La collaboration entre la filière obstétricale et odontologique

La collaboration entre la filière obstétricale et odontologique

Pour une collaboration entre la filière obstétricale et odontologique

Nous avons pu voir que les sources d’informations des sages-femmes provenaient essentiellement de leur propre chirurgien-dentiste. A contrario, certains dentistes refusent la prise en charge des femmes enceintes pour des raisons qui ne sont pas totalement fixées. Il existe de fait peu de partages d’informations formalisées et de niveau universitaire entre ces deux corps professionnels.

Il faudrait profiter d’espaces de communication (congrès, formation professionnelle, etc.) pour permettre aux deux professions d’échanger sur leurs pratiques respectives. Le principe d’un partenariat pour un enseignement commun sur la santé bucco-dentaire et la grossesse est à privilégier, que ce soit à destination des sages- femmes ou des chirurgiens-dentistes au cours de leur formation.

De l’intérêt d’une plaquette d’information aux professionnels…

Comme nous l’avons souligné, l’accueil d’une plaquette d’information par les sages- femmes peut être considéré comme un succès à réitérer. Une démarche conjointe des sages-femmes et des professionnels de l’odontologie devrait aboutir à l’élaboration de plaquettes à destination des sages-femmes, par exemple comme un élément parmi d’autres de la formation continue.

A titre d’exemple, le Conseil général du Val de Marne a conçu des « fiches-conseils » à l’attention des sages-femmes de la région suite au résultat d’une étude menée auprès de ces dernières. L’étude montrait le peu de conseils d’hygiène bucco-dentaire que donnaient les sages-femmes à leurs patientes et le besoin qu’elles ressentaient concernant un manque d’information dans ce domaine. Dans ces fiches, les problèmes dentaires dû à la grossesse étaient répertoriés avec les causes de ces pathologies et les conseils que l’ont peut apporter à la patiente pour pallier ces problèmes. Ce genre de guide pour les professionnels pourrait être utile dans la pratique courante pour les praticiens en contact avec la femme enceinte (sages-femmes, obstétricien, gynécologues, médecins généralistes) et servir comme outil de référence en cas de questions précises de celle-ci. (34)

… à la diffusion de l’information auprès des femmes enceintes

Toutes les périodes du suivi de la grossesse ne sont pas équivalentes pour la diffusion de messages de prévention. Les informations et conseils clés donnés à la femme enceinte pourraient se faire à différents moments :

* A l’entretien prénatal précoce : mis en œuvre au 4ème mois de la grossesse, il est recommandé et permet une prévention précoce. Ce moment est privilégié car il permet d’aborder tous les problèmes et toutes les questions de la femme enceinte.

De plus, le temps consacré à cette consultation est un peu plus long que pour les autres consultations ce qui laisserait de la place aux questions de santé bucco- dentaire.

* Au cours des consultations prénatales : ces moments sont propices pour aborder et mettre en lien l’hygiène diététique et dentaire. L’alimentation de la femme enceinte est un sujet très abordé au cours de la grossesse, notamment pour la prévention de certaines maladies (toxoplasmose, listériose, salmonellose) mais aussi du fait des modifications d’habitudes alimentaires induites par la grossesse.

Le discours habituel gagnerait à être renforcé par des messages spécifiques sur la prévention en santé bucco-dentaire comme nous l’avons souligné précédemment.

** Au cours des séances de préparation à la naissance : ces moments interviennent tard dans la grossesse mais ils pourront permettre de parler de l’hygiène dentaire de la mère et du futur enfant ; n’oublions pas le lien entre la carie chez l’enfant qui est un problème de santé publique majeur et la mère, qu’il est important d’éduquer très tôt.

* En protection maternelle et infantile : hormis le rôle propre de la PMI de mettre en place des mesures et des actions de prévention, elle constitue un lieu particulier, multidisciplinaire, accueillant toutes les femmes enceintes, quel que soit leur niveau socio-économique, et susceptible d’atteindre des populations échappant aux circuits classiques des prises en charge pour grossesse et probablement vulnérables aux questions de santé bucco-dentaire.

