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Analyse du monologue et du discours intérieur dans Ravisseur

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🏫 Université d’Oran - Faculté des Langues, des Lettres et des Arts - Département des Langues Latines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de magister - 2009-2010
🎓 Auteur·trice·s
Mlle Dris Ghezala
Mlle Dris Ghezala

Le monologue et discours intérieur

Le monologue, est un discours au cours duquel le personnage s’adresse à lui-même.Quant audiscours intérieur, il est l’expression directe de la pensée. Ce discours « apparaît de manière incidente, au cours d’une scène où elle introduit un contrepoint secret par rapport à l’action ou au dialogue »1

Ces deux modes sont employés par la narratrice-personnage et son père. Nous en donnerons ici quelques exemples.Commençons par le monologue.

Elle était vraiment forte. Comment convaincre mes sœurs ? Je n’avais aucune explication rationnelle à leur fournir. J’aurais dû leur présenter le faux vieux sage ; croyant bien faire, je n’en avais même pas parlé. Tant pis. Elle était forte et je n’insistai pas. Il me fallait cependant m’entretenir avec quelqu’un de tout ça. A moi seule, je ne m’en tirerais pas. Il me fallait du renfort. L’imam avait fait le serment de na plus franchir le seuil de notre maison et, bien sûr refusait de se parjurer. Santa Cruz ! J’irais à Santa Cruz. Le curé viendrait, lui. (p. 166-167)

Aziz souffrant des affres du déshonneur et de la solitude, s’enferme et soliloque. Ses propos s’adressent à sa tante décédée.

Derrière la porte de sa chambre, le père se noyait dans son vin, s’embourbait dans ses supputations, s’étranglait de remords.

Ah ! Ma tante, qui fais maintenant des cabrioles dans ton ultime et humide demeure, cela expliquerait la descendance de ce traître sous mon propre toit…oui ma tante, la chair fraîche de cette fille de Satan m’avait fait tourner la tête. Ma tête de naïf. Mea culpa, ma tante.

O ma tante ! Dis-moi que ces secousses ne sont que cauchemars, que le ciel redeviendra bleu. (p. 99)

Ayant beaucoup souffert, les personnages principaux vivent solitaires, soliloquant comme dans les tragédies grecques. Nous avons aussi le monologue rapporté, où la narratrice rapporte les pensées du personnage

  1. se tut subitement, le regard ébaubi, la bouche entrouverte comme s’il avait voulu que cette dernière phrase se dissipât, emportée par les courants d’air. La sueur formait des rigoles sur son visage et, tout d’un coup, sembla se solidifier tant la blancheur infiltrait ses traits. Et si sa femme devenue en trois secondes son ex-femme venait à vivre les vingt prochaines années sous le toit de Youssef Allouchi ? Autrement pensé, qu’adviendrait-il si, pour une raison ou une autre, notre élégant voisin ne répudiait pas ma mère, comme il l’avait tacitement promis à mon père ? comme l’imam et le .quartier s’y attendaient ? D’aucuns se félicitaient dé l’introduction du mariage temporel et de ses bienfaits, t en remerciaient charitablement ses promoteurs dans notre pays et, bien sûr, les chiites, ces Perses décidément plus civilisés que nous autres, rigides sunnites sans imagination. Puis à mots couverts, on regrettait que Youssef Allouchi ne pût en profiter… Mais qu’en savait-on Peut-être bien…

Mon père but son thé d’un trait, posa verre sur la table, brassa l’air de la main et secoua énergiquement la tête, chassant ainsi cette fâcheuse idée de son esprit, l’important étant de s’en tenir aux raisons qui l’avaient amené à jeter son dévolu sur notre distingué voisin. Il scruta l’imam, invoqua la grâce de Dieu, rappela l’urgence du remariage de ma mère, les trois mois conventionnels et obligatoires parvenant à leur terme… (p. 22-23)

Nous avons également relevé des discours intérieurs au sein des dialogues.

Et voilà ! Des mots, rien que des mots, mais pas la moindre émotion pour me reprocher mes échecs. Car si ma glorieuse carrière d’infirmière n’avait pas vu le jour, ma mère n’en avait cure. Ma mère ne nous avait jamais entretenues comme une mère entretient ses filles… (p. 30)

Non, Aziz Zeitoun ! Pitié ! Non ! Suffit ! Mais pas un son ne sortit de ma gorge. (p. 87)

Comment avait-elle pu se faire cette abominable amputation ? Mais bon, elle venait d’un monde où l’amour méritait toutes les mutilations.

Elle me défiait. Elle m’éprouvait. Mais ça n’était pas mon style, pas le genre de la maison…Je procéderais autrement pour t’éloigner, Djidji, juste t’éloigner, te renvoyer chez les tiens. A jamais. (p. 164)

Mon père se rua vers la sortie, le bruit de ses pas s’estompait dans l’escalier mes jambes flageolaient, le sol se dérobait, les siroccos m’entortillaient, me soulevaient… Les prémices de la fin du monde seraient-elles aussi anxiogènes ?

