Le marketing politique marketing direct et nouveaux médias
E. Le marketing direct
Basé sur l’expérience commerciale, le marketing politique s’est rapidement emparé de cette technique qui consiste à créer un lien direct entre un émetteur et un destinataire, ici, entre l’homme politique et l’électeur potentiel. On en revient donc aux formes de communication classiques que sont le courrier et le téléphone.
1) Le mailing
Le trait marquant du marketing direct par courrier (mailing) est de s’adresser nommément à une personne. Il constitue ainsi un net progrès par rapport aux mailings de masse, anonymes.
Grâce aux outils de CRM (Customer Relationship Management) rendus possibles par l’informatisation des données, il est possible de ficher des milliers de personnes en connaissant précisément leurs habitudes de consommation.
Ce qui permet de facto de leur envoyer un courrier « sur mesure », en tout cas en apparence : avec une partie du message identique pour tous les destinataires, une autre adaptée à chaque individu.
En sachant par exemple l’adresse d’un individu, on peut par exemple en déduire les problèmes existants dans son quartier.
Mais le courrier allie également la forme au fond. La VPC (vente par correspondance) a ainsi inspiré le marketing politique en apposant à ses courriers une signature bleue en fac-similé.
Enfin, pour faciliter le retour de courrier, tout est simplifié au maximum et/ou conçu de façon ludique : lettre T déjà affranchie, jeux par coupons-réponse, etc…
- Avantages et inconvénients du mailing
Le mailing évite la simplification du message. Même s’il est survolé, le message est complet et explicatif. Ce qui semble recréer un lien entre le candidat et l’électeur.
Par ailleurs, si l’homme politique est déjà un élu, il peut abuser du sceau officiel et de la gratuité de publipostage. Un courrier estampillé « Conseil Régional » ou « Député de la République » fait toujours son petit effet.
Pour résumer, le courrier présente trois intérêts majeurs :
- Orienter les futurs choix de campagne. Un questionnaire demandera aux électeurs quels thèmes les interpellent le plus.
- Communiquer pendant la campagne. Mitterrand souhaitait initialement envoyer sa Lettre à tous les Français (1988) par mailing. S’il l’a finalement laissée paraître via la presse, c’est pour des raisons de coût.
- Soulever des fonds ou des adhésions au parti. Cette technique est usitée aux Etats- Unis depuis 1964 où le Parti Républicain avait lancé une grande campagne de dons.
Mais le mailing a également plusieurs inconvénients :
- Coût élevé : impression, (r)envois, achat d’un fichier client
- Il est soumis à la loi Informatique et Libertés pour l’utilisation des données client
- Il réduit la mobilisation des militants
2) Le télémarketing
A l’opposé des Etats-Unis, le télémarketing (marketing direct par téléphone) est une pratique assez nouvelle dans le marketing politique français. Cela tient d’ailleurs peut-être moins à la différence d’avancement technologique qu’à une différence culturelle.
En France, on n’aime guère annoncer ses opinions politiques. Malgré cela, cette technique apporte d’excellents résultats lorsque le panel interrogé s’est dans un premier temps manifesté comme intéressé.
L’évolution la plus aboutie du télémarketing est de le coupler à la télévision lors d’émissions de type Téléthon. C’est un classique aux Etats-Unis depuis 1976 quand Jimmy Carter rassembla plus de 300.000 dollars en 5 heures !
- Avantages et inconvénients du télémarketing
Appeler nommément quelqu’un est bien plus gratifiant que d’envoyer un courrier anonyme. Cela amorce plus facilement un dialogue, par définition, naturel, puisque le téléphone est un moyen de communication bidirectionnel direct. Le télémarketing a donc l’avantage d’être rapide et de fournir une réponse immédiate.
Mais comme pour le courrier, il est synonyme de coûts élevés : mise en place d’un call-center, coût du personnel qualifié. Pour baisser ces coûts et motiver encore plus d’électeurs à appeler, il a repris les numéros verts gratuits.
