Le financement extérieur et les plans d’ajustement en Haïti

Les plans d’ajustement d’Haïti et le financement extérieur

3.2. Le financement extérieur, les politiques d’ajustement et l’Accord Petrocaribe

Le recours à l’endettement est une pratique en vogue depuis bien des lustres pour tout Etat qui veut financer des projets d’investissement de grandes envergures ou équilibrer ses finances publiques. Mais dans le souci d’équilibre macro-économique, le financement peut bien avoir des effets contraires si les ressources ne sont pas investies dans des secteurs porteurs de croissance.
Voulant pallier aux problèmes de surendettement, les principaux créditeurs ont mis sur pied des programmes très controversées visant à alléger ou annuler la dette de ces pays en difficulté de solvabilité comme pour le cas d’Haïti.
3.2.1. Le financement extérieur et les principaux créditeurs
Le financement extérieur se présente sous formes d’aides, de dons ou de prêts et les créditeurs sont divers, parmi ceux-ci, nous pouvons citer : les IFI (institutions financières), les membres du Club de Paris, le club de Londres.
Les IFI sont des institutions multilatérales auxquelles adhèrent des États dans le but d’harmoniser les relations financières internationales. Elles regroupent le FMI, la Banque Mondiale, ainsi que les banques et les fonds régionaux de développement (Banque Interaméricaine de Développement (BID), Banque Africaine de Développement…) La Banque Mondiale et le FMI forment le noyau dur des IFI.
Le club de Paris quant à lui est un groupe informel (19 pays principaux créditeurs) des États créanciers les plus riches faisant partie de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Créé en 1956, il s’agit PED. Le Club de Paris distingue deux types de créances : les crédits APD (aide publique au développement) accordés à des taux inférieurs à ceux du marché et en principe destinés à favoriser le développement, et les crédits non-APD (ou encore crédits commerciaux), qui sont les seuls à être concernés par un éventuel allégement.
En général, un allégement de dette par le Club de Paris est réservé aux pays les plus pauvres et les plus endettés. Les Etats membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de près de 80 pays en développement. Les membres du Club de Paris détiennent près de 30% du stock de la dette du Tiers Monde.
Le club de Londres réunit les banques privées qui détiennent des créances sur les États et les entreprises des PED. Dans les années 1970, les banques de dépôt étaient devenues la principale source de crédits des pays en difficulté. Dès la fin de la décennie, ces dernières allouaient déjà plus de 50 % du total des crédits accordés, tous prêteurs confondus.
Aujourd’hui ces groupes de banques de dépôt se rencontrent pour coordonner le rééchelonnement de la dette des pays emprunteurs. Les commissions consultatives, formées dans les années 1980, ont toujours conseillé aux pays débiteurs d’adopter immédiatement une politique de stabilisation et de demander le soutien du FMI, avant de solliciter un rééchelonnement ou de l’argent.
3.2.2. Le Traitement de l’endettement par les créanciers
Face à la crise qui a ébranlé le système financier international, les créanciers ont créé un front uni pour imposer aux pays débiteurs un plan leur permettant de dégager les ressources nécessaires au remboursement de leurs dettes.
A la tête de cette coalition de créanciers se trouvent la Banque mondiale et le FMI agissant au titre de protecteurs des intérêts des banques privées et des États créanciers du Nord. En réalité, il existait un partage des tâches entre ces deux institutions financières pour piloter la gestion de la dette des pays du Sud : le FMI prend en charge la mise en place d’une politique structurelle pour régler les problèmes de déficit budgétaire et de taux de change.
La Banque mondiale s’occupe des réformes en matière d’agriculture, de santé, de transport, d’éducation, etc. Elles ont alors élaborées des plans dénommés plan d’ajustement structurel dans un premier temps, et l’initiative PPTE dans un second temps visant l’allègement de la dette des pays les plus endettés.
Les réformes politiques et économiques préconisées, plans d’ajustement structurel (PAS) comprenaient deux volets : un volet stabilisateur à court terme et une phase structurelle à long terme.

