L’OMC, une organisation efficace

Section II. L’OMC, une organisation efficace
L’OMC est sans nul doute parfois contestée. Néanmoins, bien qu’étant aujourd’hui pointée du doigt par certains, cette organisation n’en reste pas moins l’une des plus grandes réussites internationales de ces dernières années270. Par ses mécanismes, ses procédures et ses résultats, elle a contribué à l’instauration d’un commerce international plus sûr.
De plus, son mécanisme de règlement des différends qui apparaît comme le pilier du système commercial multilatéral est l’outil le plus efficace pour assurer l’effectivité des normes relatives à la libéralisation des échanges271.
Julien BURDA dira, à cet effet, que : « la place centrale accordée à la règle de droit dans la procédure, les délais plus stricts et la plus grande automaticité qui ont été instaurés, en particulier par l’adoption quasi automatique des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par le biais du consensus inversé, renforcent sans conteste la sécurité et la prévisibilité du système commercial international »272.
Alors, comment ne pas voir dans tous les développements que le monde a connus, à savoir la croissance économique, les progrès humains, la consolidation de la paix tout au long de ces deux décennies passées, la matérialisation des fulgurants succès de l’OMC ? 273. Ces succès considérables ne sont que la résultante de l’efficacité de l’Organisation. Cette efficacité, si elle est déjà établie (§1), elle ne cesse de se renforcer (§2)

§1. Une efficacité avérée

Depuis l’instauration de l’OMC en 1995, suite aux Accords de Marrakech, les données274 montrent que l’OMC suscite une adhésion massive de la part des Etats, ce qui témoigne de l’efficacité acquise par l’Organisation. Cette efficacité est à double tour : une efficacité par la procédure mise en œuvres (A) et une efficacité par les résultats obtenus (B).

A. Une efficacité assurée par les procédures mises en œuvre

L’OMC est une organisation member driven c’est-à-dire que l’OMC est directement dirigée par ses membres que constituent les gouvernements représentés, soit par les ministres qui doivent ainsi se rencontrer tous les deux ans ou soit par les déléguées ou les ambassadeurs qui tiennent régulièrement des réunions.
Ce qui en fait a priori une institution indépendante aux antipodes des autres organisations internationales comme la Banque mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) auxquelles il est régulièrement reproché d’être sous influence américaine ou européenne.
Machine de négociations permanentes et continues, le fonctionnement de l’OMC repose sur le consensus. En effet, le consensus est un processus de recherche du consentement le plus large sans recourir à un vote formel au moyen de discussions, en dépassant les blocages, les clivages entre les positions différentes, voire divergentes, pour arriver à un compromis acceptable.
Ainsi, aucune décision majeure n’échappe à la règle de consensus275, que ce soit pour l’adoption des accords commerciaux multilatéraux issus des négociations ou pour la mise en œuvre de sanctions économiques à l’encontre d’un membre reconnu fautif, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends276.
Certes, s’il peut paraître parfois difficile d’adopter des décisions avec un nombre aussi important d’Etats membres, en revanche le choix d’une telle procédure ne manque pas de finesse : le principal avantage reste que les décisions ont plus de chance d’être acceptées ou mieux appliquées par tous les Membres.
Il y a là une différence fondamentale par rapport aux autres organisations internationales économiques que sont la Banque Mondiale ou le Fond monétaire international (FMI) puisqu’ il n’y a pas de délégation de pouvoirs concédée à un conseil d’administration ou à un quelconque ou à un chef à l’OMC.
A cela, s’ajoute une procédure de règlement des différends277dont la principale caractéristique est le respect d’un échéancier. Les décisions des groupes spéciaux sont entérinées par 1’O.R.D. (sauf rejet à l’unanimité, ce qui devrait être très rare) et des mesures de rétorsion à l’encontre des Etats fautifs sont aussi possibles.
La mise en œuvre de ces dispositions procédurales qui tient compte des sensibilités de tous Membres permet ainsi à l’OMC d’assoir une solide légitimité. Preuve de sa solide légitimité, l’OMC jouit d’une base sociologique assez confortable puisqu’elle compte actuellement plus de 164 membres278 répartis sur tous les continents et représentant tous les intérêts ainsi que toutes les sensibilités du monde.
Sa base sociologique qui est non seulement l’une des plus étendues mais aussi l’une des plus représentatives de la diversité du monde, constitue sans doute une avancée significative. En effet, le nombre croissant d’Etats membres, de regroupements ou d’alliances279 traduit une diffusion plus large du pouvoir de négociation au sein de l’OMC.
En somme, l’ensemble des procédures mises en œuvre assure à l’OMC une légitimité qui ne fait l’ombre d’aucun doute. C’est ce que rappelait Bernard GUILLOCHON, quand il indiquait que les demandes d’adhésion et le nombre élevé de conflits commerciaux portés devant ses organes de règlement des différends restent les meilleurs indicateurs de la confiance acquise par l’OMC.
Il concluait à cet égard qu’« il existe une certaine confiance dans la possibilité d’aller vers un système plus multilatéral et beaucoup de pays veulent manifestement s’appuyer sur l’О.М.С. pour mieux participer au développement attendu du commerce mondial. Cela transparaît dans le dynamisme des échanges mondiaux […], les demandes d’adhésion et les nombreux recours à l’arbitrage de l’institution pour le règlement des conflits »280.
Si les procédures mises en œuvre confèrent à l’OMC une certaine légitimité, celle-ci est davantage assurée grâce aux résultats qui ont été atteints par l’Organisation au cours de ces deux décennies de fonctionnement.

