Découverte en 5 étapes : les secrets biochimiques de l’alcool

I.2 Biochimie de l’alcool

Présentation de la molécule d’éthanol

Le terme alcool désigne l’ensemble des composés organiques dans lesquels un groupe hydroxyle (-OH) est lié à un radical R (C n H 2n+1 ). Avec n un nombre entier naturel ; il existe donc de nombreux composés appartenant à cette famille.

Tableau I: Liste de quelques alcools primaires

Ce que le grand public appelle couramment « alcool » est en réalité de l’éthanol (C 2 H 5 OH). L’éthanol, qu’il soit de fabrication industrielle ou organique, se forme à partir d’une réaction de fermentation alcoolique.

I.2.1.1 Fermentation alcoolique

C’est une biotransformation de toute solution sucrée en alcool éthylique. Elle consiste en la transformation par les levures, principalement Saccharomyces cerevisiae des sucres du moût, surtout le glucose et le fructose en éthanol et en dioxyde de carbone.(Mounir M. 2016)

2

Équation 1: Equation de la fermentation éthylique

C 6 H 12 O 6

L  e v u  r e s  2 C O

2 C 2 H 5 OH

 2 ATP

Métabolisme ( Chebli 2016)

Le produit final de dégradation de 1g l’éthanol est du CO 2, du H 2 O et 7 kcals.

Le métabolisme de l’éthanol est oxydatif et a lieu en grande partie dans le foie et dans les tissus extra-hépatiques. Celui-ci peut être séparé en trois étapes.

Figure 2: Résumé du métabolisme de l’éthanol

Etape 1 : Oxydation de l’alcool en acétaldéhyde

L’acétaldéhyde est un métabolite intermédiaire qui est émis par plusieurs voies, car il apparait dans le sang seulement après que l’alcool soit ingéré. Sa formation est la première étape de l’oxydation de l’alcool.

Équation 2: Transformation de l’éthanol en acétaldéhyde

C H 3  C H 2 O H  C H 3 C H O

Cette réaction peut se faire dans quatre voies différentes.

Voie de l’alcool déshydrogénase

La réaction qui a lieu dans cette voie est une oxydation qui aboutit à l’acétaldéhyde. Elle utilise l’alcool déshydrogénase, enzyme à NAD+, accepteur d’hydrogène du cytosol des cellules du foie, de l’estomac, des reins et des poumons. Cette enzyme existe sous 5 iso formes réparties en trois classes, classe I (ADH 1 , ADH 2 et ADH 3) , classe II (ADH 4) , classe IV (ADH 5) , à l’origine de la variabilité interindividuelle.

Équation 3: Oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde par l’alcool déshydrogénase

L’activité de l’alcool déshydrogénase diminue avec l’âge et chez les consommateurs excessifs et chroniques d’alcool, car le NADH2 obtenu de l’oxydation du NAD freine la dégradation de l’éthanol.

Voie du Microsomal Ethanol Oxydizing System à cytochrome P450

La voie du MEOS fait intervenir le couple NAD / NADH2 donneur d’hydrogène et le système cytochrome P450. L’alcool étant en même temps substrat et inducteur du cytochrome P450 2E1 (CYP2E1), une alcoolémie élevée augmentation systématiquement l’implication du CYP2E1. Cette voie a lieu dans le foie et le système nerveux central.

Équation 4: Oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde par la voie MEOS

3 Voie de la catalase

C H 3 C H 2 O H

C  Y P 2 E 1  C H C H O

C’est la voie des peroxysomes hépatiques. Cette troisième voie, la plus nocive, n’entre en jeu qu’après débordement des précédentes, à la suite d’une intoxication prolongée (plus de 2 grammes d’éthanol par kg et par jour).

Équation 5: Oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde par la catalase

C H C H O H   O  C  a t a l  a s e  C H C H O  2 H O

3 22 232

Les catalases utilisent le peroxyde d’hydrogène, très toxique et rare dans les hépatocytes. Il doit donc être produit par un système de production d’eau oxygénée soit la NADPH oxydase ou la xanthine oxydase.

Équation 6: Production du peroxyde

NADP  H   O

 N  A D  P H  o x y d  as e  N AD P  H O

(1)

222

H y po x a nth i ne  H O  O  x  an t h  i n e  o x y d  as e  X an t h i ne  H O

(2)

2222

La voie des radicaux libres

Une partie de l’éthanol peut également être oxydée par une voie radicalaire, résultant de l’attaque de l’éthanol par les radicaux hydroxyles (OH°) générés au cours du métabolisme de l’éthanol. Ces quatre voies aboutissent à la formation d’un dérivé toxique, l’acétaldéhyde.