a- Les mesures à court terme

– Austérité budgétaire pour établir l’équilibre budgétaire. Cette austérité a frappé souvent les plans sociaux qui ont subi des coupes budgétaires très importantes. – Suppression des subventions sur les produits de première nécessité comme le pain, le riz, etc. qui sont les nourritures de base des personnes défavorisées. – Augmentation du taux d’intérêt afin d’attirer les capitaux étrangers.
Cette mesure a souvent augmenté la charge de la dette interne de l’État, aggravé le déficit budgétaire et obligé l’État à réduire les autres postes budgétaires indispensables pour l’équilibre socio-économique du pays.- Désindexation des salaires qui met en cause la convention collective et le salaire minimum légal en libérant le marché du travail etc.

b- Les réformes structurelles

Privatisation des entreprises publiques. Privatisations qui ont profité aux capitaux étrangers, surtout aux firmes multinationales à la recherche de placements rentables.
Dérégularisation du système bancaire : privatisation des banques publiques et perte de contrôle de la banque centrale sur les activités des banques privées.
Libération du commerce : suppression des barrières tarifaires et non tarifaires sur les importations laissant le champ libre aux firmes étrangères de concurrencer les entreprises locales.
Privatisation des terres au détriment des paysans pauvres et des petits exploitants. Cela a accéléré l’exode rural massif et la création de grands bidonvilles en Afrique, Asie et Amérique latine.
Toutes ces mesures, imposées aux pays du Sud par les institutions financières internationales pour couvrir les intérêts des banques et des gouvernements des pays du Nord, sont inspirées de l’idéologie néo-libérale illustrée par le consensus de Washington. Leur application a eu des effets socio-économiques dévastateurs dans tous les pays soumis à ces mesures, en Afrique, comme en Asie ou en Amérique latine.

3.2.3. Origine de l’endettement des pays en voie de développement (PED)

Après la deuxième guerre mondiale, l’Europe s’est reconstruite grâce au plan Marshall. C’est un vaste programme d’aide financière proposé par les USA pour la reconstruction des pays alliés. Ce programme se traduit par un apport substantiel de capitaux sous forme de prêts à ces derniers.
Se référant à cet exemple, nous constatons que l’emprunt extérieur peut générer une croissance durable et un développement notable, à condition que les capitaux reçus soient utilisés efficacement dans des projets rentables et capables de dégager des revenus suffisants pour leur remboursement.
S’inspirant de cette vision théorique, les PED se sont endettés démesurément à partir du début des années 1970. Cette époque était propice à l’endettement, parce qu’elle coïncidait avec l’apparition des chocs pétroliers (1973 et 1979) à cause de la réduction de l’offre par les pays de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP).
Les excédents des recettes pétrolières obtenus suite à la flambée des prix du baril ont poussé les États bénéficiaires à rechercher les points de placement rentables en les déposant dans les grandes banques des pays développés. Ces dernières se sont retrouvées avec des excédents de liquidités en attente des emprunteurs potentiels.
Par la suite, ces pétrodollars ont été déplacés vers les PED sous forme de crédits à des taux d’intérêt bas, en absence de garanties, bref, à des conditions souples. Au début des années 1980, les effets combinés de la détérioration des termes de l’échange dans les PED (chute des cours des produits exportés alors que les prix des biens importés sont constants ou augmentent) et la réévaluation du dollar ont poussé les PED dans la situation de surendettement et d’insolvabilité.
En effet, la dette des PED est libellée en dollar et la réévaluation du dollar a alourdi l’encours et les charges d’intérêt liées à son remboursement. La crise se déclenche en 1982 avec l’annonce faite par le Mexique de son incapacité à assurer le paiement du service de sa dette. Dès lors, le mouvement va se généraliser à d’autres pays à des degrés différents et avec des conséquences préjudiciables sur le développement socioéconomique de leurs populations.
La réponse du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à cette crise fut la conception des « fameux » plans d’ajustement structurels (PAS). Concentrés de mesures macroéconomiques ultra-libérales destinées à rétablir la solvabilité des pays, ils conditionnent alors l’octroi de toute nouvelle aide.
Combinant privatisations, coupes sévères dans les dépenses publiques, dévaluation monétaire, libéralisation des mouvements de capitaux, suppression des barrières douanières et désengagement de l’Etat, leurs coûts sociaux et humains se révèlent désastreux.
Conscient de l’ampleur de la crise et de l’échec patent de ces programmes, le G7 arrête un plan global de réduction de la dette, l’initiative pour les Pays pauvres très endettés (PPTE ) que nous développerons plus amplement ci –après.