B. Une efficacité justifiée par les résultats Obtenus

La mise en place de l’OMC en 1994, a directement eu un effet positif sur le commerce mondial qui a bondi de 9% en volume entre 1994 et 1996, ce qui équivaut à la plus forte croissance enregistrée depuis les années 1970281. L’explication est toute trouvée : « le fait qu’on ait fini par déboucher sur un compromis a certainement créé un regain de confiance dans le système commercial multilatéral et apporté aux entreprises et aux gouvernements une garantie sur une libéralisation future »282.
Et depuis, cette croissance se poursuit à un rythme soutenu se hissant en moyenne au tour de 4% au cours de deux décennies. La croissance des échanges sous l’impulsion de l’OMC a également eu des effets d’entrainement sur la croissance économique, la promotion du plein emploi, la stabilisation des cours des matières premières mais aussi et surtout la réduction de la pauvreté.
A ce propos, selon les données récentes de la Banque mondiale, si en 1993, près de 4 personnes sur 10 vivaient en dessous du seuil d’extrême pauvreté, en 2015, en dépit de l’augmentation de la population mondiale, ce ratio est passé sous la barre symbolique de 10%283. Or il se trouve que ces résultats positifs de la situation socio-économique correspondent précisément aux deux décennies d’existence de l’О.М.С.
Par ailleurs, du point de vue des acquis, le bilan de l’OMC durant ces 20 dernières années, c’est aussi le formidable éventail de règles stables encadrant le commerce international. Il en va ainsi de la prohibition des restrictions quantitatives284, la lutte contre les obstacles non tarifaires,285 la lutte contre le dumping286 mais aussi l’adoption des règles sur les services287, les investissements288, ou encore, sur la propriété intellectuelle,289 etc.
Mieux encore, l’Organisation a mis en place un système de règlement des plus originaux qui manie savamment une procédure conciliatoire avec une procédure contraignante. Ainsi que l’affirme julien BURDA, « le règlement des différends au sein de l’OMC allie, de manière adroite, souplesse et rigidité. Si la rigidité se retrouve dans les délais stricts qui ont été institués, la souplesse réside quant à elle dans la possibilité de choisir le mode de règlement du différend commercial : les négociations, les bons offices, la médiation et la conciliation sont autant de mécanismes classiques du droit international admis pour régler les différends au sein de l’OMC. »290
On retiendra donc qu’en matière de résultats, même si l’on peut noter que des disparités subsistent encore dans la géographie des gains réalisés, il semble que le bilan de l’OMC soit bien meilleur que la moyenne, ce qui conforte bien plus le sentiment de l’appartenance à un système multilatéral assurément efficace.
___________________________________
269 Voir l’affaire Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes (Plainte de l’Équateur) (1997), OMC. Doc. WT/DS27/R/ECU (Rapport du Groupe spécial). Dans cette affaire, les pays de l’Amérique latine exportateurs de la banane tels l’Equateur, le Guatemala, le Honduras et le Mexique ont fait bloc pour contraindre juridiquement les Communautés européennes dénoncées pour avoir pris des mesures contraires aux dispositions de l’Accord sur l’agriculture et celles de l’Accord sur les services.
270 Julien BURDA : « l’efficacité du mécanisme de règlement des différends de l’OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », R.Q.D.I (2005), p.1.
271 Idem.
272 Ibidem.
273 Sandra POLASKI, « L’OMC n’est pas en danger. », L’Économie politique 3/2007 (n° 35), p. 22.
274 Selon les tous derniers chiffres de l’OMC publiés ce 29 juillet 2016, ils sont au total 164 Etats membres.
