Débat sur les cellules souches : le dilemme éthique du CIB

Paragraphe 2 : L’attitude ambigüe du Comité international de Bioéthique face à l’usage des cellules souches embryonnaires

L’usage des CSE est en plein essor en raison des innombrables bienfaits qu’elles pourraient procurer à l’Homme aux dires de nombreux scientifiques. Dans ce contexte, l’on s’attendait à une réaction de la part du CIB, en vue d’orienter les États sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ce nouveau phénomène. Le CIB n’a pas émis de position tranchée, ce qui s’analyse en un manque d’avis (A) qui conduit à se focaliser sur les sensibles progrès des CSE en vue de s’en faire une idée (B).

A- Le manque d’avis du Comité international de Bioéthique

Le manque d’avis du CIB se constate par un renvoi à la législation nationale des États parties (1). Tout de même, il a tenu à mettre en garde ceux-ci contre les risques de l’usage des CSE (2).

Le renvoi à la législation nationale des États parties

Au cours de la septième session du CIB, la question de l’utilisation des CSE pour la recherche thérapeutique a fait l’objet d’un débat. Il en est ressorti trois points de vue radicalement opposés ; L’utilisation des CSE fut considérée comme fondamentalement non éthique par un groupe de participants. Un autre groupe a estimé qu’elle est acceptable sous certaines conditions strictes et dans un but thérapeutique. Quant au dernier avis, il repose sur le fait que les risques actuels liés à ces recherches et à leurs éventuelles dérives éthiques, notamment les risques d’instrumentalisation de l’embryon, devraient conduire à l’interdiction des recherches sur les CSE241.

241 Actes du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), op. cit., p. 44.

Face à une telle situation, le CIB s’est vu contraint de préconiser que les débats s’engagent au sein des instances nationales appropriées. Ce qui favoriserait l’expression d’une pluralité d’opinions, en vue, dans la mesure du possible, de parvenir à un consensus fixant les limites de ce qui est acceptable dans ce champ nouveau et important de la recherche thérapeutique. Les États devraient prendre les mesures appropriées pour amorcer un dialogue continu au sein de la société sur les questions éthiques soulevées par ces recherches, associant tous les acteurs concernés242.

Il serait judicieux de chercher à connaitre l’origine des CSE au regard des divergences auxquelles elles ont donné lieu.

« Les CSE proviennent des embryons qui n’ont pas été utilisés lors de la fécondation in vitro, des embryons ayant été créés spécifiquement dans le but d’être une source de CSE, des restes de fœtus après les avortements, des embryons obtenus après clonage ». En effet, le corps humain est constitué de différents tissus et organes ayant des fonctions bien précises. Chaque tissu est formé d’un ensemble de cellules. Les particularités d’un tissu sont liées aux fonctions qu’il exerce243. Les fonctions d’un tissu sont la résultante des fonctions des cellules qui le constituent. Les cellules de l’organisme ont une même origine et proviennent d’un seul type de cellule qui va se différencier pour donner naissance à toutes les cellules et les tissus.

Ces cellules sont appelées cellules souches ou cellules mères ou encore « stem cells ». Ces cellules souches possèdent en outre deux propriétés fondamentales : l’auto-renouvellement et la différenciation. L’auto-renouvellement permet aux cellules souches, lorsqu’elles se divisent, de redonner naissance à une autre cellule souche identique à elle-même. Par la différenciation, les cellules souches se transforment en un type cellulaire spécialisé en fonction des besoins de l’organisme et de l’environnement dans lequel elles se trouvent. Selon leur capacité de différenciation, ces cellules peuvent être totipotentes, pluripotentes ou multipotentes244.

En l’absence d’un parti pris, le CIB a tenu à souligner le caractère primordial des mesures qui devraient être prises pour garantir que ces recherches sont menées dans un cadre législatif ou réglementaire qui accorderait le poids nécessaire aux considérations éthiques et fixerait des principes directeurs adéquats. L’opportunité de ces recommandations transparait

242 Ibid., p. 49.

243 K. YANGNI-ANGATE, op. cit., p. 22.

244 Ibid., p. 24.

davantage lorsque l’on se penche sur tous les désagréments qui sont susceptibles de naitre de l’usage des CSE.

La mise en lumière des risques de l’usage des cellules souches embryonnaires

Les CSE peuvent être totipotentes. Ce qui signifie qu’elles sont capables de se différencier en tous les types de cellules nécessaires à un organisme entier et de se développer en un tel organisme. Elles proviennent de l’ovule fécondé ou des cellules issues des premières divisions de cet œuf jusqu’au quatrième jour. Il s’agit de la morula qui comporte 2 à 8 cellules245.

Lorsqu’elles sont pluripotentes, elles ont pour vocation de former tous les tissus de l’organisme sans pour autant parvenir à se développer en l’organisme en question. Elles sont présentes dans l’embryon peu de temps après la fécondation jusqu’au stade de développement dit de blastocyste où elles constituent encore la masse cellulaire interne. Elles peuvent se différencier en cellules issues de n’importe lequel des trois feuillets embryonnaires y compris les cellules germinales. Quand les cellules sont multipotentes, elles donnent naissance à un nombre limité de tissus246.

