Etude du régime alimentaire d’Acrotylus patruelis

Chapitre VI : Etude du régime alimentaire d’Acrotylus patruelis
VI- 1 – Données bibliographique sur le régime alimentaire des acridiens VI – 1 – 1 – Relation phytophages – plantes
Les phytophages n’utilisent qu’une faible part du potentiel offert par l’environnement végétal complexe. Ils sélectionnent leurs sources alimentaires. L’insecte se nourrit sur les végétaux lui apportant les éléments nécessaires à son développement et à sa reproduction. Il choisit ces sources alimentaires en fonction des critères visuels, olfactifs ou gustatifs (Le Gall, 1989). En présence d’une végétation hétérogène ou dispersée, l’acridien doit repérer rapidement les plantes dont il peut se nourrir. La probabilité de découverte dépend des chances de rencontre entre l’insecte et la plante hôte. Elle est liée donc à la fois au volume relatif du végétal, aux capacités déambulatoires du criquet, mais aussi à la faculté de celui-ci a de détecter à distance les espèces végétales intéressantes. Pour ce repérage, le criquet dispose de la vision. Les bandes horizontales et verticales l’attirent ainsi que certaines silhouettes de buissons ou d’arbres. Il utilise également son odorat pour les faibles distances grâce à des organes de sens particulières, les chimiorécepteurs, distribués notamment sur les antennes et les pièces buccales (Duranton et al, 1982). Selon Louveaux (1976), le nombre des récepteurs sensoriels sollicités pendant la prise de nourriture est estimée à plusieurs milliers. Ce sont essentiellement des chimiorécepteurs rassemblés à l’extrémité des palpes ou groupés en plages sur l’épipharynx, l’hypopharynx et les galéas. De nombreux propriocepteurs sont situés à l’extrémité du labre. Des récepteurs sensoriels bipolaires à fonction non précisée sont situés à la base des processus molaires et incisifs des mandibules et dans les points de lacinias. Enfin il y a une perception tactile et proprioceptive disséminée à la surface de la cuticule.
VI – 1 – 2 – Les variations du régime alimentaire chez les Orthoptères
Les différences de régime alimentaire correspondent d’abord à des différences d’habitats, puis à l’utilisation différente des ressources de cet habitat. Selon Le Gall et Gillon (1989), on distingue deux grands ensembles de consommateurs parmi les acridiens, les consommateurs de graminées et de cypéracées ou graminivores et les consommateurs des autres familles végétales ou non graminivores. Classiquement il existe trois degrés de spécialisation, la monophagie, l’oligophagie et la polyphagie. D’après Le Gall (1989), l’herbivore monophage ne consomme qu’une seule espèce végétale, voire quelques espèces très proches d’un même genre. Les espèces oligophages sont celles dont le spectre trophique est limité à un genre ou à une famille végétale donnée. Les graminivores constituent le seul exemple d’une corrélation étroite entre taxonomie et spécialisation alimentaire chez les acridiens.
Ce sont les seuls oligophages connus avec certitude. Le polyphage est un acridien dont le régime concerne différentes espèces issus de plusieurs familles végétales.
VI – 1 – 3 – L’alimentation chez les acridiens
La quantité et la qualité de l’alimentation influencent considérablement les caractéristiques de croissance des populations acridiennes. La natalité, la mortalité et à la limite la dispersion, en sont effectuées (Duranton et al, 1982).
VI – 1 – 3 – 1 – Aspect quantitatif de l’alimentation
La nourriture source unique de l’énergie dont disposent les insectes, est un facteur limitant lorsqu’elle est en quantité insuffisante. La quantité de nourriture nécessaire est à poids égal, beaucoup plus grande chez les espèces de petite taille que chez celles de grande taille. La quantité de nourriture influe sur la taille des individus. De même le jeûne chez les insectes conduit à une réduction du nombre d’ovarioles et du nombre d’œufs pondus. Le développement est beaucoup plus rapide lorsque les insectes sont nourris que lorsqu’ils sont sous-alimentés (Dajoz, 1971). Selon Gillon (1974), un jeune acridien peut ingérer en une journée, une quantité de nourriture supérieur à la moitié de son propre poids, mais très exceptionnellement équivalente à son poids. D’après Mestre (1984), la consommation journalière présente de trop grandes variations selon les espèces acridiennes et celles des végétaux consommés. Elle dépend de l’état physiologique de l’insecte ou de la plante ou des conditions d’élevage pour pouvoir en tirer des conclusions générales.
VI – 1 – 3 – 2 – Aspect qualitatif de l’alimentation
