5 techniques pour réformer l’éducation en Haïti et créer des citoyens du monde

CHAPITRE II

Système éducatif haïtien

Présentation

L’éducation et la formation est un tout, une connexion qui doit être maintenue en ligne droite. Une discontinuité de l’ordre d’enseignement risque de produire un dysfonctionnement grave de la formation. C’est le moyen présupposé du développement en Haïti. Elle constitue un facteur clé de la vie et de l’évolution des individus. Puisque l’homme est la seule vrai richesse, il doit être exploité avec soin, traité et purifié pour se faire voir dans toute sa splendeur.

L’éducation est donc l’usine transformatrice capable de faire ce travail pour extraire la richesse des nations. Le système éducatif haïtien (SEH) est organisé, structuré pour assurer la formation continue de l’individu. Le SEH est sous l’égide du ministère de l’éducation nationale et de la formation professionnelle (MENFP).

Finalités de l’éducation haïtienne

L’éducation haïtienne poursuit un objectif humaniste, prônant l’éducation pour tous. Sur chaque exemplaire de programme détaillé, en prologue de toutes publications depuis la réforme de Bernard, nous trouvons ceci comme finalité de l’éducation :

L’éducation haïtienne a pour mission de développer la conscience nationale, le sens des responsabilités et l’esprit communautaire par l’intégration dans son contenu des données de la réalité haïtienne. Par sa contribution à l’amélioration de l’environnement physique et social et aux progrès dans la vie sociale et économique du pays, elle constitue un instrument de développement national ;

L’éducation haïtienne vise avant tout à favoriser la formation de l’homme- citoyen -producteur capable d’améliorer en permanence les conditions physiques naturelles ; à créer les richesses matérielles et contribuer à la promotion des valeurs culturelles, morales et spirituelles. L’école haïtienne doit prôner les grandes valeurs des temps modernes comme le respect de la personne humaine.

Par ses nouvelles fonctions, l’éducation haïtienne doit procurer à tous les enfants du pays, indistinctement une formation de base polyvalente et solide, des opportunités de formation spécialisée à différents niveaux, ainsi que des possibilités réelles de réussir dans le développement des aptitudes individuelles.

L’école est responsable de la formation polyvalente qui doit être dispensée aux élèves. Cette formation doit-être de qualité, distribuée sans parti-pris, commune à tous et à toutes, qu’importe son appartenance ethnique, son rang social ou son niveau économique. Elle est un instrument de cohésion sociale, de développement économique, culturel de la communauté. Cette responsabilité de l’école prend en compte l’individualité, qui lui permettra de bien cerner la personnalité de l’enfant qui lui sera confié. De là, ce dernier entrera dans un processus de formation continue.

Dans cette même ordre d’idée, Georges ROCHE précise que l’école est indispensable, elle conditionne l’insertion sociale et professionnelle, participe à l’éveil des consciences, à la formation de la personnalité, elle met l’enfant en contact avec des savoirs organisés. Lieu de vie, elle est l’instrument d’une intégration des individus dans une communauté de citoyens.

L’enfant est formé pour être utile à lui-même, à sa famille, sa patrie et à l’humanité toute entière. En se référant aux finalités de l’éducation haïtienne, nous devons nous pencher sur la volonté de l’État à préparer des citoyens. Et comme dans la Grèce où le concept de citoyen a pris son ampleur et son vrai sens, l’écolier haïtien est préparé afin de prendre une participation active dans sa société. Ces mêmes citoyens appelés à développer leur communauté, juger par ses connaissances et ses compétences les réalisations de l’État, en participant à la gestion des affaires publiques, jouir de ses droits civils et politiques, le formé construit sa citoyenneté.

Lyonel Trouillot dans Repenser la citoyenneté précise :

Construire la citoyenneté en Haïti doit passer par la reconnaissance du caractère structurant et permanent de ces mécanismes d’exclusion, d’en défaire le nœud, déconstruire pour reconstruire et produire des discours publics opposés aux discours de l’exclusion. Par l’exigence de la vertu communautaire qui a manqué aux élites économiques et intellectuelles. Par l’institution de la sanction dans la vie politique. Par la constitution d’un patrimoine national. Par le respect des libertés individuelles et la laïcisation de la sphère publique. Par la valorisation du créole et la démocratisation du français. Par une école républicaine pour tous.