Etait-il la recherche de ma mère ? Qu’allait-il faire ? la battre jusqu’au sang et nous avec elle ? Sa nouvelle condition de grand-mère nous sauverait-elle ? Peut-être tout simplement se dirigeait-il vers un bar pour éteindre sa colère et fêter la naissance de son premier petit-fils…( p.49)

Ces discours interviennent après chaque réplique du personnage pour exprimer intérieurement ce qu’il est impossible de prononcer en présence de l’allocutaire. Ceci est une marque de présence de rapports hiérarchiques interdisant de telles réflexions.

Les tableaux établis permettent de voir que les structures privilégiées chez l’auteur sont celles du dilogues et polylogues.Ces dialogues commencent toujours par une intervention initiative suivie d’une intervention réactive. Nous avons remarqué que dans le cas des trilogues et des polylogues ils se terminent toujours par un dilogue.

Ces différents types de dialogue (dilogue, trilogue, polylogue, monologue) remplissent différentes fonctions. Résumons la fonction de chaque dialogue.

Les dilogues sont le lieu privilégié pour reproduire les relations interpersonnelles. Le récit est marqué par un nombre assez important de dilogues (20 dilogues). Les dilogues les plus importants sont ceux d’Aziz et Samira/ Samira et Khadidja/Aziz l’imam et Aziz la veuve. Ils véhiculent des informations qui font progresser l’intrigue et remplissent donc une fonction dramatique.

Quant aux polylogues ils marquent les temps forts du récit. Ils sont là quand il est question d’exprimer son opinion, sa colère ou ses émotions. Donc outre la fonction dramatique, ils remplissent une fonction émotive. Quant aux trilogues, ils permettent aux personnages de discourir et de débattre certains sujets concernant un des locuteurs ou un autre personnage.

Ils ont alors une fonction sémantique. Quant au monologue, il dévoile l’état d’âme des personnages et répond donc à une fonction descriptive du personnage.

Retenons donc que ces dialogues rassemblent des informations importantes à la construction de l’intrigue.

Le traitement de ces dialogues montre que dans ce récit narration homodiégétique seule la sœur aînée (la narratrice) rentre en dialogue à plusieurs reprises avec le père. Ceci traduit déjà les relations interpersonnelles entre les filles et leur père, entre l’époux et l’épouse. Disons qu’il

ya absence de communication entre les membres de cette famille (parents/enfants), et si communication il y a, c’est par nécessité, leurs rapports sont en effet jalonnés de barrières. Ces rapports de base et ces relations interpersonnelles seront l’objet d’étude dans le deuxième chapitre.

Synthèse

Dans ce chapitre, nous avons tenté de décrire comment se fait l’insertion du dialogue dans Ravisseur de Leila Marouane.

Cette étude nous a servi pour poser le cadre dialogique qui est d’un grand intérêt pour ce travail afin de comprendre le fonctionnement du dialogue en présentant les locuteurs et en montrant en amont les rapports qu’ils entretiennent.

Cette analyse nous a également permis de définir les formes du discours rapportés employés par l’auteur. Ce qu’il faut retenir est que Ravisseur se caractérise par un foisonnement de voix. Le discours rapporté prend des formes très variées mais toujours avec une dominance du discours direct.Toutefois, l’auteur opte pour des formes intermédiaires pour inscrire son écriture dans la modernité.

Comme nous l’avons constaté, nombreux sont les dialogues écrit au style direct. Ce nombre de dialogues permet d’évaluer leur importance dans le récit puisqu’ils développent des actions liées à des moments clés du récit. Ils ont un effet de reprise et sont redondants par rapport à la narration qu’ils fixent.

Chaque dialogue remplit un rôle spécifique. Le monologue fait apparaître l’intériorité du personnage. Le dilogue est le lieu privilégié des relations interpersonnelles qui se nouent dans le récit. Le trilogue et le polylogue sont la forme par excellence pour introduire les idées et pensées des personnages. L’ensemble de ces dialogues forme un tout cohérent et présentent un enchaînement isotopique.

La langue utilisé par les personnages est peu différente de celle de la narratrice ce qui écarte le caractère mimétique des dialogues. Celui-ci se réalise par le rythme rapide et l’absence de verbes attributifs dans certaines répliques, de l’organisation des dialogues et de leur enchaînement.

Le choix du dialogue et des verbes attributifs est très signifiant. Chaque dialogue est composé d’un ensemble d’informations destinées au destinataire mais aussi au lecteur. D’où la nécessité d’analyser le contenu verbal et entour contextenon verbal de ces dialogues.

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1 Berthelot Francis. Parole et dialogue dans le roman. Nathan Université. 2001. p. 192

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