Les phonogrammes, en vue de leur communication indirecte au public

Les phonogrammes, en vue de leur communication indirecte au public

Chapitre 2 – Les marchés des phonogrammes

Il existe trois marchés des phonogrammes correspondant à trois types de phonogrammes. Cette suma divisio ne prend pas en compte le contenu du phonogramme (la nature de la fixation) ou son aspect (le type de support) mais la destination économique de celui-ci.

Précisons d’emblée qu’une telle distinction n’a rien de juridique, le Code de la propriété intellectuelle protégeant tout type d’œuvre, quel que soit son genre, sa forme d’expression son mérite et sa destination1. Elle a pourtant une incidence en droit puisque selon sa destination économique, le phonogramme connaîtra un régime différent.

Nous étudierons tour à tour les phonogrammes réalisés en vue de leur communication directe au public (section 1) et ceux réalisés en vue d’une communication indirecte (section 2).

Section 1. Les phonogrammes réalisés en vue de leur communication indirecte au public

Ces fixations sonores n’ont pas vocation à être commercialisées. Il s’agit des phonogrammes de musique originale et de musique d’illustration. Ces deux types de phonogrammes ont tous deux vocation à sonoriser une œuvre audiovisuelle mais présentent peu de points communs.

On peut dire que la musique originale est du ‘‘sur-mesure’’ et la musique d’illustration du ‘‘prêt-à-porter’’, car comme en matière de mode, la première est créée spécialement pour sonoriser une œuvre audiovisuelle précise, ce qui n’est pas le cas de la seconde, et que ces deux catégories représentent des marchés très différents.

§ 1. Les phonogrammes de musique originale

Physionomie du marché. La commercialisation des musiques de films représente un marché relativement stable. L’engouement pour les ‘‘bandes originales’’ du Grand Bleu (Eric Serra), Tous les matins du monde (Jordy Saval), Titanic (James Horner) et plus récemment du Fabuleux destin d’Amélie Poulain (Yann Tiersen) et In the mood for love (Shigeru Umebayashi, Michael Galasso)… reste sporadique.

En outre, ces succès ne reflètent pas la réalité du marché des musiques originales puisque ils interviennent dans un second temps, lors de la commercialisation de la musique originale, autrement dit lorsque ces phonogrammes de musique originale deviennent des phonogrammes du commerce et connaissent une seconde exploitation que celle pour laquelle ils ont été conçus.

Une musique originale est une création musicale créée dans le but de sonoriser une œuvre audiovisuelle. Sa fonction est importante car elle permet de souligner l’impact des images voire de participer au pathos de l’histoire.

Imagine t-on 2001 l’Odyssée de l’espace sans les orgues de Richard Strauss ou Les dents de la mer sans les contrebasses ‘‘stravinskiennes’’ de John Williams ? Pourtant la musique ne constitue pas la préoccupation majeure de la production, ni en terme de budget, ni en terme artistique, ni en terme de chronologie. Le compositeur n’intervient qu’en fin de tournage, au moment de la post- production, et dispose rarement d’un budget important.

En terme de coût, la réalisation d’une musique originale peut varier en fonction de nombreux critères : la renommée du compositeur, la durée et l’utilisation de l’œuvre commandée, son genre musical et le choix d’interprétation. Faire le choix d’une composition symphonique écrite par un maître du genre (John Williams, Maurice Jarre, Danny Elfman…1) représente un investissement financier trop important pour la majeure partie des productions, qui parfois préfèrent recourir à de la musique de stock, nettement moins onéreuse (voir infra).

L’utilisation de musique originale. Concernant la problématique qui nous occupe, l’utilisation d’une telle musique ne pose pas problème : l’œuvre est commandée auprès d’un compositeur avec lequel est conclu un contrat de commande. Ce contrat qui fixe les caractéristiques de la commande organise la cession matérielle de l’œuvre sous réserve des droits d’auteur de son compositeur2.

