La publicité et le marketing : encombrement et intrusion

La publicité et le marketing : encombrement et intrusion

3. Résultats

3.1. Lien entre encombrement et intrusion publicitaire

L’encombrement et l’intrusion publicitaire sont deux aspects du concept que j’appellerais la « saturation publicitaire ».

Les auteurs étudiés à l’occasion de la revue de littérature n’ont jamais concrètement étudié la possibilité d’un lien entre les concepts – étonnamment – pourtant les recherches existantes font état de ressentis et de réactions similaires face à l’encombrement et à l’intrusion.

Afin d’établir l’existence (ou non) d’un lien effectif entre ces deux concepts, et ainsi compléter le champ de recherche existant, j’ai créé des variables moyennisant les différents items évalués pour chacun des concepts.

Tableau 3 : statistiques descriptives de l’encombrement perçu

statistiques descriptives de l’encombrement perçu

Avec des résultats de Skewness (asymétrie) et Kurtosis (aplatissement) présentés dans le tableau ci-dessous, chacun compris dans l’intervalle [-1,5 ; 1,5], on peut affirmer la validité de ces échelles.

Tableau 4 : statistiques descriptives de l’encombrement perçu

La publicité et le marketing : encombrement et intrusion - statistiques descriptives de l’encombrement perçu

Les premières statistiques générales de ces deux indicateurs nous donnent déjà quelques informations. L’encombrement perçu semble particulièrement élevé (avec une moyenne de 3.6), et l’intrusion perçue relativement faible (moyenne de 2.2) en comparaison.

Pour commencer, l’encombrement perçu présente une variance et un écart-type plutôt faible, ce qui indique une faible dispersion des résultats autour de la moyenne ; des observations également valables pour l’intrusion perçue, dans une moindre mesure. On peut donc considérer des résultats plutôt homogènes.

De l’encombrement publicitaire à l’intrusion publicitaire

L’encombrement (la saturation de l’espace par la publicité) se mesure par une échelle allant de 0 (pas suffisamment) à 5 (beaucoup trop) et semble donc être perçu comme élevé d’une manière générale.

Par ailleurs, avec une médiane de 3.75, on peut considérer qu’au moins la moitié des répondants considèrent qu’il y a plutôt trop de publicité via les différents canaux.

Le tableau des effectifs sur l’encombrement perçu en annexe en décrit les effectifs exacts.2

2 2 NB : Les répondants ont noté de 1 à 5 les différents items de chacun des concepts. Ces réponses ont été moyennisées afin de créer une variable globale pour chaque concept.

Moins de 9% des répondants ont considéré qu’il n’y avait pas beaucoup de publicité (notation inférieure à 2). En revanche, plus de 70% des répondants ont jugé qu’il y avait trop de publicité (notation supérieure à 3) – plus marquant encore, 1 répondant sur 3 a un encombrement perçu moyen supérieur à 4.

L’intrusion perçue (le caractère obligatoire, inattendu, contenant des informations liées à la navigation ou à la vie privée) se mesure quant à elle par une note d’opinion : de 0 (très mauvaise opinion) à 5 (très bonne opinion).

Avec une moyenne de 2.2, elle semble également mal perçue – quoique dans une moindre mesure en comparaison de l’encombrement. La médiane à 2 indique que 50% des répondants ont attribué une note d’opinion mauvaise à très mauvaise envers les contenus publicitaires intrusifs.

La variance et l’écart-type sont également plus élevés que pour l’encombrement – raisonnablement, ce qui indique une moindre homogénéité dans les réponses fournies par les panélistes interrogés.

Le tableau des effectifs sur l’intrusion perçue fourni en annexe montre d’ailleurs que presque 24% des répondants ont même une attitude plutôt positive envers les contenus identifiés comme « intrusifs » par la revue de littérature, et 9% ont même attribué une note au moins supérieure à 4.

Ainsi, l’intrusion perçue génère finalement une opinion moyenne faible, mais cette attitude négative est beaucoup moins systématique qu’envers l’encombrement perçu.

La saturation publicitaire, Conséquences sur le consommateur

En d’autres termes, si un niveau d’encombrement perçu élevé semble faire consensus parmi les consommateurs, la notion d’intrusion est évaluée de façon plus extrême avec des répondants clairement hostiles et des répondants qui présentent une moindre irritation face au type de contenu étudié.

Ces données renforcent l’hypothèse initiale que l’intrusion perçue est corrélée soit (H2) à une attitude préalable de résistance (attitude négative envers la publicité, le marketing, la société de consommation), soit (H3) à un profil spécifique (les différentes typologies clients présentées dans la partie méthodologie).

Avant toutefois de confirmer ou d’infirmer les hypothèses (H2) et (H3), il convient d’étudier l’existence ou non (H1) d’une corrélation significative entre encombrement et intrusion perçus, à savoir : ces phénomènes se nourrissent-ils l’un l’autre ?

