La loi-type et les paiements transfrontières au sein de l’UE

2- La loi-type CNUDCI sur les transferts internationaux de fonds

La loi-type comporte dix-neuf articles et un article optionnel relatif aux conflits de lois. Elle vise tous les virements internationaux.

Le terme de « virement »10 est rapproché à celui de « transfert de fonds ».

Il « englobe tout ordre de paiement émis par la banque du donneur d’ordre ou par toute banque intermédiaire ayant pour objet de donner suite à l’ordre de paiement du donneur d’ordre » (article 2).

En d’autres termes, il s’agit d’un mode de transfert et de remise de monnaie scripturale11.

Selon cette définition, les cartes de crédit se trouvent exclues du champ d’application de la loi-type, malgré un certain doute doctrinal qui a opposé les conceptions américaine et française12.

10 Plusieurs textes ont donné des définitions plus ou moins précises du terme « virement ». A ce propos, voir Glossaire.

11 Ces mêmes termes ont été utilisés par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juillet 1986 (Dalloz, 1987, sommaires commentés, p.299).

12 Selon la position française, l’utilisation de la carte de crédit donne lieu à un virement.
Au contraire, pour les auteurs américains il était clair que la loi-type n’était pas adaptée à cet instrument de paiement (l’article 4A U.C.C. ne s’applique pas aux transferts électroniques de fonds par carte, lesquels sont régis par l’Electronic Funds Transfert Act de 1978).

En effet, l’ordre de paiement transite par le commerçant et sa banque pour aboutir à la banque du titulaire de la carte, suivant ainsi un circuit inverse à celui du virement.

La carte bancaire sera, par conséquent, qualifiée d’instrument de prélèvement (exclu du champ d’application de la loi) et non pas d’instrument de virement.

La loi-type s’applique « de la même manière qu’aux banques, aux autres entités qui, dans le cadre normal de leurs activités, exécutent des ordres de paiement » (article 2, §1).

Ainsi, tous les établissements financiers ou non sont visés par cette loi CNUDCI.

Par conséquent, les établissements privés gérant des porte-monnaies électroniques ou créant de la monnaie virtuelle pourraient se trouver inclus dans son champ d’application.

Cependant cette position peut se heurter aux dispositions de l’article 2.

En effet, l’ordre de paiement auquel s’applique la loi-type, est une instruction de mettre des fonds à la disposition d’un bénéficiaire, avec obligation de rembourser la banque réceptrice.

Or, dans le cadre du porte-monnaie électronique ou virtuel et de la monnaie électronique, les « unités » sont prépayées par l’acheteur.

Celui-ci ne transfert que des droits dont il est déjà titulaire. Par conséquent, il paraît difficile d’admettre l’application de la loi CNUDCI dans le cadre de paiement par ses instruments nouveaux.

La loi CNUDCI est applicable quelle que soit la qualité du donneur d’ordre et du bénéficiaire. En d’autres termes, elle régit tous les virements, y compris ceux concernant les consommateurs.

Concernant le critère d’internationalité, une question peut être posée :

A savoir si, lorsque les deux parties à la transaction (donneur d’ordre et bénéficiaire) ayant leur établissement sur le territoire d’un même Etat, la loi-type trouve-t-elle application.

Selon l’article premier de la loi-type, un virement est international « lorsqu’une banque expéditrice et sa banque réceptrice sont situées dans des Etats différents ».

La loi-type et les paiements transfrontières au sein de l'UE

Par conséquent, la loi s’appliquera dès lors que dans la chaîne des banques intervenantes, il y a une banque expéditrice ou réceptrice qui a son siège à l’étranger.

Cette loi-type a beaucoup été influencée par l’article 4A de l’Uniform Commercial Code américain.

Cet article régit tous les transferts, notamment les transferts de faible valeur exécutés en grand nombre.

Selon lui, la banque ne doit pas être responsable que du retard d’exécution, pour lequel elle sera tenue de payer des intérêts; en aucune manière elle ne peut être tenue comme responsable de tout autre préjudice.

Concernant la loi applicable, la conception américaine consacre la segmentation de l’opération de virement, dont l’exécution résulte d’opérations bilatérales successives :

Relations entre le donneur d’ordre et sa banque, cette dernière avec la banque correspondante et ainsi de la banque réceptrice au destinataire de l’ordre.

Par conséquent, à défaut de loi applicable prévue par les parties, la loi de chaque banque «correspondante » se trouve de ce fait applicable13.

Tous ces points ont été repris par la loi-type.

En plus, l’article 4 de la loi-type consacre la liberté contractuelle des parties à un virement : « sauf disposition contraire de la présente loi, les parties à un virement peuvent convenir de modifier leurs droits et obligations ».

On entend par « parties à un virement » le donneur d’ordre et son destinataire.

La loi traite des incidents de paiement insuffisant, de non-achèvement ou d’achèvement retardé. Enfin, il n’y a aucune obligation pour les Etats de l’adopter, même si la majorité des Etats ont procédé à son adoption.

En conséquence de tous les éléments présentés ci-dessus, la loi-type trouve une application limitée dans le cadre des paiements par Internet.

En effet, elle se limite surtout aux paiements off-line (notamment le virement).

Cependant, le paiement par chèque (qui est également un instrument de paiement off-line) n’entre pas dans le champ d’application de la loi-type, parce qu’il s’agit d’un instrument de prélèvement appartenant au bénéficiaire.

