Gestion stratégique des relations fournisseur-acheteur : 5 clés pour un partenariat réussi

5. Le mode de management des relations client-fournisseur

Dans une étude réalisée en 2008 par Ernst & Young, 70% des acheteurs questionnés jugent que leurs méthodes de suivi sont insuffisantes et souhaitent les améliorer dans l’avenir. La problématique de management des relations fournisseurs est aujourd’hui leurs centre d’intérêt.

La plupart des travaux de recherche avancent généralement trois important types de management des relations d’échange (Nogatchewsky, 2009) :

  • Le marché (Mettre en concurrence les fournisseurs)
  • La bureaucratie (Formalisation des contrôles à travers des processus normés avec des indicateurs de performance élargis)
  • La confiance (Avoir la confiance dans la bonne volonté du partenaire)

Si l’on se base sur la segmentation relation open market, stratégique et tactique citée précédemment, on va pouvoir distinguer différents modes de management fournisseur – acheteur : d’une part, dans les relations open market, l’acheteur adopte un management orienté contrôle par le marché. D’autre part, dans les relations stratégiques, l’acheteur met en place des processus complexes avec un contrôle à la fois formel et informel, quant aux relations tactiques, elles sont managées de manière intermédiaire.

Dans les relations open market, l’acheteur applique une gestion au coup par coup et il est en mesure de changer rapidement de fournisseur si la performance attendue n’est pas atteinte. Mettre en concurrence les fournisseurs à travers les enchères inversées par exemple, accompagnée par un suivi des performances (coûts, qualité, délai) est la meilleur solution. Ce genre de relations est géré quotidiennement par les front line agents, ce qui permet d’optimiser les coûts de management de la relation.

Dans les relations stratégiques, des modes de management plus complexes sont envisagés, il s’agit bien d’allier des procédures formels et informels aux différents niveaux de l’organisation.

Dans ce type de relations, la phase de sélection est très importante. Elle précède un contrat à long terme et la modélisation du cadre de management de la relation. D’après des travaux de recherche, cette phase permet d’éviter les risques qui peuvent entraver le bon déroulement de la coopération : l’opportunisme, les risques de la dépendance, la défaillance financière, l’incompétence, etc. ainsi que les difficultés de transparence liées à l’interdépendance des partenaires (Dekker, 2008).

Quand la relation est stratégique, il faut bien prendre le temps avant de choisir le partenaire car on le choisit pour longtemps. Plusieurs entreprises industrielles ont développé pour cela des méthodes, cela consiste à sélectionner les fournisseurs potentiels sur la base d’un bon nombre de critères à savoir : le niveau de compétitivité (coût, qualité, délai), la capaciter du fournisseur à innover, ses moyens technologiques, ses ressources humaines, la qualité de l’organisation du fournisseur potentiel, sa santé financière, son degré d’implication, son partage d’information.

Pour contrôler la concordance d’un partenaire éventuel, on peut utiliser différentes techniques comme les audits, l’appel d’offre ou bien les études d’experts. C’est ce qu’on appelle des techniques de management. Mais la confiance reste le plus important pour prendre la décision d’un partenariat avec un fournisseur et elle s’évalue sur sa notoriété ainsi que les relations partagées lors des différents échanges.

Le choix du fournisseur est procédé par l’acheteur stratégique (au niveau middle management) mais pas seulement. En effet, d’autres décideurs rentrent en jeu aussi (comme les prescripteurs, utilisateurs, et les tops managers) et apprend des renseignements des mandataires de première ligne. La décision du fournisseur est contractualisée pour définir le partenariat et comment il sera honoré.

La mise en pratique du contrat s’accomplit aux trois niveaux hiérarchiques. Les fronts agents se rencontrent très fréquemment pour résoudre des problèmes opérationnels. Ils mettent en œuvre les plans d’action. Certains agents sont même délocalisés sur les sites de leur partenaire pour être au plus près du terrain. Les managers des deux entreprises se rencontrent lors des revues formelles dites stratégiques qui ont lieu régulièrement (par exemple tous les trimestres).

