Analyse des contrats de financement hospitalier, de la réforme T2A et de leur impact sur la gestion, la qualité des soins et les relations public-privé.
3.3.2 – Propositions de contrats de financement hospitalier
Les propositions de contrats seront étudiées successivement pour le niveau 2 puis pour le niveau 1.
3.3.2.1. – Proposition de contrats entre le gestionnaire-principal et le médecin-agent
La première proposition consiste en des contrats offerts au médecin par le gestionnaire d’un hôpital d’une catégorie donnée, où les ressources disponibles pour fournir les équipements de haute technologie sont définies de telle sorte que leur coût marginal soit égal à leur utilité marginale.
Ce type de contrat diffère d’un contrat en information complète seulement au niveau des honoraires du médecin par patient : les honoraires sont positifs pour l’hôpital de la catégorie sévère et nuls dans le cas contraire.
Ce type de contrat est destiné à minimiser les rentes informationnelles laissées au docteur dans l’hôpital de catégorie peu sévère.
3.3.2.2. – Propositions de contrats entre le gouvernement-principal et le gestionnaire-agent
Dans le cas où la catégorie de l’hôpital est la moins sévère, le gouvernement fixera les honoraires pour le traitement avec les équipements de haute technologie négativement, et sous-investira dans ces équipements conformément à la règle qui veut que la productivité marginale d’une ressource soit en équation avec son prix sur le marché.
Dans le cas où la catégorie de l’hôpital est la plus sévère, l’asymétrie d’information entre le gouvernement et le gestionnaire fait que le gouvernement augmente et les honoraires du médecin pour le traitement avec les équipements de haute technologie et les investissements dans ces équipements.
Ceci est motivé par la volonté, de la part du gouvernement, de minimiser la rente informationnelle laissée à l’hôpital de catégorie moins sévère.
3.3.3 – Conclusions sur cette étude
Dans cette étude, les auteurs ont observé et modélisé les manières de financer un hôpital de manière à impliquer une hiérarchie entre trois décideurs : le gouvernement, le gestionnaire de l’hôpital et le médecin.
La répartition de l’information entre ces trois acteurs résultent de différences de compétences professionnelles du fait d’un degré d’éloignement avec le contact du patient.
Le gouvernement ne sait rien sur la catégorie de l’hôpital, le gestionnaire connaît la catégorie de sévérité et le médecin connaît précisément son case-mix.
En offrant des contrats au médecin, le gestionnaire cherche à maximiser sa rémunération attendue en incitant le médecin à lui révéler l’information dont il dispose au moment de la signature du contrat.
Dans un contexte de sélection adverse, il est néanmoins nécessaire que le gestionnaire laisse au médecin des rentes s’il est dans un hôpital au case-mix peu sévère pour ne pas qu’il puisse affirmer qu’il n’est pas en mesure de traiter les cas les plus sévères, l’objectif du gestionnaire sera alors de les minimiser au maximum.
Concernant la conception du contrat entre le gouvernement et le gestionnaire, deux sources de blocage sont possibles :
- d’une part, le gouvernement est plus soucieux des bénéfices de la qualité des soins que le médecin, et de ce fait il serait tenté d’investir et de payer des honoraires pour les équipements de haute technologie plus qu’il ne serait nécessaire. Ce serait une situation sur-optimale.
- d’autre part, les honoraires élevés pour l’utilisations des équipements de haute technologie, sont souvent perçus par le gouvernement comme une incitation à leur sur-utilisation dans les hôpitaux faisant face aux case-mix les plus sévères. Ceci conduit donc le gouvernement à naturellement chercher à réduire le montant de ces honoraires.
Ainsi, le contrat doit être conçu de manière à ce que le gestionnaire révèle au gouvernement la catégorie de sévérité de son hôpital.
Comme au second niveau, une rente doit être laissée au gestionnaire d’un hôpital au case-mix sévère. Donc le financement des équipements de haute technologie sera plus conséquent que requis.
Conclusion Générale
Selon Claude Le PEN, « la T2A c’est le secteur privé à l’hôpital »86. Cette affirmation peut porter à réfléchir sur le sens même du service public hospitalier.
La T2A est destinée à asseoir le financement sur l’activité et le relier davantage aux coûts réels observés et ainsi éviter le financement bloqué et restreint propre au financement par dotation globale.
L’expérience américaine a fourni un exemple des inconvénients que l’on peut rencontrer si on applique un système de paiement prospectif à la pathologie fondé sur une classification en Groupes Homogènes de Malades à 100 %.
En effet, les comportements stratégiques les plus fréquents sont le surclassement des malades dans des groupes de malades plus rentables et surtout plus rémunérateurs; la segmentation des séjours, du fait que plus on a de séjours, plus on a de financement, mais ce qui inquiète surtout les professionnels de santé, et les instigateurs de la réforme, ce sont les éventualités d’une diminution de la qualité des soins.
La réforme entamée en 1995 et poursuivie en 1996 avait permis de créer les bases essentielles à l’amélioration de la relation d’agence qui existe entre le gouvernement, principal, et l’hôpital, agent.
