Les perspectives futures du rapport d’audit révèlent une réalité surprenante : malgré leur importance, les investisseurs restent sceptiques quant à leur utilité. Cette étude met en lumière les perceptions divergentes sur l’impact des rapports d’audit dans les décisions financières, promettant des insights cruciaux pour les acteurs du marché.
La synthèse des résultats
L’ensemble des résultats obtenus ne permet pas de tirer une conclusion très nette sur la réalité de l’utilité des rapports d’audit perçue par les investisseurs.
En effet, les résultats de l’étude de Firth (1978) indiquent que certaines réserves contiennent une information significative qui est utilisée par les investisseurs lors de la composition de leur portefeuille, immédiatement après la publication des réserves surtout lorsque ces réserves sont conformément à ce qui est attendu.
Toutefois, Firth (1978) soulève d’une part, que les investisseurs réagissent différemment selon le type de la réserve publiée et d’autre part, que ces résultats peuvent être causés par l’émission d’informations concomitantes.
De même, dans le contexte américain, Loudder et al (1992), ont relevé une réaction négative significative du marché à l’annonce de la réserve « subject to ».
Cette même réserve a fait l’objet de l’étude de Dopuch et al. (1986), dont les résultats révèlent que les annonces de la réserve « subject to » sont rares mais lorsqu’elles se produisent, elles induisent des effets négatifs sur les cours des actions concernés. Ce résultat n’a pas été démontré par les études antérieures.
Par ailleurs, les auteurs montrent que l’impact sur les cours des actions des réserves publiées dans le « Wall Street Journal » est différent de celui des réserves publiées de façon routinière dans les 10-K ou dans le rapport annuel. Les auteurs n’ont pas pu fournir des explications suffisantes quant à cette différence.
Banks et Kinney, quant à eux, ils ont montré que le rendement des titres ajusté par le risque pour les entreprises qui ont des « pertes comptables imprévues» (Accounting Loss Contingency) est considérablement mauvais par rapport à celui des entreprises du portefeuille de contrôle.
De plus, la rentabilité anormale est plus grande pour les entreprises dont les rapports d’audit comportent des réserves que pour celles dont seules les annexes (des rapports supplémentaires) mentionnent des réserves, et aussi cette rentabilité est plus grande pour les entreprises dont les annonces de perte sont publiées dans le Wall Street Journal.
Dans un contexte différent, celui du marché français, Soltani (1996) démontre qu’aussi bien: les différentes réserves étudiées; les «observations» et les «Constatations» formulées dans le rapport d’audit ; et surtout le refus de certification du commissaire aux comptes, ont tous un impact négatif sur les cours boursiers.
Néanmoins, les résultats obtenus (montrant que les rentabilités anormales moyennes sont négatives autour de la date d’événement) dépendent du type de réserve, ou plus exactement de leur niveau de gravité.
Durant la même année, Chen et Church (1996) concluent que les opinions avec réserves sur la continuité d’exploitation ont un impact négatif sur les cours boursiers. L’excès des rendements négatifs observés autour des dates de dépôt du bilan sont plus important que pour les opinions sans réserves. Ceci renforce la valeur informationnelle des rapports d’audit comprenant des réserves.
Fields et WiIkins (1991), quant à eux, ont décelé un ajustement positif des cours à l’annonce du retrait d’une réserve après une série d’exercices relevant une opinion réservée.
Même s’ils ont identifié une réaction du marché, d’autres chercheurs n’ont pas attribué l’origine à la publication du rapport d’audit.
Ainsi, Dodd et al. (1984) indiquent que l’effet sur les prix des actions de la publication des réserves « subject to » est non significatif alors que celui des réserves « disclaimer » est significativement négatif (mais 5 effectifs seulement attestent ce résultat) d’où, les auteurs notent qu’il faut prendre ces résultats avec précaution.
Par conséquent, ces chercheurs signalent que le contenu informatif du rapport de l’auditeur pour le marché est assez faible et surtout limité au cas des réserves les plus graves. Aussi, il est très difficile d’isoler l’effet de la publication de ce contenu d’autres informations publiées en même temps, surtout lorsque ces dernières permettent au marché d’anticiper les révélations du rapport.
Les résultats obtenus par Elliot (1982) et Davis (1982) suggèrent également que les investisseurs sont en mesure d’anticiper la publication de réserves à travers les informations concomitantes. En effet, ces chercheurs ont trouvé que la réserve « subject to » ne peut pas contenir un supplément d’information vue qu’elle est précédée par des publications d’autres informations contenues dans le rapport d’audit et les états financiers.
Ainsi, les auteurs en concluent que les rapports d’audit transmettent une information pertinente pour les marchés financiers, puisque ceux-ci y réagissent, même d’une façon non significative en fonction de la nature de la réserve, mais dont les intervenants sur ces marchés ont avant même la publication des états financiers.
Dans ce sens, BalI et al. (1979) montrent que les réserves concernant la dépréciation des bâtiments engendrent un effet considérable sur les prix des actions. Ceci, peut être expliqué par le fait que cette réserve modifie les estimations des actionnaires en ce qui concerne la valorisation de l’actif immobilier. Pour les autres réserves étudiées, leur impact sur le prix des titres, mesuré par la rentabilité anormale, est faible.
