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Les conditions de la mise en demeure dans le bail commercial au Maroc

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🏫 Université Moulay Ismail - Faculté des sciences Juridiques, Economiques et Sociales
📅 Mémoire pour l’obtention d’un Licence en Sciences économique - 2003-2004
🎓 Auteur·trice·s
B. Rachida & M’barek J.
B. Rachida & M’barek J.

Cette section explore les conditions juridiques de validité de la mise en demeure dans le bail commercial au Maroc : délai légal, motifs d’expulsion, reproduction de l’article 27 du dahir de 1955. Chaque défaut peut entraîner la nullité ou priver le bailleur de son droit d’expulser.


§2: Les conditions de la mise en demeure:

Pour que la mise en demeure soit correcte et valide, il faut qu’elle remplisse certaines conditions sous peine de nullité. Le locataire peut se baser sur ces conditions pour refuser la mise en demeure. Parmi les plus importantes, on trouve : l’indication d’un délai de 6 mois (A), l’énonciation des motifs évoqués par le bailleur (B), et la reproduction de l’article 27 du dahir de 1955 (C). Nous analyserons successivement ces conditions.

A- L’indication du délai de 6 mois

a- La continuation du contrat de bail par cause de non-indication du délai de 6 mois :

Lorsque le bailleur est obligé d’envoyer au locataire une mise en demeure pour exprimer son refus de renouvellement, il doit le faire conformément à l’article 6 du dahir, notamment en indiquant le délai obligatoire de 6 mois.

Une problématique a été posée concernant le contrat de bail à durée déterminée, puisque le bailleur est obligé de respecter la date du contrat et de ne pas envoyer la mise en demeure alors que le contrat est en cours. Si la date du contrat est proche de sa fin et que le bailleur néglige l’envoi de la mise en demeure, le contrat de bail se poursuit jusqu’après la date déterminée.

Il peut également être considéré en cours, voire applicable, si la mise en demeure a été envoyée sans indication du délai de 6 mois. Un jugement pris en compte par la législation stipule que :

« Si le bailleur ne donne pas au locataire le délai de 6 mois, le contrat est en cours après l’expiration de la durée déterminée et le renvoi pour cassation du jugement est une dérogation aux dispositions de l’article 6 lorsqu’il annonce l’expulsion du locataire. Cependant, ce dernier occupe le local par un contrat écrit pendant plus de 2 années, et le bailleur ne lui donne pas ce délai. »

Donc, la poursuite du contrat signifie sa mise en application jusqu’après la date limite, et non pas son renouvellement. Cela signifie que l’hypothèse de renouvellement du contrat de bail ne peut être prise en considération selon l’article 6 du dahir de 24 mai 1955.

Donc, au lieu de renouveler le contrat de bail, sa poursuite est devenue une solution possible jusqu’à ce que la mise en demeure ait été faite et que la demande du bailleur d’expulser le locataire ait été acceptée selon la procédure du dahir.

b- L’avis de la doctrine et de la jurisprudence sur la négligence du bailleur du délai de 6 mois.

Le délai de 6 mois prévu par l’article 6 du dahir a engendré plusieurs avis doctrinaux et jurisprudentiels concernant la procédure à suivre et à appliquer lorsque la mise en demeure ne contient pas ce délai.

Un avis de la doctrine voit que la sanction dans ce cas est la nullité de la mise en demeure, car c’est la loi elle-même qui détermine ce délai et il ne faut pas y déroger. Donc, si le bailleur donne au locataire un délai inférieur à 6 mois, ce dernier a le droit de demander le reste du délai jusqu’à 6 mois.

En revanche, la jurisprudence annonce un autre avis dans lequel il stipule que :

« Il est nécessaire d’indiquer dans la mise en demeure le délai de 6 mois même si le contrat est à durée déterminée et que le locataire reçoit la mise en demeure avant la fin du délai de 6 mois. »

Selon ce jugement, il est insuffisant pour le bailleur de respecter ce délai par la forme, mais il doit l’indiquer dans la mise en demeure.