C’est de leur grande capacité à se différencier en plusieurs cellules que provient le danger des CSE. Leurs facultés de parvenir à une croissance très puissante conduit au risque de pouvoir les voir se transformer en cellules tumorales. Ce sont des cellules instables247. En outre, on peut craindre la transmission d’agents infectieux au cours du processus248. Il est à relever que la recherche sur les CSE implique la destruction d’un nombre considérable d’embryons humains. L’embryon apparait dans ces circonstances comme « un simple matériel biologique ».

L’usage des CSE constitue une action lourde de conséquences. Compte tenu du manque d’unanimité des États parties à la session, le CIB s’est contenté de faire quelques remarques et de laisser chaque État agir selon son bon vouloir. Certains États se sont montrés favorables à l’usage des CSE en se fondant sur les espoirs qu’elles suscitent dans le milieu médical. Il convient de confronter les CSE et les CSA afin de parvenir à dénicher la plus avantageuse pour la recherche d’entre les deux.

245 K. YANGNI-ANGATE, op. cit., p. 25.

246 Actes du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), p. 32.

247 K. YANGNI-ANGATE, ibid.

248 Actes du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), ibid., p. 33.

B- La confrontation entre cellules souches embryonnaires et cellules souches adultes

Les recherches menées sur les CSE n’ont pas été tout à fait concluantes. Les résultats obtenus sont minimes et partiels par endroit. Néanmoins l’espérance en la découverte de nouveaux traitements par leur utilisation (1) demeure d’actualité. Par ailleurs, il existe d’autres

« cellules souches » dites adultes, en particulier celles qui proviennent du sang de cordon ou du cordon ombilical lui-même. Grâce à ces Cellules Souches adultes (CSA), de nombreux traitements sont possibles contre des maux tels que les leucémies, les brûlures, les lésions. Cela s’apparente en une reconnaissance des capacités des CSA (2).

L’espérance en la découverte de nouveaux traitements dans l’utilisation des cellules souches embryonnaires

Bien que la recherche sur les CSE soit fortement encouragée par les scientifiques, à ce jour, les résultats escomptés ne sont pas réalisés sauf, de façon partielle, en matière cardiaque et ophtalmologique249. Lorsque l’on s’en tient au temps verbal utilisé par le CIB pour présenter les avantages des CSE, on comprend qu’elles ne sont qu’à l’étape expérimentale et qu’il va falloir du temps pour qu’elles puissent produire des résultats. Par conséquent, cela va entrainer une destruction massive d’embryons humains. En effet, c’est par le conditionnel que le CIB évoque les futures prouesses des CSE contre plusieurs pathologies.

Dans le cadre du traitement du cancer, les transfusions et les greffes de cellules du système immunitaire permettent d’utiliser de façon plus intensive des médicaments cytotoxiques. Les transfusions de sang d’origine fœtale ou les greffes de moelle osseuse pourraient être avantageusement remplacées par l’injection de cellules souches hématopoïétiques provenant de CSE ayant un potentiel immunogénétique défini ou autologues. La réparation ainsi apportée au système immunitaire pourrait aussi être avantageusement utilisée dans le traitement de maladies immunodéficitaires, telles que le Sida ou des maladies auto-immunes telles que le lupus ou la sclérose en plaques250.

Il en est de même pour certaines maladies du système nerveux, telles que la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, la sclérose en plaques et autres maladies neurodégénératives. Des tissus cultivés en laboratoire, provenant de lignées de CSE, pourraient être employés pour remplacer les cellules nerveuses disparues ou endommagées du fait de ces maladies. Il serait possible de transplanter des neurones qui iraient s’insérer dans le cerveau ou

249 Ibid.

250 Actes du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), op. cit., p. 34.

la moelle épinière ou qui produiraient divers neurotransmetteurs faisant défaut. Il serait également possible de transplanter des cellules gliales produisant la gaine myélinique des nerfs.

L’infarctus du myocarde n’est pas en reste, en effet lorsque ce mal se produit, les cellules du myocarde sont détruites car l’infarctus empêche le sang de circuler dans les coronaires. Il serait possible d’y remédier en remplaçant les cellules détruites pas des cellules de muscle lisse cardiaque obtenues par une différentiation in vitro de lignées de CSE. En outre, les CSE constitueraient un bon moyen de lutte contre les maladies des os et des cartilages. On peut citer à cet effet, l’affection dénommée ostéoarthrite, dans laquelle le cartilage endommagé pourrait être soignée par l’introduction de cellules réparant la partie atteinte. Les os manquants par suite de traumas ou d’interventions chirurgicales pourraient être remplacés à l’aide de nouvelles cellules osseuses.