Le citoyen voulu est recherché à travers l’éducation, qui pour sa part, développe une finalité assez large pour prendre en compte les besoins de la société. En voulant une éducation égalitaire, on aura des citoyens formés de manière pragmatique, humaniste qui participent dans le développement de leur cité.

Objectif du SEH

L’école est l’instance responsable de la formation et la préparation de l’individu. C’est à elle de garantir le développement du citoyen sans préjugé, lequel sera acteur de la vie future. Pour ce, le MENFP garantit le gouvernement de la république qu’il sera en mesure de répondre à ces besoins en se fixant les objectifs suivants :

L’école haïtienne est nationale, elle se doit d’affirmer l’identité de l’homme haïtien.

Réconcilier l’haïtien avec sa culture et son environnement et constituer un facteur de cohésion et d’intégration.

Former et développer le sens de la responsabilité et de l’esprit communautaire chez les jeunes.

Mettre en place un système d’enseignement unique mais qui respecte les spécificités propres à chaque région ou zone urbaine et rurale.

Assurer à tous l’accès au savoir et à la science en adoptant notamment une structure et un mode de fonctionnement donnant l’égalité des chances à tous.

L’école haïtienne doit être un instrument de développement économique et social et elle constitue un investissement planifié et rentable pour la nation.

Élaborer des contenus et des programmes à partir des données de la réalité haïtienne tout en demeurant ouvertes sur le monde extérieur.

Favoriser la formation de citoyens capables de modifier les conditions physiques matérielles, morales et spirituelles du milieu pour créer plus de richesses, de bien et de services et contribuer à l’amélioration de la qualité de la vie.

Dans le plan d’action pour le relèvement et le développement d’Haïti élaboré pour le gouvernement, on présente un résumé de la vision du gouvernement pour le système éducatif haïtien.

Une société apprenante dans laquelle l’accès universel à l’éducation de base, la maîtrise des qualifications dérivant d’un système de formation professionnelle pertinent, et la capacité d’innovation scientifique et technique nourrie par un système universitaire moderne et efficace, façonnent le nouveau type de citoyen dont notre pays a besoin pour sa refondation.

Par ces objectifs, le ministère de l’éducation national accepte de faire de l’enfant qui lui est confié un homme prêt à s’intégrer dans la vie sociale. Dégageant là aussi une vision de doter tous les enfants du pays, quel que soit leur âge, leur sexe, leur origine d’une même formation en accord avec les besoins économiques et sociaux, d’une éducation de qualité retransmise par une génération mature et compétente, efficace et efficiente, contrôlé par l’état.

Organisation du système éducatif haïtien

Le système éducatif haïtien depuis la réforme de Bernard et le Plan national d’éducation et de formation (PNEF) est réparti en deux grands secteurs. Le secteur formel et le secteur informel. Le secteur formel comprend quant à lui quatre ordres d’enseignement.

Figure 5. Schéma d’organisation du système éducatif haïtien.
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L’éducation préscolaire

Le premier ordre d’enseignement est l’éducation préscolaire. Jusqu’à date, l’État reste passif face à cette première phase d’éducation et celle-ci est gérée par le domaine privé. L’enseignement préscolaire vise l’épanouissement de l’enfant et la préparation de celle-ci pour l’école fondamentale.

L’enfant ne devrait que se recréer à ce niveau. Mais l’incapacité de l’État à gérer cette partie de l’éducation laisse libre cours aux écoles privées qui se lancent dans une compétition où l’enfant, alors âgé de 3-6 ans, apprend déjà à lire et à écrire. Depuis 2017, le MENFP a présenté un curriculum pour l’éducation préscolaire, affirmant ainsi la volonté de l’État de régulariser l’éducation préscolaire.

L’objectif primordial est de signifier à tous les acteurs du préscolaire qui sont directement impliqués sur le terrain dans le processus de l’implémentation, les changements profonds de comportements et de pratiques indispensables permettant de faciliter un enseignement de qualité. 

L’éducation fondamentale

Le deuxième ordre d’enseignement est l’école fondamentale. Le ministère de l’éducation nationale, à travers la réforme de Bernard et le PNEF de 1997 repartit l’éducation fondamentale en trois cycles.

