Difficultés liées aux modes de gestion du spectacle à l’étranger

Difficultés liées aux modes de gestion du spectacle à l’étranger

3. Les difficultés constatées pour l’accueil des productions étrangères et les moyens d’y pallier

Même si l’accueil des spectacles étrangers est réel, il reste malgré tout modeste au regard du financement public et de l’action culturelle dans notre pays. Cela s’explique par divers obstacles que nous allons expliquer et pour lesquels nous tenterons d’obtenir des réponses.

3.1 Des difficultés liées aux modes de gestion du spectacle à l’étranger

Les principaux freins se posent en termes de modes de gestion du spectacle à l’étranger, trop éloignés des modalités françaises.

3.1.1 Des difficultés administratives

Les difficultés administratives ont été soulignées par certains théâtres, notamment en ce qui concerne la réglementation, peu connue, pour accueillir des artistes étrangers.

Alors même que la France est un territoire où la mobilité des artistes est forte, les règles de condition de séjour et de travail des étrangers présentent une particulière complexité, les conditions juridiques, administratives et sociales pouvant entraver l’accueil des artistes étrangers.

Même si la législation nationale a su évoluer face à l’arrivée massive d’artistes étrangers, notamment par la création de la carte de séjour temporaire « professions artistiques et culturelles », il n’en demeure pas moins que les entreprises de spectacles sont confrontées à des impasses parfois difficiles à résoudre et pouvant mettre en péril l’organisation d’une tournée et parfois leur propre survie.

Ces problèmes concernent la police des étrangers, le régime social des étrangers et enfin la fiscalité des artistes étrangers non résidents.

Il faudrait donc, pour pallier cette difficulté que les opérateurs culturels puissent avoir facilement recours à la formation.

D’ailleurs, en cette matière, des organismes comme le Prodiss1 s’efforcent d’avoir une action de proposition, de prévention et d’information des professionnels du secteur en vue du respect et de la simplification de la législation sociale et administrative.

3.1.2 Un manque de subventions pour l’exportation à l’étranger des spectacles des autres pays européens

Une autre difficulté non négligeable est celle de la carence des aides publiques ou privées pour l’exportation à l’étranger des spectacles des autres pays européens.

Sur le plan international, seuls des états comme la France (avec l’AFAA et le réseau culturel à l’étranger – voir ci-après, p. 61), le Royaume-Uni (avec le British Council), l’Allemagne (avec le Goethe Institut-Inter Nationes) et, dans une moindre mesure, l’Italie (avec le réseau des Instituts culturels italiens) disposent de véritable structure d’aide à la diffusion.

1 Syndicat National des Producteurs et Diffuseurs et Salles de Spectacles.

Plus récemment, et dans un objectif plus large, le gouvernement espagnol s’est doté d’outils de promotion à l’étranger : la nouvelle direction générale des relations culturelles internationales du Ministère de la Culture, l’Agence espagnole de coopération internationale, et l’Institut Cervantès, qui sont autant d’institutions issues de l’organisation administrative centrale favorisant le soutien et le développement de la langue et de ses spécificités culturelles dans les pays non hispaniques.

Mais dans les pays de l’Est plus précisément, les aides manquent cruellement pour s’exporter à l’étranger. Il convient cependant de noter que dans les pays où le modèle du théâtre de répertoire domine, il est plus facile  d’exporter les spectacles à l’étranger que dans leur propre pays, pour des raisons de disponibilité en particulier.

3.1.3 Une incompatibilité entre les théâtres de suite et les théâtres de répertoire

Les théâtres en France fonctionne en « suite », c’est-à-dire que les spectacles sont donnés soit ponctuellement, soit en série. Ce mode de fonctionnement, très ouvert à l’accueil de compagnies, est difficilement compatible avec les théâtres de répertoire, qui sont majoritaires en Allemagne, Europe centrale et orientale.

Les théâtres de répertoire se caractérisent par une troupe permanente qui joue un répertoire en alternance. La particularité de ce type de théâtre tient dans son fonctionnement autarcique : les tournées nationales ou internationales n’existent pas, ou peu.

Il est très difficile en effet de mobiliser une équipe artistique plus de trois ou quatre jours puisqu’ils jouent plusieurs spectacles dans le même temps.

Par ailleurs, le projet artistique est très différent de celui des théâtres de suite ; pour le théâtre de répertoire, c’est le texte qui prime et non le travail du

metteur en scène, il n’y a pas la tradition du metteur en scène dans les théâtres de répertoire. Comme l’explique Eric Bart, l’Odéon a beaucoup de mal à collaborer avec les théâtres germaniques ou d’Europe orientale : « les théâtres de répertoire se passent les jeunes metteurs en scène, ils ont des acteurs permanents. Nous ne sommes pas dans ce spectre-là.