En ce qui concerne le paiement on-line, les instruments de paiement utilisés (cartes bancaires, porte-monnaies et monnaie électroniques) constituent des moyens de prélèvement, et par conséquent, ils sont exclus de son champ d’application.

Par conséquent, il paraît nécessaire de procéder à la réalisation d’un cadre réglementaire adapté aux moyens de paiements électroniques, l’instrument essentiel utilisé dans le cadre des paiements internationaux ayant une portée très limitée.

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3- Les paiements transfrontières au sein de l’Union européenne

La création d’un marché unique ne peut se réaliser sans la liberté de circulation des capitaux et des paiements.

La liberté de circulation des capitaux a été consacrée par l’article 68 du traité CEE.

Mais celle de circulation des paiements n’y est pas rattachée, les paiements transfrontières pouvant être assimilés à des paiements courants ou à des transferts de fonds, qui constituent une contre-prestation dans le cadre d’une transaction sous-jacente14.

En effet, selon la Cour de justice des communautés européennes 15 :

« Les paiements à des fins de tourisme, de voyages d’affaires ou d’études et de soins médicaux ne sauraient être qualifiés de mouvements de capitaux, même lorsqu’ils sont effectués par le transfert matériel de billets de banque ».

Cependant, l’accord de libre échange entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoit dans son article 19 §1 que :

« Les paiements afférents aux échanges de marchandises, ainsi que le transfert de ces paiements vers l’Etat membre de la Communauté dans lequel réside le créancier ou vers la Suisse, ne sont soumis à aucune restriction ».

Le traité de Maastricht et les protocoles annexes ont opéré une évolution en la matière, en reconnaissance la nécessité de promouvoir et de faciliter les paiements au sein de l’Union.

C’est ainsi qu’un rôle de promotion des systèmes de compensation et de paiements au sein de la communauté a été affecté à la BCE16.

En effet, la création de l’Union économique et monétaire ne pouvait pas ignorer le domaine des paiements transfrontières.

13 Cette conception est distinguée de la conception unitaire du virement qui donne préférence à la recherche d’un loi applicable unique (par exemple la loi du lieu du donneur d’ordre ou celle du destinataire).

14 X. Favre-Bulle, « Les paiements transfrontières dans un espace financier européen », Bruylant, p.44.

15 CJCE 31 janvier 1984, Luisi et Carbone.

16 Article 22 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.

En plus, un certain nombre de textes de droit dérivé s’y sont ajoutés, et notamment :

  • la recommandation 87/598/CEE du 8 décembre 1987, portant sur un code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique.

Qui s’applique aussi bien aux relations entre institutions financières qu’à celles entre commerçants/prestataires de services et consommateurs.

L’objectif du Code est de promouvoir la sécurité dans les transactions et de faciliter l’utilisation pour les consommateurs. La recommandation prévoit une série de principes généraux.

  • La recommandation 88/590/CEE du 17 novembre 1988, concernant les systèmes de paiement et en particulier les relations entre titulaires et émetteurs de cartes17.

Elle stipule que la relation entre le titulaire d’une carte bancaire et l’établissement émetteur relève de la réglementation sur la protection des consommateurs.

Enfin, elle prévoit les droits et obligations des consommateurs et précise que ceux-ci sont mieux protégés par un contrat écrit.

  • La recommandation 90/109/CEE du 14 février 1990, concernant la transparence des conditions de banque applicables aux transactions financières transfrontalières.

N’ayant pas porté des fruits, elle a été remplacée par la directive 97/5/CE.

  • La directive 97/5/CE du 27 janvier 1997, concernant les virements transfrontaliers.

L’objectif de la directive est de permettre aux particuliers et aux petites et moyennes entreprises d’effectuer des virements rapides, fiables et peu coûteux18.

  • La recommandation 97/489/CE du 30 juillet 1997, concernant les opérations effectuées au moyen d’instruments de paiement électronique, en particulier la relation entre émetteur et titulaire.

Son objectif est d’ »assurer un degré élevé de protection des consommateurs dans l’utilisation des instruments de paiement électronique »19.

17 Malgré le fait qu’une recommandation communautaire n’a pas de caractère contraignant, un juge national peut s’y référer afin de rendre une décision conforme aux objectifs communautaires (CJCE 13 déc. 1989, Grimaldi).
Ainsi, le T.I. de Juvisy sur Orge en (France) s’est référé à la recommandation 88/590 pour condamner une banque à payer 1.000 F de dommages-intérêts à l’un de ses clients, qui de manière forcé lui a vendu une carte de crédit.

18 Voir infra.

19 Considérant 8.

Enfin, il faut noter la décision cadre du Conseil européen du 28 mai 2001.

En effet, le Conseil de l’Union, dans le cadre de sa politique de coopération dans les domaines de la Justice et des Affaire intérieures (JAI), a arrêté une décision-cadre dans le domaine de la lutte contre la fraude et les contrefaçons des moyens de paiement autres que les espèces.

Le Conseil note que le travail des différentes organisations internationales doit être complété par une action de l’Union européenne, et que la décision cadre devrait aider à lutter contre la fraude et la contrefaçon.

Il rappèle que les agissements liés à la fraude de ce type doivent être érigés en infraction pénale dans tous les Etats membres de l’Union20.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
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La sécurité des paiements internationaux par Internet
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Catherine Kosma-Lacroze

Catherine Kosma-Lacroze
Année de soutenance 📅: Mémoire pour l’obtention de DEA
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