La consultation citoyenne et le concept de participation

Chapitre 2 – Contextualisation

Pour commencer cette partie, nous allons définir la notion de consultation en commençant par revenir sur le cadre paradigmatique dans lequel elle s’inscrit en faisant le lien avec le concept de participation.

A quel mode de pensée se raccroche-t-elle ?

Par la suite, nous reviendrons sur les différentes évolutions de l’objet scientifique à travers les différentes échelles d’Arnstein et de Wilcox). Des outils qui ont permis de hiérarchiser la procédure de la consultation citoyenne.

Cette gradation schématique du concept nous permettra de poser les bases de notre porte d’entrée par le biais de la géographie sociale et de sa relation avec la gouvernance territoriale. Ceci infirmera le modèle théorique des systèmes d’acteurs que nous avons établi au préalable.

Quelle est la place du citoyen dans le déroulement de la consultation citoyenne ?

De manière plus prosaïque, nous évoquerons par la suite la montée en puissance de la gouvernance territoriale en France à partir des années 1970 à travers l’exemple du « socialisme municipal ». Ensuite, nous verrons comment la participation s’est imposée à travers des mouvements citoyens jusqu’à devenir une véritable culture spatiale (cf. la citoyenneté urbaine).

Pour finir, cette rétrospective nous permettra d’exposer notre approche en mettant en avant le fait que les outils de participation sont des médiateurs entre les acteurs de la gouvernance et les citoyens.

2.1 Les éléments contextuels

2.1.1 Définition de la consultation

La notion de participation citoyenne n’est pas une idée récente, mais semble étroitement liée au concept contemporain de développement durable. Il s’opposerait ainsi à la démocratie représentative4 et se poserait comme « plus démocratique » que les systèmes de gouvernance dits traditionnels.

À cet égard, le rapport Bruntland (1987, p. 65) ne mentionne qu’une fois cette idée et de façon assez vague : « la quête de développement durable doit passer par un système politique qui assure une participation effective des citoyens à la prise de décision ». Ainsi, le rapport qui a édifié le concept de développement durable au rang de priorité planétaire ne fait qu’effleurer le concept de participation citoyenne.

Pourtant, celui-ci est interprété comme une notion indispensable pour représenter le rapprochement entre l’élu et le citoyen.

4 « Un système politique qui, dans un État souverain, remet le contrôle du pouvoir exécutif à des représentants du peuple désignés lors d’élections régulières au suffrage universel (scrutins au cours desquels les citoyens peuvent tous – ou presque – se porter candidats) et qui garantit constitutionnellement la liberté d’expression et d’association » (JAFFRELOT C. 2000, p. 12).

Pour bien remettre en contexte la participation, il est important de définir ce que l’on entend par là. À cet égard, la démocratie participative se rapporte au concept de « participation » évoqué par C. LEFORT (1966, p. 766).

Adossée au consentement mutuel élu/citoyen, la démocratie participative recouvre ainsi « toutes les formes de dispositifs visant à aller au contact direct des citoyens pour tenter de commencer de produire directement cette représentation de l’intérêt général » (SAVIDAN P., 2008, p. 181).

Ainsi, elle se matérialise par une convention partagée dont les modalités se concentrent autour d’une « démocratie des choix collectifs » (JANY-CATRICE F., 2012, p. 112) fortement dépendante du contexte d’exécution. « Les conditions d’une vie démocratique ne seraient pas remplies si les individus ne faisaient pas usage de leurs droits, c’est-à-dire s’il n’y avait pas de participation effective aux décisions et aux tâches. Le concept de participation donne sa traduction positive à celui plus ancien de consensus ».

On parle ici de « participation-consensus » (FELLI R., 2006, p. 19) basée sur l’acceptation d’un projet politique par les citoyens concernés.

En prenant connaissance d’un projet in situ, les citoyens sont amenés à comprendre son utilité sociale sans qu’une discussion contradictoire ne soit instaurée entre les différentes parties prenantes. Tout ceci est réalisé dans le but de montrer le caractère nécessaire du projet à la communauté et de le faire accepter.

D’un autre côté, on distingue la « participation-consultation » de la « participation-consensus » (Ibid, 2006, p. 18).

Le concept de « participation-consultation » développe l’idée que la participation permettrait d’améliorer le portage politique par les élus et de porter à leur connaissance les communs et les attentes citoyennes. De cette façon, on institue une convention technique très encadrée entre l’élu et l’usager. C’est pourquoi dans ce cadre paradigmatique, la participation se fait uniquement de manière descendante.