275 Cependant, lorsque le consensus n’est pas atteint, les décisions de la Conférence Ministérielle et du conseil général sont prises, sauf dispositions contraires, par un vote à la majorité.
276 En effet, contrairement au mécanisme de règlement de différends du GATT, le Mémorandum d’accord sur le Règlement des Différends, en son article 2:4, a opté pour le choix d’un consensus inversé pour l’adoption des sanctions. Il y a consensus si aucun membre de l’OMC, présent à la réunion au cours de laquelle la décision a été prise ne s’oppose formellement à la décision proposée.
277 La procédure de conciliation sous l’empire de l’ancien GATT débouchait régulièrement sur le blocage. Faute de consensus, nombre de rapports des groupes spéciaux n’avaient pu être adoptés, la partie « perdante » ne manquant pas de s’y opposer. Cependant, même lorsque les rapports étaient adoptés, les recommandations qu’ils contenaient étaient rarement suivies d’effet.
278 Voir la liste des Membres de l’OMC sur https://www.wto.org/french/thewto_f/countries_f/org6_map_htm 279De nouveaux groupements d’États ont émergé à l’OMC. Il y a par exemple les regroupements de type ‘‘G’’ tels que groupe G-20 qui représente l’alliance des pays en développement sur l’agriculture. ou encore le G-33, une coalition de 48 pays en développement qui se coordonnent sur les questions économiques, en particulier sur le dossier relatif à l’agriculture. Il y a également de nouveaux acteurs importants tels que le Groupe africain, constitué de nations africaines ou le groupement de type ‘‘C’’ coton 4 comprenant les pays de l’Afrique subsaharienne qui prônent une réforme commerciale dans le secteur du coton.
280 Bernard GUILLOCHON, « L’O.M.C, un premier bilan », Revue française d’économie, volume 12, n°4, 1997, p. 39.
281Idem., p.40.
282 Ibid.
283 Ces données sont disponibles sur : http// www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2015/10/04/world- bank-fore-cast-global-poverty-to-fall-below-10for-first-time-major-hudles-remain-in-goal-to-end-poverty- by2030.html
284 Sous l’OMC, on est arrivé à un accord multifibre (AMF) qui prévoyait de 1995 à 2005 une libéralisation progressive du secteur textile de façon a éliminer les restrictions quantitatives abusivement imposées aux importations des pays développés.
285 Toutes les obstacles non tarifaires été prohibées. Par exemple, les mesures de sauvegarde, les contingentements, les raisons d’hygiène de sécurité ou de défense ne sont plus justifiées. Voir l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS) qui fait partie des accord de base de l’OMC.
286 Le dumping est une pratique qui joue sur le prix d’un même produit, qui ne sera pas vendu au même prix sur les marchés d’Etats différents sans qu’une raison économiques ne puisse justifier cette différence. Le GATT avait déjà réagi contre cette pratique, en particulier au cours de Tokyo Round (1973/1979). Il en était résulté la mise en place d’un comité anti-dumping et l’adoption d’un code anti-dumping. Mais ces obligations n’avaient été respectées que par un nombre limités d’Etats. En mettant en place l’OMC on a intégré ces règles dans le système OMC, les imposant ainsi à tous les Etats membres.
287 Accord général sur le commerce des services, Annexe 1B de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 219 [Accord sur les services].
288 Accord sur les mesures concernant les investissements liées au commerce [Accord MIC]
289 Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Annexe 1C de l’Accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, 15 avril 1994, 1869 R.T.N.U. 332 [Accord sur les droits de propriété intellectuelle].
290 Julien BURDA, « L’efficacité du mécanisme de règlement des différends de l’OMC : vers une meilleure prévisibilité du système commercial multilatéral », Revue québécoise de droit international, 2005, p.13
.

