La substitution de garanties et la force obligatoire du contrat

Par la substitution de garanties – Paragraphe 2
La loi du 25 janvier 1985 a instauré un mécanisme de substitution de garanties judiciaire pendant la période d’observation95 et dans le cadre d’un plan de continuation96.
Dans le premier cas, l’administrateur, ou le débiteur, peut proposer aux créanciers la substitution, aux garanties que ces derniers détiennent, de garanties équivalentes en cas de vente d’un bien grevé d’un privilège, au lieu de voir une quote-part du prix versée à la Caisse des dépôts et consignation. A défaut d’accord, le juge-commissaire peut ordonner cette substitution.
Dans le second cas, si un bien grevé d’un privilège, d’un nantissement ou d’une hypothèque est vendu, une autre garantie peut être substituée à cette sûreté en cas de besoin, si elle présente des avantages équivalents. En l’absence d’accord, le tribunal peut ordonner cette substitution. Cette substitution consiste donc à remplacer une garantie par une autre présentant des avantages équivalents. Par garantie, il faut retenir la notion au sens large du terme c’est-à- dire un procédé juridique qui renforce les chances d’exécution d’un rapport d’obligation97.
Ainsi, ce n’est qu’à défaut d’accord des créanciers que les organes judiciaires, à savoir le juge-commissaire pendant la période d’observation ou le tribunal lors d’un plan de continuation, peuvent imposer une substitution de garanties. Cette substitution judiciaire dénature le contrat d’origine, puisqu’elle remplace une garantie, librement consentie par les parties, par une autre et ce sans leur accord. Cela est attentatoire à la libre volonté des parties et à la force obligatoire du contrat puisque son objet est modifié.

95 Article L 621-25 du Code de commerce.
96 Article L 621-80 du Code de commerce.
97 MALAURIE et AYNES, Les sûretés, Cujas.

Si ce mécanisme affecte la liberté contractuelle des parties, c’est dans le but de préserver les intérêts de l’entreprise. Cette substitution de garantie permet « en cas de vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque98 » d’éviter que les fonds soient remis à la Caisse des dépôts et consignations99 et profitent ainsi directement à la poursuite de l’activité qui a forcément besoin de liquidités.
Elle permet, dans le cadre d’un plan de continuation, d’éviter que le produit de la vente du bien grevé soit affecté au paiement des créanciers privilégiés. Le but de la substitution de garanties est donc de faire bénéficier directement l’entreprise des fonds issus de la vente d’un bien au détriment des créanciers privilégiés ou de leur immobilisation à la Caisse des dépôts.
Cette décision de substitution doit être motivée par les besoins de l’entreprise. Si le caractère judiciaire de cette substitution permet au juge de s’immiscer dans la sphère contractuelle en modifiant l’accord de volonté initial des parties c’est afin de concilier au mieux les intérêts en présence tout en faisant prévaloir l’intérêt de l’entreprise. La loi a tout de même encadré le pouvoir judiciaire. En effet, l’article L 621-25 du Code de commerce dispose que la substitution de garanties s’opère « en cas de besoin » donc pas discrétionnairement.
D’autre part, la sûreté substituée à celle initialement convenue doit être équivalente. La notion d’équivalence n’étant pas définie juridiquement, comment le juge doit-il appréhender cette notion ?
Prise dans son sens littéral, la notion d’équivalence signifie « qui a la même valeur100. » Doit-on entendre ici que la sûreté remplacée doit être équivalente juridiquement ou économiquement à la sûreté originaire ?
Si elle est équivalente juridiquement cela veut dire qu’elle aurait la même nature, les mêmes caractères que la première. Les possibilités seraient ainsi fortement limitées : par exemple, remplacer une hypothèque par une autre. Il semble que ce sens soit à rejeter. Quand on parle d’équivalence économique cela signifie que l’on retient l’équivalence des résultats.
Ce qui est recherché c’est la protection du créancier bénéficiaire de la sûreté. Cette protection doit être comparable avec la nouvelle garantie à celle qu’il avait auparavant. En pratique, il s’agira d’une équivalence relative et pas parfaite101.
Les recours ouverts contre cette décision de substitution sont un autre élément de protection du créancier contre l’éventuel arbitraire des organes judiciaires. L’article L 621-25 du Code de commerce dispose expressément que le recours contre l’ordonnance du juge- commissaire prononçant la substitution est portée devant la Cour d’appel donc la compétence du tribunal est ici exclue.
La doctrine102 s’est demandée si un recours était possible contre une ordonnance refusant la substitution car l’article précité reste silencieux sur ce point. Des raisons d’opportunité l’ont conduit à considérer qu’une telle ordonnance était également susceptible de recours devant la Cour d’appel.
Contrairement à l’article L 621-25 du Code de commerce, l’article L 621-80 du même code est muet sur les voies de recours. Pour messieurs Derrida, Godé et Sortais, les voies de recours seraient les mêmes que celles admises contre un plan de continuation puisque la substitution de garanties est selon eux obligatoirement incluse dans le plan de continuation. En conséquence, l’appel de la décision arrêtant le plan ne serait recevable qu’à des conditions strictes et le créancier ne pourrait interjeter appel. C’est pour cela, qu’une autre partie de la doctrine103 estime que le créancier, étant consulté par le tribunal, devient une partie à l’instance donc les voies de recours doivent lui être ouvertes. Ces auteurs estiment également, qu’il est tout à fait possible que la substitution de l’article L 621-80 du Code de commerce puisse être ordonnée par le tribunal dans une décision indépendante de celle qui autorise le plan de continuation. A l’appui de cette analyse, ils avancent l’article 100 du décret. Cet article précise que la substitution de l’article L 621-80 du Code de commerce est ordonnée par le tribunal devant lequel s’est déroulée la procédure redressement judiciaire. Ainsi tant que cette procédure n’a pas pris fin, la substitution peut être décidée par ce tribunal. Ces arguments semblent convaincants d’autant plus que maintenir un double degré de juridiction est protecteur des droits du créancier, droits qui sont suffisamment bafoués par la substitution qu’on peut lui imposer.

101 D. POHE, La substitution judiciaire dans la loi du 25 janvier 1985, Rev. Proc. Coll. 1992 p. 245.
102 F. DERRIDA, GODE et SORTAIS; et D. POHE, op. cit.
103D. POHE et E. JOUFFIN.

Les objectifs de sauvegarde de l’entreprise et du maintien de l’activité soutendent l’ensemble de la réglementation de la procédure collective. Ainsi pour réaliser les objectifs de la loi, le législateur n’hésite pas à renier les principes classiques du droit des contrats pour maintenir coûte que coûte les contrats qui sont indispensables à la survie de l’entreprise.
La force obligatoire du contrat ainsi que l’autonomie de la volonté sont mises à mal chaque fois que cela est nécessaire pour l’entreprise. Les contrats utiles à l’activité du débiteur doivent être préservés. A ce titre, toute disposition du droit commun susceptible d’y porter atteinte est écartée.
Parallèlement, les contrats inutiles pour l’entreprise, en raison de ces difficultés, doivent être rompus rapidement donc facilement. Or certaines dispositions du droit commun doivent être neutralisées pour parvenir à cet objectif.
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(Les atteintes de la procédure collective à la liberté contractuelle)
Mémoire de DEA Droit des affaires
Université Robert Schuman de Strasbourg
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