Le droit au logement en droit international

1.2. Une protection juridique insuffisante

La définition du droit au logement n’est pas un exercice aisé . En effet, ce droit semble exprimer tout à la fois un objectif, un cadre juridique, un instrument programmatique à destination de pouvoirs publics, ainsi qu’ un petit noyau de mesures impératives invocables par les particuliers (notamment celles relatives à la protection des locataires). 36

Les interrogations sur la juridicité du droit au logement en induisent une protection limitée dans l’ordre juridique.

Ainsi, le droit au logement a fait l’objet de proclamation par son inscription dans plusieurs textes internationaux, européens et nationaux, qui peuvent attester de son appartenance à l’ordre juridique. Cependant, les effets juridiques limités de ces textes ne permettent pas aux juges d’en assurer l’application.

1.2.1 Des proclamations symboliques

La plupart des textes internationaux qui reconnaissent un droit au logement n’ont pas été interprétés comme ayant un effet direct 37.

Les textes européens quant à eux, s’ils disposent de mécanismes qui peuvent servir de fondement à des avancées législatives nationales, ne consacrent pas directement la garantie du droit au logement.

35 LAFORE Robert, « Droit au logement et mutations sociales à la recherche des concepts »,Vie sociale, n°5-6, 1993

36 BOCCADORO Nathalie, « le droit au logement : un droit fondamental? », Environnement et renouveau des droits de l’homme-Actes du colloque de Boulogne sur mer du 20-21 novembre 2003, CHAMPEIL-DESPLATS Véronique (dir.), La Documentation Française, 2006, Paris

37 Un effet direct est généralement défini comme l’aptitude d’une règle internationale à conférer par elle-même aux particuliers, sans requérir aucune mesure interne d’exécution, des droits dont ils pourront se prévaloir devant les juridictions nationales.

En droit interne, le droit au logement n’est pas inscrit dans la Constitution, mais il a été envisagé comme un droit fondamental par deux lois successives et le Conseil Constitutionnel en a fait un objectif à valeur constitutionnelle.

Malgré cette reconnaissance dans les textes, le droit au logement souffre d’une protection uniquement formelle sans conséquences concrètes pour sa mise en œuvre.

a) Le droit au logement en droit international

De nombreux textes internationaux garantissent le droit au logement : des textes généraux, des textes s’adressant à une catégorie spécifique de personne, et des textes relatifs à l’habitat. 38

∙ Textes à caractère général

Deux grands textes internationaux à caractère général mentionnent le droit au logement : la Déclaration Universelle des Droits de l’homme (DUDH), et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

-La Déclaration Universelle des Droits de l’homme (DUDH), adoptée par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, évoque un droit international au logement.

En effet, l’article 25.1 dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habitation et le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires».

Cependant, la DUDH de 1948 n’est qu’une résolution et elle n’est donc pas contraignante pour les Etats et n’est pas invocable par les particuliers.

-Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) , adopté à New York le19 décembre 1966 énonce également que « les Etat parties du présent pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement, un logement suffisant, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ».

En tant que « pacte », le PIDESC s’impose juridiquement aux Etats signataires. Mais la portée du PIDESC reste cependant controversée devant les tribunaux nationaux. La jurisprudence a donc tenté de redéfinir la portée des textes internationaux en droit interne.

Dans sa décision M. Rouquette et autres du 5 mars 1999, le Conseil d’Etat a considéré qu’en effet, les dispositions du Pacte s’adressaient aux Etats et non aux individus. Cette décision a été confirmée dans une ordonnance-référé du 3 mai 2002 Association de réinsertion sociale du Limousin et autres :

« les stipulations relatives à l’accès des particuliers au logement qui sont contenues dans certaines conventions internationales ratifiées par la France, ne créent des obligations qu’entre les Etats parties à ces conventions et ne produisent pas d’effet direct à l’égard des personnes privées. »

∙ Textes à caractère spécifique

D’autres textes internationaux énoncent le droit au logement, dans le cadre de la protection de catégories spécifiques de personnes :

– La Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 21 décembre 1965, interdit la discrimination raciale dans la mise en œuvre du droit au logement dans l’ article 5 :

« les Etats parties s’engagent à interdire et à éliminer la discrimination raciale sous toute ses formes et à garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi dans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique notamment dans la jouissance (…) du droit au logement ».