Etape 2 : oxydation de l’acétaldéhyde en acide acétique (acétate)

Une fois l’éthanol oxydé en acétaldéhyde vient l’oxydation de ce dernier en acétate par l’aldéhyde déshydrogénase (ALDH), famille de quatre (04) iso enzymes à NAD (ALDH1, ALDH2, ALDH3 et ALDH4) présentent dans le cytosol (ALDH1) et dans les mitochondries

(ALDH2). La forme mitochondriale (ALDH2), responsable à 95% de l’activité hépatique, a plus d’affinité pour l’acétaldéhyde que l’ALDH1.

Équation 7: Oxydation de l’acétaldéhyde en acétate

C H  C H O  A L  D H  C H C O O 

3 NAD   NADH , H  3

Les trois autres ne sont utilisées que lorsque la concentration en aldéhyde est élevée.

Un déficit en cette enzyme produit une accumulation d’acétaldéhyde, avec flushs, migraines et nausées. Contrairement à la formation de l’acétaldéhyde qui a lieu largement au niveau du foie, l’oxydation de l’acétaldéhyde se passe dans plusieurs organes du corps.

Etape 3 : Oxydation de l’acétate en CO2 et H 2 O

L’acétate est transformé en acétyl-CoA dans le cytosol des hépatocytes par l’acétate thiokinase. Cette réaction consomme une molécule d’ATP et se déroule dans presque tous les organes du corps, cependant le foie reste le plus important d’entre eux.

Équation 8: Oxydation de l’acétate en AcétylCoA

CH 3

CHOO 

A  c ét a  t e  t  hi o k  inas e  A cé t y l  C oA

ATP  AMP L’acétyl-CoA formé peut alors rentrer dans la synthèse des acides gras, du cholestérol, des corps cétoniques et le cycle de Krebs avec production d’ATP.

Quel que soit la voie par laquelle il a été formé, l’acétaldéhyde se transforme ensuite en acétate et en acétylcoenzyme A. Ainsi, tout dommage hépatique diminue considérablement le taux d’élimination de l’alcool du corps.

Les variations interindividuelles face à l’alcool

L’élimination de l’éthanol dépend de l’activité des enzymes hépatiques (ADH et ALDH) de leur cinétique et du poids de l’individu. ADH et ALDH sont presque inactifs jusqu’à la puberté et leur quantité diminue considérablement avec la survenue de l’andropause ou la ménopause, des altérations physiques ou psychiques. Et, les enzymes hépatiques sont variables d’un individu à un autre. C’est pourquoi on constate des inégalités dans les rapports de chacun avec l’alcool.

Physiologie

D’un individu à un autre, l’éthanol subit de nombreuses modifications variables, de sa résorption à son élimination. Cependant, son parcours normal demeure le même chez tous les individus.

Absorption

La résorption permet à l’éthanol, bu, de rejoindre la circulation sanguine. L’éthanol ingéré par voie orale est absorbé à 80 % par l’intestin grêle, et à 20 % par l’estomac. Sa vitesse d’absorption est influencée par la présence d’aliments dans le tractus gastro-intestinal, la vitesse d’apport de l’éthanol et sa concentration.(Himwich H. E. 1957, Chebli 2016, Sorel 2004)

Action des aliments

Les aliments exercent un effet dissuasif ; dans un estomac plein l’atteinte du pic d’alcoolémie est retardée. Ainsi, en présence de lait, de graisses et de viandes l’absorption de l’éthanol sera diminuée. A jeun, 80 à 90 % de l’alcool est absorbé en 30 à 60 minutes et le taux d’alcool est maximum en 45 à 60 minutes. (Himwich H. E. 1957, Chebli 2016, Sorel 2004)

Action de la concentration

Les concentrations supérieur à 20% sont irritantes pour la muqueuse et provoquent la sécrétion du mucus, qui diminue l’absorption. Cependant les concentrations d’éthanol en dessous de 10%, en diminue l’absorption d’autant par le faible pourcentage d’éthanol dans le volume total d’alcool ingéré. Il semblerait alors que les concentrations d’alcool de 10 à 30% pourvoient une vitesse d’entrée plus élevée dans la circulation sanguine. (Himwich H. E. 1957, Chebli 2016, Sorel 2004)

Distribution dans l’organisme

Après absorption, l’éthanol passe par la veine porte vers le foie, puis par la veine cave inférieure vers le cœur, les poumons et le sang artériel. L’alcoolémie s’élève plus lentement dans le LCR que dans le sang (Himwich H. E. 1957). L’éthanol est une molécule amphipathique ; il est de ce fait distribué dans l’eau libre de l’organisme sans liaison aux protéines plasmatiques. L‘éthanol se retrouve rapidement dans organes très vascularisés (cerveau, poumons et foie) dans lesquels les concentrations en éthanol sont rapidement équilibrées avec celles du sang.