§2. Une efficacité confortée

La popularité grandissante de l’OMC ne fait aujourd’hui l’ombre d’aucun doute. Non seulement les membres prennent de plus en plus activement part aux différents travaux de l’Organisation, mais en plus, de nouveaux Etats, sans doute convaincus du bien-fondé de l’appartenance au système commercial multilatéral, y font leurs entrées (A).
L’ampleur des demandes d’adhésion, ces dernières années, constitue l’un des signes de l’impressionnante efficacité dont fait preuve l’OMC, au travers de ses instruments (B).

A. L’explosion des demandes d’adhésion

L’adhésion massive des Etats à l’OMC relève de l’évidence. Pour le démontrer, il n’existe pas de meilleures preuves que les indicateurs formels. En effet, dans un récent Rapport de l’Organisation, il a été indiqué que de 1995 à 2015, ils sont au total 33 économies à accéder à l’OMC291. Néanmoins ce qui est encore plus remarquable, c’est la diversité des pays qui y accèdent.
Il s’agit des mastodontes économiques comme la Chine292, la Russie293 mais aussi les Etats insulaires comme le Vanuatu ou les Seychelles. Rien qu’à eux seuls, ces nouveaux Membres représentent le cinquième de l’effectif des Etats Membres de l’OMC294.
Et la dynamique ne s’arrête pas là. En effet, En dépit de la multitude d’exigences préalables à l’accession295, ils sont encore un peu plus d’une vingtaine de pays venant de tous les horizons à se bousculer au portillon de l’Organisation et espérer pouvoir y adhérer.
Parmi ces pays, l’on retrouve des géants pétroliers comme l’Iran, l’Irak, la Libye, ou encore le Soudan, mais aussi des pays européens comme la Serbie, l’Andorre, la Bosnie-Herzégovine ainsi que des pays en développement comme le São Tomé, l’Ethiopie ou les Comores296. Néanmoins, le point commun à tous ces pays est qu’ils disposent pour l’instant d’un statut d’observateur qui leur permet de suivre les discussions.
A noter qu’en référence à l’Accord de Marrakech, notamment en son article XVI, pour qu’un Etat ou territoire douanier pleinement autonome accède à l’Organisation, il doit s’engager à ouvrir son marché et à se conformer aux règles définies par l’OMC297. Il s’agit là d’une contrepartie nécessaire aux avantages consentis par les autres pays membres. Mais la décision finale est entre les mains des Etats membres. A cet effet, l’accession à l’OMC s’analyse juridiquement comme une cooptation organisée par les textes instituant l’OMC.
Ces adhésions massives constituent-elles une chance ou une catastrophe pour le commerce mondial ? Pour la majorité des analyses, avec l’accession de ces pays, la part non négligeable des échanges qui échappait encore au multilatéralisme se trouve désormais considérablement réduite, ce qui représente un gain pour le commerce mondial. Azzedine GHOUFFRANE est de ceux qui partagent une telle vision. Dans une publication récente, il faisait état de ce que désormais l’OMC pèse près de 98% des échanges mondiaux298.
De même que l’indique le Rapport annuel sur le commerce mondial, « si l’on considère leurs parts dans le commerce mondial, leurs poids économiques et ne serait-ce que leurs populations, c’est la plus forte expansion de l’histoire du système commercial multilatéral »299. Indéniablement, l’explosion actuelle des demandes d’adhésion à l’Organisation est le meilleur témoignage de l’immense légitimité dont elle jouit. Il s’agit donc bien là d’un succès considérable qui conforte sans doute encore plus le caractère universel de l’organisation.
Enfin, avec l’élargissement de la portée des règles de l’OMC, c’est toute l’intégration de l’économie mondiale qui se voit ainsi largement consolidée, avec en toile de fond l’ouverture de nouveaux débouchés commerciaux, sur des bases plus saines alliant la compétitivité à la transparence, et la prévisibilité à la sécurité juridique.
De toute évidence, si l’ampleur des adhésions et la multiplication des candidatures soulignent la légitimité acquise de l’Organisation, elles tiennent davantage à l’efficacité des instruments de l’OMC.