3.2.4. La mise en œuvre des programmes d’ajustement Structurel en Haïti

Comme tout pays en voie de développement dépendant du financement international, Haïti n’a pas échappé à ces programmes.
Les premières mesures de stabilisation pour ramener l’équilibre de la balance des paiements et renouer avec les taux de croissance obtenus durant la seconde moitié de la décennie 70 datent du début des années 80.
Les résultats observés n’étant pas satisfaisant la deuxième moitié des années 90 vue l’application d’un deuxième programme version renforcé le : FASR (Facilité d’ajustement structurel renforcé).

3.2.4.1. Le premier Plan d’Ajustement Structurel

Pour la mise en œuvre du programme, le gouvernement de l’époque a accepté de nommer au poste de ministre des finances un envoyé spécial des institutions financières international avec mission d’assainir les finances publiques, de combattre la corruption qui gangrenait le régime des Duvalier.
Surnommé « Mr Clean », le ministre s’est retrouvé en face d’un gouvernement réticent et peu collaboratif dont les principaux tenants n’entendaient pas perdre leurs prérogatives. Il faut attendre la fin du régime des Duvalier, pour une mise en œuvre effective des premières mesures des PAS. L’année 1986 est considérée comme un tournant politico-économique du pays.
Elle est marquée à la fois par la chute de la dictature des Duvalier, mais aussi par le début de l’ère néolibérale imposée par les puissances dominantes et les IFI. Le départ des Duvalier a coïncidé avec le début du premier programme d’ajustement structurel, un programme d’assistance de trois années est signé avec le FMI dans le cadre du programme de la Facilité d’ajustement structurel (FAS) ; un crédit pour la reprise économique (ERC) est accordé par la Banque mondiale complété par des crédits bilatéraux de l’USAID.
Selon le crédo néolibéral, ces réformes imposées de l’extérieur prétendaient assurer la stabilité économique et une meilleure allocation des ressources dans le but de stimuler la croissance. Désormais, le pays doit ouvrir ses barrières douanières aux produits des autres pays, notamment à ceux des Etats-Unis. Le gouvernement haïtien accepte ainsi la perpétuation de l’ingérence extérieure. La libéralisation et la rigueur budgétaire seront ses deux nouveaux leitmotivs.
Mais le programme ne réalise aucun de ces objectifs économiques: la production stagne; l’inflation redémarre dès 1989; les recettes publiques par rapport au PIB stagnent (9,3% entre 1982 et 1986). Parmi les réformes prévues, seule la libéralisation de l’économie sera effectivement mise en œuvre, à travers une forte diminution des tarifs douaniers et des contingentements. Cette réforme devait conduire, par le jeu des modifications des prix relatifs, à développer la production agricole destinée à l’extérieur et à réorienter la production industrielle vers les exportations.

3.2.4.2. Le deuxième Plan d’Ajustement Structurel (PAS)

Le retour à l’ordre constitutionnel en 1994 place Haïti dans un contexte très différent: l’économie est profondément sinistrée suite à l’embargo, mais elle bénéficie d’un appui résolu de la communauté internationale.
Une large propagande sera effectuée pour faire accepter le PAS par la population haïtienne, avec notamment une impressionnante campagne de communication et de publicité d’un montant de 800 000 dollars lancée dès 1995. En février 1996, la Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA) dénonce le fait que l’État haïtien a dépensé 2 millions de dollars, accordés par la Banque mondiale, pour privatiser les entreprises publiques les plus rentables.
En octobre 1996, à Washington, le gouvernement de René Préval signe un accord avec le FMI baptisé Facilité d’ajustement structurel renforcé (FASR). L’étau se resserre encore de grandes réformes sont annoncées comme:

3.2.4.2.1. La rationalisation de la fonction publique

La loi sur le départ volontaire et la retraite anticipée dans la fonction publique est publiée au Moniteur (journal officiel) à la mi-mai 1998.
Dans le cadre du programme, un objectif a été fixé le départ d’au moins 5 000 agents de la fonction publique (soit environ 10% des employés de l’État) avant fin septembre 1998. En définitive, à la mi-décembre 1998, 5 400 agents ont quitté la fonction publique.
Le financement extérieur, les plans d’ajustement d’Haïti