C’est cela qui s’oppose beaucoup aux collaborations (…) Les théâtres de répertoire ont de la peine à bouger leurs spectacles : quand il y a 17 acteurs qui jouent en alterné, pour faire une série de douze jours, c’est presque impossible, c’est pour ça que parfois j’ai de la peine sur des spectacles étrangers à faire des longues séries ; parce que c’est un théâtre de répertoire, que les acteurs sont pris dans d’autres productions, qu’ils peuvent venir jouer trois fois mais pas dix…1 ».

Cela pose donc un problème de coût ; il est plus rentable de faire venir un spectacle sur dix représentations que sur trois.

Force est de constater que les théâtres de répertoire commencent à être dénigrés par les professionnels extérieurs à l’institution, comme l’explique Robert Lacombe : « Ces institutions sont perçues comme étant le terreau d’une certaine médiocrité, d’une routine nuisible à la qualité artistique.

1Entretien du 5 juillet 2005, op. cit.

Ces professionnels reprochent également aux compagnies de répertoire d’être devenues des usines de production où la planification complexe est plus importante que le processus artistique lui-même ; les pesanteurs administratives, conséquences d’une organisation sclérosée, induiraient un rendement artistique souvent déficient1 ».

En effet, ce fonctionnement en vase clos et replié sur soi-même conduit en réalité chacun à ressembler beaucoup à son voisin.

La crise financière que connaît actuellement le théâtre allemand de répertoire a cependant une conséquence positive puisque les théâtres commencent à se préoccuper davantage de la présentation de leurs spectacles à l’extérieur et de l’organisation de tournées à l’étranger.

Difficultés liées aux modes de gestion du spectacle à l’étranger

3.1.4 Un manque d’initiatives concernant les coproductions

La différence de fonctionnement entre les théâtres de suite et les théâtres de répertoire limite également la mise en place de coproductions.

Rares sont les directeurs de théâtres de répertoires qui se lancent dans la coproduction avec des institutions théâtrales françaises.

Si l’on prend l’exemple de l’Allemagne, seuls trois théâtres, atypiques dans le modèle allemand, entretiennent en 2004 des relations avec les institutions théâtrales françaises2 :

  • Le théâtre Remscheid dont la directrice Helga Müller-Serre accueille et coproduit régulièrement des spectacles français,
  • Le Schauspiel de Francfort, qui possède un ensemble permanent, mais dont l’intendante, Elisabeth Schweeger est la seule à monter des coproductions, notamment avec le TNS ;
  • et la Schaubühne à Berlin codirigée par le metteur en scène Thomas Ostermeier et la chorégraphe Sasha Waltz, qui accueille des chorégraphes français et étrangers et a établi une relation de partenariat avec le théâtre de la Colline.

Le manque de moyens financiers est le principal frein à la coproduction avec les institutions françaises, comme l’explique Eric Bart :

On a fait une coproduction avec le spectacle de Heiner Goebbels, c’est une forme de collaboration. Mais dans les coproductions, il n’y a pas un spectacle qui se ressemble. A chaque fois ça change… Presque tous nos spectacles sont coproduits, on est obligés.

Mais vous savez, les théâtres qui sont capable de mettre 150 à 200 000 francs de coproduction, il y en a dix en Europe ! Ce n’est pas que les théâtres de répertoire ne peuvent pas mettre autant d’argent que nous mettons dans les spectacles, ils coûtent trois fois plus cher que nous, mais ils ont cent acteurs en permanence et ils ne peuvent pas mettre autant que nous mettons par exemple pour le décor du Roi Lear qui va coûter 200 000 €, c’est un peu un contresens.

On ne joue pas de la même manière quand on joue tous les soirs une pièce différente que quand on joue tous les soirs Hedda Gabler.

On est dans le flux continu, c’est une autre énergie, une autre façon de travailler et c’est aussi une autre façon de coproduire1.

Les différents modes de fonctionnement des théâtres s’opposent donc à certaines coproductions.

1 Robert LACOMBE, Le Spectacle vivant en Europe, op. cit., p.87.
2 D’après les informations de Robert Lacombe, op. cit.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université de Bretagne Occidentale  - UFR Lettres et sciences humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Sabrina PASQUIER

Sabrina PASQUIER
Année de soutenance 📅: Master 2 Management du spectacle vivant - Septembre 2006
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