1 Il s’agit de compositeurs ayant travaillé pour le cinéma, et cette liste mériterait d’être complétée (Michel Legrand, John Barry, Francis Lai, Ennio Morricone et bien d’autres encore…). John Williams est certainement un des plus appréciés d’Hollywood, malgré (ou à cause) d’un goût prononcé pour le lyrisme. Il est également un de ceux dont les œuvres sont les plus connues, notamment celles issues de sa collaboration avec Steven Spilberg. Cette notoriété est sans doute due à l’utilisation de thèmes très efficaces qui ont depuis pris place dans l’imaginaire collectif occidental (Les Dents de la mer, Indiana Jones, ET, La guerre des étoiles…). Les compositeurs ayant travaillé pour la télévision (qui sont parfois les mêmes !) sont moins connus. Il est vrai que la télévision a moins recours à des compositions orchestrales originales pour sonoriser ses programmes.

2 Une clause prévoyant la cession au producteur de l’œuvre audiovisuelle, en sus du droit de reproduction dans ladite œuvre audiovisuelle du phonogramme original, est nulle dès lors que le compositeur est sociétaire de la SACEM à laquelle il a donc fait apport de son droit de représentation et de son droit de reproduction.

Le compositeur de la musique originale conserve sur son œuvre, la jouissance de ses droits d’auteur et l’article L. 132-24 du Code la propriété intellectuelle exclut le compositeur de la présomption de cession des droits au profit du producteur. En dehors de l’utilisation de la composition afin de sonoriser l’œuvre audiovisuelle, toute autre utilisation est condition à l’accord de l’auteur et ouvre droit au paiement d’une rémunération.

Par ailleurs, l’article L.113-7 pose une présomption simple selon laquelle l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles est co-auteur de l’œuvre audiovisuelle pour laquelle elles sont spécialement réalisées.

Les artistes-interprètes engagés pour la réalisation de la musique originale. Les modalités de cession de leur prestation seront là aussi fixées par contrat de cession (auquel cas l’exploitation de la prestation par le producteur est rendue possible en contrepartie d’une somme forfaitaire et définitive1) ou les clauses de la feuille de présence SPEDIDAM signée lors des enregistrements (toute autre exploitation par le producteur que celle envisagée doit faire l’objet de l’accord du musicien ou de la SPEDIDAM et ouvre droit à une rémunération supplémentaire indexée sur les barèmes de la SNAM ou de la SPEDIDAM).

La première utilisation d’une musique originale est donc essentiellement régie par une licence contractuelle : les modalités de cession et d’utilisation de l’œuvre et des prestations ainsi que les rémunérations correspondantes seront fixées par contrats et relèvent du champ de la libre négociation2.

§ 2. Les phonogrammes de musique d’illustration

Appelés également musique de stock, musique de librairie ou, de façon plus péjorative musique au-mètre, ces phonogrammes sont réalisés par des sociétés spécialisées dans la fourniture de musiques destinées à l’illustration sonore d’œuvres audiovisuelles.

Ces sociétés sont productrices et éditrices de phonogrammes, qui sont adressés sous forme de CD, aux différentes sociétés travaillant dans le secteur audiovisuel. Ces CD présentent différents morceaux de musique classés par thème ou par genre, disponibles pour une utilisation dans une œuvre audiovisuelle.

1 En effet, l’article L. 212-4 CPI prévoyant que « la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète. Ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre », la rémunération doit couvrir tous les types d’exploitation. Cet article s’applique indifféremment selon que les artistes-interprètes apparaissent ou non ‘‘en chair et en os’’ à l’image (TGI Paris, 6 novembre 1996, inédit. Comp. : Paris, 21ème ch., sect. A, 10 novembre 1992, Dalloz, 1993, jurisp, p. 418.)

2 Même si beaucoup des sommes afférentes à cette utilisation sont fixées par référence aux barèmes mis en place par les sociétés de gestion collective.

L’utilisation de ce type de phonogramme nécessite le paiement de droits auprès de la SDRM au titre du droit de reproduction de l’œuvre des auteurs associés de la SACEM, et d’un droit d’utilisation phonographique au profit de la société éditrice lorsque elle se trouve également être le producteur du phonogramme.

En réalité, les barèmes prévus par la SDRM sont inusités, et le producteur audiovisuel négociera directement avec le producteur phonographique le tarif du droit de reproduction.

Le prix fixé sera fonction de la durée et du type d’œuvre audiovisuelle que la musique au-mètre a vocation à intégrer (film long métrage, téléfilms, publicité…). La sonorisation par de la musique d’illustration est évidemment moins onéreuse que par de la musique originale.

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