La cartographie de la périphérie gauche en Shupamem

La cartographie de la périphérie gauche en Shupamem

5.5 La cartographie de la périphérie gauche en Shupamem

Après avoir parlé de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation, il est maintenant question pour nous de donner la cartographie de la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, observons les phrases suivantes :

(56 ) a. a. mɔ̀n juó í nà twó -jùn mátwà nə̀ Ali Magba nə́ ø –twò.
enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Ali Magba Comp P1-venir
« L’enfant qui achètera la voiture à Ali à Magba est venu. » (Relativation)

b. á mɔ̀n juó í nà twó -jùn mátwà nə̀ Ali Magba nə́.
C’est enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Ali Magba Comp
« C’est l’enfant qui achètera la voiture à Ali à Magba. » (Focalisation)

c. nə̀ Ali, mɔ̀n juó í nà twó -jùn mátwà nì Magba nə́ ø –twò
à Ali enfant qui 3sg Accs F1-acheter voiture à Magba comp P1-venir
« À Ali, l’enfant qui lui achètera la voiture à Magba est venu. » (Topicalisation)

d. mɔ̀n juó, nə̀ Ali, á Magba ŋà, mátwà, í nà twó -jùn nì nə́ ø -twò.
enfant qui à Ali, c’est Magba où, voiture, 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir « L’enfant qui, à Ali, c’est à Magba où, la voiture, il l’achètera, est venu. » SForce > SRel > (STop1) >SFoc > (STop2)

*e. á Magba ŋà, mátwà, nə̀ Ali, mɔ̀n juó, í nà twó -jùn nì nə́ ø -twò.
C’est Magba où voiture à Ali enfant qui 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir
« C’est à Magba où, la voiture, à Ali il l’achètera, est venu. »
* SForce > SFoc > (STop1) > (STop2) >SRel

f. nə̀ Ali, mɔ̀n juó á Magba ŋà, mátwà, í nà twó -jùn nì nə́ ø -twò.
à Ali, enfant qui c’est Magba où voiture 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir
« À Ali, l’enfant qui c’est à Magba où, la voiture, il l’achètera, est venu. » SForce > (STop1) >SRel > SFoc> (STop2)

*g. nə̀ Ali, mátwà, mɔ̀n juó á Magba ŋà, í nà twó –jùn nì nə́ ø -twò.
à Ali, voiture enfant qui c’est Magba où 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir
« À Ali, la voiture, l’enfant qui c’est à Magba où, il achètera, est venu. »
*SForce > (STop1) > (STop2) >SRel > SFoc

*h. á Magba ŋà, mɔ̀n juó, mátwà, nə̀ Ali í nà twó -jùn nì nə́ ø -twò.
C’est Magba où enfant qui voiture à Ali 3sg Accs F1-acheter lui Comp P1-venir
« C’est à Magba où, l’enfant, la voiture, à Ali il achètera, est venu. »
* SForce > SFoc > SRel> (STop1) > (STop2)

Les phrases (58b, c, d, e et f) nous permettent d’identifier l’ordre des constituants de la périphérie gauche en Shupamem. En (58d) , nous avons focalisé mɔ̀n (enfant) . Alors qu’en (58c) , nə̀ Ali (à Ali) a été topicalisé.

La phrase (58d) contient un syntagme relativé mɔ̀n (enfant) , un syntagme topicalisé nə̀ Ali (à Ali) , un syntagme focalisé (Magba) et un autre syntagme focalisé mátwà (voiture) . Ce qui nous permet d’avoir la structure suivante :

  • SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)

(58f) contient deux constituants topicalisés nə̀ Ali (à Ali) et mátwà (voiture) , un constituant relativé mɔ̀n (enfant) et un constituant focalisé (Magba) . Ce qui nous donne la structure suivante :

  • SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

(58e) est agrammaticale parce que le syntagme de la relativation est précédé par le syntagme du focus. De même, (58g) est agrammaticale parce que les deux syntagmes du topique ainsi que le syntagme du focus précèdent tous le syntagme de la relativation. (58h) est agrammaticale parce que le syntagme du focus (SFoc) précède le syntagme de la relativation (SRel) ; en Shupamem, SFoc ne précède jamais SRel.

Après avoir analysé toutes ces phrases, nous constatons que la catégorie SC est constituée des projections suivantes : SForce, SFoc, STop et de SRel dans l’ordre suivant :

  • SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
  • SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

Il convient de noter que le syntagme du topique (STop) est la seule catégorie qui peut apparaître deux fois, les autres catégories ne pouvant apparaître qu’une fois.

L’arbre suivant représente la phrase (58d) . (59)

0.la structure de la phrase interrogative en shupamem240355

En (58d) mɔ̀n (enfant) a été relativé, c’est pour cette raison qu’il se déplace de [Spéc, SAccor] pour [Spéc, SRel] et sa trace est remplacée par i (3sg) . nə̀ Ali (à Ali) a été topicalisé, et pour cela, il s’est déplacé pour [Spéc, Stop].