Selon Dajoz (1985), la composition chimique de la nourriture, la présence en quantités plus ou moins grandes de substances indispensables comme les protéines, les vitamines et les oligoéléments sont des facteurs dont l’importance a été maintes fois démontrée. Chez beaucoup d’herbivores la nourriture est choisie sélectivement en fonction de sa richesse en azote. La bonne qualité de l’alimentation est le facteur essentiel de la survie des jeunes. Selon Launois (1976), l’aspect biologique de la graminée, son degré de dureté, de teneur en eau ou sa composition biochimique, conditionne la prise de nourriture de l’insecte pour un stade phénologique bien précis. La valeur énergétique globale selon Louveaux et al. (1983), est également un élément d’appréciation de la qualité d’un aliment.
VI – 1 – 4 – Spectre et préférence alimentaire chez les acridiens
La détermination du spectre alimentaire d’un acridien permet de connaitre ces préférences ; ceci peut être utile le choix des méthodes culturales visant à réduire les populations de l’espèce en question ou à l’éloigner des cultures protégées. Selon Le Gall et Gillon (1989), l’utilisation des ressources alimentaires est variable en fonction du milieu où vit l’acridien. Le choix de la plante-hôte est basé non seulement sur les relations biochimiques insecte-plante, mais aussi sur la structure du milieu. La sélectivité ne dépend pas que du milieu. Elle dépend aussi de l’acridien. Des acridiens polyphages vivants dans un même milieu ne consomment pas les végétaux présents dans les mêmes proportions. Il est alors difficile de reprendre le cliché classique du criquet polyphage capable d’ingérer toutes sortes de plantes sans restrictions. Abushama et Elkhider (1976), notent que Truxalis grandis grandis, est un acridien très répandu de la région de Khartoum au Soudan. Il s’avère polyphage tout en montrant une préférence marquée pour les herbes communes telles que Cyperus rotundus et Cynodon dactylon. Euphorbia heterophylla et Calotropis procera sont des plantes invariablement rejetées. Le faite de changer la forme des feuilles ou de mettre les animaux à jeûne ne semble pas modifier les préférences alimentaires. D’après Raccaud- Schoeller (1980), les orthoptères marquent souvent des préférences nettes pour une espèce végétale donnée. Mestre (1984), montre que l’acridien Machaeridia bilineata consomme les graminées des savanes en fonction de leur abondance relative. Par contre Chara et al. (1986), notent qu’Omocestus ventralis consomme 80%des espèces présentes dans les biotopes, mais exprime toutefois des préférences qui ne sont pas en relation avec l’abondance des graminées. En Algérie, Calliptamus barbarus et Calliptamus wattenwylianus, deux Calliptaminae très polyphages, font preuve d’une forte sélectivité dans leur alimentation. En effet 26% et 15% des espèces végétales présentes sont consommées respectivement par les deux espèces (Chara, 1987).
VI – 1 – 5 – Effet de l’alimentation sur les Orthoptères
L’alimentation que se procure l’acridien a un effet direct sur lui. En effet, la nourriture est un facteur écologique important. Suivant sa qualité et son abondance, elle intervient en modifiant la fécondité, la longévité, la vitesse de développement la mortalité des insectes (Dajoz, 1971). Selon Chara et al., (1986) l’alimentation intervient également dans la distribution spatiale et temporelle des insectes phytophages en général et des acridiens en particulier. En effet, un acridien ne peut s’installer dans un biotope donné que si celui-ci lui offre la possibilité de s’alimenter pour se maintenir et de se reproduire. Lee et Wong (1979) ont étudié l’effet des plantes nourricières Oryza, Zea mays, Axonopus et Cyperus sur la croissance ovocytaire des l’acridien Oxya japonica Willemse. Ils constatent que la résorption des ovocytes est limitée chez les insectes nourris avec du maïs et qu’elle est importante chez les insectes nourris à l’aide de riz. De même le cycle de croissance ovocytaire des reproductrices nourries sur Axonopus et Cyperus est ralenti. Il dur de 25 à 30 jours. Ils concluent que les effets de ces régimes sont en corrélation étroite avec les besoins alimentaires de l’insecte, la composition chimique des plantes et la quantité de nourriture ingérée. La ration alimentaire joue un rôle important pour le développement des acridiens. En effet, Haniffa et Periasmy (1981) ont étudié l’effet de la ration alimentaire sur le développement larvaire chez Acrotylus insubricus (Scopoli). Alimenté avec Urochloa setigera le développement de l’espèce est fortement influencé par la réduction de la ration alimentaire. Cette réduction peut augmenter de 70% le taux de mortalité au premier âge. Elle allonge la période de la vie larvaire de 35 à 84 jours. Elle provoque un accroissement du nombre des stades larvaires de 5 à 7 et entraîne une réduction du poids des adultes de 135mg à 59mg.
VI – 2 – Etude du régime alimentaire d’Acrotylus patruelis
VI – 2 – 1 – Fréquence et spectre alimentaire chez Acrotylus patruelis dans le milieu cultivé
VI – 2 – 1 – 1 – Résultats
Tableau 34. Fréquence des espèces végétales présentes dans les excréments des 2 sexes d’Acrotylus patruelis dans le milieu cultivé de Béni Isguen