Des résultats comparables sont révélés par l’étude de Mutchler (1985) qui stipule que, globalement, le contenu informatif de l’avis de l’auditeur avec la réserve « going concern » pour la plupart des entreprises concernées est faible, mais qu’il existe cependant des cas spécifiques dans lesquels cette réserve présente un contenu informatif.
Certaines recherches, enfin, n’ont permis de déceler aucune réaction particulière des marchés à la publication des rapports d’audit avec réserves.
Suivant le travail de Baskin (1972), l’opinion sur le changement des méthodes comptables ne contient pas pour les investisseurs une information additionnelle. Ces investisseurs sont souvent incapables de mesurer la qualité de l’information comptable fournie.
Aussi, les cours boursiers observés par Mittelstaedt et al (1992) n’ont pas été affectés par la publication des réserves consécutives à des changements de méthodes comptables.
Plus récemment, l’étude menée par Melumad et Ziv (1997) montre que :
- Pour les réserves non évitables : la réaction du marché est nécessairement négative surtout avec une opinion « going concern » plutôt que « asset realization ». Il est en fait clair que la publication de réserves inévitables ne peut avoir que des effets néfastes sur la valeur de l’entreprise.
- Pour les réserves évitables : les conclusions montrent que leur impact peut être positif. Ce résultat n’est que la combinaison d’une réaction négative à la réserve de l’auditeur avec une réaction positive de cette décision peut dominer l’effet négatif de l’objection de l’auditeur.
Pour conclure, il est clair que les résultats obtenus par les différentes études menées dans le cadre de notre problématique, testant l’impact du contenu informatif du rapport d’audit sur le marché financier, constituent bien un bilan contrasté et hétérogène.
Conclusion
Les analyses concernant les rapports d’audit, construites sur la base d’études de réaction, reposent sur une méthodologie solide et reconnue en finance : la méthodologie des études d’événements.
Cependant, le bilan des recherches présenté précédemment nous conduit à s’interroger sur les enjeux et limites de ces recherches. En effet, sous l’hypothèse d’efficience des marchés, les ajustements de prix relatifs à l’annonce d’informations nouvelles sont supposés se produire au moment où celles-ci sont transmises au marché.
Or, comme le souligne la plupart des auteurs eux-mêmes, la définition de la date d’événement constitue une étape très délicate dans le cadre de cette méthodologie et aucun procédé ne permet d’identifier de manière certaine à quel moment le marché a pris connaissance de la réserve publiée.
L’un des soucis majeurs exprimés par les chercheurs tient à la difficulté d’isoler dans l’étude le seul événement qui en fait l’objet. Il semble en effet impossible de contrôler l’absence de toute autre annonce concomitante pendant la période retenue.
Il est rare, en particulier, que l’opinion des auditeurs soit rendue publique de manière isolée et il paraît contestable d’imputer à ces seuls rapports les éventuelles rentabilités anormales observées.
D’un autre côté, la méthode suppose que le rapport d’audit constitue une information à part entière. Or, comme l’indique Craswell (1985) on peut considérer que les rapports d’audit ne sont pas importants en eux-mêmes, mais seulement dans la mesure où ils influencent le jugement des investisseurs sur les états financiers. Il peut donc paraître contestable de dissocier les rapports d’audit des documents auxquels ils se rapportent et de mesurer leur seul impact sur les cotations.
Ainsi, pour BaiIey (1982), si les investisseurs réagissent différemment à des signaux comportant des rapports d’audit distincts, leur réaction n’est pas nécessairement générée par l’information spécifique à ces rapports. Pour lui, aucune conclusion concernant le contenu informatif des rapports d’audit ne peut donc être tirée à partir de cette approche méthodologique : elle permet simplement de montrer que des signaux distincts présentent des contenus informatifs différents.
La majorité de ces problèmes peut être résolu en étudiant le comportement de l’utilisateur directement sans passer par les cours des actions. Cette méthode s’inscrit dans le courant des recherches sur la comptabilité comportementale (étude d’interprétation) et plus précisément dans les recherches sur le traitement humain de l’information qui s’intéressent à étudier l’utilité décisionnelle du rapport d’audit vis-à-vis d’un groupe homogène d’utilisateurs ou d’un utilisateur individuel.
Questions Fréquemment Posées
Quelle est l’importance des réserves dans les rapports d’audit pour les investisseurs?
Les résultats de l’étude de Firth (1978) indiquent que certaines réserves contiennent une information significative qui est utilisée par les investisseurs lors de la composition de leur portefeuille.
Comment les réserves ‘subject to’ affectent-elles les cours des actions?
Loudder et al (1992) ont relevé une réaction négative significative du marché à l’annonce de la réserve ‘subject to’, et Dopuch et al. (1986) montrent que ces annonces induisent des effets négatifs sur les cours des actions concernés.
Quel impact les opinions avec réserves ont-elles sur les cours boursiers?
Chen et Church (1996) concluent que les opinions avec réserves sur la continuité d’exploitation ont un impact négatif sur les cours boursiers, avec des rendements négatifs plus importants que pour les opinions sans réserves.