D’autres supports peuvent être cités pour accompagner ou aider à la mise en place des actions de prévention.

En France, la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) met à disposition sur son site internet un guide de maternité téléchargeable dans lequel un suivi dentaire pendant la grossesse est préconisé.

Malheureusement, cette information ne comporte que quelques lignes alors que dans d’autres pays comme le Canada ou les Etats-Unis, les guides de maternités consacrent des pages entières, exposant dans un premier temps, les méfaits des maladies parodontales sur la grossesse, l’importance d’une bonne hygiène bucco-dentaire et d’une consultation chez un dentiste lors de la grossesse.

Dans un deuxième temps, ils abordent les questions classiques que peuvent se poser les femmes enceintes (soins pour les gingivorragies, possibilité et contre-indications de soins), indiquent la bonne méthode de brossage et réfèrent à des liens internet pour plus d’informations sur le sujet (35, 36). C’est un exemple à suivre et il faudrait sans doute suggérer à la CNAM de développer ces aspects dans son édition numérique.

Ceci étant, les caisses d’assurance maladie se mobilisent afin de développer la prévention. La Mutualité Sociale et Agricole (MSA) envoie systématiquement au 6ème mois de grossesse une plaquette d’information sur la santé bucco-dentaire à toutes les femmes enceintes affiliées.

Des conseils d’hygiène dentaires et les périodes pour consulter un dentiste sont indiqués (37). Après l’accouchement, la MSA renvoie une deuxième plaquette d’information concernant cette fois-ci des conseils et explications sur la santé bucco-dentaire de l’enfant (38).

Malgré ce côté précurseur, l’envoi de la plaquette au 6ème mois est tardive et gagnerait à être adressé plus tôt, au cours du 4ème mois conformément à la recommandation de la HAS. Là encore il serait souhaitable que l’exemple de la MSA soit suivi par les autres régimes d’assurance maladie, et surtout pour le premier d’entre eux, le régime général

On peut citer néanmoins une enquête menée par l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie (URCAM) concernant la fréquence des consultations dentaires de femmes enceintes du Limousin.

Un questionnaire permettait aux femmes enceintes d’évaluer la nécessité de consulter un chirurgien-dentiste et de les sensibiliser à un suivi bucco-dentaire régulier ; un guide de surveillance médicale mère et nourrisson était joint.

Une des conclusions intéressantes de l’enquête portait sur l’augmentation de la fréquence des consultations dentaires des femmes enceintes après qu’elles aient été sollicitées par l’URCAM (27,2% vs 38,4%).

Par ailleurs, cette caisse prévoyait de diffuser ce questionnaire à toutes les femmes faisant une déclaration de grossesse pour améliorer la prévention en santé bucco-dentaire. Cet exemple est emblématique de l’importance de l’engagement des structures institutionnelles dans la promotion de la prévention en santé bucco-dentaire. (39)

D’autre part, en respectant les recommandations de l’HAS et la publication de l’UFSBD, le moment idéal pour effectuer un dépistage est fixé au 4ème mois de grossesse, permettant une prise en charge précoce des maladies.

Comme nous l’avons déjà souligné, les soins dentaires ne sont remboursés à 100% qu’à compter du 6ème mois de grossesse ; il existe à notre sens une contradiction entre la recommandation et la pratique : il serait donc intéressant de rendre le remboursement des soins dentaires dans leur totalité à partir du 4ème mois de grossesse afin qu’il n’y ait pas d’obstacle financier à la consultation dentaire.