Des auteurs comme D. BOURG (2002, p. 49 ; 2003, p. 112) insiste sur le fait que la participation ne doit être que consultative.

Dans le même sens, G. GONTCHAROFF (1999, p. 313) abonde en rappelant que « les instances de concertation ne sont pas des instances de décision, mais des moyens d’enrichir le pouvoir déjà en place par les points de vue, les compétences et les forces vives des participants ».

En France, l’État a, par exemple, développé des instruments règlementaires visant à faire récolter l’opinion des citoyens sur une politique globale (consultation publique) et à faire converser des praticiens pour concevoir ensemble des procédures contractuelles de gestion (concertation).

Si l’on reprend les travaux de M. FERRATON et F. HOBLÉA (2017) sur la place de la participation citoyenne dans la gestion de l’eau dans les Parcs Naturels Régionaux (PNR) français5, les dispositifs de concertation citoyenne font, désormais, partie intégrante des prérogatives des administrateurs locaux.

5 Plus spécifiquement appelée GIRE (Gestion intégrée de la ressource en eau).

Seulement, la « législation fixe des lignes directrices de cette approche participative, mais reste très floue sur ses objectifs et les moyens de sa mise en œuvre.

Cette ambiguïté laisse une marge de manœuvre considérable aux gestionnaires, mais génère également des incertitudes sur ses tenants et aboutissants ». Au bout du compte, on arrive à un système de consultation citoyenne qui se révèle (peut-être) trop consultatif, bien penser de manière règlementaire, mais qui donne un cadre inachevé de modalité d’application.

En définitive, l’instauration d’une véritable démocratie participative passe par le passage à une véritable société « participante »6 telle que décrite par G. GOURGUES (2013, p. 13).

6 « L’ensemble des dispositifs institutionnels, officiellement mis en œuvre par les autorités publiques, à toutes les échelles, dans le but d’associer tout ou une partie d’un public à un échange de la meilleure qualité possible, afin d’en faire des parties prenantes du processus décisionnel dans un secteur déterminé d’action publique ».

De toute manière et quel que soit les modalités d’application, la participation doit être encadrée et pour que le public se l’approprie, celle-ci doit aboutir à un acte de co-construction.

Pour l’heure, le point d’équilibre se trouve dans l’interdépendance entre des instances représentatives (modèle participatif institutionnel/les élus) et des instances citoyennes (démarche participative volontaire/les usagers) à l’échelle du pilotage d’un projet.

Pour aller dans ce sens, M. FERRATON (2016, p. 19) démontre que « cette complémentarité représentativité/volontarisme se fonde sur la reconnaissance de la légitimité de toute personne à contribuer à la gestion d’un bien commun et sur la volonté et capacité des acteurs de la mettre en place ».

2.1.2 L’agencement du concept de participation par les échelles d’Arnstein et Wilcox

Pour résumer notre définition de la démarche participative, deux idées en filigrane ressortent de notre argumentaire: le « pouvoir » et le « processus ».

Des auteurs y font tout particulièrement mention dans leurs analyses. Pour J. GODBOUT (1983, p. 35), la participation se rapporte au « processus d’échange volontaire entre une organisation qui accorde un certain degré de pouvoir aux personnes touchées par elle et ces personnes qui acceptent en retour un certain degré de mobilisation en faveur de l’organisation ».

Le rapport entre pouvoir et processus fait partie des critères de base de la typologie proposée par S. ARNSTEIN (1969).

À tous les niveaux, la mise en place de la participation nécessite un cadre d’application dans lequel, elle peut se façonner. C’est ainsi que S. ARNSTEIN (1969, pp. 216-224) a d’abord conceptualisé et hiérarchisé un modèle de participation (cf. figure n° 1) pouvant servir de base à la clarification du concept.

Cet instrument analytique peut servir succinctement d’outil d’évaluation de la participation.

Les échelons de la participation citoyenne selon S. ARNSTEIN

Figure 1 : Les échelons de la participation citoyenne selon S. ARNSTEIN

Source : ARNSTEIN S., 1969.

Les deux premiers étages de l’échelle correspondent à la « non-participation »7. Pour S. ARNSTEIN, cela correspond à une disposition imaginaire de la participation dont le seul objectif est d’éduquer les participants, de traiter (thérapie) leurs pathologies à l’origine des écueils repérés sur le territoire considéré.

