Analyse des interrogations à Qu multiple

Analyse des interrogations à Qu multiple

4.3 Analyse des interrogations à Qu multiple

Il sera question pour nous ici de parler des questions à Qu multiple ; c’est-à-dire des interrogations qui ont plusieurs syntagmes Qu. Pour cela, nous allons analyser les différents déplacements des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple.

Pour se faire, nous allons nous appuyer sur la contrainte de supériorité, Attract Closest Principle et la contrainte sur les dépendances emboîtées.

La contrainte de supériorité (superiority condition) stipule que dans une interrogation à Qu multiple, le syntagme Qu en position basse29 ne peut pas se déplacer avant le syntagme Qu en position haute30.

Considérons les phrases suivantes :

image15

Dans les phrases (38a) et (39a) , nous avons à faire à des interrogations averbales à Qu multiple. Dans (38a) et (39a) nous avons les syntagmes Qu en position haute qui sont wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) et le syntagme Qu en position basse qui est já (où) dans toutes les deux phrases.

Nous constatons que la contrainte de supériorité est respectée dans cette interrogation. Ceci parce que les syntagmes Qu en position haute wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) se déplacent avant le syntagme Qu en position basse já (où) .

Contrairement aux phrases (38a) et (39a) qui sont grammaticales, nous constatons que les phrases (38b) et (39b) ne le sont pas.

L’agrammaticalité de (38b) et (39b) s’explique par le fait que la contrainte de supériorité n’est pas respectée ici car en (38b) , le syntagme Qu en position basse já (où) s’est déplacé avant le syntagme Qu en position haute wǒ (qui) , et já (où) s’est déplacé avant kχə̀ (quoi) en (39b) .

29 Les syntagmes Qu en position basse sont les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels. En Shupamem, les syntagmes Qu en position basse sont : já (où) , fɨ́ʔnɛ̀ (quand) et mɨ́ŋgàkχə̀ (pourquoi) .
30 Dans une interrogation à Qu multiple, les syntagmes Qu en position haute sont les arguments. En Shupamem, les syntagmes Qu en position haute sont wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) .

Selon Bayer (2004) , dans une question à Qu multiple, la trace du syntagme Qu en position initiale doit c-commander le syntagme Qu in-situ. C’est ce que nous montre l’exemple anglais ci-dessous :

(40) [[Comp whatj whoi] ti read tj]
(Strik 2004:92) , ex. 148) ) Pesetsky 1987: 100) , ex.6) )

‘Attract Closest Principle’, ce principe syntaxique stipule que dans une interrogation à Qu multiple, « a head which attracts a given kind of constituent attracts the closest constituent of the relevant kind »31 (Radford 2006: 136)

En fait, cela revient à dire que dans une interrogation à Qu multiple, c’est le syntagme Qu qui est en position haute qui doit se déplacer en premier lieu ; or comme nous l’avons dit un peu plus haut, il y a deux syntagmes Qu qui sont en position haute.

Il s’agit des arguments wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) . Ceci veut dire que ce sont ces deux arguments qui doivent se placer avant les adjoints référentiels et les adjoints non référentiels. Les exemples (38a) et (39a) illustrent très bien ce que nous venons d’expliquer.

Nous devons aussi noter que même dans les interrogations à Qu multiple avec focalisation d’un syntagme Qu, ce sont toujours les syntagmes Qu en position haute qui se déplacent avant les syntagmes Qu en position basse (adjoints référentiels et adjoints non référentiels) . C’est ce qu’illustrent les exemples suivants :

(41) a. á ø–ŋgwón wǒ já nə̀ ? c’est PRS- partir qui où M Int
« Qui part où ? »
b. á wǒ juó í ø–ŋgwón jà nə̀? c’est qui que 3sg PRS- partir où M Int
« C’est qui qui part où ? »
*c. á já juó ø–ŋgwón wǒ nə̀ ? c’est quoi que PRS- partir qui M Int
« C’est où qui part ? »

Nous pouvons observer que dans la phrase (41a) , nous avons deux syntagmes Qu qui se trouvent en fin de phrase ; il s’agit de wǒ (qui) et já (où) .

Dans la phrase (41b) , wǒ (qui) est focalisé et nous avons une phrase grammaticale. Mais (41c) est agrammaticale parce que c’est já (où) , syntagme en position basse qui est focalisé au lieu de wǒ (qui) , syntagme en position haute.

La Contrainte sur les Dépendances Emboîtées (Nested Dependency Condition) stipule que si deux dépendances de trace Qu se chevauchent, l’une doit contenir l’autre. L’exemple (50) ci-dessous nous illustre cette contrainte.