L’intérêt d’une consultation obligatoire

Pour aider les professionnels de la naissance à intégrer de façon plus systématique la prévention en santé bucco-dentaire, il serait intéressant d’inclure dans le dossier obstétrical des questions en rapport avec l’odontologie de type, « Suivi régulier chez un dentiste » ou « Problèmes dentaires ou gêne à signaler » ou « Dernière consultation chez un chirurgien- dentiste ».

La mise en place d’une consultation obligatoire chez un chirurgien-dentiste au cours de la grossesse permettrait de faire une prévention élargie et contrôlée et pourrait prévenir le taux de pathologies dentaires.

A noter qu’une proposition de loi du 24 juin 2010 visait à créer un examen obligatoire chez un chirurgien-dentiste pour toutes les femmes enceintes afin d’évaluer précocement les besoins en soins et limiter les risques infectieux et leurs conséquences sur la santé de la mère et de l’enfant.

Le projet stipulait également que le médecin ou la sage-femme qui effectuera le premier examen prénatal devra sensibiliser la femme enceinte sur les risques liés à une hygiène dentaire insuffisante. A notre connaissance, cette proposition n’a malheureusement pas dépassé à ce jour le stade du projet. (40)

Perspectives d’études

Nous avons conscience que notre travail relève plutôt d’une étude préliminaire, le temps et les moyens qui nous sont impartis étant insuffisants pour développer des études de plus grande envergure.

Une perspective intéressante serait de généraliser la distribution de la plaquette auprès de tous les professionnels en contact avec la femme enceinte (sages-femmes, obstétriciens, gynécologues, médecins généraliste) et d’évaluer l’impact réel d’une prévention en santé bucco-dentaire.

On pourrait par exemple rechercher les modifications de pratique chez les professionnels et/ou les impacts sur la santé bucco-dentaire des femmes enceintes au-delà d’une certaine période (par exemple, 6 mois) après distribution d’une plaquette ou diffusion de messages de prévention spécifiques.

La même démarche pourrait être engagée auprès des chirurgiens-dentistes, relais naturels de la prévention en santé bucco-dentaire. Un accent particulier devra porter sur leur niveau d’appréhension concernant les soins chez la femme enceinte et sur les éléments pouvant influer sur leur motivation à les prendre en charge.

D’autres études sur la prévalence des maladies parodontales chez la femme enceinte et sur les conséquences de ces pathologies sur la grossesse devraient également se poursuivre.

11 Conclusion

Notre étude a montré que les sages-femmes avaient des notions sur le lien réciproque entre une mauvaise santé bucco-dentaire et les conséquences sur la grossesse. Paradoxalement, leur niveau d’information en la matière relevait de façon quasi exclusive du domaine informel et il leur manquait les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de prévention de niveau professionnel.

Il est vrai que les publications actuelles ne permettent pas de trancher sur la causalité entre pathologies bucco-dentaires et conséquences sur la grossesse. Néanmoins, plusieurs études concordent sur les liens entre ces deux domaines d’où l’existence des recommandations actuelles qui préconisent un suivi systématique de la santé bucco-dentaire chez la femme enceinte.

Il est utile de dépister et de prévenir l’apparition de ces maladies afin d’éviter toute prise de risque. D’où l’enjeu de former les professionnels de la naissance afin de les sensibiliser à cette prévention.

Il existe chez les sages-femmes un contexte favorable pour une mise en place de programmes de formations en santé bucco-dentaire, notamment par le biais d’enseignements spécifiques au cours des études ou par des supports d’information adaptés (plaquette, congrès, formation professionnelle, etc.).

Plus généralement, cette formation devrait être adressée à tous les professionnels en contact régulier avec les femmes enceintes. Pour assurer une meilleure convergence des actions, il importe également qu’il y ait un engagement des structures institutionnelles (état et assurance maladie).

Le but serait, à terme, d’améliorer la santé de la mère et de l’enfant, et plus particulièrement leur état de santé bucco-dentaire dont on sous-estime généralement les impacts, non seulement en matière de santé mais aussi sur le plan socio-économique.

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