Ces rencontres ont pour objet de faire le point sur la conduite des projets, les performances, les points de blocage éventuels et les plans d’action à mettre en œuvre. Enfin, les tops managers se rencontrent lors de symposiums organisés par le client pour expliciter sa stratégie au sein de leur réseau personnel ou professionnel (salons, manifestations culturelles ou sportives, clubs professionnels, etc.).

Tous les niveaux hiérarchiques sont complémentaires dans le management de la coopération. Cette osmose des différents niveaux permet d’appuyer une coopération sur la base d’intérêts convergents à long terme et divergents à court terme. Ainsi, les tops managers maintiennent la collaboration à longue échéance.

Ils peuvent être amenés à gérer des conflits qui constituent des blocages pour la poursuite d’un projet et qui n’ont pas trouvé de solution aux échelons inférieurs.

Cependant, la solution de ces désaccords s’effectue de manière globalement homogène entre des acteurs s’inscrivant dans des réseaux professionnels équivalents. A leur tour, les middle managers régentent le déroulement de la collaboration. Ils commercent les prix et dialoguent sur les problèmes de qualité ou de délais. C’est délicat car c’est là que les intérêts sont les plus discordants et donc les rapports les plus problématiques. Au niveau des front line agents, on observe souvent une complicité entre des personnes qui travaillent très régulièrement ensemble et qui lient ainsi des liens de confiance.

Il n’est pas rare de voir un front line agent donner des informations privilégiées à son fournisseur afin qu’il se place davantage sur un nouveau marché et défendre ensuite sa candidature en interne.

Au final, chaque niveau répond à des besoins particuliers de la coopération (partage de la vision stratégique au top management, de la compétitivité et l’entente au niveau middle et action des opérations au front line). Cette difficulté accorde d’adoucir les chocs puisque les conflits se gèrent à certains niveaux, sans freiner les bonnes relations personnelles à d’autres. C’est comme cela que peut s’améliorer une confiance inter-entreprise qui paraît essentielle au succès des relations stratégiques.

6. Développement de la confiance dans la relation fournisseur – acheteur

Depuis les années 90, la confiance est à l’honneur dans les nombreux ouvrages et articles de professionnels et de chercheurs sur les relations fournisseur – acheteur.

Croire en son partenaire, c’est espérer qu’il peut et veut agir de façon positive dès que possible. Cette conviction appartient aussi bien aux caractéristiques techniques (confiance dans les compétences du partenaire à réaliser la tâche prévue) que des caractéristiques morales (confiance dans la détermination de l’autre à agir dans l’intérêt du partenaire). (Nogatchewsky, et al,. 2010).

Dans des contextes de doutes, la confiance donne l’aisance nécessaire aux partenaires pour faire face aux bouleversements imprévus, pour appréhender les opportunités, déployer des innovations, etc.

Les vertus de la confiance ont été affirmées par plusieurs études.

La confiance privilégie l’action jointe et la collaboration. Elle facilite la coordination et la résolution des conflits. Des relations de confiance accordent en outre, de considérer un futur encourageant entre des partenaires, un engagement réciproque sur une coopération étendue puisque chaque collaborateur est persuadé des aptitudes et de la sincérité de l’autre.

Finalement, la confiance a un impact direct sur la performance des partenaires : elle aide à diminuer les coûts de négociation et les coûts du contrôle (moins de temps à passer à définir les contrats, à contrôler).

Ces bénéfices sont exactement ceux qui sont attendus d’une coopération vertueuse. Dès lors, il semble important de créer et de développer la confiance entre les partenaires. Beaucoup d’études ont ainsi abouties sur le sujet.

Auparavant, les caractéristiques des partenaires sont importantes : la réputation, la taille, le niveau d’expertise et le partage des valeurs sont autant d’éléments qui encouragent la confiance. Il apparait donc primordial de prendre en considération ces aspects dans la phase de sélection des fournisseurs stratégiques d’une part et la complexité à développer de réels partenariats avec des fournisseurs ayant une instruction culturelle très différente d’autre part.

