Le transport de stupéfiants : techniques, Uber et 3 modes

Le transport de stupéfiants : techniques, Uber et 3 modes

Les techniques utilisées pour favoriser le transport physique de stupéfiants

La première technique est le soudoiement, le fait d’arranger un acteur clé au passage d’un point d’entrée d’un territoire pour qu’il nous arrange à son tour.

Cela peut passer par des arrangements financiers, mais également par des arrangements liés aux drogues ou à des menaces.

Le soudoiement peut être utilisé à différentes échelles, en contrôle locaux par le biais de contact avec des membres de forces de l’ordre qui ont des informations bien avant les choufs qui ne voient que les mouvements physiques (« taupe » dans un commissariat qui informe des actions des forces de l’ordre en amont), anticipation encore plus importante si fuite d’informations.

Il peut également être utilisé lors de passage de point d’entrées (frontières, port, aéroport, gare, entreprises de transport routier…) où des acteurs peuvent favoriser le passage d’un véhicule ou d’un chargement (observation participante Rouen, 2015-2016-2020).

Principalement à motivation financière, les cibles sont généralement des opérateurs portuaires, aériens, des agents de contrôle, de transit, ou des entreprises de transport routier, par le biais d’un réseau déjà établi et régulier, dissimuler dans la masse de transport conventionnelle.

La dissimulation est la seconde technique va venir cacher, comme pour les nourrices, mais à différentes échelles propres au transport mais également aux personnes.

Comme pour les nourrices, il y a autant de caches qu’il y a d’objets. Il est possible physiquement de dissimuler des produits stupéfiants dans de nombreux objets et plusieurs pratiques sont assez récurrentes.

La dissimulation est très présente dans le monde des drogues et leur transport, à plusieurs échelles et en fonction des produits plusieurs types de dissimulation sont envisageables.

Pour suivre une échelle dégressive (du plus gros au plus petit en termes de taille d’objets et du plus éloigné de l’humain au plus proche), on peut parler de dissimulation dans les véhicules (dans le corps du véhicule), dans les conditionnements (dans le corps des conteneurs, palettes), dans les chargements (à chaque objet sa cache, cela peut être des objets de consommations, de l’électronique, de l’alimentaire, du mobilier…), mais également dans des animaux (vivants), des vêtements, des possessions (billets, portefeuille, clés), sur le corps humain et dans le corps humain :

« C’était caché dans leur voiture, leur petit camion ou même leur 40 tonnes quoi, double-fond de la boîte à gant, sous la voiture, derrière le poste, dans les portières, dans le réservoir avec un petit fil de fer, les gars ils sont créatifs quand il faut cacher des stups, t’en a même qui se la calait dans le cul carrément » (Entretien Veris, décembre 2021).

Une des premières méthodes est la dissimulation dans les véhicules.

Il est possible (et commun) de dissimuler des drogues dans les roues de secours, dans les portières, dans le volant, derrière les boîtes à gants, derrière les postes radios, sous ou dans les sièges, dans le réservoir, sous le capot, dans le liquide lave glace, sous le véhicule… autant de caches que d’imagination.

Les méthodes de dissimulation à l’intérieur des véhicules est utilisée notamment pour le passage de frontières ou de points de rugosité importants.

Schéma 10 : Représentation schématisée des dissimulations possibles sur une voiture, conception Julien Magana, 2022

Représentation schématisée des dissimulations possibles sur une voiture, conception Julien Magana, 2022

Pour la dissimulation dans les conditionnements lors de transport, cela peut être dans les parois des conteneurs, dans les pieds de palettes, au milieu de couches de film sur les palettes, dans des GRV1 , dans des barils, à l’intérieur de pots (peinture, solvants, produits chimiques…) …

Schéma 11 : Représentation schématisée des dissimulations possibles sur des conditionnements, conception Julien Magana, 2022

Représentation schématisée des dissimulations possibles sur des conditionnements, conception Julien Magana, 2022

La dissimulation dans les chargements serait trop longue à établir et ne serait jamais exhaustive tellement les possibilités de dissimulation sont nombreuses.

