B- Les lois encadrants les populations autochtones après les indépendances
1-Le cas du Mexique
Les lois encadrants les peuples autochtones après l’indépendance – Mexique
a- L’omission de l’existence des peuples autochtones dans la Constitution et dans les principes libéraux
L´indépendance du Mexique en 1821 va marquer un bouleversement négatif dans la reconnaissance de l’existence des peuples autochtones, ainsi que les droits qui leur sont attribués. En effet, les populations autochtones ont été exclues du processus d’indépendance en 1821 et leurs droits vont changer drastiquement.
« Le projet d´indépendance n’a pas seulement été réalisé en excluant les peuples autochtones, mais peu de temps après, il s’est avéré avoir été conçu contre eux. Il ne pourrait y avoir de nouveaux seigneurs terriens s’ils manquaient de serviteurs et d’une main-d ́œuvre bon marché et abondante »48[Traduction libre].
Bartolomé parle de la notion d’un “colonialisme interne”49. En effet, le colonialisme auparavant relevait de la domination forcée des Espagnols sur les populations autochtones sur l’actuel sol mexicain, à la différence du colonialisme dit interne qui relève de formes de domination forcées dont les dominants et dominés sont issus d´un seul et même territoire, ici le Mexique.
Les populations autochtones ne sont pas non plus incluses dans la nouvelle Constitution de 1824. A la différence de la période coloniale où elles avaient accès à certains droits spécifiques, l’indépendance de 1821, régie par des principes libéraux et dits“égalitaires”, nie tout statut différencié pour les populations autochtones et fait même omission de leur existence dans la constitution. Les principes libéraux considérés commeégalitaires affirment que les autochtones se trouvent en situation de “dégradation” et qu´il est nécessaire de les assimiler au reste de la population pour pallier à ce problème50. Les autochtones acquièrent donc le statut de “citoyen” et le mot “indien” n´est plus utilisé, en théorie.
47 Marco Antonio GUTIÉRREZ MARTÍNEZ, « Popé (Po’pay) y los indios Pueblo en la rebelión de 1680. Aproximación metodológica para el estudio de los liderazgos en las rebeliones indígenas », in Res Publica-Revista de Historia de las Ideas Políticas, vol. 24, no2, 2021, p. 153‑59.
48 Miguel Alberto BARTOLOMÉ, Ibidem, p.100
49 Miguel Alberto BARTOLOMÉ, Ibidem, p.113
En pratique, ce paradigme se concrétise par une réorganisation de la pyramide hiérarchique, et les élites locales dorénavant mexicaines (criollos ou mestizos) vont remplacer les élites espagnoles.
À la fin du XIXème siècle, le gouvernement mexicain va donc chercher à créer une homogénéité nationale dans un pays particulièrement étendu et hétérogène. Les politiques indigénistes vont alors prendre un nouveau tournant.
b- Les différentes phases des politiques indigénistes
Ces politiques ont été le fruit de décisions prises par les différents chefs d´États et gouvernements mexicains au cours de leur mandat, ce qui explique leur hétérogénéité et leurévolution au cours du temps. L’ethnologue mexicaine Teresa Valdivia Dounce va classifier ces phases en différentes étapes, de 1900 à 2000, nous allons nous concentrer sur les trois premières, comprises entre 1910 à 197051. La première étape de 1910 à 1934 est caractérisée par une politique d’exclusion selon l ́ethnologue, la seconde étape de 1934 à 1940 par la mise en place de politiques indigénistes paternalistes, et enfin la dernière phase sur laquelle nous allons nous concentrer date de 1940 jusqu’en 1976 et se caractérise par des politiques d’assimilation des populations autochtones.
c- 1910-1934 : politiques d’exclusion
De 1910 à 1934, les populations autochtones étaient exclues du processus de construction nationale, elles n´avaient pas accès aux services publics de base, ni à la participation politique.
50 Eva SANZ JARA, « Continuidades en el discurso intelectual y político mexicano sobre los indígenas, siglos XIX y XX » . TZINTZUN – Revista de Estudios Históricos, no51, 2009, p.86.
51 Teresa VALDIVIA DOUNCE, , « Reconocimiento de derechos indígenas: ¿ Fase superior de la política indigenista del siglo XX? », in Nueva antropología, vol. 26, no 78, 2013, p. 9-41.
