Le casual game : un phénomène majeur et un marché incontournable

Le casual game : un phénomène majeur et un marché incontournable

1. Introduction : le paradoxe du casual game

Avant d’entrer dans des considérations sur la nature des jeux casual1, nous souhaitons présenter le contexte particulier dans lequel s’inscrit ce phénomène, pour mieux comprendre les enjeux de cette recherche. Nous verrons en quoi le monde du casual game est animé d’un paradoxe. En effet, le casual game est un phénomène reconnu, qui semble s’inscrire dans la durée, et son importance économique en fait un marché de premier plan pour l’industrie vidéoludique. Pourtant, malgré cette importance, le jeu casual reste un domaine peu considéré et peu étudié.

1.1 Un phénomène majeur

Deux éléments complémentaires vont nous permettre de montrer que le jeu casual peut-être considéré comme un phénomène majeur du domaine vidéoludique : d’une part, ce type de jeux a su se faire une place dans le paysage de l’industrie vidéoludique, d’autre part il occupe un marché économique dont l’ampleur ne cesse de croitre.

1.1.1 Reconnaissance du phénomène par l’industrie

Dans son livre consacré au jeu casual, A Casual Revolution Reinventing Video games and Their Players (2009), Jesper Juul retrace rapidement les débuts du casual game. Il estime que l’on doit la première apparition du terme casual au designer Scott Kim, lors de la Computer Game Developper Conference de 1998. Ce designer aurait ainsi associé l’idée des jeux casual avec celle des jeux pour tous : « games for the rest of us » (Juul, 2009, p. 25). Toujours d’après Juul, en 1999, le New York Times fait déjà état de cette nouvelle tendance de jeu qui va à l’encontre des attentes des core gamers, ces derniers étant les hommes de 16 à 35 ans adorant la technologie (Juul, 2009, p. 26).

C’est cependant quelques années plus tard que le terme semble prendre toute son ampleur. On assiste en 2005 à la création de la Casual Game Association, une association de professionnels ayant pour but le support de la création de jeux casual ainsi que la diffusion du savoir dans ce domaine. Cette association publie trois fois par an le magazine Casual Connect, et a réalisé en 2007 une vaste étude sur le marché du jeu casual (Casual Games Association, 2007). De plus, elle organise régulièrement des conférences sur le casual game, sous sa bannière Casual Connect.

1 Nous utiliserons l’expression anglaise « casual game » ainsi que sa version francisée « jeu casual ». Nous garderons « casual » au singulier en toutes circonstances car les adjectifs sont invariables en anglais.

Créé lui aussi en 2005, le Casual Games Special Interest Group de l’International Game Developers Association (IGDA) partage les mêmes ambitions que la Casual Game Association, publie également un magazine, et réalise régulièrement des White Papers (en français : livres blancs) afin de connaitre l’état de l’industrie du jeu casual. La dernière édition date de 2009 (IGDA, 2009).

En 2011, l’Entertainment Software Association (ESA) introduit la catégorie « casual games » dans ses rapports annuels sur le jeu vidéo (Entertainment Software Association, 2011).

Ainsi, le terme casual game est aujourd’hui ancré dans la culture du jeu vidéo.

1.1.2 Un marché incontournable

La pérennité du terme « casual game » est probablement liée au poids économique de ce secteur vidéoludique, qui transparait à travers les rapports des différentes associations.

Alors que le taux de croissance de l’économie américaine entre 2005 et 2009 est inférieur à 2%, la croissance économique du secteur des jeux vidéo a été de plus de 10% (Entertainment Software Association, 2010a). En 2007, le casual game fait partie des phénomènes majeurs recensés dans l’industrie vidéoludique, avec un potentiel de plus de deux millions de dollars de marché aux États-Unis (Casual Games Association, 2007).

Une étude réalisée par la compagnie Nielsen (2009) a montré que le jeu le plus populaire sur ordinateur personnel serait le solitaire:

What is the most popular game in the world? Tracking 185,000 computers in American households over a 7-month period, Nielsen (2009) reported that 47 million unique gamers played Solitaire at least once during that period, whereas 5 million players were playing World of Warcraft, the most popular online role-playing game (Wohn, 2011, p. 199).