3.2.4.2.2. La privatisation des entreprises publiques

Sous l’égide du Conseil de modernisation des entreprises publiques (CMEP), créé à cet effet, 9 entreprises publiques sont privatisées : la compagnie d’électricité (EDH), la compagnie de télécommunications (Teleco), la Banque nationale de crédit (BNC), la Banque populaire haïtienne (BHP), la Minoterie (moulins d’Haïti, farine et pain), l’Autorité portuaire nationale (APN), l’huilerie ENAOL, Ciment d’Haïti et les aéroports.
En 1998, le gouvernement haïtien présente au FMI une lettre d’intention stipulant que : « Les préparatifs techniques se poursuivront en vue de la modernisation des principales entreprises publiques (aéroport, port, compagnies de téléphone et d’électricité).
Avec l’assistance de la Banque Mondiale, de la BID et de l’USAID, des actions spécifiques seront prises, notamment la préparation d’un plan de réduction des effectifs, le transfert de certaines dettes de ces entreprises au Gouvernement, la mise en place de cadres régulateurs et le début du processus d’appel d’offre pour la privatisation de ces entreprises sous diverses modalités, ainsi que la sélection des adjudicataires ».

3.2.4.2.3. L’élimination des droits d’importation et des quotas

Cela a entrainé l’affluence sur l’île de surplus agricoles américains (riz, sucre et maïs), entraînant ainsi la destruction de l’économie paysanne. Haïti devient membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1996. Dans ce but, Haïti modifie ses tarifs douaniers sur tous les produits agricoles selon la définition de l’OMC et sur quelques produits non-agricoles.
Le secteur agricole a particulièrement souffert de cet agenda néolibéral.
Alors qu’en 1995, il représente 30% du PIB, sa part tombe à 23% en 1998. La part des produits agricoles dans le total des exportations s’effondre également, passant de 24,1% en 1995 à 9,9% en 2000. L’exportation de café et d’huiles essentielles, qui représentait respectivement 24,6 et 7 millions de dollars en 1996, ne représente plus que 13,5 et 2,5 millions de dollars en 2000. Le déficit commercial s’est ainsi creusé passant de 469,8 millions de dollars en 1996 à 687,3 millions en 2000.

3.2.4.2.4. Lois HOPE

Le sigle HOPE signifie «Opportunité hémisphérique haïtienne à travers l’encouragement au partenariat». Ce langage hautement symbolique sert à justifier des accords commerciaux totalement inégalitaires.
Ces lois reposent encore sur la théorie de l’avantage comparatif. Haïti dispose d’un réservoir de main d’œuvre à bas coût. Les lois HOPE I et HOPE II sont l’incarnation de l’alignement néolibéral imposé au gouvernement haïtien en contrepartie de l’aide financière accordée par certains bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, le FMI et les États-Unis.
La loi HOPE II fait suite à l’application en juin 2007 d’une première loi censée favoriser la création de 100 000 emplois en trois ans grâce à une exonération des droits de douane.
« La première règle permet l’entrée en franchise de droits (aucun tarif à payer) pour un nombre limité de vêtements importés d’Haïti vers les États-Unis si 50% de la valeur des composants et/ou coûts de transformation (entièrement assemblés ou taillés) sont d’Haïti, des États-Unis ou d’un autre pays partenaire commercial des États-Unis (c’est-à-dire ayant signé un accord de libre-échange) durant les trois premières années de l’entrée en vigueur de la loi HOPE.
Le pourcentage augmente à 55% durant la quatrième année et à 60% durant la cinquième année».
Si l’application de cette loi a bel et bien facilité la circulation des produits fabriqués en Haïti vers le marché américain, elle n’a absolument pas atteint ses objectifs en termes de création d’emplois. En effet, elle n’a contribué qu’à la création de 3 000 emplois, et ce dans le secteur de la sous-traitance, favorisant ainsi le développement des zones franches dans le domaine du textile.
La loi HOPE II se veut une version simplifiée de la première loi adoptée par le parlement américain sous l’administration Bush en 2007. Sa durée d’application s’étale sur une période minimale de 10 ans. Les programmes d’ajustement structurel mis en application par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis plus de deux décennies à la tête du pays n’ont pas réussi à rendre compétitif l’économie dans ses différentes composantes.
Ils n’ont pas réussi à dynamiser le secteur privé, à relever et maintenir une croissance durable, à multiplier les exportations ; à contrer la baisse des revenus, le déficit de la balance commerciale et assurer la sécurité alimentaire.
Charles Cadet (1996) dans une étude pour l’Unicef souligne que sur le plan économique, l’application aveugle du credo libéral s’est révélée désastreuse pour le pays alors qu’à l’évidence les conditions de production n’autorisaient nullement une ouverture intégrale de l’économie. Le pays s’est transformé en un pays d’importation et s’est enfoncé davantage dans le cycle de dépendance vis-à-vis de l’extérieur. L’assistance internationale a été conditionnée au détriment de l’évolution de l’économie haïtienne.