De tissage de corde autour de tresses de cocaïne à la dissimulation de boules de résine de cannabis dans des emballages de tomates, il existe pour chaque objet un détournement réalisable pour transporter des stupéfiants.

La dissimulation dans des animaux vivant sur des navires bétaillers est une méthode permettant le transport de produits stupéfiants à grande distance, elle peut également être utilisée dans des zones rurales pour le transfert à plus faible distance voir même pour le passage de frontière avec des camions transportant du bétail.

Ces types de transport faisant l’objet de moins de contrôles car présentant un aspect moins suspect (Gendarmerie Neufchâtel-En-Bray, 2022).

Schéma 12 : Schéma des dissimulations possibles dans un animal, conception Julien Magana, 2022

Schéma des dissimulations possibles dans un animal, conception Julien Magana, 2022

1 Grand Recipient Vrac

Les vêtements permettent la dissimulation de produits stupéfiants à une échelle réduite, ces méthodes étant utilisées pour la transmission de produits vers des consommateurs finaux ou pour dissimuler des stupéfiants lors d’un transport local à faible quantité (livraison par exemple ).

Observation participante :

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Il était commun lors de mes livraisons d’avoir des petites quantités dans mes sous-vêtements ou dans mes chaussettes/chaussures (en fonction du produit transporté). (Observation participante Rouen, Alençon, Vesoul 2015-2020).

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De la plus simple en dissimulant dans ces poches aux plus compliquées en collant à l’élastique des sous-vêtements, il y a encore une fois un nombre important de méthodes.

Les plus connues et utilisées étant celles citées avec également la possibilité d’avoir des trous dans les dossiers de sac à dos créant un double-fond (même chose pour les sacoches, bananes, sacs à mains, vestes, manteaux), de placer des faibles quantités sous la voute du pieds entre 2 paires de chaussettes fines, sous les semelles de chaussures dans une petite partie découpée au préalable et modulable.

Schéma 13 : Schéma des dissimulations possibles dans un sous-vêtement, conception Julien Magana, 2022

Schéma des dissimulations possibles dans un sous-vêtement, conception Julien Magana, 2022

La dissimulation dans les possessions est principalement dédiée au transport de très faibles quantités et dans des conditions très particulières, une méthode employée et celle lors de l’utilisation du mode aérien, lors du contrôle de sécurité, les contrôleurs ne touchent pas les billets, il est alors possible d’enrouler de petites quantités de stupéfiants dans les billets et les tenir à la main ou les garder sur soi.

D’autres dissimulations dans les possessions sont plus simples, avec la dissimulation dans les coques de clés de voitures, ou encore dans par la méthode de trous précédemment évoquée pour les vêtements dans les portes-feuilles (observation participante Rouen, 2020).

Sur le corps humain, il est également possible de dissimuler des stupéfiants, notamment sur les aisselles avec un sparadrap, sous la voute du pied ou au niveau des parties intimes car lors d’un contrôle et uniquement en la présence d’un officier de police judiciaire une palpation sera effectuée mais légère (zone étant sensible).

Il est alors possible pour les hommes de dissimuler de faibles quantités de stupéfiants entre le scrotum et le pénis, une zone ou il est possible de placer une faible quantité de stupéfiants qui ne seront pas détectées lors d’une palpation.

Schéma 14 / 15 : Schéma des dissimulations possibles sur le corps, conception Julien Magana, 2022

Schéma des dissimulations possibles sur le corps, conception Julien Magana, 2022Schéma des dissimulations possibles sur le corps, conception Julien Magana, 2022

Dans le corps humain, la dissimulation de drogues est possible.

Que ce soit dans l’estomac par ingestion de « boulettes » de cocaïne, de cannabis (appelées « olivettes ») ou d’héroïne (pratique moins commune pour l’ecstasy) ou dans le rectum et le vagin par introduction de boulettes, de « cylindres », de sachets plastifiés voir même de préservatifs contenant des stupéfiants.

Cette technique s’appelle le coffrage dans le cas de l’utilisation du rectum comme partie dissimulatrice.

