L’exercice des droits patrimoniaux d’auteurs: gestion collective

L’exercice des droits patrimoniaux d’auteurs: gestion collective

C. L’exercice des droits patrimoniaux : la gestion collective

Le Code de la propriété intellectuelle suggère une mise en œuvre des droits patrimoniaux certes séduisante mais d’une simplicité trompeuse. Le seul titulaire des droits (moral et patrimoniaux) envisagé par le texte est l’auteur.

Or, la nécessité d’une gestion collective est apparue concomitamment à la reconnaissance du droit d’auteur, à la fin du XVIIIème siècle et un exercice à la fois individuel et efficace des droits patrimoniaux a toujours été perçu comme impossible à réaliser. Très tôt, des sociétés d’auteur ont vu le jour.

Nous allons à présent nous intéresser à un point essentiel de notre étude. L’examen des fonctions et du fonctionnement des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) permet de comprendre pourquoi, dans la pratique, le droit d’auteur n’est pas un obstacle à la sonorisation de programmes audiovisuels par des musiques du commerce.

En effet, une mise en œuvre du droit d’auteur telle qu’elle est conçue dans le livre premier du Code de la propriété intellectuelle aboutirait à une paralysie du droit de synchronisation, une gestion individuelle ne pouvant pas, eu égard à l’importante consommation de phonogrammes du commerce à des fins de sonorisation par les différentes sociétés audiovisuelles, se conjuguer aux impératifs de rapidité et de rentabilité caractérisant depuis le milieu des années 19801, le paysage audiovisuel français. Les développements qui suivent mettent en évidence la dépossession des auteurs de leurs prérogatives au profit des sociétés de production audiovisuelle et plus spécialement des sociétés de programmes. Nous ne nous attarderons pas cependant sur les questions de répartition des sommes perçues, de l’organisation structurelle ou de l’application du droit de la concurrence à ces sociétés de gestion, questions au demeurant fort pertinentes sur lesquelles l’ouvrage d’Irène Inchauspé et Rémy Godeau ainsi que les travaux de Thomas Paris et André Bertrand notamment2, apportent de remarquables analyses, pour nous intéresser à l’automaticité du système de licence contractuelle qu’elles instaurent.

1 Pour la télévision, le caractère concurrentiel du secteur s’est instauré progressivement avec la naissance de Canal + (1984), La Cinq et TV6 – devenue M6 – (1986), la privatisation de TF1 (1987) et la création de Médiamétrie et des premières mesures d’audimat (1989).

2 INCHAUSPÉ (I.) et GODEAU (R.), Main basse sur la musique. Enquête sur la SACEM, Calmann-Lévy, Paris, 2003. PARIS (Th.), Le droit d’auteur : l’idéologie et le système, coll. Sciences sociales et sociétés, PUF, Paris, 2002. BERTRAND (A.), Le droit d’auteur et les droits voisins, 2e éd., Dalloz, Paris, 1999 ; du même auteur : La musique et le droit. De Bach à internet, coll. litec@droit, Litec, Paris, 2002.

1/ Fonctions de la gestion collective

Historique. La genèse de ce que Thomas Paris appelle « l’institutionnalisation de droit d’auteur » date de l’époque révolutionnaire et trouve ses origines dans le conflit qui opposa la puissante Comédie-Française, détentrice du monopole royal sur les représentations des tragédies et comédies du genre noble, et une poignée d’auteurs mécontents de devoir abandonner leurs droits aux comédiens s’ils voulaient que leur pièce fut jouée. « Ils osaient tout contre les auteurs, parce qu’ils se sentaient protégés et agissaient contre des gens isolés, dispersés, sans réunion, sans force et sans appui » écrit Pierre-Auguste Caron de Beaumarchais qui créé le Bureau de la législation dramatique en 1777.