Certes, l’usage des CSE pourrait être source de multiples avantages pour l’avenir, cependant leur usage constitue une transgression éthique qui se justifie d’autant moins que les recherches sur les CSA ne se heurtent à aucune objection éthique majeure.

La reconnaissance des capacités des cellules souches adultes

Les CSA sont des cellules indifférenciées, généralement des cellules multipotentes. Ces dernières ont des potentialités plus restreintes que celles des cellules souches totipotentes ou pluripotentes. Selon certains chercheurs, elles sont capables de donner naissance à différentes lignées cellulaires d’un tissu donné. Elles sont la base de son renouvellement naturel et de sa réparation à la suite d’une lésion. Elles auraient été déjà utilisées dans des traitements de plus d’une centaine de maladies251. Les CSA sont présentes dans l’embryon, le fœtus ou dans l’organisme adulte. Elles sont qualifiées de « somatiques » du grec soma qui équivaut au corps, par opposition aux cellules germinales. Elles peuvent être identifiées grâce à leurs marqueurs membranaires ou grâce aux colonies qu’elles forment in vitro par culture en milieu semi solide252.

Parmi les exemples de CSA figurent certaines cellules de la moelle osseuse qui donnent naissance à toutes les lignées sanguines, mais peuvent aussi devenir cellules du foie ou cellules du muscle cardiaque. Les cellules souches neurales donnent naissance aux neurones et aux cellules gliales, mais peuvent aussi devenir cellules cardiaques, pulmonaires ou hépatiques. Le

251 K. YANGNI-ANGATE, op. cit., p. 25.

252 Ibid.

CIB soutient que lors de la préparation de tissus pour la transplantation, les CSA offrent un potentiel moindre que les CSE253.

Cependant, depuis 2007, des équipes scientifiques ont reprogrammé des cellules adultes en cellules « pluripotentes » : ce sont les « cellules souches pluripotentes induites » (iPS) ou

« induced pluripotent stem cells ». Elles ont été mises au point par le groupe de chercheurs dirigés par Shiniya Yamanaka de l’Université de Kyoto au Japon254. En outre, il ressort des travaux de plusieurs auteurs l’existence de cellules souches pluripotentes dans la moelle osseuse de l’adulte ayant les mêmes caractéristiques que celles des CSE255. Par ces découvertes, l’on pourrait affirmer que les CSA sont capables de produire des résultats semblables aux CSE avec en prime des risques amoindris.

Par ailleurs, la faculté des CSE à enrayer certains maux est remise en cause par certains auteurs qui les considèrent comme étant « de fausses promesses »256. D’autres estiment que :

« les véritables cellules somatiques, pluripotentes, sont celles des adultes. Les cellules souches embryonnaires sont des cellules totipotentes, elles sont faites pour créer et non pour réparer. Elles aboutissent rarement à l’effet désiré. Contrairement à ce que révèlent les moyens de communication, les cellules embryonnaires peuvent se révéler très dangereuses et aboutir à la formation de tumeurs ou de néoplasies »257.

Quant à l’Église Catholique, elle affirme que : « il faudrait encourager plus fortement l’usage des CSA car elles favorisent la thérapie cellulaire. À condition d’en ouvrir solidairement le bénéfice, en évitant une gestion purement privée des banques de cellules, qui seraient réservées à des patients fortunés ou aux pays mieux lotis ».

Dans l’optique d’une protection effective de l’embryon humain, le législateur pénal ivoirien et les acteurs de la bioéthique ont pris des initiatives. L’un a entrepris d’interdire l’avortement en l’assortissant de sanctions tandis que l’autre a procédé par recommandations. Ces mesures sont salutaires. Elles auraient pu l’être davantage si elles parvenaient à des résultats. Cependant le constat est que l’embryon continu d’être déshumaniser, l’avortement atteint de grandes proportions en Côte d’Ivoire et la science ne cesse de se servir de cet être comme s’il était « un matériau de laboratoire ». Dès lors, la protection dont il fut auparavant

253 Actes du Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB), op. cit., p. 34.

254 K. YANGNI-ANGATE, ibid.

255 Ibid.

256 LOPEZ MORATALLA.N., 2005, «Lobby of embryonic stem cells. Background of the cloning fraud», Cuaderno de bioética (58): 419-431, cité par Duni SAWADOGO, (sous la dir.) K. YANGNI-ANGATE, op. cit., p. 22.

257 VESCOVI A., 2004, interview dans « le meeting » de Rímini (Italia), consulté sur internet (www.zenit.org), le 17 mai 2008. Ibid., p. 26.

le bénéficiaire ne peut s’analyser qu’en une protection utopique en raison de son manque de résultats probants.

 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le statut juridique de l’embryon humain en droit ivoirien
Université 🏫: Facultés universitaires privées d’Abidjan - Option : Droit privé fondamental
Auteur·trice·s 🎓:
Yozan Tralou Cindy Marie-josé

Yozan Tralou Cindy Marie-josé
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin de cycle en vue de l’obtention du diplôme de master de recherche - 2018 -2019
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top