La stratégie d’entreprise : nouvelle donne, nouvelle structure

C) A nouvelle donne, nouvelle structure

A l’heure où le marketing relationnel devient primordial, il semble impératif d’avoir un alignement optimal sur ce que l’entreprise décide dans ses choix stratégiques, d’où l’intérêt d’un rapprochement entre les directions marketing et commercial. Ce n’est malheureusement pas encore une priorité pour les entreprises malgré que cet élément soit en progression (14% en 2007 vs 18% en 2009)194. En effet, comme le confirme Jean-Marc Lehu et Yves Duranton195, ces départements doivent être directement reliés au comité de direction de chaque entreprise. Aujourd’hui le marketing ne doit pas se contenter d’intervenir dans la phase de conception du produit, du positionnement, il doit s’aligner avec les objectifs commerciaux. « Si l’on voyait ces services comme un être humain, le marketing serait la tête et le commercial les jambes ». Le marketing développe l’avenir, il est très proche de la stratégie d’entreprise, le commercial lui, a la capacité de traduire cela. Contrairement à ce que l’on pourrait croire la crise ne favorise pas ce phénomène. De fait, les entreprises sont plus dans une pensée courtermiste. La crise se traduit par une forte pression sur les équipes commerciales. Priorité numéro une, un plus fort engagement sur le terrain des managers (57%). « Il faut tenir le cap et faire rentrer du chiffres », comme le rappelle Yves Duranton. Cela dit, la réflexion stratégique reste importante, le marketing est plutôt dans une phase d’attentisme, au détriment du lancement et du développement. La crise donne en effet priorité à des investissements commerciaux plutôt que marketing. Il faut tout de même sauvegarder la capacité de l’entreprise à innover, même si nous sommes actuellement dans une phase de « respiration ». Le métier de commercial évolue d’année en année. Le commercial d’aujourd’hui est plus dans une démarche de résolution de problème pour le client, que dans une simple présentation d’offre. L’apport de solution induit donc une connaissance, même théorique, de ce que la logistique peut proposer, le marketing ou encore l’informatique. Aujourd’hui beaucoup de clients ont la capacité, notamment avec Internent, de s’informer sur les différentes offres, il faut donc que le commercial axe sa démarche sur l’apport de solution. Il faut en quelque sorte être capable de travailler en « mode projet », faire travailler le marketing, la R&D ensemble. Notons que l’apport des commerciaux serait une réelle opportunité pour le marketing, que ce soit au niveau de l’identification des besoins, l’anticipation du développement… Or, cela passe par le renforcement de la proximité avec le client. Qui dit proximité, dit écoute et compréhension des besoins et donc sur mesure, personnalisation de l’offre. Une entreprise, aujourd’hui plus que jamais, se doit d’apporter une réponse fine et pertinente à ses consommateurs. Tous ces changements impliquent une réorganisation de la structure de l’entreprise qui passe par une organisation plus transversale de la relation client et la création d’une direction de la relation client qui coordonne tous les services qui sont en contact avec le client (commerciaux, SAV, comptabilité…). L’entreprise doit placer le client au cœur de sa stratégie organisationnelle.
Au-delà des structures et des métiers en mouvement, il est essentiel de tenir compte de l’évolution des TIC pour les intégrer intelligemment dans l’organisation de l’entreprise. Le but n’est autre que l’optimisation des process pour toujours plus de rapidité et d’agilité ; Bernard Biedermann explique qu’en effet le contexte actuel suppose pour le management de devoir s’adapter vers des modes plus souples, plus réactifs, il rapproche également cette nécessité au fait qu’effectivement les réussites en matière de lancement de produits sont beaucoup plus incertaines que pendant ces dernières décennies. D’autre part, lorsqu’on s’apprête à employer bientôt des jeunes de la génération Y, nés dans la profusion des nouvelles technologies, il semble évident qu’il faille tenir compte de leur savoir-faire en la matière. Sur ce point, il est intéressant de se pencher sur les travaux de Tamara Erickson, experte en gestion des ressources humaines. Tamara Erickson développe l’idée d’une organisation intelligente du travail. Elle préconise de nombreuses alternatives dans la gestion humaine (le coût à la tache, la refonte des hiérarchies..)196. Des propositions qui, loin d’être utopistes, ne font que s’appuyer sur le nouveau modèle de société auquel nous avons affaire. D’autant que la crise, comme l’explique Antoine Solom de chez Ipsos Loyalty, « va jouer comme un catalyseur et favoriser la remise en cause des conditions de travail telles que les salariés les vivent aujourd’hui »197. Sur ce point, Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur à HEC Paris et auteur de L’entreprise mobile, explique qu’au-delà des bénéfices qu’apportent une organisation adaptée aux technologies mobiles, il y a effectivement un autre avantage qu’il ne faut pas négliger, c’est le pouvoir d’attractivité et l’image positive dont une entreprise pourra bénéficier. Il paraît naturel alors que l’entreprise du XXIème siècle, qui a besoin d’attirer les jeunes talents et qui doit en plus se soucier davantage de son image sociale, décide de changer son mode de fonctionnement. Il faut en revanche éviter de faire usage des technologies nouvelles dans le but d’instaurer une organisation de type néo- tayloriste198. La société a changé, l’entreprise doit en faire autant. En termes marketing, ce type d’organisation a toute sa légitimité puisqu’elle contribue à véhiculer une image moderne, un sens des relations uniques qui de sûr, plaira à la génération Y, relève de demain.