Les doléances des auteurs sont finalement entendues par Louis XVI qui interdit l’achat d’une pièce au forfait en 1780, puis défendues par Mirabeau et Robespierre devant la Constituante qui « instaure la liberté des théâtres et confère à l’auteur, pendant sa vie, le droit d’autoriser ou d’interdire la représentation de ses œuvres, sur tout le territoire de la République »1. Le Bureau de la législation dramatique se dote d’une société de perception chargée de recouvrir les redevances dues aux auteurs et de répartir entre eux les sommes perçues.

En 1829, le Bureau s’organise en société civile administrée par des mandataires : la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). C’est sur ce modèle que Honoré de Balzac, Alexandre Dumas père, Victor Hugo et d’autres écrivains fondent en 1837, la Société des gens de lettres. Mais il faut attendre 1847 pour qu’une telle institution soit mise en place dans le domaine de la musique.

C’est là encore un conflit qui en fut à l’origine. Estimant injustifié d’avoir à payer leur siège et leur repas dans un café-concert des Champs-Elysées, qui lui même ne payait pas pour la représentation de leur œuvre par l’orchestre, deux compositeurs, Paul Henrion, Victor Parizot et leur éditeur, intentèrent un procès. Ils obtinrent gain de cause et cette décision de justice est à l’origine de la création en 1851, de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM).

De nombreuses sociétés à l’objet social similaire furent créées les années suivantes pour répondre au besoin des intervenants. Certaines ont été créées à l’initiative des pouvoirs publics afin de prendre en charge la perception de droits nouvellement reconnus (cf. infra : la SPRE, p. 86 et s.). Cette forme de gestion collective existe à présent dans la plupart des pays, et la SACEM a conclu avec ces organisations, des contrats de représentations afin de percevoir pour leur compte les droits d’auteurs étrangers qu’elle leur reverse, et réciproquement.

La SACEM compte aujourd’hui près de 76 000 associés dont 12 000 disposent de comptes actifs donnant lieu à des reversements et possède un catalogue de près de 5 millions d’œuvres.

Domaine d’activité (Divide ut regnes). Historiquement, les sociétés de gestion collective se sont spécialisées par domaine d’activité car à l’époque de leur création, les modes de diffusion pour chacun de ces domaines étaient relativement ‘‘étanches’’ du fait de leurs spécificités respectives.

Cette séparation a néanmoins conduit à des partages surprenants ; ainsi concernant la musique, une œuvre fera partie du répertoire de la SACD ou de la SACEM selon son genre !1 Une seconde spécialisation existe selon le type de sociétaires de ces sociétés, et on distingue les sociétés d’auteur des autres sociétés représentant les intérêts d’autres intervenants (artistes-interprètes, producteur…).

Enfin une troisième spécialisation selon les droits que la société est en charge de percevoir est instaurée, en matière de droit d’auteur entre la SACEM qui gère le droit de représentation publique et la SDRM qui gère le droit de reproduction mécanique.

Cette complexité affecte peu les utilisateurs : les sociétés audiovisuelles s’adresseront donc au stade de la production, pour incorporer un phonogramme à une œuvre audiovisuelle, à la SDRM, et au stade de la diffusion de l’œuvre audiovisuelle, à la SACEM.

Utilité. La gestion des droits par ces sociétés d’auteur se justifie selon deux fondements essentiels. Le premier fondement est subjectif : la gestion collective permet un rééquilibre dans le rapport de force entre une catégorie d’auteurs et les utilisateurs de leurs œuvres, et permet l’obtention pour les auteurs, de rémunérations plus avantageuses.

Le second fondement est objectif : l’auteur n’est pas en mesure de négocier et contrôler l’utilisation de ses œuvres au vu de la multiplication des utilisateurs (télévisions, radios, discothèques, bals et soirées… auxquels s’ajoutent quelques 260 000 lieux sonorisés : bar, supermarché, salons de coiffure, ascenseurs… soit un total d’environ 560 000 utilisateurs). La gestion collective permet donc une rationalisation mais également une simplification (du moins, pour les utilisateurs) dans la négociation des droits.