Elle permet le passage de drogues à différentes échelles, que ce soit locale (transfert d’un terrain à l’autre, lors d’achat de quantité importante, accès à un festival…) ou internationale (passage de frontière terrestre, transport aérien de passagers appelés « mules » …).

Cela fait donc appel à une autre fonction support du transport de drogues que sont les mules, des personnes chargées de stupéfiants, réalisant des connexions entre plusieurs axes.

Schéma 16 / 17 : Schéma des dissimulations possibles dans le corps humain, conception Julien Magana, 2022

Schéma des dissimulations possibles dans le corps humain, conception Julien Magana, 2022Schéma des dissimulations possibles dans le corps humain, conception Julien Magana, 2022

Un exemple de dissimulation : Uber shit (dissimulation en livreur Uber Eats classique)

Lors du confinement de mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 , il était difficile de livrer des stupéfiants ainsi que de se rendre dans des fours pour s’en procurer (limitations de déplacements personnels et difficile de justifier l’achat de stupéfiants comme des produits de première nécessité).

Un autre flux a évolué pendant les confinements, il s’agit du flux de livraisons de repas à domicile par les plateformes Uber Eats, Deliveroo etc…

Il y a eu donc de nombreux dealers mobiles qui ont achetés des sacs de livraison Uber Eats, parfois même des tenues (Deliveroo et tenue bleu clair par exemple) pour uniquement livrer des stupéfiants et donc justifier le fait d’être en déplacement constant en zone urbaine (observation participante Rouen, 2020).

Cette méthode venait donc à se fondre dans la masse des livreurs présents, pour faciliter le transport urbain de produits stupéfiants lorsque les contrôles étaient élevés et les mobilités plus compliquées.

Cette méthode est jusqu’aujourd’hui encore utilisée par certains dealers mobiles, en activité pleine (uniquement livraison de stupéfiants) ou en complément de réelle activité de livraisons de repas à domicile (Groupe de parole de Rouen du 12 septembre 2021).

Photographie 1 : Sac de livraison Uber Eats et veste livreur Deliveroo, prise par Julien Magana le 10/04/2022

Sac de livraison Uber Eats et veste livreur Deliveroo, prise par Julien Magana le 10042022

Les grandes idées se dégageant de la description de ces méthodes sont que la dissimulation est une part importante du trafic de stupéfiants que ce soit pour le stockage, le transport ou la distribution, c’est un milieu créatif avec des acteurs qui trouvent des solutions pour s’adapter aux restrictions quelles soit légales ou autres (restrictions de mobilité des confinements à la suite du Covid-19).

Maintenant la description des fonctions et des techniques supports au flux physiques établie, il est possible de décrire les différentes méthodes de transport et de vente employées.

Il sera alors possible d’avoir une idée précise du fonctionnement de la distribution avec les méthodes utilisées ainsi que les canaux existants et de l’adaptation aux méthodes restrictives.

Les différentes méthodes de transport de stupéfiants et de ventes utilisées dans le trafic de drogues

On dénombre 3 grands modes de transports dans le trafic de stupéfiants :

  1. le go-fast maritime,
  2. le go-fast routier et
  3. le go-slow routier.

Une des méthodes de transport employée pour le trafic de stupéfiants est le go-fast.

Cette méthode vise à réduire le temps d’itinéraire et donc de réduire le risque (facteur engendrant du risque comme décris sur l’équation de calcul de risque sur un itinéraire).

Le go-fast maritime

Elle peut être maritime ou routière, dans le cas d’un go-fast maritime, les bateaux utilisés sont des semi-rigides puissants (1000 chevaux), la méthode consiste à faire partir plusieurs bateaux du même point et qui arrive à des points différents, créant donc des leurres et couvrant le bateau qui est réellement chargé en stupéfiants.

