Construction de l’objet de recherche – les jeux casual

Construction de l’objet de recherche – les jeux casual
4.2 Outils de collecte de données

Nous avons utilisé différents outils de collecte de données, qui seront ici présentés et justifiés : la recension des écrits, l’entrevue semi-dirigée et le livret de sensibilisation.

4.2.1 La construction de l’objet de recherche par la recension des écrits

La construction de notre objet de recherche s’est faite par la recension des écrits. Bien qu’il soit possible en recherche qualitative de tenter de limiter les biais en évitant de se renseigner préalablement sur le sujet d’étude, il nous a semblé pertinent de mener une recension de littérature afin de mieux construire notre objet de recherche et de bien délimiter notre sujet :

Bien que les pratiques varient beaucoup, allant de l’absence de recension des écrits à la recension la plus fouillée, les chercheurs ont adopté une position stratégique. Tout d’abord il faut lire pour s’informer ; personne ne souffre de trop savoir. Plus le chercheur aura une connaissance approfondie de son sujet, plus il sera a même de construire son objet et de délimiter un échantillon pertinent (Deslauriers & Kérisit, 1997, p. 93).

Ainsi, le principe d’accumulation des connaissances (Deslauriers & Kérisit, 1997), qui sous-tend ce type de démarche, nous a permis de dégager des évolutions dans les définitions du casual game. Cependant, nous avons veillé à conserver un regard critique sur les recherches que nous avons répertoriées afin d’éviter de reproduire leurs biais : « un chercheur trop dépendant de la littérature devient dépendant des autres chercheurs et peut aboutir aux mêmes impasses » (Deslauriers & Kérisit, 1997). Notre recension s’est faite principalement à l’aide d’Internet, en utilisant les moteurs de recherches spécialisés Google Scholar et Mendeley.

4.2.2 Comment collecter le savoir professionnel ?

Collecter le savoir professionnel des designers n’est pas chose facile. Comme le rappelle Schön, ce savoir est particulièrement difficile à décrire et à circonscrire :

When we go about the spontaneous, intuitive performance of the action of everyday life, we show ourselves to be knowledgeable in a special way. Often we cannot say what it is that we know. When we try to describe it we find ourselves at a loss, or we produce descriptions that are obviously inappropriate (Schön, 1983, p.39).

When a practitioner displays artistry, his intuitive knowing is always richer than any description of it (Schön, 1983, p. 276).

Ce problème épineux a été rencontré dans différentes recherches. La chercheuse Nicola Wood (2007) a ainsi essayé plusieurs méthodes afin de collecter le savoir tacite d’artisans. Elle a demandé à ces derniers de reproduire leurs actions quotidiennes sur un prototype en laboratoire, tout en répondant à des questions.

Cette méthode n’a pas véritablement fonctionné, les artisans étaient sur la défensive, et le fait de ne pas être dans leur contexte habituel de pratique accentuait leur malaise. Dans ses réflexions à propos de cette méthode, la chercheuse rapporte ainsi :

When asked to talk about complex matters, skilled practitioners have a tendency to give brief responses that over simplify and give minimal insight into the situation, or even differ from observed practice, presenting a barrier to knowledge elicitation (Wood, Rust, & Horne, 2009, p. 66).

Les auteurs signalent aussi que dans une étude antérieure, certains praticiens ont nié vigoureusement avoir réalisé une tâche alors même qu’ils avaient été filmés en train de l’accomplir (Wood et al., 2009).

Par la suite, Wood a amélioré son protocole : les artisans devaient aider des apprentis, en les guidant et en leur donnant des conseils, ce qui a bien mieux fonctionné. En effet, le fait d’engager un dialogue entre apprentis et experts semble permettre de déverrouiller le savoir tacite de ces derniers (Wood, 2007).

