L’évolution de la dette externe haïtienne de 2000 à 2014

L’évolution de la dette externe d’Haïti de 2000 à 2014

Croissance économique et dette extérieure en Haïti –

Chapitre IV :

4.2. Evolution de la dette de 2000 à 2014

Le déficit budgétaire dépend de la supériorité des dépenses publiques (consommation et investissement) qui sont source de croissance dans une certaine mesure au dépend des recettes publiques.
Au cours de la période étudiée, Haïti a eu un niveau de déficit budgétaire d’environ 2 milliards de gourdes en moyenne par exercice fiscal. L’Etat déficitaire devant trouver des moyens de financement pour ces projets d’investissement, le recours à l’endettement devient donc inéluctable.
L’insuffisance des recettes pour pallier aux dépenses ont contribué à un accroissement de la dette externe haïtienne sur presque toute la période. Les données (graphe 3) permettent de mieux saisir l’importance du niveau de la dette externe dans le portefeuille national.
Graphe 4: Dette externe totale du secteur public (en millions de dollars EU)
La dette externe d’Haïti - Dette externe totale du secteur public (en millions de dollars EU)
Source : Service dette externe, Direction des affaires internationales, BRH
Durant toute la période la dette extérieure haïtienne n’a cessé d’augmenter sauf pour les années 2009,2010, 2011 où il y eu une forte diminution du stock de la dette due aux différents programmes d’annulation ou d’allègement de la dette par certains créanciers.
Cette tendance à la baisse ne fut observée sur une courte période, la pente montante reprit son cours où en Septembre de 2014 le total de la dette externe se sommait à environ 1.8 milliards de dollars EU. Le principal créancier d’Haïti à cette date est le Venezuela par rapport à l’accord Petrocaribe toujours en vigueur.
L’évolution de la dette externe d’Haïti de 2000 à 2014

4.2.1. Volume des emprunts bilatéraux et multilatéraux

La dette externe d’Haïti n’est pas détenue par un seul type de créancier, pays alliés et institutions financières ont octroyé des prêts au pays. Les principaux créanciers bilatéraux d’Haïti sont les Etats-Unis, la France, l’Espagne, la Chine, le Venezuela, l’Italie, le Canada. La banque mondiale à travers la BIRD/IDA, le FMI, la BID, la FIDA, l’OPEP sont les principaux multilatéraux.
Les statistiques nous montrent des fluctuations importantes au niveau de la répartition de chaque groupe de créanciers au fil des années. Il y a une prédominance de la dette multilatérale de 2000 à 2008 comparée à celle des bilatéraux, l’inverse fut observée de 2011 à 2015.
Graphe 5 : Part relative de la dette des principaux créanciers (en millions de dollars EU)
La dette externe haïtienne - Part relative de la dette des principaux créanciers (en millions de dollars EU)
Source : Service dette externe, Direction des affaires internationales, BRH
Au cours de l’année 2006, l’analyse de la soutenabilité de la dette externe d’Haïti menée par les deux institutions de Bretton Woods, conjointement avec les autorités haïtiennes, a révélé que le pays, sur la base des données de 2005, a été éligible au programme d’allègement de l’initiative de pays pauvres très endettés c’est l’un des principaux raisons de cette chute observée de 2009 à 2011.
L’annulation de la dette sur l’initiative PPTE renforcée est effectuée en deux étapes : 1) Lors du point de décision (2005) Haïti bénéficia d’une annulation de 63,17 millions de dollars EU dont 27% des créanciers bilatéraux et 73% des créanciers multilatéraux ; 2) Lors de son point d’achèvement (2009) le pays bénéficia de nouveau d’une annulation de 297,18 millions de dollars EU dont 87% pour les créanciers bilatéraux et 13% pour les multilatéraux.
A cette date, le pays sera admissible à de nouveaux allégements qui porteront sur un montant substantiel de l’encours de la dette envers des créanciers multilatéraux.
L’annulation au titre de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM) portera sur un montant approximatif d’un milliard de dollars ÉU et concerne principalement la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et la Banque Mondiale.
Le 12 Janvier 2010 un puissant séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter secoue Haïti. En seulement 35 secondes, la vie de millions d’Haïtiens bascule. Le PDNA évalue la valeur totale des dommages et des pertes causées par le séisme à 7,8 milliards de dollars, ce qui dépasse le PIB de 2009.
La valeur totale des besoins de reconstruction, quant à elle, s’élève à 11,5 milliards de dollars sur trois ans.
La catastrophe a provoqué un élan de générosité des peuples du monde entier, en dehors des différents dons et support humanitaire reçus, environ 1,24 milliards de dollars EU fut annulé du stock de la dette externe. Cette somme est considérée comme la plus importante dans l’histoire de l’annulation de dette envers Haiti.
Les prêts accordés depuis 2006 ne sont donc pas concernés par les allégements de dette. Hormis celui annoncé par le Venezuela, les effacements de dette annoncés après le terrible tremblement du 12 janvier 2010 étaient pour la plupart déjà décidés, certains créanciers se sont même contentés de proposer juste un report des remboursements.
En Juin 2012 la ministre de l’Économie et des Finances, Marie Carmelle Jean-Marie, questionner sur son opinion sur la soutenabilité de la dette avait répondu en ces termes : «En toute franchise et là c’est l’économiste qui parle plutôt que la ministre, c’est la pire des erreurs que nous ayons commise en acceptant l’annulation de la dette du pays.
Ce choix équivaut à une déclaration de faillite et nous ferme la voie aux marchés financiers.
Or, aucun développement ni croissance économique ne peut être mené avec des dons: il faut être en mesure d’effectuer des prêts…. Emprunter ne pose problème que si nous ne déterminons pas de manière claire une utilisation stratégique de ce crédit.»
Graphe 6: Annulation de la dette externe d’Haïti par créanciers et par programme
La dette externe d’Haïti - Annulation de la dette externe d’Haïti par créanciers et par programme
Source : MEF/DGTCP
L’annulation de la dette en faveur d’un pays est une arme à double tranchant. D’un côté il y a une disponibilité financières dues au fait que les montants prévues pour rembourser la dette pourront être utilisés pour financer des projets de développement ; de l’autre puisqu’on est jugé insolvable, négociés des nouveaux prêts sur le marché financier devient quasi-impossible mis à part des prêts concessionnels.
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4.2.2. Répartition de la dette par secteur économique