B. L’efficacité des instruments de l’OMC

Le pouvoir de séduction acquis par l’OMC ne souffre d’aucun doute. Cela peut s’expliquer par l’efficacité des instruments mis en œuvres au sein de l’Organisation. Ainsi que l’affirmait le professeur Jean-Marc SIROËN, « pour la plupart des pays, l’OMC est un club bien séduisant qui justifie, à leurs yeux, des conditions d’entrée de plus en plus exigeantes. Il aura ainsi fallu à la Chine plus de 14 ans de négociations pour obtenir un accès plus ouvert aux marchés des pays membres.»300.
L’efficacité de l’OMC tient d’abord à son modèle organique. En effet, l’OMC est une organisation obéissant à une structure classique mais pragmatique. Classique, parce que sa structure institutionnelle n’est pas différente des autres organisations internationales : un secrétariat avec un Directeur général ayant un rôle administratif et deux organes diplomatiques : la Conférence Ministérielle réunissant tous les 2 ans et le Conseil général301.
Pragmatique, parce que le savant dosage décrit à l’article 4 de l’Accord de Marrakech entre les organes intégrés et les organes diplomatiques est destiné à préserver l’équilibre institutionnel302.
Ensuite, l’efficacité de l’OMC relève davantage de sa finesse opérationnelle. Le fonctionnement de l’OMC est comparable à celui d’une organisation intergouvernementale classique. Les initiatives pour les accords sont données, approuvées et appliquées par les Etats membres. Néanmoins, il y a une différence majeure avec les autres institutions internationales : les décisions se prennent par « consensus ». A noter que ce « consensus » ne signifie nullement « l’unanimité », comme précisé plus haut.
L’efficacité de l’OMC tient aussi à son architecture organique. Nous mettrons ici en exergue l’ORD. Au mécanisme de règlement de différends essentiellement conciliatoire hérités du GATT, l’Accord de Marrakech a rajouté une logique juridictionnelle dont les axes majeurs sont les procédures obligatoires et contraignantes, le consensus négatif. De plus, la mise en place d’une phase d’appel qui participe d’une volonté de juridictionnalisation plus poussée constitue une garantie supplémentaire de l’effectivité des décisions.
Ce système de régulation a depuis été considéré comme l’un des succès fulgurants303 de l’Organisation. Certaines analyses mettent ainsi en avant l’importante contribution de l’ORD dans l’équilibre des rapports de force entre pays du Nord et du Sud. Les exemples qui reviennent régulièrement sont entre autres le cas des subventions aux exportations du coton américain ou du sucre européen.
Sans conteste, l’existence de l’ORD octroie à l’OMC un certain crédit, une certaine puissance par rapport à d’autres organisations internationales qui en sont dépourvues; d’où cette tendance à la mode consistant à en appeler au sursaut réformateur d’autres organisations internationales pour les rendre plus efficaces : C’est ainsi que pour faire respecter les droits sociaux, certains estiment qu’ « il faudrait surtout doter l’OIT d’un instrument comparable à l’ORD »304.
Enfin son model financier témoigne aussi d’une formidable efficience: l’OMC est en effet une organisation internationale très peu budgétivore. Pour preuve, le budget consolidé de l’OMC pour 2016 n’est que de 197.203.900 francs suisse305. Ce budget ne représente par exemple qu’une infime partie du budget de la Banque Mondiale qui est de 1230 millions d’Euros en 2012306.