Par ailleurs, le bon déroulement des échanges permet de renforcer chaque jour ce sentiment de confiance fondamental. Ainsi, les interactions répétées entre les individus, les succès communs permettent de faire apparaitre des règles précises (procédures de communication, partage d’informations) et tacites (honnêteté, transparence, réciprocité, solidarité) qui renforcent la confiance (Larson, 1992). Par conséquent, les individus sont le fil conducteur du déploiement de la confiance.

Le rassemblement des équipes de R&D sur des plateaux-projets ou la présence réciproque des front line agents sur les sites sont autant d’actions qui rendent possible de construire et consolider les liens favorables. Cependant, la confiance qui débute de ces interactions est avant tout interindividuelle.

Dans un contexte où l’inconstance professionnelle des personnes est influente (un acheteur reste à son poste environ 3 ans), la question est de savoir comment rendre durable la relation de confiance interpersonnelle et de la modifier en relation de confiance inter-entreprise.

L’une des réponses demeure dans la régularisation des échanges et la correspondance sur les bonnes pratiques entre entreprises afin d’améliorer une orientation collective positive sur le partenaire qui est à la base de la confiance inter-entreprise.

C’est pourquoi, les nouvelles formes de management des relations fournisseur – acheteur sont celles qui autorisent de créer et d’améliorer la confiance entre les partenaires. Il s’agit aussi bien de la confiance dans les compétences de l’autre que dans sa bonne volonté.

La confiance n’exclue pas le contrôle. Au contraire, elle s’accroit progressivement par la mise en place des dispositifs de contrôle formels qui, eux-mêmes, évoluent dans le temps. Le succès de ce mode de management présume de ne pas sacrifier aujourd’hui les relations durables sur l’autel des difficultés économiques. A long terme, la stratégie est rentable.

Des recherches dévoilent que les entreprises qui ont fait de la relation avec leurs fournisseurs un axe d’amélioration à long terme (ex. Toyota) créent davantage de valeur, et ce, même en période de crise. La stratégie de la confiance, qui n’est pas celle de la crédulité, ne peut être appliquée qu’à partir d’une réflexion sur la complexité des structures inter-organisationnelles. Ces structures doivent concéder de réunir coopération et compétition aux différents niveaux hiérarchiques. L’étude des organisations internes des entreprises et leur impact sur le management des relations client-fournisseur n’en est encore qu’à son commencement.

Sur la base de la segmentation Kraljic et les classifications des types de relations fournisseur – acheteur de Dyer et Gwenaëlle Nogatchewsky on constate que les trois approches se complètent pour dire qu’en général il y a deux types de fournisseurs. Le premier type regroupe les fournisseurs non stratégiques avec qui l’acheteur ne développe pas une grande relation collaborative et se contente juste de l’échange de transactions à travers l’achat de biens commodités en contrepartie d’un paiement.

Le deuxième type regroupe les fournisseurs stratégiques, avec qui l’acheteur se trouve dans l’obligation de développer une relation stratégique solide et durable, puisqu’il s’agit d’un achat de produits complexes ou personnalisés. Etant donné que ce mémoire traite le sujet de l’impact de la crise économique sur la relation fournisseur – acheteur, on a choisi donc de se focaliser sur les relations fournisseurs – acheteurs stratégiques puisqu’on a constaté une quasi-inexistence même de relation entre les acheteurs et les fournisseurs non stratégiques.

Désormais, l’objectif de ce mémoire est de comprendre comment les relations de l’acheteur avec ses fournisseurs stratégiques sont impactées par une crise économique. Si on revient à la littérature académique, on trouve que ce sujet s’enregistre dans un contexte plus global qui est celui de la gestion des risques fournisseurs, puisque la crise économique réfère par définition à une dégradation brutale de la situation économique et des perspectives économiques.

Son étendue sectorielle, temporelle et géographique peut aller d’un seul secteur, d’une seule région pour une brève période à l’ensemble de l’économie mondiale pendant plusieurs années, on parlera alors de ralentissement économique ou, plus grave, de récession économique. (Blondeel et al,1995).