194 Baromètre Cegos 2009, réalisé par Yves Duranton auprès de 243 Directeurs Commerciaux
195 Manager et Expert Etudes au sein de l’Observatoire Cegos
196 Après le Web 2.0, la gestion 2.0, Perspectives 2009, CEFRIO publications
197 « France 2009, le désir dans tous ses états », Experts IPSOS, 2009

Repenser son organisation et la gestion de son personnel s’accompagne nécessairement d’une évolution des relations en interne et en externe. Il s’agit là de développer le sens de la coopération, d’instaurer un cadre de confiance et d’impliquer davantage les collaborateurs d’un même projet. François Jarry relève d’ailleurs dans son étude199 qu’il existe deux leviers de performances majeurs cités par les dirigeants de grandes entreprises. Le premier consiste à donner du sens au projet d’entreprise. Le deuxième, comprend la capacité à développer la coopération en interne et en externe. Ces leviers recouvrent une réalité commune puisque donner du sens à un projet d’entreprise c’est le mettre en cohérence avec le système de valeur, et les facteurs de motivations traditionnels de l’entreprise. Or il est clair qu’une structure privilégiant la technicité de ses produits a du mal a rentrer dans un projet qui va soudainement favoriser des facteurs tels que l’orientation client ou l’adaptabilité au client. De même, développer des coopérations nécessite de se comprendre, or pour cela il faut partager un minimum de valeur, de schémas de pensées et de facteurs de motivations. Il est évident que des personnes orientées sur l’économie financière ont du mal à comprendre celles qui ont une orientation plus technique ou portée sur l’innovation. Un travail en aval est nécessaire, les hommes doivent d’abord réaliser à quel point il est vital aujourd’hui de rétablir un lien entre l’économie réelle et l’économie financière. Là encore, pour pouvoir rétablir un dialogue entre des parties aux intérêts pour le moins divergents, la clé tient certainement en la capacité à donner un sens commun parmi les collaborateurs de l’entreprise. Le mode de fonctionnement des entreprises orientales semble être une référence sur ce point.

D) Sens

Comme l’explique Joachim Soëtard d’Ipsos Public Affairs, la crise économique a révélé aux citoyens l’immaturité dont faisaient preuve la plupart des entreprises. Les consommateurs attendent donc que l’entreprise renouvelle son image. Or aujourd’hui, donner du sens passe forcément par la case environnementale et sociétale. En effet, 42% des entreprises200 estiment qu’avec la crise, leurs clients se montrent plus attentifs aux comportements des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). La crainte de plus en plus forte de laisser à nos enfants un monde détérioré, les discours de plus en plus alarmistes sur l’écologie, l’exploitation des plus jeunes, etc. amènent les consommateurs à réviser leurs comportements. Or gérer mondialisation et crise économique ne va pas être une mince affaire puisque aujourd’hui l’ensemble de la société est en état « d’alerte ». Il est donc primordial que l’entreprise s’implique et implique ses salariés dans une politique visant tout simplement à respecter l’homme et la nature. Sur ce point il est intéressant de consulter l’étude Novethic201 puisqu’elle étudie sous le prisme de la RSE, les rapports 2007 d’entreprises du CAC 40. Il apparaît premièrement que la mobilisation ou l’implication des collaborateurs n’est pas toujours présentée comme un enjeu « stratégique », une erreur à éviter puisqu’elle retire les notions de sens et de vision globale qui sont essentielles. Il faut soulever autrement que dans la plupart des cas les actions menées dans ce cadre « sociétal » ont un périmètre souvent restreint. Elles sont présentées de façon dispersée, c’est-à-dire sans qu’il s’en dégage une véritable politique globale de mobilisation. Notons aussi que les ressources mises en œuvre pour déployer cette stratégie « développement durable » semblent, selon le rapport, limitées puisqu’il apparaît que les entreprises n’encouragent pas assez leurs managers et collaborateurs à développer leurs compétences à ce sujet ; un savoir-faire qui leurs permettraient certainement d’augmenter la mise en place de partenariats plus développés et donc plus concrets pour les consommateurs. Ainsi, il est frappant de constater le fossé qu’il existe entre d’une part les discours de plus en plus fréquents des dirigeants à propos du formidable levier d’innovation, de différenciation et d’anticipation que représente le développement durable et d’autre part les ressources et la mobilisation qui lui sont attribuées au quotidien. Or la mise en place d’une politique RSE impacte nécessairement la stratégie, les politiques et les processus de l’entreprise. Elle concerne surtout l’organisation, le management et les équipes mais elle ne deviendra concrète que lorsqu’elle sera intégrée par les salariés qui doivent en comprendre le sens, mesurer leurs contributions et modifier leurs pratiques professionnelles 202.

198 Terme de Charles-Henri Besseyre des Horts pour qualifier une forme de gestion du personnel qui utilise les nouvelles technologies pour contrôler, vérifier, s’assurer que les hommes travaillent et surtout à quel rythme.
199 La vision des dirigeants sur les leviers de performance en entreprise, étude conduite auprès d’une cinquantaine de dirigeants de grandes entreprises françaises sur leur perception de ce que sont aujourd’hui les leviers de performance d’une entreprise, Cabinet Bernard Julhiet Consulting, 2009
200 Baromètre on-off mobile, 2ème édition, PagesJaunes, l’Union des annonceurs (UDA), TNS Sofres, 2009
201 Quelle place pour la mobilisation des salariés dans les rapports développement durable des entreprises du CAC 40 ?, Etude Novethic, février 2009
202 Classement des entreprises du CAC 40 selon le degré de mobilisation de leurs équipes, Etude Novethic 2009,

Lire le mémoire complet ==> (La consommation : les enjeux du demain)
Dans un marché en pleine mutation, quelles stratégies adopter alors que la crise impose une vision courtermiste ?
Mémoire de fin d’études
Pôle Paris Alternance

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Pôle Paris Alternance
Auteur·trice·s 🎓:

Dilène SANTOS & Florent FEDOU
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