Les deux premiers cycles, comprenant les classes de 1ere année fondamentale à la 6eme année, devraient légalement, être gratuits et accessibles pour tous. Selon la constitution de 1987 amendée, les articles 32.1 à 32.3 :

L’éducation est une charge de l’Etat et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l’école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des enseignants des secteurs public et privé… L’enseignement primaire est obligatoire sous peine de sanction à déterminer par la loi. Les fournitures classiques, et le matériel didactique, pris en charge par le Gouvernement, seront mis à la disposition des élèves au niveau de l’enseignement fondamental.

Le troisième cycle comprend les classes 7e, 8e et 9e année fondamentale. Dans ce cycle, l’enfant change complètement d’environnement. Il passe dans une salle où il aura affaire à un professeur pour chaque matière en lieu et place d’un ou de deux professeurs qu’il avait habituellement dans les deux premiers cycles. Il va s’adapter à des nouvelles matières comme les langues étrangères et une répartition de matières ordinaires comme les sciences expérimentales (divisés en la physique d’une part et la biologie d’autre part). le français, les maths sont séquencés et peuvent être enseignés par des professeurs différents. A la fin du cycle, l’élève subira un examen officiel qui donnera le passage vers l’éducation secondaire et sera sanctionné par un diplôme de fin d’études fondamentales.

L’enseignement secondaire

L’enseignement secondaire est la phase d’orientation selon la réforme de Bernard, c’est le dernier cycle de l’école classique qui dure 4 ans. Il comprend trois (3) filières (générale, pédagogique, technique et professionnelle) et est sanctionné par le baccalauréat unique qui donne accès au certificat de fin d’études secondaires. De nos jours, une implémentation parallèle s’effectue dans l’enseignement secondaire. Le secondaire traditionnel qui existe encore dans certaines écoles alors que d’autres généralisent le nouveau secondaire.

L’enseignement secondaire a pour objectifs de développer les qualifications indispensables à l’exercice d’une activité de production et à préparer l’accès à l’enseignement supérieur et universitaire

Orientation de l’éducation en Haïti depuis la réforme de Bernard.

Le Plan national d’éducation et de formation. (PNEF)

Après un travail colossal réalisé en 1997 qui a impliqué des acteurs de l’éducation, des représentant de la société civile, des chercheurs nationaux avec l’assistance technique internationale ; le système a bénéficié du plan national d’éducation et de formation (PNEF). C’est un prolongement de la réforme de Bernard. Depuis sa publication en 1998 par le ministère de l’éducation nationale de la jeunesse et du sport (MENJS), ce document reste une référence dans les diverses actions et interventions dans le système éducatif haïtien.

Les promoteurs du PNEF entendent utiliser l’école pour favoriser l’acceptation de la culture locale et l’intégration sociale.

Le programme du PNEF peut-être résumé autour de quatre grands axes d’interventions :

  1. Le renforcement de la qualité de l’éducation
  2. Le renforcement de la gestion du système éducatif
  3. L’expansion de l’offre scolaire
  4. L’accroissement de l’efficacité externe de la formation.

Une éducation ouverte à tous, où l’État satisfait la demande scolaire de la population, et de ce fait, régularise le système. L’état devait avoir le contrôle de l’éducation par le biais des directions départementales d’éducation (DDE) et les Bureau district scolaire (BDS) par l’intermédiaire des inspecteurs de zone. Ainsi, le secteur public aurait dû accueillir plus d’enfants en âge d’intégrer l’école que le secteur non-public.

Y est aussi développé l’objectif de produire des citoyens compétitifs, avec un savoir universel. Cette partie de l’éducation prend en considération le développement de l’individu en lui permettant de s’intégrer sans problème dans la vie sociale. L’efficacité externe de l’éducation consiste à transmettre aux haïtiens des connaissances et des compétences nécessaires au développement social du pays.

Selon les promoteurs du PNEF, l’école haïtienne doit préparer les élèves à une intégration positive à la mondialisation. Ceux-ci doivent être en mesure de conserver les valeurs acquises au fil du temps à travers l’enseignement et d’être capable de s’identifier face aux évolutions mondiales. Aucun déficit ou retard ne doit être enregistré au regard de ce qui se fait ailleurs car, le système vise la formation de citoyen pour le monde. C’est avec une pensée tournée vers l’internationale que les titulaires de l’éducation nationale posent des actes au niveau local.