Si on projette cette définition sur notre sujet, on peut dire généralement que les conséquences de la crise impactent négativement les acteurs de l’économie. Les fournisseurs sont avant tout des entreprises qui font partie de l’écosystème en crise. Un tel déséquilibre crée des problèmes financiers aux fournisseurs, bloque leurs productions, baisse la qualité de leurs produits, retarde leurs délais de livraison etc. Les conséquences ne s’arrêtent pas à ce niveau puisqu’elles vont évidemment impacter directement l’acheteur. Il est donc important de citer ce que la bibliographie académique avance au sujet de la gestion de risques au sein de l’entreprise globalement ou plus précisément, comment les acheteurs gèrent les risques fournisseurs.

7. La gestion des risques

7-1 Définition de la gestion des risques

D’après Laurent Pierandrei la gestion des risques est une « Discipline qui s’attache à identifier et à traiter avec méthode les risques auxquels s’expose l’entreprise, quel que soit la nature ou l’origine de ces risques » (Pierandrei, 2019).

Selon FERMA la gestion des risques est « un processus continu d’amélioration qui commence avec la définition de la stratégie et se poursuit avec l’exécution de celle-ci. Elle devrait traiter systématiquement tous les risques qui entourent les activités de l’organisation, que celles-ci soient passées, présentes et surtout futures ».

Jean-David Darsa définit la gestion des risques comme suit : « L’ensemble des politiques, des stratégies, des dispositifs de maîtrise, de contrôle et de suivi et des moyens humains, financiers et matériels mis en œuvre par une organisation afin d’identifier, de détecter, limiter et maîtriser les risques liés directement ou indirectement à ses activités » (Darsa, 2009).

Une entreprise, quelle que soit son activité ou sa taille, est exposée à plusieurs risques, de par son marché, son environnement, ses relations commerciales avec ses partenaires, ses fournisseurs, ses concurrents ou même ses clients etc. Elle est donc obligée d’identifier ces risques et d’élaborer des stratégies adaptées pour y faire face. La gestion des risques devient alors un processus qui doit être géré au quotidien, pour identifier les risques, les analyser, et mettre en place les actions afin de les maîtriser et même de les anticiper.

Face à cet enjeu de gestion des risques, on va approfondir une catégorie bien précise de risques liée aux risques fournisseurs et comment les acheteurs gèrent les risques fournisseurs ?

7-2 Le rôle des acheteurs dans la gestion des risques

Les acheteurs sont les contacts privilégiés des fournisseurs. Ils sont l’interface entre les fournisseurs et les clients internes. Cela leur permet donc d’occuper une position stratégique dans la gestion des risques fournisseurs.

De plus, au niveau interne, les acheteurs travaillent de plus en plus en amont, en mode projet avec les différents services de l’entreprise (R&D, qualité, les services commerciaux et production, direction générale, financier et service juridique).

D’ailleurs, comme cela a été cité précédemment, le métier des acheteurs a beaucoup évolué et la gestion des risques est devenue une compétence indispensable. Voici un extrait d’une offre d’emploi pour un poste Achat :« Rôle et missions : Identifier et mesurer proactivement tous risques fournisseurs et mettre en place des plans pour sécuriser la chaîne logistique ».

D’après une étude d’Agile Buyer et X-Achats (http://agilebuyer.com/site/wp-content/uploads/2015/12/20151230_VF_Etude_AgileBuyer-XAchats_Tendances-2016-Site-Web-AgileBuyer.pdf) réalisée en 2017 à travers un questionnaire administré à 489 acheteurs principalement des entreprise du CAC40, la gestion des risques fournisseurs fait partie des priorités pour 75% des décideurs Achats, 40% d’entre eux estiment même avoir rencontré des difficultés dans leurs relations fournisseurs au cours des trois précédentes années. Le principal risque redouté par les décideurs Achats est directement lié à la disponibilité de l’offre, et ce plus particulièrement pour les entreprises innovantes. (Wajnsztok, et al., 2017).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’impact d’une crise économique sur la relation fournisseur – acheteur
Université 🏫: KEDGE Business School - Ecole de commerce et de management
Auteur·trice·s 🎓:
SMIMID Ilyass

SMIMID Ilyass
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour obtenir le titre master specialisé - Spécialité : management des achats internationaux et innovation
Acheteur - Logisticien .
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