Valdivia caractérise cette période par un fort racisme intrinsèquement lié à la société, qui n’était pas conscientisé par la population, mais perçu comme un phénomène caractéristique de la société mexicaine à cette période. La force de travail des peuples autochtones était particulièrement exploitée et les conditions de travail précaires. C’est à cette période que s´est amplifiée l´appropriation des terres autochtones par le gouvernement mexicain, nous y reviendrons plus tard.
d- 1934-1940 : politiques indigénistes paternalistes
La seconde étape a lieu durant la présidence de Lázaro Cárdenas de 1934 à 1940. Cette époque est marquée par la mise en place de politiques indigénistes dites “paternalistes”et leur institutionnalisation. En 1936 est lancé le Département des Affaires autochtones (Departamento de Asuntos Indígenas) qui a pour mission d’étudier les conditions de vie des populations autochtones. Cette période est paradoxale car, à première vue, les politiques et dirigeants s’intéressent finalement aux conditions de vie des populations autochtones. Pour la première fois, les autochtones sont considérés comme des individus actifs, et non passifs comme avant, rationnels et politisés52.
Cependant, cet intérêt avait pour but principal l’étude des traditions et modes de vie des autochtones afin de mettre en place l’élimination des caractéristiques des autochtones et leur assimilation à la société. « Notre problème n’est pas de garder l’Indien “indien”, ni d’indigéniser le Mexique, mais de mexicaniser l’Indien »[Traduction libre], avait exprimé le président Cárdenas53. On peut parler de politiques paternalistes car Cárdenas s’est arrogé le droit de tutelle sur les populations autochtones, en leur niant leur autodétermination.
e- 1940-1976 : politiques d’assimilation
Finalement, la dernière phase sur laquelle nous allons nous concentrer, bien que Valdivia en définisse d’autres, est la phase de “politiques d´assimilation de l´autochtones à la vie nationale”. Cette phase débute avec la présidence de Manuel Ávila Camacho en 1940, et se termine avec Luis Echeverría en 1976. Elle est marquée par la relation faite par les autochtones.
52 Dolores PARÍS POMBO, « EL INDIGENISMO CARDENISTA Y LA RENOVACIÓN DE LA CLASE POLÍTICA CHIAPANECA (1936-1940) », in Revista Pueblos y Fronteras digital, vol. 3, 2007, p.14. 53 Lázaro CÁRDENAS DEL RÍO, Discurso del Presidente de la República en el Primer Congreso Indigenista Interamericano. . Patzcuaro, Michoacán.
Dans une logique d’uniformisation et de modernité souhaitée, les différences des d’uniformisation politique, religieuse, linguistique et sociale du pays. Ce paradigme, qui a débuté après la Révolution Mexicaine (1910-1917) avait pour objectif l’homogénéisation de la société mexicaine, et donc par extension l´acculturation des individus ne relevant pas de la culture dite dominante, afin d´obtenir l´assimilation de ces communautés, notamment des peuples autochtones. Juridiquement parlant, le gouvernement mexicain ne souhaitait pas passer d’accords avec les populations autochtones, comme ce fut le cas au Canada par exemple, car les populations autochtones n’étaient pas considérées comme différentes des autres citoyens mexicains.
Cette idéologie va atteindre son paroxysme le 10 novembre 1948, avec la création et l’adoption de l’Institut National Indigéniste (INI). Cet institut va définir de manière exclusive les politiques applicables aux peuples autochtones sur le sol mexicain, alors reconnu officiellement comme simples citoyens (ce qui est paradoxal car ils n’avaient pas accès àcertains droits).
Le gouvernement mexicain souhaite donc nier l’existence de populations qui d’homogénéiser la population mexicaine. L’objectif final étant bien sûr l’élimination de ces politiques qui signifieraient une intégration totale des populations autochtones à la sociétémétisse. Malgré la reconnaissance préliminaire de l´existence de peuples autochtones au Mexique, le gouvernement ne reconnaîtra pas les inégalités sociales et économiques que les autochtones doivent affronter. Le programme de l’INI était basé sur l’acculturation et avait comme instrument phare les centres de coordination indigénistes (centros coordinadores indigenistas)54.
Ces centres, principalement localisés dans des zones isolées, rurales, avaient pour but de transmettre les valeurs occidentales aux populations autochtones. Le premier centre fut ouvert à San Cristobal de las Casas, dans le Chiapas, en 1951. Même si, en théorie, ces centres étaient dirigés vers les communautés locales les plus isolées, autochtones et non-autochtones, dans la pratique, les politiques se centraient exclusivement sur les populations autochtones55. Les CCI avaient pour objectif de changer de manière globale les modes de vie des populations autochtones. Ils s´appuyaient sur six axes : l’éducation, l’agriculture, la santé, les affaires juridiques, l’anthropologie et les infrastructures (pour la construction)56.