A consommation égale en alcool, l’alcoolémie sera plus élevée chez la femme plutôt que chez l’homme, car ce dernier possède un volume de distribution (0,6 L/kg) supérieur à la femme (0,5 L/kg).(Sorel 2004)

Elimination

Une fois que l’éthanol atteint les tissus, des processus variés impliqués dans sa détoxification sont initiés, et l’oxydation est de loin le plus important de ces processus.

Près de 98 à 99% d’éthanol ingérée est détoxifiée par oxydation quand le volume absorbé est petit. Malheureusement, par rapport à la détoxification, le métabolisme de l’éthanol est lent, approximativement 10 z (29,57g) de whisky par heure (Himwich H. E. 1957).

La peau (transpiration par les glandes sudoripares) et les poumons constituent d’autres voies d’élimination d’éthanol.(Sorel 2004)

I.3 Toxicité de l’éthanol

Perturbations du Système Nerveux Central (SNC)

L’éthanol libère des endorphines qui se fixent sur les récepteurs opioïdes, responsables de la dépendance. Il agit sur le SNC par l’intermédiaire des récepteurs GABAa sur lesquels il se fixe et en augmente la perméabilité aux ions chlore (Cl-), réduit l’exocytose des neurotransmetteurs et ralentit l’entrée des ions calcium dans la cellule; ce qui favorise la dépression du système nerveux central. Le SNC s’adapte à la présence continue d’alcool en augmentant le nombre de récepteurs glutamates et des canaux calciques voltages dépendants. En même temps, les sous unités alpha des récepteurs GABA diminuent, ce qui facilite la liaison de l’éthanol aux sous unité µ, récepteurs préférentiels de la morphine et donc de la dépendance.(Chebli 2016, Hernández J. A. 2015)

Les conséquences des perturbations observées sur le SNC diffèrent en fonction du mode de consommation que l’on peut avoir. Ainsi, troubles de la vision, modification de la pensée et de l’humeur, défaut de coordination, risque de somnolence et d’insensibilité physique et émotionnelle (apathie) sont observés lors d’une consommation aigue, tandis que la consommation chronique entraine des effets comme perte du volume cérébral, déficits moteurs et cognitifs, troubles de la mémoire, voire dépendance à l’alcool. (Chebli 2016, Hernández J. A. 2015)

Désordres métaboliques

Le métabolisme de l’éthanol fait intervenir un seul cofacteur, le NAD situé dans le cytosol et la mitochondrie. L’éthanol diminue les concentrations cellulaires de NAD, ce qui perturbe le métabolisme cellulaire. L’organisme compense ce déséquilibre en régénérant du NAD de deux façons :

Par le lactate déshydrogénase (LDH), par oxydation du NADH;H+ lors de la

trasnformation du lactate en pyruvate.

Par régénération du NAD cytosolique , grâce à la navette malate/aspartate.

Figure 3: Navette malate-aspartate de Weinman

Après consommation d’alcool, le taux de NAD cytosolique diminue, la cellule utilise la navette malate/aspartate pour acheminer le NAD mitochondrial vers le cytosol de la cellule.

La carence en NAD dans la mitochondrie perturbe le métabolisme hépatique par stress oxydatif et mutation de l’ADN mitochondrial.

Pathologies liées à la consommation d’alcool (Sorel 2004)

Dénutrition

L’alcool entraine chez certaines personnes sujettes à une intoxication chronique, une malnutrition sévère, indice de masse corporel bas, faible masse musculaire. Chez ces personnes, l’éthanol se substitue aux autres substrats normaux.

Pathologies hépatiques

Le foie est l’organe principal du métabolisme de l’éthanol, il est donc exposé aux dangers liés à sa consommation. On décrit trois types de pathologies hépatiques directement attribuées à l’éthanol.

La stéatose

L’hépatite alcoolique

La cirrhose alcoolique

I.3.3.2.1 Hypertension artérielle

La consommation de boissons alcooliques augmente de 1,69 et 2,70 fois le risque d’hypertension artérielle chez les consommateurs modérés et abusifs.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Effet de la consommation modérée d’alcool sur les lipides
Université 🏫: Université Marien Ngouabi - Formation doctorale santé et biologie humaine - Parcours : Biochimie Médicale et Biologie Moléculaire
Auteur·trice·s 🎓:
KIBOUILOU WOLLO Ehissa Fredy

KIBOUILOU WOLLO Ehissa Fredy
Année de soutenance 📅: Mémoire pour l’obtention du diplôme de Master - Mention : Santé et Biologie Humaine - Le 7 décembre 2018
Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top