L’endettement extérieur peut contribuer au développement d’un pays mais il peut également déboucher sur une situation défavorable pour le pays, en cas d’une mauvaise utilisation de la dette par exemple lorsque le financement des investissements a une rentabilité douteuse et inadaptée aux besoins locaux, ou bien lorsque les dirigeants du pays détournent à leur profit ces emprunts.
Après cette vague d’annulation de dette, Haïti est devenu ipso facto inéligibles aux prêts internationaux mais grâce à l’accord Petrocaribe en vigueur depuis 2007, le pays a pu continuer à bénéficier des crédits prévus dans le cadre de ce programme.
Le pays a profiter entre 2011 et 2014, d’une manne de 320 millions de dollars américains par an pour financer 234 projets d’investissement public dans plusieurs domaines, dont celui du sport, des transports, des logements sociaux, ainsi que dans des programmes sociaux divers. Une brève analyse sur la façon dont sont alloués ces fonds s’impose.
Pour l’exercice fiscal 2010-2011 l’énergie est sortie avec la part la plus importante, soit 92 %, suivie des autres secteurs tels : les infrastructures, l’agriculture, le transport, et autres qui partagent les 8 % restants. En 2012, l’encours de la dette externe en fonction des principaux secteurs d’activité est ainsi réparti: énergie (78,47 %); transport (7,66 %); agriculture (6,32 %) et balance des paiements (4,57 %).
Les secteurs : Éducation, Eau et infrastructure et autres se partagent les 2,98 % restants. On constate ainsi une forte concentration de la dette au niveau du secteur énergie due à l’augmentation de la dette du pays envers le Venezuela, principal fournisseur de produits pétroliers.
Au cours de l’exercice fiscal 2012-2013, la répartition de l’encours de la dette externe en fonction des principaux secteurs d’activité est ainsi effectuée : Infrastructures (58 %) ; Gouvernement (11 %) ; Agriculture (9 %) ; Eau et assainissement (5 %), Énergie (4 %) et Balance des Paiements (4 %). Les secteurs Éducation, Environnement, Santé et autres se partagent les 9 % restants.
Pour l’exercice fiscal 2013-2014, la répartition a été ainsi faite: Infrastructures (55,6 %) ; Gouvernement (21,7 %) ; Agriculture (4,9 %) ; Eau et Assainissement (2,3 %) ; Energie (4,6 %) et Balance des Paiements (3,1 %). Les secteurs : Éducation, Environnement, Santé et autres ont partagé les 7,8 % restant.
A travers ces données statistiques, nous voyons que le secteur de l’agriculture, de l’environnement, de l’éducation et de la santé n’ont jamais été la priorité du gouvernement en fonction des maigres fonds alloués à ces différents secteurs. L’économiste Riphard Serent, a attiré l’attention en ce qui a trait à cette dette dont l’accroissement prodigieux inquiète l’opinion. Pour l’économiste, de grands pays contractent des prêts pour financer des investissements publics productifs.
En Haïti, ce n’est pas le cas « la majeure partie de notre dette est passée dans de petits projets et de petits programmes qui ne sont pas générateurs de croissance.
Selon lui, durant ces 10 dernières années, personne ne peut identifier un grand projet d’investissement public d’au moins 100 millions de dollars émanant des prêts contractés de l’extérieur, qui génère des emplois durables, avec des retours sur investissement capables de garantir le remboursement de la dette dans le futur. »
La nature désastreuse de la gestion de PetroCaribe est soulignée avec force par plusieurs sénateurs de la république au cours de la séance de présentation du projet de loi de finances 2014-2015 par Marie-Carmelle Jean-Marie, ministre des Finances. À cette occasion le sénateur Steven Benoit a critiqué l’usage que le pouvoir fait du fonds PetroCaribe.
« D’après lui, il serait mieux d’utiliser ces fonds dans des projets de développement durable en guise des programmes de lutte contre la pauvreté. Le PetroCaribe est une véritable gargote, a-t-il déploré. C’est de la politique que vous faites avec cet argent alors que nos enfants auront à le remettre… »
Il faut regretter que ces investissements n’aient pas été conçus de manière rationnelle et réfléchie pour changer véritablement les conditions de vie de la population et n’aient pas contribué à s’attaquer aux problèmes chroniques de déficit en infrastructures, notamment en électricité, en eau, en transports et en assainissement du pays. Il ne reste qu’à payer régulièrement cette dette tant que cela sera possible.
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4.2.3. Le service de la dette

