique, notamment dans les pays à faible revenu.

Akilou (2009) étudiant l’effet de l’instabilité des exportations des produits agricoles sur la croissance économique du Togo de 1960 à 2005, trouve qu’à court terme, les exportations ont un effet positif sur la croissance économique au seuil de 10%.

Samirina et Adamson (2013) ont examiné la relation entre exportations des produits agricoles et croissance économique au Madagascar. L’analyse économétrique sur la période sous-revue montre qu’un accroissement de l’exportation de 10% entraîne une croissance économique de 0.95%.

Plusieurs autres études ont été réalisées et ont prouvé que l’effet des produits agricole sur la croissance peut être négatif et que des pays comme le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, etc. exportateurs de produits agricoles ont pu être victimes du syndrome hollandais.

Cependant d’autres travaux empiriques récents ont relativisé les conclusions portant sur l’effet des exportations de produits agricoles sur la croissance économique. En effet, Mehlum et al. (2006), Snyder (2006), Brunnschweiler (2008) ont montré que l’effet des produits agricoles sur la croissance n’est pas forcément négatif, mais dépend de la qualité des institutions.

Ainsi, si les pays ont développé de bonnes institutions, la dépendance aux produits agricoles facilite la croissance économique. Par ailleurs, Stijns (2005), Brunnschweiler et Bulte (2009) et Lederman et Maloney (2008) suggèrent que les résultats de régression sur la croissance qui montrent un effet négatif des produits agricoles ne sont pas robustes aux changements de spécification du modèle et/ou à la définition de la dépendance aux produits agricoles.

Michaely (1977) a étudié la corrélation entre une variable de croissance des exportations des produits agricoles et une variable de croissance des revenus. L’objectif de ce type d’étude était de montrer la supériorité en termes de croissance d’une politique de promotion des exportations des produits par rapport à une politique de substitution des importations des produits agricoles. Ainsi, à partir d’un échantillon de 41 pays en développement pour la période (1950-1973), Michaely (1977) trouve un coefficient de corrélation de Spearman de 0,38 significatif à 1% entre le taux de croissance de la part des exportations des produits agricoles dans le produit national brut (PNB) et le taux de croissance du PNB par tête.

Toujours dans l’intérêt de souligner l’importance des exportations des produits agricoles dans le processus de la croissance, Honoré Lezona (2005) a fait une étude pour analyser l’impact des exportations des produits agricoles sur la croissance économique sur la période 1972-2002 au Congo. Cette étude prend en compte les principales réformes économiques et sectorielles entreprises au Congo Brazzaville.

Il a ainsi été amené à mettre en relief les facteurs favorables de la croissance économique, par le biais des exportations des produits agricoles, et notamment, à déceler les obstacles qui freinent cette croissance.

En ce qui concerne la méthode d’analyse utilisée, elle consiste à estimer un modèle de croissance qui fait recours à la fois, à la théorie du commerce international et à une fonction de production. Six variables (PIB par tête, formation brute du capital fixe, termes de l’échange, exportations pétrolières, exportations agricoles et instabilité politique) ont été utilisées dans ce modèle économétrique (modèle à correction d’erreur) qui prend en compte, aussi bien, les effets de court terme et de long terme.

Les résultats obtenus de l’estimation révèlent que les exportations pétrolières et les exportations agricoles ont une influence positive mais non significative sur la croissance économique. Par contre, l’instabilité politique pèse négativement sur les performances économiques. Seynabou Diallo (2001) avait observé des résultats similaires en faisant une étude intitulée « Exportation et croissance économique au Sénégal : Une analyse empirique ».

De l’ensemble de ce qui précède nous pouvons retenir que les exportations des produits agricoles constituent une source importante de la croissance économique.

Par ailleurs, l’autre variable explicative de la croissance que je vais prendre en compte dans ce cadre reste les importations. Elle fera l’objet d’étude de la partie suivante

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Effet du commerce extérieur des produits agricoles sur la croissance économique au Cameroun
Université 🏫: Université de Maroua - Faculté des sciences économiques et de gestion
Auteur·trice·s 🎓:
ABOUBAKAR IBNOU OUSMAN OUMAR

ABOUBAKAR IBNOU OUSMAN OUMAR
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme de Master II
Titulaire d’une licence en Economie .
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