Cette idée du dialogue où le chercheur n’est plus dans une position supérieure au designer est un prérequis de la recherche réflexive pour Schön (Schön, 1983, p. 323). La recherche réflexive demande un partenariat entre les praticiens/chercheurs et le chercheur/praticien. Établir ce type de partenariat demande idéalement une forte collaboration institutionnelle entre l’université et les entreprises, ce qui n’est pas le cas de notre étude. Nous avons cependant essayé de créer des conditions idéales avec les outils à notre disposition, comme nous allons le voir.

4.2.3 L’entrevue semi-dirigée

Comme nous venons de le souligner, les collectes de données par observation posent un certain nombre de problèmes. De plus, il parait fort malaisé de filmer ou même d’observer les activités d’un designer au sein d’une compagnie de jeux vidéo, tant les entreprises entretiennent le culte du secret et protègent leurs propriétés intellectuelles (Arakji & Lang, 2007). De même, conduire une conversation réflexive réciproque avec les professionnels dans le cadre de leur pratique quotidienne ne nous est pas possible.

Heureusement, divers travaux ont montré que d’autres méthodes moins intrusives peuvent apporter des résultats tout aussi pertinents. Ainsi les interviews semi-dirigées permettent d’accéder à l’expertise des participants, comme ce fut le cas dans une étude sur le markéting pour les Jeux Olympiques d’Athènes (Singh & Hu, 2008).

De plus, des travaux en design d’interaction ont recensé différentes méthodes permettant de collecter le savoir des designers (Goodman et al., 2011). Les auteurs constatent qu’il n’existe que très peu d’études ayant demandé aux designers quelle est leur propre vision de leur activité :

And so it is no surprise that we have found so few rigorous, scholarly descriptions of the everyday work of interaction design, and even fewer of interaction designers’ own understandings of what they do (Goodman et al., 2011, p. 1063).

Cette constatation est reprise par Nigel Cross, qui rappelle que :

Asking designers about what they do is perhaps the simplest and most direct form of inquiry into design ability, although this technique has not in fact been practised extensively (Cross, 2011, p. 8).

Ainsi, Goodman et ses confrères soulignent le besoin d’approfondir nos connaissances du travail des designers et insistent pour considérer la pratique comme une activité et comme une expérience, et soulignent l’importance du contexte qui l’entoure. (Goodman et al., 2011). Parmi les méthodes qu’ils jugent les plus adéquates pour comprendre la pratique du design figure bien évidemment l’observation, mais d’autres techniques peuvent être employées :

We are not advocating any particular method. Instead we believe that interaction design practice as a new form of professional practice needs to a diverse set of research methods, each bringing complementary aspects and perspectives to an overall understanding (Goodman et al., 2011, p. 1066).

Ainsi, la pertinence des entrevues est reconnue par les auteurs, dans l’optique d’arriver à un récit de pratique. De plus, les anecdotes, ainsi que les descriptions de cas, peuvent aussi contribuer à enrichir la boite à outils du chercheur en design d’interaction (Goodman et al., 2011).

Cependant, l’étude note que les entrevues posent le problème de l’identité des designers : il est d’usage de conserver l’anonymat des participants, mais cela implique de supprimer en grande partie le contexte dans lequel ils évoluent, et donc de perdre l’une des dimensions de la pratique (Goodman et al., 2011).

Malgré cette limitation, il nous semble que les entrevues semi-dirigées proche du récit de pratique constituent une méthode valide, car elles ont fait leur preuves et demeurent faciles à mettre en place (Deslauriers & Kérisit, 1997). Il s’agit d’ailleurs d’une méthode souvent utilisée en recherche phénoménologique : « Often data collection in phenomenological studies consists of in-depth interviews » (Creswell, 2007, p. 61).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Casual games : définition à l’aide du savoir professionnel des designers de jeux
Université 🏫: Université de Montréal - Faculté de l’Aménagement
Auteur·trice·s 🎓:
Laureline Chiapello

Laureline Chiapello
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté à la Faculté des Études Supérieures et Postdoctorales en vue de l’obtention du grade de M. Sc. A. en Aménagement - Août 2012
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