Magba a été focalisé, c’est pourquoi il s’est déplacé pour [Spéc, SFoc]. Mátwà (voiture) a été topicalisé et pour cette raison, il occupe [Spéc, STop]. C’est après ces différents mouvements que nous avons la phrase (58d) .

Conclusion

Ce chapitre était consacré à la périphérie gauche en Shupamem. Pour cela, nous avons parlé de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation. Concernant la focalisation, nous avons découvert qu’en Shupamem, la focalisation se fait par clivage et par duplication verbale.

Nos données nous ont permis de découvrir que le sujet, le complément d’objet direct, le complément d’objet indirect, le verbe à l’infinitif et le complément circonstanciel peuvent être focalisés par clivage et ceci grâce à l’élément explétif « á » (c’est) en début de phrase. Alors que la focalisation des verbes conjugués se fait par duplication verbale.

En outre, les arguments wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) peuvent être focalisés alors que les adjoints réferéntiels já (où) et fɨ́ʔnɛ̀ (quand) ainsi que les adjoints non référentiels mɨ́ŋgàkχə̀ (pourquoi) et nɛ́ (comment) ne peuvent pas être focalisés.

Par ailleurs, la focalisation se fait de deux manieres differentes selon que nous ayons à focaliser le sujet, le complément l’objet direct, le complément d’objet indirect ou que nous ayons à focaliser le complément circonstanciel.

La focalisation du sujet, du complément d’objet direct et du complément d’objet indirect se fait de la manière suivante : « á + le constituant focalisé + juó …. nə́ », alors que la focalisation du complément circonstanciel de lieu se fait de la façon suivante : « á + le constituant focalisé + ŋà juó………. nə́ ».

Nous avons aussi parlé de la topicalisation et nous nous sommes rendu compte que nous pouvons topicaliser le sujet, le complément d’objet et le complément circonstanciel. En effet, la topicalisation se fait par le déplacement du complément d’objet, une pause et parfois par la reprise anaphorique du constituant disloqué. E

n outre, nous avons parlé de la relativation de manière générale. Pour cela, nous avons parlé de la relativation du sujet, du complément d’objet direct, du complément d’objet indirect et du complément circonstanciel.

Nous avons noté que dans le processus de la relativation, les constituants relativés (le complément d’objet direct, le complément d’objet indirect et le complément circonstanciel du temps) sont suivi de juó qui occupe la tête du syntagme de la relativation.

Nous avons découvert que la relativation du sujet, du complément d’objet direct, du complément indirect et du complément circonstanciel du temps est faite comme suit : « le constituant relativé + juó …. nə́ », alors que la relativation du complément circonstanciel de lieu se fait ainsi qu’il suit : « le constituant relativé + ŋà ….. nə́ ».

Pendant la relativation, le constituant relativé occupe le spécifieur du syntagme de la relativation et juó (qui/que) occupe la tête du syntagme de la relativation (SRel) .

Nous avons découvert que le complémenteur nə́ qui marque la fin des propositions relativées, occupe la projection Force qui est la plus haute projection et, c’est suite au déplacement de tout le syntagme de l’accord (SAccor) pour le spécifieur du syntagme de la force que nous avons la structure des phrases comportant des constituants relativés.

Pour finir, nous avons trouvé qu’en Shupamem, la projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, STop et de SRel suivant cet ordre :

  • SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
  • SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)

Conclusion Générale

Ce travail qui arrive à sa fin avait pour objectif général de parler de la formation des questions en Shupamem. Pour cela, nous nous sommes donné pour tâche d’identifier les marqueurs de l’interrogation, d’identifier les types d’interrogations, d’identifier les différentes places qu’occupent les marqueurs de l’interrogation dans une phrase interrogative et de parler de l’ordre des constituants dans une phrase interrogative.

Mais avant de continuer il convient de noter que toutes nos hypothèses ont été confirmées. Notre hypothèse générale a été confirmée : en Shupamem, l’interrogation se forme de deux façons : soit par l’utilisation du marqueur de l’interrogation ə̀, mə̀, nə̀ ou l’interrogateur oratoire ì ou nì en fin de phrase ou soit par l’utilisation du syntagme Qu et du marqueur de l’interrogation ə̀, mə̀, nə̀ ou l’interrogateur oratoire ì ou nì en fin de phrase.

Notre hypothèse secondaire n°1 a été confirmée : l’interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de l’interrogation ə̀, mə̀, nə̀ ou l’interrogateur oratoire ì ou ni.

Notre hypothèse secondaire n°2 a été confirmée : le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu’il est focalisé alors qu’il est in-situ lorsqu’il n’est pas focalisé.

En fin l’hypothèse secondaire n°3 a été aussi confirmée : le syntagme Qu est en initial de phrase dans les interrogations averbales.