1 Le répertoire de la SACD englobe « les œuvres théâtrales de caractère dramatique, dramatico-musical, lyrique, chorégraphique, telles que les pièces de théâtre, opéras-comiques, opéra-bouffe, opérettes, ballets avec arguments, comédies musicales », celui de la SACEM comprend « toutes les œuvres musicales (à l’exclusion de celles qui font partie du répertoire de la SACD) et notamment chansons, musiques symphoniques, contes musicaux, etc… ». Les poèmes « sont indifféremment du répertoire de la SACEM et de la SCAM, l’appartenance sociale de ceux-ci étant déterminée en fonction de l’antériorité de l’adhésion de leur auteur à l’une ou l’autre des deux sociétés » : Délimitation des répertoires SACEM/SACD/SCAM, document interne, mars 1989.

2/ Fonctionnement de la gestion collective

Statut des sociétés de gestion. L’article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle indique que les sociétés de perception et de répartition sont constituées sous forme de sociétés civiles et que leurs associés sont les intervenants dont elles assurent la gestion des droits1. Les dispositions du Code de commerce ne s’appliquent donc pas et le mode de fonctionnement de ces sociétés est avant tout encadré par leurs statuts2.

Elles sont régies par les articles 1832 et s. du Code civil3. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit néanmoins qu’elles doivent nommer un commissaire aux comptes, et que leurs comptes doivent être communiqués au ministre de la Culture et aux associés (ainsi que les rapports et résolutions du Conseil d’administration)4. La création de ces sociétés est soumise à l’agrément a posteriori du ministère de la Culture5.

1 Art. L. 321-1 CPI : « Les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits des artistes- interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes sont constituées sous la forme de sociétés civiles. Les associés doivent être des auteurs, des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs ou leur ayants-droit. »

2 Lesquels changent fréquemment, quelques fois pour être mis en harmonie avec la législation, de temps en temps pour satisfaire les intérêts des administrateurs plutôt que ceux des associés ou ayants-droit. L’ADAMI a ainsi modifié ses statuts en 1983, 1985, 1987, 1991, 1995, deux fois en 1996, deux fois en 1997, en 1998, en 2000 et 2001. BERTRAND (A.), op. cit., et citant Le Monde (« Les pouvoirs exorbitants des directeurs »), 29 juin 1996.

3 L’ordonnance du 1er décembre 1986 relative aux pratiques anti-concurrentielles s’applique néanmoins à ces sociétés que la jurisprudence considère comme des prestataires de services (V. : Cass. Com., 5 novembre 1991, SDRM c/ France Loisirs, RIDA, avril 1992.)

4 Ces comptes sont généralement présentés de façon peu lisible : la répartition entre les sommes réparties et payées, réparties mais non payées, non réparties et non répartissables est souvent difficile à distinguer et longue à mettre en place (plus de 8 mois en moyenne pour la SACEM, soit 13,5 mois pour l’ensemble des SPRD). BERTRAND (A.), op. cit.

5 Art. L. 321-3 CPI « Les projets de statuts et de règlements généraux des sociétés de perception et de répartition des droits sont adressés au Ministre chargé de la culture. Dans le mois suivant leur réception, le ministre peut saisir le tribunal de grande instance au cas où des motifs réels et sérieux s’opposeraient à la constitution d’une de ces sociétés. Le tribunal apprécie la qualification professionnelle des fondateurs de ces sociétés, les moyens humains et matériels qu’ils proposent de mettre en œuvre pour assurer le recouvrement des droits et l’exploitation du répertoire. »

Relations avec les associés. Lorsque un auteur devient adhérent à une société de perception et de répartition des droits, il fait une demande d’admission comportant une adhésion aux statuts et impliquant l’apport de ses droits, confiant ainsi mandat à la société pour gérer ceux-ci.