Un autre courant doctrinal prévoit que l’article 6 du dahir ne concerne que le renvoi de la mise en demeure avant 6 mois de la fin du contrat et qu’il n’est pas obligatoire au bailleur d’indiquer ce délai dans la mise en demeure, comme c’est le cas des motifs d’expulsion qui sont obligatoires ainsi que l’énonciation de l’article 27 tel quel.

Ce courant ajoute que la non-indication du délai de 6 mois ne peut entraîner la nullité de la mise en demeure. Puisque ce délai est déterminé par le législateur, le locataire peut en prendre acte, que le bailleur l’indique ou non dans la mise en demeure.

Selon le contenu, cet avis a pour but d’assurer au locataire la plus grande protection possible contre l’expulsion abusive. Aussi, une mise en demeure valable, complète et contenant toutes les mentions obligatoires a un double objet :

D’une part, elle permet au locataire de connaître ses droits d’occuper le local jusqu’à l’expiration du délai prévu par la loi. D’autre part, elle fait connaître au locataire la partie judiciaire spécialisée en cas de conflit.

En droit français, conforme au dahir de 24 mai 1955, une caractéristique a été faite entre le cas de refus de renouvellement du contrat et celui de la rupture du contrat de bail.

B- L’énonciation des motifs évoqués par le bailleur :

L’énonciation s’explique par le fait que le bailleur indique dans la mise en demeure les motifs légitimes pour que le locataire prenne connaissance de la cause. Nous étudierons donc la base juridique de l’énonciation des motifs ainsi que la procédure juridique décidée en cas de négligence de cette mention et en cas d’illégalité des motifs évoqués.

a- La base juridique de l’énonciation des motifs :

L’article 6 du dahir impose au bailleur d’indiquer ou de préciser les motifs d’expulsion, et cela contrairement aux règles générales. Cette obligation a elle-même été considérée comme une limite à la liberté du propriétaire de restituer son local. Mais cette limite a pour objet la poursuite du rapport contractuel et la réalisation d’une certaine égalité entre les deux parties contractantes.

Par conséquent, l’obligation imposée au bailleur est parmi les motifs juridiques qui permettent d’éviter les mauvaises fois des bailleurs contre les locataires. Pour cela, la négligence de cette obligation entraîne l’impossibilité de contraindre le locataire par la perte de son droit.

En plus de cela, la mention des motifs a pour but principal de donner au locataire la chance de prendre les mesures favorables avant la fin du contrat. La justice a annoncé un jugement à ce sujet qui stipule que :

« Lorsque le législateur impose cette obligation, il a voulu favoriser le locataire pour qu’il décide lui-même en connaissance de cause s’il doit accepter la décision du bailleur ou non, ou demander des dommages-intérêts. »

b- La voie doctrinale sur la négligence d’indication des motifs d’expulsion.

Plusieurs avis doctrinaux ont été émis concernant la procédure juridique à appliquer dans le cas où le bailleur n’indique pas dans la mise en demeure les motifs d’expulsion. Certains disent que c’est la nullité de la mise en demeure. D’autres disent que le droit du locataire ne peut être perdu.

• C’est la nullité de la mise en demeure :

En cas de négligence des motifs d’expulsion et selon la décision de la cour d’appel de Rabat, qui est devenue conforme au courant sur lequel se base les cours françaises dans son application de la loi du 30 septembre 1953, le cas est que l’article 5 de cette loi stipule expressément la nullité de la mise en demeure pour cause de non-indication des motifs d’expulsion. En tant que cette loi décide, en plus de cela, le renouvellement du contrat de manière tacite après l’expiration de 2 ans sur le renvoi de la mise en demeure qui est incomplète.

La procédure d’expulsion: La mise en demeure

Par contre, la doctrine ne prévoit pas la nullité de la mise en demeure dans le cadre du dahir de 24 mai 1955. Pour cela, le professeur Ahmed Assime voit qu’il faut caractériser le cas de la fin du contrat à celle de la résiliation du contrat dans laquelle il faut indiquer les motifs d’expulsion. Dans ce second cas, la négligence peut entraîner la nullité, à l’exception du premier cas. (Ouvrage page 34).