Comme les populations autochtones représentaient une force de travail exploitable pour le gouvernement mexicain, un des principaux axes des centres de coordination était la formation professionnelle: « Comme l’a souligné Aguirre Beltrán : « La formation des travailleurs qualifiés […] que la modernisation exige […] est soutenue sur la base de l’alphabétisation de la population » »57[Traduction libre].
54 Leif KORSBAEK, ibidem et TANAKA, Emiko Saldívar, Prácticas cotidianas del Estado: una etnografía del indigenismo, Universidad Iberoamericana, 2008.
55 TANAKA, Emiko Saldívar, ibidem
56 TANAKA, Emiko Saldívar, ibidem, p.69
Après l’échec de la mise en place de projet de développement ayant pour unique langue le castillan, l’INI a été la première institution à mettre en place des projets en langues autochtones [voir annexe 2]. C´est donc à travers plusieurs étapes que le gouvernement mexicain va peu à peu développer des outils afin d´acculturer les populations autochtones et les intégrer complètement à la société mexicaine dite mestiza.
Dès la fin de la révolution mexicaine, en 1917, ces objectifs sont partagés par les dirigeants, et seront appliqués de différentes manière, d´abord par un rejet total des populations et leur exclusion de la société, puis par la privation de droit et la négation de leur autodétermination, et enfin par la création de politiques indigénistes concrètes et d’outils gouvernementaux afin d’accélérer les processus d´acculturation.
2- Le cas du Canada
Les lois encadrants les Indiens après l’indépendance – Canada
Après l´indépendance du Canada, les relations entre peuples autochtones et gouvernement vont prendre un nouveau tournant, avec la création de la loi sur les Indiens, l´Indian Act de 1876, qui a placé les peuples autochtones du Canada sous la tutelle complète et permanente du gouvernement fédéral.
a- Le programme de “civilisation” des peuples autochtones
Ce long processus a débuté trente années avant l’indépendance (1er juillet 1867), en 1830, avec le programme de “civilisation” des peuples autochtones. Cette même année, le gouvernement civil du territoire canadien se voit attribuer le rôle de Ministère des affaires indiennes, géré auparavant par l’armée. Ce programme va se baser sur trois outils, un système de réserves indiennes, afin d’éloigner les Premières Nations des terres où souhaitaient s’implanter les colons, un système de traités basé sur la cession de territoires, notamment dans le Haut-Canada, et un système éducatif, visant à “éduquer” les populations autochtones, d’abord dans des écoles de jours, puis dans des pensionnats58. C’est à cette époque que la notion d’ “assimilation” des peuples autochtones dans la société euro-canadienne commence às´institutionnaliser.
Ce processus implique d’abord une dynamique d’assimilation, à travers la volonté d´“européanisation” des autochtones, en leur opposant des accoutrements européens et en leur apprenant à devenir des citoyens et des agriculteurs productifs59. Selon un rapport assimilationnistes au Canada reposaient sur quatre idées fondamentales qui, cachées derrière un ethnocentrisme assumé, reflétaient de fortes logiques d’inégalité.
57 TANAKA, Emiko Saldívar, ibidem, p.68
58John LESLIE, ibidem, p.24.
- 1. Les peuples autochtones sont des peuples inférieurs. Ils étaient incapables de se gouverner.
- 2. Les autorités coloniales et canadiennes étaient les mieux placées pour savoir comment protéger leurs intérêts et leur bien-être.
- 3. La relation spéciale fondée sur le respect et le partage que consacraient les traités était une anomalie historique qui n’avait plus sa raison d’être.
- 4. Les idées européennes de progrès et de développement étaient de touteévidence correctes et pouvaient être imposées aux autochtones sans tenir compte des autres valeurs, opinions ou droits qui pouvaient être les leurs.61
C’est dans ce contexte qu’est créée la Loi sur les Indiens de 1876. Cette loi rassemble en un seul texte l’ensemble de la législation existante sur les populations autochtones (environ 100 articles). Plusieurs modifications importantes ont été apportées à la Loi en 1951 et en 1985. Dans la première version, plusieurs articles ont pour but d’éradiquer la culture des populations autochtones du Canada, de mettre en place des outils d’acculturation ainsi que de favoriser leur assimilation à la société euro-canadienne. Elle interdit aux autochtones d’afficher leur identité culturelle et politique et définit les individus qui dépendent ou non du statut d’ “indien”.