La qualification de cet apport est discutée : la jurisprudence y voyant un mandat tandis que les sociétés de perception et de répartition des droits les qualifient de véritables cessions de droits, certains auteurs proposant la qualification de fiducie afin de caractériser ce transfert de droits1.

Toujours est-il que la société se trouve investie des droits patrimoniaux des auteurs sur leurs œuvres créées et à venir (apport in futurum – là aussi très largement discuté – ). Ces œuvres constituent le répertoire ou catalogue de la société qui est chargée de négocier et de percevoir le montant des droits qu’elle a mandat de gérer pour le compte de ses associés.

L’exercice des droits patrimoniaux est donc confié à la société, l’auteur ne peut, à moins de retirer son apport (ce qui conduit en fait à son exclusion) exploiter personnellement ses œuvres2, ni choisir pour les œuvres à venir d’exercer individuellement ses droits3, mais conserve son droit d’agir en contrefaçon4.

Relations avec les utilisateurs. Les médias et notamment la télévision, sont de tels consommateurs de musiques en général et de musiques du commerce en particulier, qu’une négociation au ‘‘coup par coup’’, pour chaque œuvre et pour chaque utilisation, n’est pas envisageable.

Les sociétés d’auteurs concluent donc avec les principaux utilisateurs (dont font partie les sociétés de programmes télévisuels) des contrats généraux de représentation. L’économie de ces contrats est simple : les sociétés de gestion mettent à disposition des sociétés de programmes, l’ensemble de leur répertoire qui versent en contrepartie une rémunération forfaitaire calculée sur la base de leurs recettes annuelles.

C’est la SDRM qui est chargée de la perception de cette redevance et qui procède ensuite à la répartition entre les différentes sociétés de gestion, qui à leur tour ventilent ces sommes entre leurs associés.

1 V. sur ce point : GAUTIER (P.-Y.), Propriété littéraire et artistique, 4e éd., coll. Droit fondamental, PUF, Paris, 2001 : « Tout cela fait beaucoup penser à la propriété fiduciaire, commodité permettant à un organisme de gérer avec efficacité le patrimoine du cédant, qui le reprendra à terme ». Approuvant cette qualification : LUCAS (A.) et LUCAS (H.-J.), Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e éd., Litec, Paris, 2001 ; LINANT DE BELLEFONDS (X.), Droits d’auteur et droits voisins, coll. Cours, Dalloz, Paris, 2002 ; KEREVER (A.) note sous C. Cass. civ. 1ère, 24 février 1998, Sony Music, RIDA, juillet 1998, 213 ; HUGON (Ch.), Le régime juridique de l’œuvre audiovisuelle, thèse, Litec, Paris, 1993.

2 Paris, 11 février 1998, RIDA, juillet 1998, 189.

3 TGI Paris, 19 juin 1998, RIDA, avril 1999, 410 : « aucune disposition des statuts n’autorise l’auteur à faire une sélection parmi les œuvres de son répertoire ».

4 Cass. civ. 1ère, 24 février 1998, TF1 c/ Sony, Dalloz, 1998, p. 471 : « les auteurs et éditeurs ayant adhéré à la SACEM n’en conservent pas moins l’exercice de leurs droits dont ils peuvent demander la protection notamment par l’action en contrefaçon ». Contra : Cass. civ. 1ère, 24 février 1998, Dalloz, 471.

Les contrats généraux de représentation autorisent les diffuseurs d’une part à représenter les œuvres du répertoire, et plus particulièrement par le biais d’une communication par voie hertzienne terrestre, par diffusion directe par satellite ou la distribution par un bouquet satellite ou par câble, d’autre part à reproduire ces œuvres dans les programmes qu’ils réalisent ou font réaliser pour leur compte à l’exclusion des programmes de nature publicitaire1.