• C’est la non-perte de droit du locataire :

La non-perte de droit du locataire est une mesure prise par un certain courant judiciaire en cas de renvoi de la mise en demeure sans motifs d’expulsion. Ainsi, un jugement a été prévu par la législation :

« Selon l’article 6, le bailleur doit, sous peine d’incapacité de preuve de la perte de droit du locataire et conformément à l’article 27, préciser les motifs d’expulsion. »

Il prévoit aussi que :

« L’article 6 du dahir n’oblige pas, comme la loi française, que la mise en demeure mentionne tous les motifs sous peine de nullité. Car la seule sanction en cas de négligence est celle de l’impossibilité de la perte de droit du locataire comme l’indique l’article 27. »

C- La procédure judiciaire appliquée en cas d’indication des motifs non valables :

Dans le cas où les motifs d’expulsion ne sont pas valables, plusieurs procédés peuvent être appliqués. Un courant prévoit l’application de l’article 10 du dahir, un autre se contente de l’application de l’obligation de nullité de la mise en demeure. Nous analyserons donc successivement les deux courants :

• L’application de l’article 10 du dahir :

Ceux qui disent par l’application de l’article 10 du dahir de 24 mai 1955 constatent que le droit du bailleur de restituer son local n’est pas limité puisqu’il est obligé de payer les dommages-intérêts d’expulsion. Pour cela, le bailleur n’est pas obligé de justifier le motif pour lequel il veut mettre fin au contrat, mais il est libre de demander l’expulsion pour n’importe quel motif, soit légal ou non, sauf s’il refuse de payer les dommages d’expulsion, qu’ils soient totaux ou partiels. Il doit donc justifier la mise en demeure.

Pour conclure, ils disent que :

« Le droit de refuser le renouvellement est un droit absolu car le fait de refuser si le paiement des indemnités est un droit limité qui ne peut être accepté sauf si les motifs évoqués par le bailleur étaient justifiés, par exemple le non-paiement du loyer par le locataire. »

À cet effet, si le tribunal saisi observe la validité des motifs évoqués par le bailleur, il ordonne l’expulsion avec la réserve du droit de ce dernier, car le paiement est obligatoire mais partiellement en cas de démolition. Mais en cas d’invalidité des motifs, le tribunal ordonne le paiement des indemnités totales avec la rupture du contrat parallèlement au refus de renouvellement et conformément à l’article 10 du dahir.

Il ressort de cet avis que l’indication des motifs dans la mise en demeure n’est pas obligatoire grâce à l’obligation de paiement des indemnités au locataire. À ce côté, un arrêt de la cour suprême a été rendu qui stipule que :

« L’invalidité des motifs n’entraîne que le paiement des indemnités prévues par la loi. »

• La nullité de la mise en demeure à cause de l’invalidité des motifs d’expulsion :

La doctrine a critiqué le courant qui prend l’application de l’article 10 du dahir, interprétant sa critique par le fait que ce courant donne la priorité au propriétaire au détriment du locataire et que l’explication posée à l’article 10 n’a aucun effet juridique car l’article lui-même ne parle pas de la mise en demeure mais se contente du principe d’expulsion avec indemnité, pour donner au bailleur l’initiative de mettre fin au contrat, pas plus.

Cependant, l’article 6 du dahir doit avoir application en tout cas, surtout celui de la rupture du contrat de bail avec l’obligation de suivre la procédure prévue par le dahir, telle que l’indication des motifs d’expulsion. La doctrine prévoit que :

« Cette application est refusée car la volonté du législateur est celle de l’indemnité en cas d’invalidité des motifs. Donc, il n’y a aucune différence entre les motifs d’expulsion et les motifs de refus de renouvellement. »

Un autre courant de la doctrine prévoit que :

« L’article 27 du dahir fait une distinction entre les motifs d’expulsion et ceux de refus de renouvellement. L’application de l’article 10, malgré que le bailleur ne le demande pas et ne l’indique pas dans la mise en demeure, est une application qui entraîne le changement des motifs évoqués dans la même mise en demeure. »

D- La reproduction de l’article 27 du dahir de 24 mai 1955.

Le bailleur est obligé de mentionner dans la mise en demeure l’article 27 du dahir de 24 mai 1955. Cet article a un rôle très important dans l’information du locataire sur les mesures à prendre en cas de réception de la mise en demeure.