Par exemple, la loi interdit la pratique de cérémonies religieuses, comme le Potlatch, défini comme une « Cérémonie, pratiquée notamment par les tribus autochtones d’Amérique du Nord, au cours de laquelle des clans ou des chefs de clans rivalisent de prodigalité, soit en détruisant des objets, soit en faisant des dons au rival qui est contraint à son tour à donner davantage »62ou le pow-wow (art. 3, avril 1884).
59 John LESLIE, ibidem
60 Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, Ottawa, 1996, 5 volumes, p.333
61 « Pois saillants du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones », Gouvernement du Canada, 2015, .62 « Definition Potlatch » . CNRTL,
Le surintendant général adjoint Duncan Campbell Scott a même déclaré :« Il a toujours été clair pour moi que les Indiens ont besoin d’une certaine forme de récréation, et si nos agents s’efforcent de substituer des amusements raisonnables à ces tambours et à ces danses insensés, ce serait une grande aide […]»[Traduction libre]63. L´idée de pratique culturelle et religieuse de certains peuples autochtones est donc vue comme un vecteur de sous-développement et d´infériorité.
Au-delà de l’interdiction des éléments constitutifs et intrinsèquement liés aux cultures des peuples autochtones, cet ensemble de lois qui sera appliqué jusqu`à la fin du XXème siècle, a complètement chamboulé le mode de vie et l’organisation des peuples autochtones. La sédentarisation forcée des Inuit, par exemple, qui a eu lieu dans les années 1950 a profondément affecté l’organisation politique et sociale des communautés. La notion de territorialité dans la culture inuit est une notion centrale, puisque la construction de l’identitéd’une communauté inuit est basée sur les territoires où elle réside. Avec la création des réserves et la sédentarisation forcée, les communautés inuit ont connu de profonds changements dans leur fonctionnement.
Les déplacements annuels d’un territoire à l’autreétaient ancrés dans les traditions et les rituels des communautés, et leur organisation sociale, politique et économique reposait sur ces mouvements. Un amendement à la loi sur les Indiens de 1927 (art. 141) interdit les revendications territoriales des peuples autochtones, ôtant ainsi tout droit de contestation aux Inuit. « Cette mutation profonde affecte toutes les composantes de la culture eskimo, notamment en ce qui concerne la relation à l’espace et au cosmos dans son ensemble », explique Béatrice Collignon64.
Avec la création des réserves, les populations inuit sont concentrées dans un territoire donné et réduit, dans une réserve, délimitée par des frontières basées sur le système européen respectant la production cartographique et géographique européenne, totalement exogènes aux réalités des Inuit. Dans le film Frozen River, cette dichotomie entre les frontières des réserves délimitées par le gouvernement fédéral et la notion de territorialité défendue par les peuples autochtones est abordée. Ce film montre comment les réalités territoriales sont totalement artificielles et rejetées par les Premières Nations, dans le cas du film, les Mohawks.
Outre la notion de territorialité, la loi modifie également les structures politiques des communautés, puisqu’elle ne reconnaît pas officiellement les chefs héréditaires et impose des conseils de bande dans les réserves65.
63 Duncan Campbell Scott, 1921
64 COLLIGNON, Béatrice. « La construction de l’identité par le territoire : Quelques réflexions à partir du cas des Inuit, d’hier (nomades) et d’aujourd’hui (sédentarisés) », in Le territoire, lien ou frontière ?, 1995, p.2. 65 PRICE, John A. et GADACZ René R., « Bandes des Premières Nations », l’Encyclopédie Canadienne, 11 avril 2020, Historica Canada. .
b- Statut juridique
La Loi sur les Indiens modifie également le statut des autochtones qui deviennent des citoyens “mineurs”. L’autonomie des peuples est considérablement réduite, ils sont sous la tutelle permanente du gouvernement canadien. La surprotection de ces communautés se transforme alors en un rejet considérable des libertés des communautés autochtones et de leurs modes de vie traditionnels. La seule alternative au statut de tutelle est l’assimilation complète à la société euro-canadienne. En réalité, l’émancipation était la voie privilégiée par la loi sur les Indiens afin d’acquérir la citoyenneté et éliminer le statut d’ « Indien ».