Le secteur semble innovant et dynamique : «the casual games industry is still more innovative than the retail video game industry » (Kuittinen, Kultima, Niemel, & Paavilainen, 2007, p. 109), et d’après Nick Fortugno:

Casual games are at an exciting moment in their history. Casual games are present on every game platform, and even in the hardcore console space, casual games rank among the most successful products on sale. The audience for casual games is growing each year, and the fact that these games are played by all kinds of gamers, from the hardest core to the least experienced, means that a good casual game could actually be played by people of all ages. The reach of casual games is by far the widest of any part of the game market (Fortugno, 2008, p. 158).

En quelques années, le casual game est devenu un acteur incontournable du marché vidéoludique (Entertainment Software Association, 2011).

En 2011, l’Entertainment Software Association estime que la part de marché des jeux casual sur ordinateur personnel représente 20,6% du total des jeux vendus (figure 1), ce qui en fait le troisième genre2 de jeu le plus populaire, devançant ainsi les jeux de tirs (Entertainment Software Association, 2012).

2 L’Entertainment Software Association estime que le jeu casual est un genre. Cependant, la division en genres s’appuie principalement sur des critères reliés au gameplay, c’est-à-dire au système de jeu (un jeu de tir, un jeu de conduite, etc.) (Arsenault, 2009), ce qui ne semble pas approprié pour les jeux casual qui sont associés à des gameplays variés. Nous préférons utiliser les expressions « type de jeu » ou « style de jeu », qui montrent que les critères, s’ils ne sont pas encore clairement définis, ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour déterminer un genre.

Genres de jeux vidéo les plus vendus sur ordinateur personnel en 2011

Figure 1 : Genres de jeux vidéo les plus vendus sur ordinateur personnel en 2011 (Entertainment Software Association, 2012)

Cette même année, aux États-Unis, le deuxième jeu le plus vendu est un jeu casual : Just Dance 3 (AFJV, 2012). Le PDG d’Ubisoft, Yves Guillemot, a affirmé que le casual game allait probablement prendre le pas sur le jeu hardcore : «In the long term there’s no reason why the casual would not overcome the hardcore business. » (Weber, 2011). Il existe aussi des spéculations sur le fait que le marché casual et le marché hardcore convergeraient finalement vers un même point, pour ne former qu’un seul et unique type de jeu : « There is also speculation about a convergence of casual and hardcore markets » (Kuittinen et al., 2007).

Le phénomène du casual game est si important que le marché casual est désormais segmenté en sous-catégories. On relève ainsi deux tendances liés au casual game qui deviennent des styles à part entière : le jeu social (social gaming) et le jeu sur téléphones mobiles (mobile gaming). Le jeu social englobe tous les jeux présents sur les plateformes de réseaux sociaux (tel que Facebook), et qui utilisent les fonctionnalités de socialisation de ces dernières (Casual Games Association, 2012b).

Le jeu social possède désormais son propre corpus de recherches (Etherington-Smith, 2011; Information Solution Group, 2010; Kirman et al., 2010; Sung, Bjornrud, Lee, & Wohn, 2010), et représente plus de soixante- dix-sept millions de joueurs selon la Casual Game Association (Casual Games Association, 2012b). Le jeu sur téléphones mobiles et tablettes (par exemple l’iPhone et l’iPad), prend lui aussi de l’ampleur : « Smartphones don’t rule the world… yet.

As smartphone penetration increases, so will the potential audience for high value games. » (Casual Games Association, 2012a). Ces deux tendances ne seront pas étudiées en détail dans le cadre de notre recherche car elles correspondent à des enjeux spécifiques qui ne sont pas ceux de tous les jeux casual (mais des jeux sur mobiles ou sociaux peuvent être évoqués pour leur aspect casual).

Les réflexions concernant le casual game menées par ces différentes associations (Casual Game Association, IGDA, ESA), qui font figure d’institutions dans le domaine du jeu vidéo, ainsi que par des entreprises aussi importantes qu’Ubisoft, montrent que le casual game est un phénomène de premier plan.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Casual games : définition à l’aide du savoir professionnel des designers de jeux
Université 🏫: Université de Montréal - Faculté de l’Aménagement
Auteur·trice·s 🎓:
Laureline Chiapello

Laureline Chiapello
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté à la Faculté des Études Supérieures et Postdoctorales en vue de l’obtention du grade de M. Sc. A. en Aménagement - Août 2012
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