Comme on l’a déjà dit, l’article 27 permet au locataire de connaître ses droits afin de les protéger. Vu cette importance de l’article 27, toute mise en demeure qui ne contient pas cet article est considérée comme incomplète et négligente de la protection voulue par la loi à l’encontre des locataires. À ce moment-là, cette mise en demeure n’a aucun effet juridique.

Le dernier alinéa de l’article 6 du dahir dispose que :

« Le bailleur doit, à peine de ne pouvoir opposer au locataire les forclusions prévues à l’article 27, préciser les motifs du congé et reproduire les termes de cet article. »

Car il faut noter que l’article 27 doit être indiqué dans la mise en demeure de manière claire, tel quel. Donc, l’article 27 du dahir stipule que :

« Le locataire qui entend soit contester les motifs du congé ou du refus de renouvellement invoqués par le bailleur, soit demander le paiement d’une des indemnités prévues au titre III du présent dahir, ou qui n’accepte pas les conditions proposées pour le nouveau bail, doit saisir le président du tribunal de première instance de la situation de l’immeuble dans le délai de trente jours à compter de la réception du congé ou de la réponse du propriétaire prévue à l’alinéa premier de l’article 8. Passé ce délai et sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article 6 et du deuxième alinéa de l’article 8 ci-dessus, il se trouve forclos et il est réputé soit avoir renoncé au renouvellement ou à l’indemnité d’éviction, soit avoir accepté les conditions proposées pour le nouveau bail. »

Alors que la procédure juridique concernant la mise en demeure qui manque l’article 27 a été posée en décision par plusieurs courants parmi lesquels :

• Un courant constate que la reproduction de l’article 27 dans la mise en demeure est obligatoire pour que le locataire soit en connaissance de cause et prenne les mesures favorables à son affaire. Dans ce cas, la cour suprême considère comme nulle la mise en demeure qui ne reproduit pas l’article 27.

• Un autre courant prévoit que :

« Si le bailleur ne reproduit pas l’article 27 dans la mise en demeure, la sanction dans ce cas se distingue selon que le locataire a suivi la procédure de conciliation ou non. Deux hypothèses sont donc nécessaires d’application :

1ère hypothèse : où le locataire a négligé la procédure de conciliation :

Dans ce cas, la sanction prévue est celle de l’impossibilité de porter preuve contre le locataire par la perte de son droit conformément au terme employé dans l’article 27.

2ème hypothèse : où le locataire poursuit la procédure de conciliation même si la mise en demeure ne reproduit pas l’article 27 :

Est-ce que le terme employé dans l’article 27 « forclos » signifie que ce dernier a pour but d’être loin de la nullité de la mise en demeure ?

L’article 27 reste silencieux à ce point, mais il engendre des difficultés si le locataire s’adresse au juge conciliateur même en l’absence de reproduction de l’article 27, car c’est une dérogation parce que le locataire ne subit aucun dommage ici. Donc, il n’a pas le droit de pourvoi en cassation pour la nullité de la mise en demeure.

Sur cet effet se base la cour suprême dans son arrêt qui stipule que :

« Le locataire qui peut procéder à la mesure de conciliation pendant le délai prévu par la loi perd le droit d’invoquer l’irrégularité de la mise en demeure pour cause de la non-reproduction de l’art 27 du dahir. »

Donc, l’avantage du locataire est de ne pas procéder à la procédure de conciliation au cas où il reçoit une mise en demeure qui ne contient pas l’article 27, sinon la mise en demeure peut être considérée comme valable. Le locataire a donc le droit d’option entre la poursuite de la procédure de conciliation ou non. Dans ce cas, il peut avoir la perte de son droit.

Cependant, lorsque la prudence ne prévoit pas que l’absence d’indication de l’article 27 dans la mise en demeure nécessite la nullité, surtout si le locataire a essayé d’éviter le problème en prenant en compte la procédure de conciliation. Dans ce cas, la cour suprême décide que :

« Si la mise en demeure envoyée par le propriétaire au locataire dans le cadre du dahir du 24 mai 1955 a été négligente ou manque les mentions obligatoires prévues par l’article 6 du dahir, ainsi qu’il ne reproduit pas l’article 27, le locataire qui ne tente pas la procédure de conciliation peut être considéré comme résidant sans droit ni titre. »

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