Dans ce cas-ci, le volet participatif ambitionne de recevoir l’appui du public en utilisant des procédés issus de la publicité et des relations publiques.

La seconde partie de ce schéma comprenant les échelons 3, 4 et 5 tiendrait compte de la « participation symbolique » (« Tokenism »).

Celle-ci se matérialise par l’information du public qui peut lui, de son côté, exprimer son opinion (consultation) sans pour autant que l’avis émis ne soit pris en compte par les commanditaires de la consultation (feed-back).

Une consultation avérée serait susceptible de commencer à partir de la sixième étape lorsqu’une sorte d’alliance (« partenariat) entre les tenants du pouvoir et les citoyens se noue.

7 L’ensemble des informations recueillies ici sont extraites des travaux de DONZELOT J. et EPSTEIN R. (2006) et de FERRATON M. (2016, p. 24).

Une dévolution d’une partie des compétences des commanditaires est transférée à des comités (les tables de quartiers à Montréal, par exemple).

Le rapport de force s’inverse aux deux derniers étages pour lesquels les citoyens peuvent occuper une position majoritaire sur les décisions et la responsabilité de la communication extérieure par le biais de comptes-rendus publics.

La dernière étape marque le contrôle du processus par les citoyens sur la conception, la planification et la direction du projet avec les financeurs du programme.

Ce modèle a régulièrement été réutilisé par de nombreux auteurs (PAUL S., 1987 ; STIEFEL M. et WOLFE M., 1994) et rediscuté par D. WILCOX (1994) qui « juge l’échelle d’Arnstein trop réductrice et simplificatrice du phénomène de prise de pouvoir dans le cadre de la participation » (repris de PÉRIBOIS C., 2008, p. 17).

Pour aller en ce sens, il propose son propre modèle simplifié (cf. figure n 2).

Les échelons de la participation citoyenne selon D. WILCOX

Figure 2 : Les échelons de la participation citoyenne selon D. WILCOX

Source : WILCOX D., 1994.

Selon D. WILCOX, l’identification des différentes façons de concevoir le pouvoir n’est pas une fin en soi.

Par ce biais, il est important de comprendre les contrastes saillants entre les niveaux de participation (leurs caractéristiques et les raisons invoquées)8. Il inclut dans le concept de pouvoir, l’implication et le degré de contrôle des citoyens sur les démarches engagées. Il identifie également le fait que la mobilisation des citoyens est un facteur clef du paradigme.

L’implication des citoyens dans le processus de participation dépendra très fortement de la portée du projet. S’il les concerne directement, l’engagement citoyen sera important. On parle ici d’empowerment.

8 Par exemple, « le refus de partager le pouvoir par certaines autorités politiques ou la difficulté pour les citoyens de légitimer leur groupe, souvent non représentatif de la population dans son ensemble » PÉRIBOIS C., (2008, p. 16).

Une « école de la démocratie » dans laquelle l’individu s’acculture au débat raisonné et à la chose publique. Il désigne « les politiques publiques visant les citoyens à développer leurs capacités à se faire entendre et à s’organiser collectivement » (TALPIN J. (2011, repris de CARREL M., 2017, p. 28). Le concept d’empowerment se décline à plusieurs échelles (communauté, individu…) et selon différentes approches (psychologiques, politiques ou sociales).

Seulement, cette notion n’a pas d’équivalent en Français, mais elle a pour avantage d’incorporer les conceptions de pouvoir, d’autorité, d’autonomie, de responsabilisation et d’implication (Ibid, 2008, p. 17). Son intérêt réside dans le fait de nous donner un canevas paradigmatique utile pour la suite de ce récit, car implicitement la dimension spatiale apparaît très clairement. «

S’intéresser aux enjeux politiques de la participation, c’est explicitement étudier les interrelations d’ordre spatial entre les deux formes de (P) pouvoirs, qu’on pourrait très hâtivement qualifier de sociales et de politiques » (BUSSI M., 2001, p. 266).

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les outils de concertation citoyenne, un levier pour la gouvernance territoriale
Université 🏫: École de management de Normandie - Mémoire de Master en MS Stratégie de développement & territoires
Auteur·trice·s 🎓:

VIGNERON David
Année de soutenance 📅: À Caen, date : 07/06/2021
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