Si un État accumule des dettes dont il ne peut assurer le service, une crise de la dette peut éclater, c’est pourquoi il est important d’évaluer quel niveau d’endettement une économie ou un État peut accumuler sans problème.
Il est nécessaire de s’assurer que les ressources financières dont dispose l’Etat, sous quelle que ce soit la forme, soient bien gérées de manière à ce que, pour chaque gourde et chaque dollar dépensés, on obtienne un maximum de résultats possibles pouvant dégager le nécessaire pour répondre aux obligations de l’Etat envers les créanciers. En n’investissant pas correctement, on risque d’avoir des défauts de paiement.
Graphe 7: Paiement du service de la dette 2001-2014 (en millions de dollars EU)
évolution de la dette externe haïtienne - Paiement du service de la dette 2001-2014 (en millions de dollars EU)
Source : Service dette externe, Direction des affaires internationales, BRH
En 14 ans le pays a enregistré un total de 495.53 millions de dollars EU pour le remboursement de sa dette. Pour l’année fiscale 2004-2005, le Trésor Public a tenu des engagements de remboursement en principal et intérêts totalisant 101,8 millions de dollars EU, la plus forte somme déboursés durant la période, soit 2,36 % du PIB.
Le groupe de la Banque Mondiale s’est vu rembourser 68,22 % de ce montant, suivi de la Banque Interaméricaine de Développement 21,78% et du Fonds Monétaire International (5,11%). Les autres créanciers ont bénéficié des 4,88 % restants.
Par contre les débours consentis par le Trésor Public en vue d’honorer les échéances au titre du service de la dette, ont considérablement baissé de 2007 à 2012 passant de 74.77 à 0.94 millions de dollars ÉU (valeur la plus faible enregistrée sur la période).
Il faut noter cette baisse du service de la dette constitue une résultante de l’annulation d’une grande partie de la dette survenue en 2009 puis en 2010. Cependant la tendance a été inversée, le Trésor Public a respectivement versés 6,35 et 20,68 millions de dollars ÉU en 2013 et 2014.
Cette hausse du service de la dette est due aux paiements des prêts Petrocaribe arrivés à échéance au cours de l’année 2013, suite à l’achèvement de la période de grâce de deux (2) ans. Les remboursements effectués au titre des engagements envers le Venezuela représentent respectivement 78,24 % et 93.30% pour les années précitées et les reliquats sont partagés entre l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), la Banque de Développement Économique et Social du Venezuela (BANDES) et la Banque Interaméricaine de Développement (BID).
Ce qui est préoccupant dans le remboursement du service de la dette c’est la variation du taux de change. Par exemple si l’État haïtien, en septembre 2013, devait mobiliser 5 millions de dollars, soit 215 millions de gourdes pour payer le Venezuela avec un taux de change de 43 gourdes pour 1 dollar, en Avril 2014, avec un taux de change de 45 gourdes pour 1 dollar, l’État haïtien a besoin de dégager 225 millions de gourdes pour payer ces mêmes 5 millions de dollars au Venezuela, soit un surplus de 10 millions de gourdes à retirer du budget, juste à cause de cette variation d’environ 4% du taux de change entre septembre 2013 et mars 2014.
Donc, il est de toute évidence que le service de la dette devra être révisé à la hausse dans le budget rectificatif, juste pour prendre en compte les récentes variations du taux de change. D’où la nécessité pour le gouvernement d’implémenter des politiques publiques qui peuvent encourager la bonne gouvernance, aider à stabiliser le taux de change, continuer à assainir les finances publiques pour plus de recettes domestiques et une meilleure gestion du service de la dette du pays.

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