31 Une tête qui attire un constituant donné attire le constituant du même genre le plus proche.

(42) a Whoi did you persuade ti to read what? qui.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF de lire.INF quoi.Wh
« Qui as-tu convaincu de lire quoi ? »
*b ??Whatj did you persuade who(m) to read tj ? que.Wh faire.PRET.2sg tu.NOM convaincre.INF qui.Wh de lire.INF
« Qu’as-tu convaincu à qui de lire ? »
(Strik 2004 : 93, ex. 151a&b) Pesetsky 1987 : 104, ex. 20) )

Strik (2004) estime que la phrase (42a) est grammaticale alors que la phrase (42b) ne l’est pas, cela s’explique par le fait que dans (42a) , le déplacement de who est emboîté dans le déplacement de what, alors que dans (42b) les deux déplacements se croisent.

Il continue en disant que (42a) est jugé meilleur que (42b) . Cela s’explique si on prend en considération la représentation de ces questions en FL. Par hypothèse, la représentation en FL de (42a) et (42b) correspond aux structures suivantes :

image16

La Contrainte sur les Dépendances Emboîtées vient confirmée l’hypothèse selon laquelle le syntagme Qu en position haute se déplace toujours avant les syntagmes Qu en position basse.

4.3.1Distribution des syntagmes Qu en Shupamem

Pour savoir la distribution des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple nous allons analyser les interrogations ayant plusieurs syntagmes Qu.

Soient les phrases suivantes :

(44) a. mɔ̀n kàpî – táʔ kχə̀ fɨʔnɛ̀ mɨŋgákχə̀ nə̀ ? enfant P4 vouloir quoi quand pourquoi M Int
« L’enfant voulait quoi quand et pourquoi ? »
*b. wǒ kàpí– táʔ kχə̀ fɨʔnɛ́ mɨŋǵakχə̀ nə̀? qui P4-vouloir quoi quand pourquoi M Int
« Qui voulait quoi quand et pourquoi ? »

Nous constatons que dans la phrase (44a) , l’argument wǒ est focalisé. C’est pour cette raison qu’il se trouve à la périphérie gauche.

La phrase (44b) est agrammaticale parce que wǒ (qui) se trouve à la périphérie gauche de la phrase interrogative. Or, pour que le syntagme wǒ (qui) soit en initial de phrase, il faut que ce syntagme soit focalisé ou que nous ayons à faire à une interrogation averbale.

La phrase (44a) nous permet d’identifier l’ordre des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple. L’ordre des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple est le suivant :

Argument + Adjoints référentiels +Adjoints non référentiels

Si cet ordre n’est pas respecté, la phrase sera agrammaticale. Nous allons représenter la phrase (44a) sur un arbre.
0.la structure de la phrase interrogative en shupamem197203

L’arbre (45) ci-dessus représente la phrase (44a) . Cet arbre nous permet de voir les différents mouvements qui se sont opérés.

Conclusion

Dans ce chapitre, notre préoccupation était d’identifier les types d’interrogations en Shupamem, de parler de la distribution des constituants de la phrase interrogative, d’identifier et d’expliquer les différents mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en Shupamem.

Notre étude nous a révélé qu’il y a en Shupamem cinq (05) types d’interrogations à savoir : L’interrogation totale, l’interrogation partielle, l’interrogation alternative, l’interrogation rhétorique et enfin l’interrogation averbale. Lorsque le syntagme Qu n’est pas focalisé, il reste in-situ, alors que lorsqu’il est focalisé, il est ex-situ.

Mais aussi, nos données nous ont révélées que dans les interrogations averbales, le syntagme Qu est en position ex-situ sans être focalisé. Ces différentes analyses nous ont permis d’arriver à la conclusion selon laquelle le Shupamem est une langue à Qu in-situ et à Qu ex-situ.

Nous avons parlé des interrogations à Qu multiples qui sont en fait des phrases interrogatives comportant plusieurs mots Qu. Il était plus question pour nous de dire pourquoi dans une interrogation à Qu multiple les arguments doivent se déplacer avant les adjoints référentiels ou les adjoints non référentiels.

Nous avons pris appui sur la contrainte de supériorité pour dire que dans une interrogation à Qu multiple, le syntagme Qu en position basse ne peut pas se déplacer avant le syntagme Qu en position haute.

Or, nous savons que le syntagme Qu en position basse renvoie aux adjoints référentiels et aux adjoints non référentiels. Alors que le syntagme Qu en position haute désigne les arguments.

C’est pourquoi dans une interrogation à Qu multiple qui contient un argument et un adjoint référentiel ou un adjoint non référentiel, l’adjoint référentiel ou l’adjoint non référentiel ne peut pas se déplacer avant l’argument.

Pour finir, nous avons parlé de la distribution des syntagmes Qu dans une interrogation à Qu multiple.

En nous appuyant sur la contrainte de supériorité, Attract Closest Principle et la contrainte sur les dépendances emboîtées, nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle l’ordre des syntagmes Qu dans les interrogations à Qu multiple est la suivante : Argument – Adjoints référentiels – Adjoints non référentiels

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La structure de la phrase interrogative en Shupamem
Université 🏫: Université de Yaoundé I - Faculté des arts, lettres et sciences humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Ernest NJIFON NGOUPAYOU

Ernest NJIFON NGOUPAYOU
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en Linguistique Générale - Juillet 2017
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