– La Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, adoptée par la résolution 32/180 du 18 décembre 1979, dans son article 14 § 2 impose aux Etats signataires de prendre les « mesures appropriées » afin de faire cesser la discrimination des femmes dans les zones rurales et de leur assurer le droit « de bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications ».

– La Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée Générale de l’ONU le 20 novembre 1989, reconnaît à l’article 27 §1 « le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social » et par conséquent, proclame à l’alinéa 3 :

« les Etats parties adoptent les mesures appropriées, (…) pour aider les parents et autres personnes ayant charge de l’enfant, à mettre en oeuvre ce droit et offrent en cas de besoin, une assistance matérielle et un programme d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement, et le logement. »

– La convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU dans sa résolution 45/158 du 18 décembre 1990, fait référence au droit au logement également dans l’article 43 § 1 :

« Les travailleurs migrants bénéficient de l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat d’emploi, en ce qui concerne (…) l’accès au logement, y compris les programmes de logements sociaux, et la protection contre l’exploitation en matière de loyers ».

De plus, à l’article 43 § 3, la convention stipule que « les Etats d’emploi n’empêchent pas les employeurs de travailleurs migrants de créer des logements ou des services sociaux ou culturels à leur intention. »

∙ Textes relatifs à l’habitat

Parmi les textes internationaux relatifs à l’habitat, la convention d’Istanbul sur les établissements humains issue de la Conférence Habitat II de 1996, cristallise les enjeux du débat sur le droit au logement en droit international.

En effet, organisée du 3 au 14 juin 1996 à Istanbul, en Turquie, la Conférence Habitat II réunit 187 nations et clôt ainsi le cycle des grandes conférences de l’ONU ouvert en 1992 par le sommet de Rio de Janeiro. Le sommet d’Istanbul avait pour ambition de trouver les solutions à la promesse « un toit pour tous dans une ville durable ».

Mais rapidement, des divergences profondes sont apparues entre les Etats et un conflit a opposé les Etats-Unis et les pays membres du l’Union Européenne sur la reconnaissance d’un droit au logement, et le rôle de l’Etat en matière de logement.39

En effet, les Etats-unis considèrent qu’une reconnaissance du droit au logement impliquerait de l’inscrire dans les lois nationales, obligeant ainsi les Etats à fournir effectivement un toit à chacun sous peine de voir le droit au logement revendiquer devant les tribunaux. Or, les Etats-unis ne concevaient pas la responsabilité du problème du logement comme du seul ressort de l’Etat, mais de divers acteurs comme les collectivités, entreprises et associations.

Pour les pays membres de l’Union Européenne au contraire, l’inscription du droit au logement dans une Convention internationale traduit un engagement de la part des Etats, qui chacun doit tendre vers la mise en œuvre de ce droit.

Cette opposition s’est soldée par la production de plusieurs textes : « Agenda d’habitat II », jugé illisibles par les commentateurs de l’époque, et « Programme pour l’habitat : but et principes, engagement et plan mondial d’action »qui obligeait les gouvernements à aider les populations à obtenir un logement et à protéger et améliorer les quartiers.

De plus, suite aux vifs échanges sur le rôle de l’Etat, la conférence Habitat II de 1996, a fait émerger la reconnaissance de nouveaux acteurs dans le domaine du logement : les collectivités locales et les partenaires privés.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le droit au logement opposable en France : une avancée pour le droit au logement ?
Université 🏫: Université LYON 2 - Institut d’Etudes Politiques de Lyon
Auteur·trice·s 🎓:
Elsa JOHNSTONE & André Vianès

Elsa JOHNSTONE & André Vianès
Année de soutenance 📅: Septembre 2008
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