3.2.5. L’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE)

La communauté internationale a reconnu en 1996 que la situation d’endettement extérieur d’un certain nombre de pays très pauvres, la plupart situés en Afrique, était devenue extrêmement difficile et avait un impact négatif sur leurs perspectives de développement. L’initiative PPTE requiert la participation de tous les créanciers, multilatéraux, bilatéraux et créanciers privés.
Au-delà des efforts traditionnels de réduction de la dette, le fonds monétaire international définit un « facteur commun de réduction » que tous les créanciers doivent appliquer au stock de leurs créances pour ramener les ratios de dettes des pays concernés à des niveaux soutenables.
Concrètement, un pays doit d’abord être jugé éligible à l’initiative PPTE par le FMI et la Banque mondiale selon des critères de revenu, d’endettement et de relation avec les institutions financières internationales. Pour bénéficier d’un allégement de dette dans le cadre de l’initiative PPTE, cela nécessitent un temps démesurément long et deux étapes sont à franchir.
Première étape : point de décision. Pour bénéficier d’une assistance au titre de l’initiative PPTE, un pays doit satisfaire aux quatre conditions suivantes :
Être admissible aux prêts de l’IDA
Faire face à une charge d’endettement insoutenable.
Donner la preuve qu’il a procédé à des réformes et mené une politique économique avisée dans le cadre de programmes appuyés par le FMI et la Banque mondiale.
Avoir élaboré un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) suivant un vaste processus participatif au niveau national.
Deuxième étape : point d’achèvement. Afin de recevoir la réduction intégrale et irrévocable de sa dette au titre de l’initiative PPTE, le pays doit :

  • – continuer de donner la preuve de bonnes performances dans le cadre de programmes soutenus par des prêts du FMI et de la Banque mondiale.
  • – exécuter de manière satisfaisante les grandes réformes convenues au point de décision.
  • – adopter et mettre en œuvre pendant un an au moins son DSRP.

Lorsqu’un pays a satisfait à ces critères, il peut atteindre le point d’achèvement, ce qui lui permet de recevoir l’intégralité de l’allégement de la dette promis au point de décision. D’autres allègements de dette se sont ajoutés dans le cadre de l’initiative d’annulation de la dette multilatérale (IADM) adoptée en 2005 à l’initiative du G8 de Gleneagles.
Les pays atteignant le point d’achèvement de l’initiative PPTE bénéficient également d’une annulation de l’ensemble de leurs dettes envers le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement.