Le chapitre 1 intitulé « Le peuple bamoun et le Shupamem » était un chapitre introductif. Il nous a permis de parler succinctement du peuple bamoun. Ce chapitre nous a aussi permis de parler du système consonantique et vocalique ainsi que de classes nominales, du verbe et de la négation dans cette langue.

Le chapitre 2 intitulé « Cadre théorique » avait pour but de parler de la théorie utilisée dans notre recherche.

Dans le chapitre 3 intitulé « Les marqueurs de l’interrogation en Shupamem », nous avons parlé des différents mots interrogatifs en Shupamem.

Nous avons découvert que l’interrogation est marquée en Shupamem par le marqueur de l’interrogation ə̀, mə̀, nə̀, ì, nì, les pronoms interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs.

Le chapitre quatre intitulé « Typologie des questions en Shupamem » nous a permis de parler de types de questions, de la distribution des constituants de la phrase interrogative et d’identifier les différents mouvements des constituants des phrases interrogatives.

Nous avons découvert qu’il existe en Shupamem cinq (05) types d’interrogations : L’interrogation totale (l’interrogation totale directe et l’interrogation totale indirecte) , l’interrogation partielle (l’interrogation partielle directe et l’interrogation partielle indirecte) , l’interrogation alternative, l’interrogation rhétorique et l’interrogation averbale.

Nous avons vu que l’interrogation totale porte sur toute la phrase interrogative et a pour réponse oui ou non. L’interrogation totale directe en Shupamem est marquée par ə̀, mə̀ ou nə̀ en fin de phrase.

Alors que l’interrogation totale indirecte est marquée par le verbe interrogatif (VI) , le complémenteur mì, la subordonnée interrogative et le marqueur de l’interrogation.

Parlant de l’interrogation partielle, nous avons vu que c’est une interrogation qui porte sur un constituant de la phrase ; elle est marquée en Shupamem par l’utilisation obligatoire du syntagme Qu et du marqueur de l’interrogation ə̀, mə̀ ou nə̀.

Alors que l’interrogation partielle indirecte est marquée en Shupamem par le verbe interrogatif (VI) , le complémenteur mì et la subordonnée interrogative (SI) qui contient un Syntagme Qu (SI) .

Concernant l’interrogation alternative nous avons vu que c’est une interrogation qui offre le choix entre deux réponses possibles ; la réponse pouvant être le syntagme nominal simple ou la phrase toute entière liée par la conjonction de coordination « kè ».

L’interrogation alternative est marquée par la conjonction de coordination kè (ou) qui sépare les deux entités sur lesquelles il faut choisir et le marqueur de l’interrogation en fin de phrase.

Nous avons dit concernant l’interrogation rhétorique que c’est une interrogation ou on n’attend pas de réponse car cette dernière est connue par celui qui la pose. Cette interrogation est caractérisée par le mot interrogatif (syntagme Qu) et le marqueur oratoire ì ou nì (Int or) .

Après, nous avons parlé de l’interrogation averbale et nous avons dit que c’est une interrogation qui ne contient pas de verbe, mais qui contient un sujet et un marqueur interrogatif.

Il est à noter que l’interrogation averbale sélectionne les mots interrogatifs suivants : les pronoms interrogatifs wǒ (qui) et kχə̀ (quoi) , l’adverbe interrogatif de lieu já (où) , l’adverbe interrogatif de quantité písχə̀ (combien) et l’adverbe interrogatif de prix bʉ́sχə̀ (combien) .

L’interrogation averbale est marquée par le mot interrogatif (syntagme Qu) en fonction sujet ou en fonction complément, l’absence du verbe et la présence du mot interrogatif (syntagme Qu) ainsi que le marqueur de l’interrogation.

Ce chapitre nous a permis de comprendre qu’en Shupamem, le syntagme Qu peut être in-situ ou en initial de phrase. Le syntagme Qu est in-situ lorsqu’il n’est pas focalisé. Alors que le syntagme Qu est en initial de phrase lorsqu’il est focalisé ou dans les interrogations averbales.

Le chapitre cinq intitulé « La périphérie gauche en Shupamem » constitue le dernier chapitre de notre travail. Ce chapitre nous a permis de parler de la focalisation, de la topicalisation et de la relativation.

Pendant la focalisation et la relativation du sujet, la trace du sujet est remplacée par le pronom résomptif, ceci se justifie par le fait que le Shupamem n’admet pas de position sujet vide.

Finalement, nous avons découvert que la projection SC est constituée des projections SForce, SFoc, STop et de SRel dans l’ordre suivant :

  • SForce > SRel > (STop1) > SFoc > (STop2)
  • SForce > (STop1) > SRel > SFoc > (STop2)
References

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La structure de la phrase interrogative en Shupamem
Université 🏫: Université de Yaoundé I - Faculté des arts, lettres et sciences humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Ernest NJIFON NGOUPAYOU

Ernest NJIFON NGOUPAYOU
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en Linguistique Générale - Juillet 2017
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