Trajectoires des patients, réseaux et filières de soins

3.2. – Trajectoires des patients, réseaux et filières de soins.

Dans un premier temps, nous allons définir ces concepts pour ensuite voir leurs implications dans le relation d’agence qu’il existe entre le gouvernement (tutelle), l’Agence Régionale de l’Hospitalisation (superviseur) et l’hôpital (agent).
Les développements de cette partie seront basés essentiellement sur le travail de Lionel PERRIER concernant le P.M.S.I. et les ordonnances de 1996. Ces réformes constituent l’ossature de la réforme T2A.
En effet, le système P.M.S.I. constitue l’outil de tarification du nouveau mode de financement et les ordonnances de 1996 ont créé les structures institutionnelles de la régulation de la relation d’agence existant dans le service public hospitalier. Ses hypothèses restent donc toujours valables.

3.2.1. – Définitions des concepts de trajectoire du patient, de réseaux et de filières de soins

3.2.1.1. – La trajectoire du patient

Selon Lionel PERRIER, le terme de « trajectoire » est de plus en plus utilisé en économie de la santé, mais sa définition reste peu fréquente. Il en a cependant relevé quatre dans le littérature scientifique :
− « une trajectoire de maladie peut être vue comme une imbrication et une succession de tâches dont l’ensemble constitue l’arc de travail » c’est-à-dire « l’ensemble du travail qui aura besoin d’être fait pour maîtriser le cours de la maladie »62,
− « on appelle trajectoire une succession dans le temps de volumes de types « prises en charge », à partir d’un instant initial, et pendant une durée donnée »63,
− « une trajectoire patient est une succession dans le temps d’événements relatifs à un patient ou à un groupe de patients, relevant d’un problème ayant provoqué cette succession d’événements »64,
− enfin, « la trajectoire d’un patient est une séquence ordonnée d’événements pathologiques et d’interactions avec le système de soins »65.
Cependant, cet auteur met en garde contre l’assimilation du concept de trajectoire patient à celui de la trajectoire de maladie qui ne rend compte que de l’évolution d’une maladie.
Lionel PERRIER définit donc la trajectoire patient comme « un déplacement d’un patient dans le temps au sein d’un espace de soins (filière et/ou réseau) pour diagnostiquer, traiter et faire surveiller une pathologie donnée, qui entraîne une consommation successive de soins et de produits médicaux, conditionnée par l’évolution de son état de santé »66
Trois types de trajectoires sont identifiés :
− les « trajectoires simplifiées » : elles consistent à reconstituer la trajectoire du patient dans l’espace de soins à partir de sont dossier patient informatisé,
− les « trajectoires médicales » : elles identifient le couple itinéraire-produit. Pour chaque consultation ou séjour, les ressources médicales consommées (actes thérapeutiques, médicaments…) sont relevées,
− les « trajectoires médico-économiques » : elles permettent d’évaluer le coût de prise en charge d’une pathologie donnée.
De plus, il distingue entre trajectoires mono et multi-établissements qui rendent compte du « chaînage des séjours »67.