Une loi adoptée par le Parlement britannique en 1869 prévoit qu’en cas d’émancipation, le statut d’autochtone sera nié à l’individu concerné « Après [être] considéré comme émancipé, les dispositions de tout acte ou loi établissant une distinction entre les droits et obligations légitimes des Sauvages et ceux des autres sujets de Sa Majesté, cesseront de s’appliquer au Sauvage, ainsi qu’à sa femme et ses enfants, lesquels ne seront plus réputés des Sauvages dans le sens des lois relatives aux Sauvages… »66.
En d’autres termes, les autochtones avaient deux options : l’assimilation ou la tutelle permanente. L’émancipation pouvait être optionnelle, mais dans certains cas, elle était utilisée comme un outil obligatoire d’assimilation. En 1880, par exemple, un amendement à la Loi sur
euro-canadien. Un autre amendement de 1933 va plus loin en donnant au gouverneur le droit d’émanciper de force un autochtone sans son propre consentement. L’individu n’est donc plus légalement considéré comme autochtone, ni sa famille. Dans la majorité des cas, les autochtones émancipés sont expulsés des réserves, rompant ainsi les liens sociaux avec leur famille et leur territoire d’origine67.
Cet exemple entre dans un long processus d’assimilation mis en place par le gouvernement fédéral, et assumé par ce dernier. En effet, le surintendant général adjoint Duncan Campbell Scott déclare en 1920 dans un discours :
« Notre objectif est de poursuivre [les politiques d’assimilation] jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada qui n’ait pas été absorbé dans le corps politique, et qu’il n’y ait plus de question indienne »68.
66Pierre LEPAGE, ibidem, p.28
67 Pierre LEPAGE, ibidem, p.38
68 Commission royale sur les peuples autochtones (CRPA), ibidem, p.195
Après l´indépendance du Mexique en 1821, Bartolomé parle de “dés-indianisation compulsive”69orchestrée par le gouvernement fédéral. Les politiques indigénistes au Canada et au Mexique sont drastiquement opposées et difficiles à comparer de par l’hétérogénéité des situations. Au Mexique par exemple, malgré une politique nationale menée par les différents gouvernements qui se sont succédés, chaque État mexicain a dû gérer des situations très différentes.
L’État du Chiapas par exemple, qui compte une partie élevée de la population autochtone (80% de la population au XIXème siècle), a utilisé, selon la professeur Dolores París Pombo, deux types de politiques indigénistes, celle relevant de la nation mexicaine, et celle de l’État du Chiapas : d´une part l’indigénisme du gouvernement fédéral, à travers le Département des affaires autochtones (DAI), d’autre part, l’indigénisme du gouvernement fédéral, avec le Département des affaires autochtones (DAI). Cependant, la clé de voûte de ces politiques, canadiennes ou mexicaines, est de traiter les questions relatives aux peuples autochtones comme un “problème”. Nous retrouvons ce terme dans de nombreux écrits et discours de personnalités politiques des deux États.
À la différence du Canada où les populations autochtones avaient un statut juridique différent, régi par la Loi des Indiens, les populations autochtones sur l’actuel sol mexicain ne possédaient pas de statut particulier. Au contraire, leur existence n’a même pas étémentionnée dans la Constitution d’après indépendance. Durant le XIXème et le XXème siècle, c’était même une volonté politique de la part des dirigeants mexicains d’inclure totalement les populations autochtones dans la société métisse.
Le Canada au contraire a développé une politique ambivalente d’exclusion territoriale, à travers une distanciation physique des populations autochtones, couplée à une politique d’assimilation, à travers l’émancipation, parfois forcée de certains individus. Il est donc difficile de comparer deux situations différentes, même si l’assimilation est un vecteur présent dans les deux cas, tout comme la privation de liberté et d’autonomie imposée aux peuples autochtones.
Le Canada a choisi, en règle générale, une politique de différenciation et de marginalisation, couplée à des tentatives d´assimilation, et le Mexique a opté pour une élimination totale, à travers l´INI notamment, des fondements culturels et idéologiques des peuples autochtones. Nous pouvonségalement noter une continuité présente entre les politiques d’acculturation menées par le Couronne britannique avant l’indépendance, et par la suite par l’État canadien.
69 Miguel Alberto BARTOLOMÉ, ibidem, p.102
Cependant, comme nous allons le voir dans une dernière sous-partie, les politiques indigénistes ne sont pas homogènes et figées, elles ont évolué d’une époque à l’autre, et même d’une région à l’autre au sein d’un même territoire. Nous allons donc voir que ces deux processus se mêlent en fin de compte au fil de l´histoire.