Les normes vestimentaires par genre : masculinité et féminité

Les normes vestimentaires par genre : masculinité et féminité

5. Les normes vestimentaires par genre

Si l’uniforme a été largement supprimé en classe, les jeunes se sont donnés de nouvelles consignes vestimentaires que nous allons analyser par genre. Pour David le Breton , « dépouillement des investissements de l’enfance, l’adolescence est cheminement vers un autre sentiment de soi intégrant la sexuation ».

Les garçons ressentent souvent la crainte de ne pas être à la hauteur et les filles, à l’exception de Maïmouna, représentative de certaines filles des cités, de ne pas susciter le désir, de manquer de séduction. Le corps devient une surface de projection dont il faut contrôler l’apparence en le parant, en le siglant éventuellement, en le dissimulant (Maïmouna), en l’arborant… Les manières de s’habiller traduisent les tensions du jeune au regard de son identité sexuelle, de ses relations avec ses pairs, éventuellement ses parents et de sa prise en compte des normes sociales.

Pour appréhender leur poids, nous avons interrogé chaque adolescent sur le comble de la masculinité, de la féminité et de l’unisexe en termes vestimentaires. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par l’annexion du masculin par le féminin, illustrée par le port du pantalon.

Mais chez les adolescents, n’observons-nous pas, au-delà de tendances unisexes (les Converse, le jean), l’annexion du féminin par le masculin ? Il existe visiblement des passerelles comme semble le montrer l’adoption du pantalon slim par les adolescents alors qu’il avait été lancé par les filles et que l’aspect moulant est considéré comme une dimension féminine ? Les garçons l’ont cependant adapté en conservant un port « bas » laissant apparaître le caleçon, une façon de le porter typiquement masculine qui permet d’arborer un attribut typiquement masculin.

Parce que pour certains une barrière a été franchie, le jean slim semble cristalliser les adolescents filles et garçons. Chez ces derniers, compte-tenu de la hiérarchisation des catégories de sexe, adopter des valeurs ou des comportements « féminins » est perçu comme dégradant et est fortement stigmatisé par les pairs. Le groupe des garçons exerce une importante pression à la conformité aux stéréotypes de sexe sous peine d’être ridiculisé.

« Les vêtements porteurs de féminité ? pour les mecs, c’est le pantalon slim, je ne mettrais jamais ça. Je ne comprends même pas. On en discute ensemble avec mes copains. Quand un garçon porte un pantalon slim, il va se faire charrier par tout le monde.

Ceux qui aiment les slims ne renoncent pas. Je ne ferai pas ça pour m’intégrer dans un groupe, je ne mettrai pas de slim. La mode des slims, y a des hauts et des bas. » (Grégory, 3ème, 14 ans, Neuilly)

La pression semble un peu moins forte au lycée entre garçons, même si certains persistent à « donner leur avis » ou à critiquer « les jambes de grenouille » que le pantalon slim confère. Le slim peut être un marqueur d’appartenance à la tribu tecktonik ou à la tribu Emos plus confidentielle, composée de fans de « emotional hardcore » ou hard rock mélancolique. Ces deux tribus sont rattachées à une passion musicale différente.

« Le pantalon slim, tous les émos du lycée en porte. Emos, c’est un style musical, gothique-métal, style Epica, en rose et noir. Y en a plein aussi à Bastille, c’est venu depuis 2 ans. Moi, je ne juge pas, chacun ses goûts ». (David, 1ère, 16 ans, 93 Gagny)

Enfin, pour ne pas exclure du groupe leur ami Nathan qui portait ce jour-là un slim et être plus libres dans leur propos, la bande de lycéens que nous avons interrogée en focus group, a qualifié son pantalon de « cigarette », étiquette plus ancienne et moins chargée affectivement.

Nathan, présent dans cette discussion de groupe, est resté muet, il s’est refusé à défendre le slim, révélant par son silence la puissance de la pression du groupe d’amis, équivalente à celle d’un groupe de pairs.