3.2.5.1. Haiti et le processus PPTE

Comme un bon élève studieux et appliqué, Haïti de nouveau sous la houlette du FMI et de la Banque mondiale, applique les plans d’ajustement structurel remaquillés en « Documents stratégiques pour la réduction de la pauvreté » (DSRP). En échange de la reprise des prêts et de l’application de politiques néolibérales, ces institutions concèdent à Haïti quelques allégements de dette sous une apparence de générosité.
L’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), dans laquelle Haïti a été admis seulement en 2006 (soit 10 ans après le lancement de cette initiative), est une manœuvre typique du modèle néolibéral et de blanchiment de dette odieuse. On remplace une dette odieuse qu’on efface par de nouveaux prêts contractés par un gouvernement prétendument démocratique. Le CADTM considère ces nouveaux prêts comme partie prenante de la dette odieuse puisqu’ils servent à payer cette antique dette.
En 2006, quand le FMI, la Banque mondiale et le Club de Paris acceptent que l’initiative PPTE s’élargisse à Haïti, le stock de la dette publique extérieure totale est de 1 419 millions de dollars. Au point d’achèvement de l’initiative (en juin 2009), la dette est de 1 884 millions, une annulation de dette d’un montant de 1 200 millions de dollars est décidée afin de rendre la dette soutenable.
Entre temps, les plans d’ajustement structurel ont fait des ravages, notamment dans le secteur agricole, dont les effets ont atteint leur paroxysme lors de la crise alimentaire de 2008. L’agriculture paysanne haïtienne subit le dumping des produits agricoles étasuniens. Les politiques macro-économiques soutenues par Washington, l’ONU, le FMI et la Banque mondiale ne se soucient nullement de la nécessité du développement et de la protection du marché national. La seule préoccupation de ces politiques est de produire à bas coût pour l’exportation vers le marché mondial.
Avec le tournant de 1986 qui a imposé l’ouverture de l’économie haïtienne au marché mondial et la libéralisation des échanges, le secteur rizicole s’est effondré. Si l’on compare les données sur les recettes douanières en pourcentage du PIB, on constate que la part des recettes douanières dans les recettes totales en 2007 est inférieure à celle de 1980.
De 36,69% en 1980, elle s’effondre aux alentours de 20% entre 1990 et 2000 pour se hisser à 29,26% en 2007 profitant d’une hausse (aléatoire) des prix des matières premières. La libéralisation de l’économie et des échanges n’a pas eu d’effet positif sur la souveraineté alimentaire. Au contraire, l’économie est dépendante de la volatilité des marchés et la population est la première victime des politiques néolibérales imposées depuis les années 1980.

3.3. Accords Petrocaribe

L’Accord de Coopération Energétique Petrocaribe garantit à la République d’Haïti, depuis septembre 2007, un approvisionnement en produits pétroliers au prix international du marché mais à des conditions préférentielles de paiement.
Le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD), responsable de la mise en œuvre dudit accord, sert d’interface entre le fournisseur Petroleos de Venezuela S.A. (PDVSA) et les compagnies pétrolières locales. Cette institution étatique fait l’acquisition des produits pétroliers du Venezuela et les vend aux dites compagnies. Ces dernières ont un délai de 30 jours pour payer au BMPAD 100% des montants facturés.
Cependant, pour ce qui a trait au paiement au Venezuela, l’Accord PetroCaribe définit les modalités : une partie payée cash et l’autre partie constitue la dette d’Haïti envers le Venezuela. La portion CASH est payable dans un délai de 90 jours, à compter de la date du connaissement, sans intérêt pour les 30 premiers jours et avec 2% d’intérêts, du 31ème jour jusqu’au 90ème.La portion financée, devant être payée sur le long terme, est plus importante lorsque le prix des produits pétroliers est élevé. Pour le règlement de cette portion CASH, Haïti est considérée, parmi les 18 pays membres de l’Accord PetroCaribe, comme l’un des payeurs les plus réguliers, sinon le meilleur payeur. Au 31 juillet 2013, la portion CASH, versée à PDVSA, totalise US$ 1.215.680.547,15. De ce montant, US$ 369 millions ont été rétrocédés à Haïti sous forme de projets, à être gérés par l’Entreprise Mixte « Société d’Investissement Pétion Bolivar SAM ».

  • Modalités de paiement
  • Partie financée sur 25 ans avec 1% d’intérêts annuels incluant 2 années de grâce;
  • Si le prix du baril est égal à $150 et plus. Partie Cash 30% – Partie Financée 70%;
  • Si le prix du baril se situe entre $100 et $150. Partie Cash 40% – Partie Financée 60%;
  • Entre $80 et $100. Partie Cash 50% – Partie Financée 50%;
  • Entre $50 et $80. Partie Cash 60% – Partie Financée 40%;
  • Entre $40 et $50. Partie Cash 70% – Partie Financée 30%;
  • Partie financée sur 17 ans avec 2% d’intérêts annuels incluant 2 années de grâce,
  • Entre $30 et $40. Partie Cash 75% – Partie Financée 25%.