Espèces végétales

Fréquence exprimées en %

En 1992

En 1993

50 mâles

50 femelles

50 mâles

50 femelles

Vitis vinifera

0

0

0

0

Citrus sinensis

0

0

0

0

Olea europea

0

0

0

0

Capsicum annuum

0

0

0

0

Mentha pulegium

0

0

0

0

Lycopersicum esculentum

0

4

0

0

Lageneria vulgaris

6

14

0

4

Cynodon dactylon

70

58

56

76

Setaria verticillata

16

44

32

24

Aristida obtusa

0

0

0

0

Cyperus rotundus

12

4

12

10

Echinops spinosus

0

0

0

0

Sonchus oleraceus

0

0

0

0

Erigeron canadensis

0

0

0

0

Launaea resedifolia

0

0

0

0

Salsola vermiculata

0

0

0

0

Chenopodium album

0

0

0

0

Amaranthus hybridus

2

2

0

0

Portulaca oleracea

0

0

0

0

Tribulus terrester

0

2

0

0

VI – 2 – 1 – 2 – Discussion
L’analyse des fèces de 200 individus d’Acrotylus patruelis montre que cette espèce consomme 7 espèces végétales parmi les 20 présentes dans la station d’étude, soit 35% des espèces présentes. Les espèces végétales consommées par A. patruelis sont Cynodon dactylon, Setaria verticillata, Cyperus rotundus, Lageneria vulgaris, Lycopersicum esculentum, Amaranthus hybridus et Tribulus terrester. Hamdi (1992) a étudié le régime alimentaire de 5 espèces d’Orthoptères Caelifères dans les dunes fixées du littoral algérois. Il note qu’A. patruelis présente le spectre alimentaire le plus restreint en espèces végétales parmi les acridiens étudiés. Neufs espèces végétales ont été consommées par cet Oedipodinae, soit 15% de l’ensemble des espèces inventoriées dans la station d’étude. De même Ould El Hadj (1991) note qu’A. patruelis consomme 9 espèces végétales parmi les 17 présentes dans le biotope, soit 52.9% de l’ensemble des espèces végétales. Il est à signaler que les 9 espèces consommées sont toutes des graminées. La fréquence des espèces végétales dans les fèces d’Acrotylus patruelis est variable selon le sexe. Elle varie aussi en fonction du temps. L’utilisation de la niche trophique est différente d’une année à une autre. Durant la période comprise entre juillet et octobre de l’année 1992, les mâles d’Acrotylus patruelis ont consommés en fréquences 70% de Cynodon dactylon, 16% de Setaria verticillata, 12% de Cyperus rotundus, 6% de Lageneria vulgaris, et 2% d’Amaranthus hybridus. Par contre durant la période de juillet à septembre de l’année 1993, A. patruelis a ingéré en fréquence 56% de Cynodon dactylon, 32% de Setaria verticillata, et 12% de Cyperus rotundus (tableau 35). Notons que durant l’année 1993 la fréquence de Cynodon dactylon a diminué dans les fèces. De plus la fréquence de Setaria verticillata a doublé. Par contre Cyperus rotundus garde le même taux. De plus Lageneria vulgaris et Amaranthus hybridus sont absentes dans les fèces en 1993. Les femelles ont consommé le maximum d’espèces végétales en 1992 soit 7 espèces sur 20. Ces espèces végétales sont Cynodon dactylon avec 58% de fréquence, Setaria verticillata avec 44%, Cyperus rotundus avec 4%, Lageneria vulgaris avec 14%, Lycopersicum esculentum avec 4% et enfin Amaranthus hybridus et Tribulus terrester avec 2% chacune. En 1993 les femelles d’Acrotylus patruelis ont consommé moins d’espèces végétales. Seule Cynodon dactylon a été bien consommée avec une fréquence de 76% (tableau 34). Setaria verticillata vient avec 24%, Cyperus rotundus avec 10% et enfin Lageneria vulgaris avec 4%.
VI – 2 – 1 – 3 – Conclusion
L’étude de la fréquence et du spectre alimentaire d’A. patruelis montre que cet acridien utilise 35% des espèces végétales présentes. Nous avons trouvé dans les fèces de cet Oedipodinae, deux Graminaceae, une Cyperaceae, une Cucurbitaceae, une Solanaceae, une Zygophyllaceae, et une Amaranthaceae. Malgré sa polyphagie A. patruelis a montré une véritable tendance vers la consommation des graminéennes. Ceci est dû, soit à l’abondance des espèces graminées dans la station d’étude telles Cynodon dactylon et Setaria verticillata, soit à la spécialisation trophique de l’espèce acridienne. En effet parmi les 200 individus examinés, 130 ont consommé Cynodon dactylon, soit 65% du régime alimentaire. Le régime alimentaire des femelles semble être plus varié que celui des mâles. En effet sur les 20 espèces végétales présentes dans le milieu d’étude 7 ont été consommées par les femelles et 5 par les mâles, soit des taux respectifs de 35% et de 25%. L’étude de la fréquence, aspect qualitatif a la tendance de surestimer la consommation d’une espèce végétale. De ce fait il est nécessaire de compléter cet aspect par une étude quantitative voire une estimation en surfaces des espèces végétales consommées.

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