En contrepartie, les sociétés de programmes s’engagent à fournir à la SACEM et à la SDRM les pièces leur permettant de répartir les redevances entre les auteurs, comme le prévoit l’article L. 132-21 du Code de la propriété intellectuelle2. Chaque mois ou chaque trimestre, les services des droits d’auteur des chaînes de télévision transmettent ainsi le décompte de l’ensemble des musiques utilisées (relevés effectués par les services, conducteurs des émissions, fiches techniques de productions…).

Avantages et inconvénients de la gestion collective. Dans le monde des médias actuel, la gestion collective permet de répondre aux difficultés que soulèvent la communication moderne : reproduction quasi instantanée, immatérialité des œuvres, multiplication des représentations… Elle permet pour les auteurs de faire valoir leurs droits patrimoniaux sur leurs œuvres et simplifie les démarches pour les utilisateurs.

Cependant, ce système demeure relativement opaque quant à son fonctionnement comme le soulignent MM. Paris et Bertrand. Nous ne retiendrons pour notre part, que deux conséquences néfastes inhérentes à ce système mais qui trouve une résonance particulière dans le domaine qui nous occupe, celui de la télévision :

– Les associés sont privés de l’exercice de leurs droits. C’est à la société de perception et de répartition que revient la charge de les exercer. La finalité originelle de ces sociétés était de renforcer le poids des auteurs au cours des négociations avec les utilisateurs, or la négociation a aujourd’hui disparue : la rémunération forfaitaire qui existe aujourd’hui en faveur des services de programmes permet à ses derniers d’utiliser à discrétion le catalogue des œuvres de la SACEM et de la SDRM.

Et la répartition entre les auteurs et les ayants-droit s’avère malaisée : malgré les informations transmises par les chaînes, les sociétés ne peuvent en contrôler la véracité sinon l’exactitude.

1 L’utilisation d’une musique du commerce à des fins publicitaires restant soumise à l’autorisation préalable des ayants-droit.

2 Art. L. 132-21 CPI : « L’entrepreneur de spectacles est tenu de déclarer à l’auteur ou à ses représentants le programme exact des représentations ou exécutions publiques ».

Sont alors établies par les sociétés de gestion des grilles de valeur des œuvres et de ‘‘cotation’’ des auteurs afin de déterminer quelles œuvres furent le plus diffusées et permettre ainsi la répartition des droits perçus, grilles qui dont le caractère probant peut laisser septique1.

– Les utilisateurs paient une redevance annuelle, négociable d’une année sur l’autre mais dont le montant est en réalité reconduit d’une année sur l’autre (soit 5 % du chiffre d’affaire pour les télévisions2). Ce mode de rémunération forfaitaire est certes moins complexe mais est totalement opaque (cf. titre 2, p. 65) : les utilisateurs ne connaissent pas le volume et le coût réels des phonogrammes qu’ils utilisent3.

3/ Conclusion

Les chaînes de télévision sont de grandes consommatrices de phonogrammes du commerce. Sans doute le seraient-elles moins si la réglementation et la pratique du droit d’auteur ne leur permettaient pas d’avoir accès rapidement et à un coût admis comme acceptable à un large choix de musiques du commerce.

Les auteurs bénéficient d’une propriété incorporelle sur leurs œuvres ; ce monopole comprend des prérogatives morales et des prérogatives pécuniaires. Nous l’avons vu, l’utilisation d’un phonogramme du commerce à des fins de sonorisation de programmes audiovisuels, sous réserve de ne pas porter atteinte à l’œuvre quant à son intégrité et sa destination et de respecter – dans la mesure du possible – la paternité de celle-ci, ne contrarie pas le droit moral de l’auteur.

Une telle utilisation doit avoir cependant été autorisée, l’auteur détenant un droit d’exploitation sur son œuvre et qui suppose que toute reproduction ou représentation de cette dernière soit faite avec son accord exprès et moyennant une rémunération proportionnelle.