Ces méthodes sont utilisées entre le Maroc et l’Espagne pour le transport de drogues, avec 10 kilomètres de distance environ entre les 2 pays, les connexions se font de manière rapide, principalement de nuit, vers des plages de la pointe sud de l’Espagne, où les produits sont récupérés et éclatés ensuite vers plusieurs hubs : « généralement c’est produit au Maroc, après ça tape un bateau pour aller sur les côtes Sud de l’Espagne, genre Malaga, La Linea de la concept etc etc…

Après, une fois arrivé là-bas sur les plages de nuit, t’as des voitures qui viennent récupérer les valises, et ça part après dans des appartements, où la t’as les « transporteurs » en gros, qui viennent dans la foulée récupérer le shit pour le remonter » ((Entretien K’nix, décembre 2021).

Les produits vont ensuite être éclatés entre plusieurs hubs et ensuite remontés vers les marchés de consommations français, les produits sont également transportés avec des go-fast, routier cette fois-ci.

Le go-fast routier

Présentant des codes similaires aux go-fast maritimes, le go-fast routier implique plusieurs voitures, une ouvreuse, une porteuse et parfois également une suiveuse, avec entre 10 et 20 kilomètres de distance entre chaque voiture.

Les voitures sélectionnées étant donc assez puissante pour pouvoir s’échapper en cas de problèmes et également pour réduire le facteur temps lors de l’itinéraire, « Ce que je fais en gros c’est que j’adapte la manière que je conduis, pour pas être super cramé dans des endroits où ça sert à rien de faire le fou pour rien, en gros, en ville, je conduis normal, je respecte tout, ensuite c’est que sur l’autoroute que je bombarde, quand c’est tout droit c’est là qu’il faut gratter des minutes » (Entretien Ycharon, décembre 2021).

Les points les plus dangereux sont les sorties et entrée de villes, les péages, les frontières et les stations-services lors de mise de carburant dans les véhicules « les points les plus sensibles généralement c’est dans les villes ou aux entrées de villes, après t’as les points classiques de contrôle, frontière, péages, parfois même dans des points où le trafic se ralenti tu vois, genre des ronds-points, des entrées de villages dans les campagnes avec les gendarmes etc… » (Entretien Ycharon, décembre 2021).

Le go-slow routier

Une autre méthode est employée pour le transport de stupéfiants que ce soit à longue distance ou à mi voir courte distance, est le go-slow routier.

A l’inverse du go-fast, le go-slow va suivre des méthodes similaires à celles de la dissimulation, en essayant de se fondre dans la masse, c’est-à-dire pas de véhicule très puissant, acheté en règle.

Une ouvreuse discrète également à distance entre 10 et 20 kilomètres en cas de contrôles pour avertir la porteuse et donc quelle s’arrête ou emprunte un itinéraire alternatif.

Souvent avec des horaires bien suivis pour les connexions entre l’Espagne et la France avec un passage de la frontière en début de soirée et la route en France faite de nuit, « on conduit tranquille, tout bien, clignotant, 130 voie de gauche, on attire pas l’attention quoi, surtout quand t’es chargé. » (Entretien K’nix, décembre 2021).

Le produit est alors dissimulé dans la voiture qui elle-même essaie de se dissimuler dans le trafic classique.

Cette méthode est également utilisée pour les transits entre hubs en France, parfois même avec une dimension supplémentaire qui est le recours à des plateformes de covoiturage pour être moins suspect dans le véhicule et ne pas être seul.

Les autres méthodes de transports relèvent de la dissimulation déjà décrite, que ce soit dans le transport de marchandises ou de voyageurs (prendre le train en tant que passager avec une valise contenant des stupéfiants ou envoyer un colis par le fret ferroviaire).

Des méthodes de transport qui approvisionne des points de ventes et autres dealers pour la vente finale à des consommateurs, ces différents vendeurs ayant des méthodes propres à chacun et s’adaptant aux situations et clients.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La logistique des stupéfiants : Zoom sur la distribution finale et le dernier kilomètre
Université 🏫: Sorbonne Université - Master TLTE
Auteur·trice·s 🎓:
Julien Magana

Julien Magana
Année de soutenance 📅: Travail de mémoire de Master (Transports, Logistiques, Territoires & Environnements) - Jun 2032
Student in second year of Master GAED specialized in Transport Logistics Territories and Environment . searching for an intersting PhD program that would meet my mindset and curiosity
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