Démarche qualitative : c’est l’électeur qui fait le premier pas, ce qui prouve un fort intérêt. Par ailleurs, même si ce n° vert n’est pas totalement gratuit (pour le politique), il reste au final beaucoup moins cher que la technique d’appel classique.
Mais dans les deux cas, la téléphonie tout comme le publipostage tendent être remplacés ou, du moins, complétés par les nouveaux médias.
F. Les nouveaux médias
1) Du Minitel à Internet
Dans les années 1980, la France pouvait s’enorgueillir de son Minitel. Les politiques l’ont rapidement compris en mettant en place des serveurs qui, en plus de fournir des informations aux électeurs intéressés, représentaient une source de financement supplémentaire (les services Minitel étant payants).
Aujourd’hui, le Minitel a été enterré, dépassé par Internet, plus rapide, plus convivial et surtout gratuit. On est ainsi passé d’une plate forme nationale bridée à une internationale ouverte. En 2003, on recensait plus de 42 millions de sites web dans le monde. 18
18 Le Journal du Net (www.lejournaldunet.com)
En outre, Internet, a priori unidirectionnel, peut aussi fournir un feed-back au politique, que ce soit grâce au tracking – le tracking trace l’historique et la durée des pages visitées – ou via un formulaire de mail, un forum ou encore un salon de chat.
2) Les différents usages d’Internet
- Les sites de campagnes
Ils sont le prolongement logique des anciens services minitel. A l’instar des sites web événementiels pour un film ou une compétition sportive, la politique a investi ce champ depuis quelques années.
Informations personnelles et calendrier du candidat, programme de campagne, forums, mail, etc… Le tout sous une forme multimédia afin d’égayer le site.
- Les sites de partis
Véritables vitrines, ces sites permanents informent en long et en large sur les activités d’un parti, ses hommes politiques, etc… Symboles d’ouverture, ils laissent d’ailleurs de plus en plus la parole aux internautes.
- Les sites personnels / blogs
C’est la dernière mode politique. Quand « la France d’en haut » veut rejoindre celle « d’en bas », que fait-elle ? Son web. En première loge, on retrouve André Santini qui fait part de son travail d’élu, mais aussi de sa passion pour Internet (http://www.andre-santini.net).
Autre phénomène plus récent : le blog. Il s’agit d’un journal intime électronique où l’on raconte son quotidien, ses passions, ses états d’âme… Au rang des amateurs, on compte quelques noms prestigieux tels que Dominique Strauss-Kahn (http://dsk.typepad.com) ou Alain Juppé.
La recherche de contact direct a toujours joué un rôle de premier choix dans le marketing politique. Mais l’évolution la plus significative a eu lieu à la fin des années 1990 avec l’apparition d’Internet, qui, comme le dit Jean-Marie Messier, « n’est pas seulement une révolution industrielle.
C’est aussi une révolution politique : elle touche au pouvoir ; elle bouleverse les rapports de force. Par là, elle est profondément déstabilisatrice. »19 Les politiques semblent l’avoir compris…
19 Messier J.M., j6m.com, Paris, 2000
Conclusion
L’homme politique dispose donc de nombreux instruments (meetings, marketing direct, communication médias…) tous inspirés des méthodes commerciales. On peut ainsi tracer un parallèle entre l’histoire du marketing commercial et l’histoire du marketing politique.
Pourtant, si l’on considère le seul exemple français, on constate à quel point les spécificités culturelles et légales peuvent limiter le développement des moyens de communication politique. C’est en cela que le marketing politique français diverge beaucoup du modèle américain et même des différentes variantes européennes.
Mais il y a fort à penser qu’avec l’évolution de la société d’information et le phénomène de lobbying, certaines contraintes juridiques pourraient disparaître à terme, redessinant le champ d’application du marketing politique en France.
Après cet aperçu des différentes techniques de marketing politique, nous allons tenter de répondre à la question, « le marketing crée-t-il l’homme politique ? », au travers de l’étude de deux hommes politiques : Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.