Si pour chaque œuvre reproduite ou représentée, une chaîne de télévision devait s’adresser individuellement à chacun des intervenants de ces œuvres, elle serait incapable de faire face à la multitude de négociations nécessaires.

Les chaînes ont alors passé des contrats généraux de représentation avec les sociétés de perception et de répartition des droits qui représentent les auteurs, aux termes desquels les chaînes sont autorisées à puiser dans le répertoire des sociétés de gestion collective qui détiennent les droits patrimoniaux des auteurs, moyennant une rémunération forfaitaire annuelle.

1 Septicité partagée par certains artistes qui ont esté en justice, mais les juges estiment que « en adhérant, l’auteur a expressément accepté de se soumettre aux règles de répartition résultant des statuts et du règlement général » : Cass. civ. 1ère, 6 février 1996, Sipriot, RIDA, juillet 1996, 351. Ces grilles ne serviraient selon la SACEM, qu’en matière de radios où à la différence des télévisions, celles-ci n’ont pas systématiquement recours au traitement informatisé des œuvres diffusées.

2 Ce taux est de 6 % pour les radios.

3 Nous verrons dans la seconde partie de notre étude que les recherches menées par les chaînes de télévision ont aboutie à des résultats surprenants concernant le rapport entre la consommation réelle et le taux de rémunération forfaitaire .

Ce système permet aux chaînes une gestion plus claire : pas de négociations et de renégociations et pas de calcul de rémunérations en fonction de utilisation des phonogrammes (durée des extraits, nombre d’extraits reproduits, nombre de diffusion et de rediffusion du programme sonorisé…)1.

Il comporte certes de nombreux inconvénients pour les auteurs associés des sociétés de gestion (cf. Avantages et inconvénients, p. 50) ainsi que pour les auteurs non associés, les diffuseurs ne vérifiant jamais si les œuvres utilisées font ou non partie du répertoire de la SACEM2.

Toujours est-il que ce système ‘‘court-circuite’’ le droit d’auteur. On peut dire qu’en déposant leurs œuvres à la SACEM, les auteurs consentent implicitement à ce que les chaînes de télévision les utilisent pour sonoriser leurs programmes3. Les sociétés audiovisuelles ne se ‘‘heurtent’’ donc pas au monopole des auteurs et peuvent utiliser sans contrainte, des phonogrammes de musique du commerce afin de sonoriser leurs programmes.

Nous venons d’examiner les droits reconnus aux auteurs, mais d’autres intervenants peuvent prétendre à des droits sur un phonogramme de musique du commerce. Il s’agit des artistes-interprètes et des producteurs auxquels sont reconnus des droits voisins du droit d’auteur.

1 Le principe de rémunération proportionnelle n’est cependant pas abandonné : c’est à la SPRD que reviendra la tâche d’établir, sur le forfait versé, la part qui revient à chaque auteur.

2 Partant du présupposé que la SACEM gère les droits d’auteur de l’ensemble des artistes français mais aussi internationaux grâce aux contrats de représentation qu’elle conclut avec les sociétés de gestion étrangères et en vertu desquels elle est habilitée à percevoir pour leur compte les droits des auteurs étrangers, les diffuseurs puisent en réalité dans l’ensemble du patrimoine musical mondial sans se soucier de savoir si l’auteur a directement ou indirectement mandé la SACEM pour gérer ses droits. « La SACEM , qui est par ailleurs la seule société d’auteurs à opérer en France, encaisse ainsi les droits pour des œuvres qui ne font pas partie de son répertoire et qu’elle se garde bien de redistribuer puisque les auteurs ne font pas partie de ses adhérents ». BERTRAND (A.), La musique et le droit. De Bach à Internet, coll. droit@litec, Litec, Paris, 2002.

3 Certains auteurs, comme A. Bertrand, parle d’une « dépossession » des paroliers et compositeurs de leurs droits

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