3.3.1. Avantages et inconvénients de l’accord

La mise en œuvre de l’Accord PetroCaribe permet à l’Etat haïtien, à travers le Bureau de Monétisation, d’acquérir avec des facilités de paiement des produits pétroliers du Vénézuéla, principal fournisseur du marché local depuis plus de 20 ans, pour être revendus aux compagnies pétrolières locales, en vue de satisfaire la consommation interne du pays (14,000 barils par jour).
A travers ce fonds le gouvernement dispose de ressources financières lui permettant de financer de septembre 2008 à date 241 projets spécifiquement dans les infrastructures routières, la rénovation urbaine, construction et réhabilitation d’écoles et d’hôpitaux publics, à hauteur de USD 1,5 milliards dont un montant de USD 1,2 milliards a déjà été transféré sur les comptes de projets soit un taux de décaissement de 79.28%.
Toutefois, il est à souligner que dans cet accord certains inconvénients sont à relever, notamment :

  • Irrégularités au niveau des arrivages ce qui engendre parfois des problèmes de rareté sur le marché local
  • Insuffisance du quota vu que la consommation actuelle sur le marché est comprise entre 14000 et 18000 barils.
  • Mauvaise qualité du diesel car la teneur en souffre est trop élevé (0.5%) le maximum acceptable devrait être 0.2%.

3.3.2. Evolution de la dette Petrocaribe

Selon le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au développement (BMPAD), de l’entrée en vigueur de l’Accord PetroCaribe au 31 décembre 2014, le montant total des importations s’élevait pour Haïti, à près 32.7 millions de barils de produits pétroliers pour un coût total d’un peu plus de 3.5 milliards de dollars américains (US$ 3,541,135,866.55).
La portion à payer était d’un peu plus de 1,5 milliards (US$1,557,942,836.89). Il a été versé au fournisseur vénézuélien PDVSA Petroleo S.A US$ 1,549,429,870.70 conformément aux termes de l’accord PetroCaribe. Ceci devrait engendrer une dette à long terme cumulée d’US $ 1.7 milliards au 31 janvier 2014 soit 200 millions en moyenne annuellement.
Cependant, suite au séisme dévastateur du 12 janvier 2010, la République Bolivarienne du Venezuela a annulé officiellement US$ 395 millions de la dette de la République d’Haïti. Par conséquent, la dette effective d’Haïti au 31 janvier 2014 est de $ 1,3 milliards EU soit près de 15,8 % du PIB et la période de grâce terminera en avril 2013 au lieu d’avril 2011.
Le poids de la dette découlant de l’accord Petrocaribe sur le stock de la dette externe d’Haïti a considérablement augmenté au cours des cinq derniers exercices. Pour l’exercice 2012-2013, elle représente 89 % du total de la dette à long terme d’Haïti, une situation qui s’accentue au fil des années.
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Selon l’INSEE, l’aide publique au développement (APD) est l’ensemble des dons et des prêts à conditions très favorables (nets des remboursements en capital) accordés par des organismes publics aux pays et aux territoires figurant sur la liste des bénéficiaires du « Comité d’aide au développement » (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Entre 1957 et 1986, la dette extérieure d’Haïti a été multipliée par 17,5 cela représentait 750 millions de dollars, au moment de la fuite de Duvalier (règne qui dura 30 ans). Cet endettement, loin de servir à la population qui s’est appauvrie, était destiné à enrichir le régime en place : il constitue donc une dette odieuse. Une enquête a démontré que la fortune personnelle de la famille Duvalier (bien à l’abri sur les comptes des banques occidentales) représentait environ 900 millions de dollars, soit une somme plus élevée que la dette totale du pays au moment de la fuite du clan Duvalier.
En septembre 2005, après considération des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le ratio en VAN équivalait 176,7% des exportations de biens et services d’Haïti.
29 Juin 2005 : Signature de l’Accord Petrocaribe / Octobre 2007 : Entrée en application du Petrocaribe en Haïti
PDVSA : Petróleos de Venezuela (PDVSA) est la compagnie pétrolière nationale du Venezuela. Elle est présidée par le Ministre de l’Energie et du Pétrole. Source: http://www.bmpad.gouv.ht/petrocaribe/les-fonds-petrocaribe.html.

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