Ces quelques points saillants, symboles de la résilience de l’OMC, relevés, ne sont pas autosuffisants et méritent d’être consolidés par des approches de solutions tout aussi importantes afin de permettre à l’Organisation de mieux résister à l’usure du temps.
_______________________________
291 OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L’OMC à 20 ans défis et réalisations, op. cit., p. 25.
292 Idem. En effet, selon les données de l’OMC, en 2014, la Chine à elle seule comptait pour 13% du PIB mondial, 17% des échanges et 21% de la population.
293 Selon la Banque Mondiale, en 2014, le produit intérieur brut de la Russie est de1860 milliard de dollars, soit le 10e au monde. Voir http : //www.worldbank.org /indicator/NY.GDP.MKTP.CD?year_high_desc=true
294 En référence aux données de l’OMC, en 2014, les nouveaux Membres représentaient environ un cinquième du commerce mondial, un cinquième du produit intérieur brut mondial (PIB) et plus d’un quart de la population mondiale.
295 Cette procédure d’accession nécessite une longue période d’examen et de négociation difficiles qui durent parfois plusieurs années. Par exemple, la Chine a accédé à l’OMC en 2002 après 15 ans de négociations. Quant à la Russie, il a fallu attendre 18 années d’âpres négociations pour voir sans candidature aboutir.
296OMC, Rapport sur le commerce mondial 2015. L’OMC à 20 ans défis et réalisations, op. cit.,. p. 26.
297 En effet dans le cadre de l’OMC, il est mis en place un groupe de travail dans le cadre duquel sont examinés les données et la situation et les politiques commerciales du candidat. Les parties contractantes qui en font la demande engagent des négociations bilatérales avec le candidat, notamment en ce qui concerne les concessions tarifaires qu’il doit consentir. Ces concessions seront évidemment élargies aux autres Etats membres. Lorsqu’il apparait que le candidat a fait des concessions et pris des engagements nécessaires, un protocole d’accession est adopté par la Conférence Ministérielle à la majorité des 2/3 des membres.
298 Azzedine GHOUFFRANE, « les 20 ans de l’OMC : acquis et limites », l’économiste, 2015, disponible sur le site www.l’economiste.fr et consulté le 10 décembre 2016.
299 Idem.
300 Jean-Marc SIROËN, « l’OMC, une institution en crise », op.cit., p.72.
301 Le Conseil général est l’organe de décision suprême de l’OMC; il se réunit, en vertu de mandats différents, en tant qu’organe de règlement des différends et en tant qu’organe d’examen des politiques commerciales. Il est composé de représentants de tous les gouvernements Membres.
302 Yves SCHEMEIL, « L’OMC, une organisation hybride et résiliente », op.cit. , p. 32.
303 Yves NOUVEL, « L’unité du système commercial multilatéral » op.cit., 654.
304 Propos de Pascal Lamy in Alternatives économiques. Disponible sur https://www.alternatives-economiques.fr/faut-brûler-lomc/0032772.htm
305 https://www.wto.org/french /res_f/booksp_f/anrep16_chap9_f.pdf. html
306 Source : Banque Mondiale. Disponible sur http : //www.worldbank.org

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top