Même si pour Nicole Mosconi (1999, p103), les attitudes contraires aux rôles de sexe sont mieux acceptées chez les filles que chez les garçons, un grand nombre de collégiennes et de lycéennes interrogées ont tout de même du mal à accepter cette annexion du slim dans le vestiaire des adolescents. Ceci est d’autant plus vrai s’il s’intègre à une panoplie complète, tee-shirt moulant ou rose ou fluo, panoplie attribuée aux membres de la tribu tecktonik ou aux « tapettes ».

« Je n’aime pas les pantalons slims, ça ne fait pas du tout garçon, on a l’impression qu’ils sont moulés de partout, ça fait féminin. Je n’aime pas les pantalons qui tombent bas, mais ce n’est pas grave. » (Mathilde,1ère, 16 ans, Asnières)

Cette panoplie peut également comporter des attributs typiquement féminins comme les barrettes et les sacs, il s’agit là d’une exception dans le cadre d’un collège privé parisien.

« Pour les mecs, c’est le sac Lancel, celui qui est sorti cette année, les barrettes, les bracelets, les bagues. Y en a un en 3ème qui a toute la panoplie. Il se prend beaucoup de réflexions de ma part. Après y a des gens qui arrivent à le supporter.

Manque de bol pour lui, j’ai une grande influence. Pourquoi ? Parce qu’il est pédé, il est bizarre, je n’ai rien contre les pédés (dédouanement), il est tout blanc, mais il n’est pas albinos. Il est super super bête. Il a plein de défauts ». (Edouard, 3ème, 15 ans, Neuilly)

Le comble de la féminité revêt les attributs classiquement féminins, les talons, les bottes, les décolletés, le moulant que ce soit aux yeux des garçons ou des filles. La féminité s’exacerbe au lycée avec une apparition progressive des talons à partir de la classe de 3ème. Certaines adolescentes intègrent des critères plus sophistiquées comme les motifs et les matières plus précieuses, mais aussi le maquillage et les accessoires tels que les bijoux et les sacs.

« Le décolleté, des formes. Les chaussures à talons, mais en 3ème, c’était une minorité. Au collège, la majorité porte du plat, des Converse ou des bottes. Au lycée, ce sont les slims blancs, les chaussures à talons, les bottes. » (David, 1ère, 16 ans, 93 Gagny)

Le comble de la masculinité est plus diffus et moins universel, pour certains, ce peut être les pulls avec col en V ou les chaussures exclusivement masculines comme les Schmoove à bout pointu ou classiques comme les Weston, pour d’autres, il n’y a pas de vêtement symbolique mais plutôt le tatouage. Enfin, pour la collégienne de ZEP, il s’agit du jogging…

Enfin, concernant les attributs vestimentaires unisexes, nous retrouvons le jean et le sweatshirt, les baskets et les Converse, et pour une faible minorité, le slim. Ils masquent, semble-t-il les barrières sociales. Portés par tous et toutes en n’importe quelles circonstances, ils tendent à gommer les âges, les modes, les classes sociales et les conventions en apportant un certain confort fonctionnel.

Mais c’est sans compter sur les différenciations entre les coupes, les modèles, les marques, – les marques les plus prestigieuses et les marques de masse-, et les imitations. Pour Sandra, autre collégienne de ZEP, il s’agit du jogging porté par les filles comme par les garçons.

Au global, nous semblons assister au collège à un estompement des différences entre les filles et les garçons. Ceci est en phase avec le rapprochement de l’apparence des sexes depuis les années 60. Les adolescents comme les hommes peuvent porter les cheveux longs et des couleurs jadis prohibées comme le rose.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Modes vestimentaires chez les adolescents
Université 🏫: Université Paris-Descartes – Paris V - Faculté des sciences humaines et sociales
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche Master 2 - JUIN 2008
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