Haïti doit, par l’éducation, rattraper son retard de modernité tout en s’adaptant au phénomène de la mondialisation.

Le plan d’opérationnalisation 2010-2015

En 2007, le gouvernement a lancé un travail sur la restructuration de l’éducation, confié au groupe de travail sur l’éducation et la formation (GTEF). Suite aux recommandations faites par le groupe après ce travail, le plan d’opérationnalisation de 2010-2015 a été élaboré.

La vision dégagée à travers ce plan d’opérationnalisation qui se préoccupe de la modernisation du système éducatif se résume dans les orientations clés ci-dessous.

Une école nationale accessible à tous les haïtiens et haïtiennes, quel que soit leur sexe, et leur lieu de résidence, selon le profil que nous voulons et selon notre culture et nos valeurs ;

Un système d’éducation et de formation qui soit en adéquation avec les besoins de l’économie du pays ;

Une éducation de qualité appuyée sur un socle commun de connaissance, de savoir-faire, savoir-être et de savoir vivre ensemble et dispensée par des enseignants et enseignante compétents ;

Un système d’éducation dont la gouvernance est renforcée et améliorée à tous les niveaux, en tablant de manière progressive sur l’apport des collectivités territoriales pour l’éducation de base, incluant la petite enfance et le préscolaire.

Le MENFP tend à développer un ensemble de compétence chez les bénéficiaires de l’éducation haïtienne. D’avoir des citoyens engagés, des hommes prêts à s’intégrer dans la vie sociale. Si après le tremblement de terre de 2010 on a vu l’harmonisation des compatriotes haïtiens, c’est à l’école que revient la charge d’inculquer cette notion de solidarité dans le cœur des enfants Haïtien. C’est dans ce sens que Laënnec Hurbon explique que les conditions du développement en Haïti passent obligatoirement par l’école. C’est en effet l’école qui peut produire la nation, rendre l’individu sensible à une acceptation de règles communes et faire comprendre la nécessité de l’intérêt collectif. La formation doit, comme mentionné dans la vision du ministère, répondre aux besoins de la société.

Le plan décennal 2017-2027

Les affaires éducatives ne peuvent revenir seulement à l’état, car, l’éducation est une affaire de tous puisque celle-ci constitue un projet de société. Dans cette perspective, elle est placée au cœur de tout objectif de développement durable (ODD). En analysant les objectifs du plan d’opérationnalisation 2010-2015, l’état a conclu que l’objectif portant sur l’expansion de l’offre scolaire a connu un accroissement puisqu’on a passé avec un taux de scolarisation en 2015 atteignant en moyenne 88% des enfants en âge de fréquenter l’école fondamentale. Il vient alors l’heure de se pencher sur d’autres objectifs, aussi urgent que l’éducation pour tous comme la qualité de l’éducation et une opportunité d’avoir accès à l’éducation tout au long de la vie. Les objectifs du PDEF 2017-2027 visent, d’ici 2030 :

De faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité, qui débouche sur un apprentissage véritablement utile ;

De faire en sorte que les femmes et les hommes aient tous accès dans des conditions d’égalité à un enseignement technique, professionnel ou tertiaire, y compris universitaire, de qualité et d’un coût abordable ;

D’augmenter considérablement le nombre de jeunes et d’adultes disposant des compétences, notamment techniques et professionnelles, nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entrepreneuriat ;

De faire en sorte que tous les élèves acquièrent les connaissances et compétences nécessaires pour promouvoir le développement durable, notamment par l’éducation en faveur du développement et de modes de vie durables, des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, de la promotion d’une culture de paix et de non-violence, de la citoyenneté mondiale et de l’appréciation de la diversité culturelle et de la contribution de la culture au développement durable ;

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Episcopale d'Haiti (UNEPH) - Business And Technology Institute/BTI
Auteur·trice·s 🎓:
LYMAT John-Mayko & PIERRE Angelot

LYMAT John-Mayko & PIERRE Angelot
Année de soutenance 📅: Mémoire de licence - Faculté des sciences de l’éducation/FSE - Administration scolaire
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