3.2.1.2 – La filière de soins

Certaines définitions de la filière de soins, en tant qu’espace de soins, se basent sur un critère temporel, d’autres sur un critère d’organisation :
− « la filière est un chemin parcouru par un patient pour une prise en charge donnée réalisée par des praticiens liés les uns aux autres par une participation au mode de prise en charge »68,
− « la filière de soins est une typologie de parcours, qui résulte de la demande exprimée par rapport à l’offre de soins »69,
− la filière de soins est « une descriptions de trajectoires, a posteriori lorsqu’elle résulte d’une observation des trajectoires des patients dans le système de soins, a priori lorsqu’elle résulte d’une logique de travail en réseau ou d’une logique conventionnelle, réglementaire ou tarifaire »70
Lionel PERRIER définit, quant à lui, la filière de soins comme « une organisation spatiale de l’offre de soins, caractérisée par un ensemble de relations informelles et de coopérations officielles entre des professionnels de santé, pour prendre en charge une maladie au niveau du diagnostic, de la thérapie ou de la surveillance médicale.
Les relations informelles peuvent être à dominante médicale auquel cas la qualité des soins, leur coordination et la recherche d’une prise en charge globale et optimale de la maladie prévalent. Elles peuvent aussi être à dominante financière, auquel cas la recherche d’un profit maximum prévaut »71.
Par exemple, les Hôpitaux Civils de COLMAR ont mis en place une filière « Cancérologie ». La filière Cancérologie s’organise à partir du « Comité Multidisciplinaire de Concertation en Cancérologie » (C.M.C.C.) sensé garantir la multidisciplinarité dans la prise en charge du patient.
En effet, il est constitué de comités d’organe comprenant au moins un oncologue médical, un spécialiste d’organe, un anatomopathologiste, un oncologue radiothérapeute, un chirurgien et un radiologue qui se réunissent une fois par mois pour les décisions thérapeutiques et au moins une fois par an pour réviser les protocoles.
La prise en charge globale du patient dans cette filière repose sur trois éléments distincts :
un médecin hospitalier : le médecin auquel le patient a été adressé et une réorientation peut être effectuée en fonction de la pathologie. C’est lui qui gèrera la relation avec le patient tout au long du traitement,
un projet de soins : il est établi par le médecin hospitalier après concertation avec le comité d’organe. Il prévoit l’enchaînement des séquences thérapeutiques ainsi que leur suivi,
un dossier : il est ouvert à l’entrée du patient dans la filière et devient le support d’information commun et retrace la mise en œuvre du projet de soins et ses ajustements.
La prise en charge des patients cancéreux au sein de la filière s’opère en différentes phases :

  • l’indication de la chimiothérapie : elle est déterminée lors des réunions de décision thérapeutique de comités d’organe,
  • la prescription de la chimiothérapie : est réalisée par un médecin possédant la qualification adéquate,
  • la mise en œuvre de la chimiothérapie : se fait en hospitalisation ou en ambulatoire, sous la responsabilité du chef de service et les éventuelles complications sont prises en charge par le médecin prescripteur.

La filière de soins peut intégrer ou non un réseau de soins qui est une structure formelle avec un statut juridique.

3.2.1.3 – Le réseau de soins

Les économistes de la santé ont étudié le réseau de soins comme un « mode de coordination alternatif au marché, aux contrats ou aux conventions »72. CHAUVIN et al. distinguent quatre axes de travail fondamentaux que doivent se fixer les membres d’un réseau de soins73 :
la prise en charge partagée : la mise en place pluridisciplinaire des patients suppose la mise en place de discussion sur dossier dans des établissements de l’établissement de référence.
Les décisions thérapeutiques peuvent être prises par plusieurs médecins de spécialités différentes,
l’élaboration des standards thérapeutiques et diagnostiques : en effet, un réseau de soins doit assurer une prise en charge des patients homogène d’un établissement de santé à l’autre par la mise en place d’un référentiel de pratiques médicales commun, ces outils constituent la base de la démarche qualité dans le réseau de soins,
du dossier commun minimum au dossier médical partagé : le dossier médical commun minimum est un pré-requis indispensable au fonctionnement du réseau de soins. Il comprend un recueil minimum d’informations médicales standardisées sous forme d’une base de données.
Cependant, pour facilité le partage de ces informations, il est nécessaire de passer au dossier médical partagé grâce à l’outil internet.
la formation des praticiens dans le réseau : cette formation comprend celle des médecins mais aussi des personnels paramédicaux.
Il convient de noter que les réseaux sont devenus un outil important de la transformation du système de santé français depuis les ordonnances de 1996. Dans ce cadre, le réseau de soins consiste à mettre en relation l’ensemble des structures et des professionnels nécessaires à l’instauration d’une prise en charge globale du patient.
L’A.N.A.E.S. définit le réseau de soins comme « une forme organisée d’action collective apportée par des professionnels en réponse à un besoin de santé des individus et/ou de la population, à un moment donné et sur un territoire donné »74.
Il convient néanmoins de bien distinguer les notions de réseau et de filière de soins, car la filière peut s’inscrire à l’intérieur ou à l’extérieur d’un réseau.
L’entrée dans une filière peut se faire à partir du médecin généraliste qui n’appartient pas à un réseau de soins. L’entrée dans le réseau se fait à partir de n’importe quel acteur du réseau.
Lionel PERRIER définit ainsi le réseau de soins comme « une organisation spatiale de l’offre de soins, caractérisée par une coopération officielle garantie par un statut juridique entre des professionnels de santé évoluant au sein de plusieurs filières, afin d’assurer une prise en charge globale et optimale du patient pour une pathologie donnée »75.
Pour donner un exemple de réseau de soins, on peut mentionner le réseau ONCORA (Réseau en oncologie de la région Rhône-Alpes) dont le siège se situe au Centre Régional de Lutte Contre le Cancer Léon BÉRARD à LYON.
ONCORA a été créé en 1994 et est financé depuis janvier 1998 et agréé depuis juin 1999 par l’Agence Régionale de l’Hospitalisation Rhône-Alpes. L’organisation du réseau est fondée sur le principe de l’égalité entre les membres.
Ses objectifs sont décrits dans les « 7 commandements » du réseau :