En effet, d’une part, la mise en place du Programme de Médicalisation du Système d’Information permet au principal de disposer d’un niveau d’information plus correct sur le case-mix national, mais les ordonnances de 1996 ont permis la mise en place de deux superviseurs, l’Agence Régionale de l’Hospitalisation et l’Agence Nationale de l’Accréditation des Etablissements de Santé.
Comme nous l’avons vu, ces réformes étaient nécessaires mais insuffisantes car fondées sur le système de la dotation globale. Elles ne constituaient que des mesures de correction plus ou moins efficaces.
En effet, ce système destiné à maîtriser les dépenses hospitalières n’est pas parvenu à réaliser cet objectif, bien au contraire; et pire encore, ce système a entraîné un sous-investissement dans l’innovation, que celle-ci soit technique ou thérapeutique, pénalisant le patient lui-même.
L’idée maîtresse de la Tarification à l’Activité a été de mêler paiement prospectif à la pathologie et dotation globale afin d’atténuer les « effets indésirables » des deux systèmes.
Cependant, si cette réforme peut avoir des vertus intéressantes, elle n’est pas exempte d’effets pervers potentiels.
En effet, pour résumer la situation, on pourrait dire que l’ancien système était du financement déconnecté du coût teinté de paiement prospectif à la pathologie alors que la T2A consiste en du paiement prospectif à la pathologie agrémenté avec de petites touches de dotation globale.
Ainsi, si les effets pervers du système antérieur sont annihilés par des incitations supérieures à la réduction des coûts, et à l’innovation, la T2A ne conserve pas moins les défauts du paiement prospectif à la pathologie.
Beaucoup pensent que le système dispose intrinsèquement des moyens d’éviter ces effets néfastes.
Néanmoins, comme Claude Le PEN le dit lui-même, c’est dans la mise en œuvre de la réforme que nous verrons si elle est viable.
Ce qui importe surtout, c’est de parvenir à maintenir un niveau de qualité adéquat et suffisant.
C’est ici que la relation avec la sphère privée prend tout son sens.
Ces relations vont être amenées à s’intensifier par l’instauration d’une concurrence entre les deux secteurs grâce à la convergence tarifaire prévue pour 2012.
En effet, le financement reposera sur les mêmes bases et les méthodes de contractualisation avec les A.R.H. seront identiques.
Mais avant tout, et c’est ici que la citation de M. Claude LE PEN prend tout son sens, le service public hospitalier va devoir, s’il veut devenir rentable tout en fournissant une qualité de soins suffisante, adopter des méthodes propres au secteur privé lucratif.
Les travaux de la Mission d’Evaluation et d’Audit Hospitaliers vont dans ce sens notamment en ce qui concerne la mise en place de techniques de comptabilité analytique d’exploitation.
Les résultats du secteur privé en termes de rentabilité, devraient amener le service public hospitalier à imiter ses méthodes rapidement.
Mais Lionel PERRIER propose dès 2001 d’aller plus loin, des structures existent comme la filière et le réseau de soins qui permettent de favoriser une prise en charge globale du patient avec un haut niveau de qualité.
Les réseaux d’ailleurs sont porteurs d’avenir car peuvent devenir les lieux privilégiés de la coopération entre secteur public hospitalier et secteur privé, si leurs statuts juridiques le permettent.
Nous avons vu que le réseau ONCORA, constitué en Groupement d’Intérêt Public oeuvrait dans cette direction.
Cet auteur développe également un outil, que nous avons jugé intéressant, la trajectoire patient qui peut permettre d’améliorer la connaissance du déplacement du patient dans l’espace de soins par rapport à la prise en compte tarifaire du seul séjour.
Cet outil peut ainsi servir d’outil de planification pour le gouvernement, d’outil de contrôle pour l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, ou l’A.N.A.E.S, et enfin d’outil de négociation à la disposition de l’hôpital.
Enfin, BOADWAY, MARCHAND et MOTOHIRO ont réalisé une étude novatrice du financement des hôpitaux en essayant de modéliser des types de contrats optimaux pour que la répartition de l’information soit plus homogène.
Cependant, si le service public hospitalier imite les techniques du secteur privé, il faut néanmoins penser que les charges du secteur public sont plus importantes du fait qu’il y a une obligation de service public et des activités non rentables doivent être maintenues au nom de l’obligation d’accueil des patients.
Les cliniques privées lucratives ont pu très tôt se spécialiser dans les activités pour lesquelles elles étaient rentables.
De plus, l’Hospitalisation publique est enchaînée à un boulet : le statut de ses personnels empêchant les éventuelles restructurations et autres réorganisations.
Le réseau de soins permet de mêler personnel de statut public et personnel contractuel et paraît ainsi être une alternative envisageable.
D’autre part, il serait intéressant que la possibilité soit donnée au secteur public de participer à des missions traditionnellement remplies par le secteur public.
On pense ici particulièrement à l’enseignement et la recherche qui sont une sorte de quasi-monopole des C.H.U., alors que les cliniques privées disposant des ressources et des compétences nécessaires pourraient également remplir.
De plus, le secteur privé lucratif pourrait par la même occasion enseigner sa culture de la gestion.
86 Le PEN C., Intervention, Colloque National T2A, URML Île de France, 16 juin 2004.