  • favoriser une équité d’accès à des prises en charge de qualité grâce à l’élaboration de référentiels des pratique médicale, l’évaluation de leur mise en pratique dans le réseau et la formalisation de la concertation pluridisciplinaire à toutes les étapes du projet thérapeutique,
  • favoriser les démarches d’assurance qualité, de gestion des risques, d’évaluation et d’accréditation dans le réseau,
  • créer les conditions de la mise en place d’un dossier unique de cancérologie dans la région Rhône-Alpes,
  • gérer un système d’information performant, sécurisé et utilisant les moyensmodernes de communication comme le serveur ONCOR@NET,
  • réfléchir aux moyens et conditions de garantie de qualité dans toutes les filières par pathologies,
  • faire progresser le recherche en cancérologie,
  • étudier les modes de financement permettant de faire progresser les pratiques de soins.

Lors de sa création par la signature d’une convention constitutive entre 40 établissements et structures, en juin 1998, il existe des instances organisationnelles élues qui formalisent l’égalité entre les membres, une structure de coordination du réseau et une structuration juridique qui permette la gestion distincte et en complète indépendance par rapport au Centre Léon BÉRARD du budget d’ONCORA.
Le réseau prend une forme juridique officielle le 1er février 2001 avec la mise en place officielle du Groupement d’Intérêt Public ONCORA. Les intérêts de ce statuts juridique sont multiples.
Le Groupement d’Intérêt Public (G.I.P.) est constitué par une ou plusieurs personnes morales de droit public ou privé à la condition de compter au moins une personne morale de droit public, pour exercer ensemble des activités durant une durée déterminée.
Le G.I.P. est géré selon les règles de la comptabilité publique lorsqu’il est composé uniquement par des membres de droit public, sinon il peut choisir entre comptabilité publique et comptabilité privée. Ce statut permet ainsi plus de souplesse dans la gestion du réseau.
On peut donc résumer l’intérêt de ces trois concepts par le fait que la « trajectoire patient s’inscrit dans le développement de la prise en charge globale du patient pour améliorer la qualité et l’efficacité des soins, au même titre que la filière et le réseau de soins » [PERRIER L., 2001; p.95].
Nous allons désormais nous intéresser à la façon dont ces concepts peuvent s’intégrer à la relation d’agence créée par les ordonnances de 1996 et approfondi par la réforme de la T2A en cours.
Lire le mémoire complet ==> (Un nouveau mode de financement du service public hospitalier en France :
le passage à la tarification à l’activité dans le cadre du plan « hôpital 2007 »)
Mémoire Présenté et soutenu par Fabien LAFFITTE – Institut d’Etudes Politiques de LYON
Université LUMIERE LYON II

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