Le coefficient de Pearson est calculé afin de déterminer l’existence ou non d’un lien entre ces deux variables (voir tableau ci-dessous).

Tableau 5 : Corrélation de Pearson encombrement et intrusion

Corrélation de Pearson encombrement et intrusion

Une corrélation faible (-0.086%) mais significative (p-value < 5%) émerge alors.

Le signe de variation est négatif car, pour rappel, les échelles sont « opposées », autrement dit l’effet d’un phénomène sur l’autre est en réalité positif : augmenter l’intrusion perçue fait également augmenter l’encombrement perçu, ou encore un fort niveau d’encombrement perçu s’accompagne en général d’un fort niveau d’intrusion perçue.

On peut donc commencer par confirmer la validité de l’hypothèse (H1) : encombrement perçu et intrusion perçue sont bien liés, bien que faiblement.

Cela provient probablement de la moindre homogénéité de l’attitude négative envers l’intrusion publicitaire qu’envers l’encombrement, qui présente des résultats plus consensuels.

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On peut conclure que si un encombrement perçu élevé semble être une variable commune à l’ensemble des répondants, l’intrusion perçue elle, est peut- être davantage liée à d’autres facteurs, notamment l’attitude envers la publicité et le marketing.

3.2. Lien entre intrusion perçue et attitude envers la publicité et le marketing

Attitude envers la publicité et le marketing ont chacun été évalués à travers un seul item : une note d’opinion de 0 à 5.

Tableau 6 : Statistiques descriptives attitude envers la pub et le marketing

Statistiques descriptives attitude envers la pub et le marketing

Le tableau ci-dessous indique que pour chaque variable, Skewness et Kurtosis sont bien compris dans l’intervalle [-1.5 ; 1.5] ; elles peuvent donc être considérées comme statistiquement valides.

Néanmoins, tout comme l’intrusion perçue et contrairement à l’encombrement perçu, ces variables présentent un écart-type et une variance plutôt élevés, ce qui indique une moindre homogénéité des réponses.

Tableau 7 : Statistiques descriptives attitudes pub et marketing

Statistiques descriptives attitudes pub et marketing

Les deux variables présentent une médiane similaire : 50% des répondants ont indiqué avoir une opinion plutôt positive envers le marketing et la publicité (donc une note supérieure à 3).

Toutefois, la note moyenne d’attitude envers la publicité (2.7) et envers le marketing (2.4) sont plus faibles, indiquant qu’une quantité relativement importante de répondants ont donné une note très faible à l’un et l’autre de ces items.

Le tableau 8 en annexe montre qu’effectivement presque 42% des répondants ont attribué à la publicité une note d’opinion inférieure à 1.

L’attitude envers le marketing en général (tableau 9) semble rassembler encore davantage d’opinions négatives (49.5% des répondants ont attribué au marketing une note d’opinion inférieure à 1).

La même méthodologie d’analyse que l’intrusion et l’encombrement est appliquée afin d’établir l’existence ou non d’une corrélation entre intrusion publicitaire et attitude envers la publicité et le marketing en général.

Le calcul du coefficient de Pearson présenté dans le tableau ci-dessous montre qu’il existe une relation significative (p-value < 5%) entre ces différentes variables : attitude envers le marketing, attitude envers la publicité, attitude envers les contenus publicitaires intrusifs.

Tableau 10 : Corrélations entre attitude et intrusion perçue

Corrélations entre attitude et intrusion perçue

Une corrélation particulièrement forte existe tout d’abord entre l’attitude envers la publicité et l’attitude envers le marketing en général (0.709).

La corrélation entre intrusion perçue et attitude envers la publicité (0.351) et le marketing en général (0.369) est un peu moins marquée quoique tout aussi significative.

Ces données prouvent que :

  • l’intrusion semble liée à la fois à l’encombrement perçu (H1), à l’attitude envers la publicité et envers le marketing (H2) ;
  • l’intrusion et l’attitude générale présentent des résultats hétérogènes et sont potentiellement liées à d’autres facteurs – le profil (H3) ?;
  • l’attitude envers la publicité et le marketing sont néanmoins très fortement corrélées.

3.3. Lien entre intrusion perçue et profil du consommateur

A l’occasion de leur recrutement dans le panel consommateur, les clients sollicités ont été invité à remplir un questionnaire très exhaustif sur leurs attentes, leur perception, leur comportement…

Ce questionnaire a servi de point de départ à la création de six typologies de consommation spécifique à notre base clientèle : les vegan/bio (engagés), les naturel/simplicité, les tendance, les prestige, les experte et les économes.

Nous avons supposé que pour chacune de ces catégories, la perception de l’environnement publicitaire serait différente – pour autant, le profil de consommation (synthétisant de nombreuses variables qualitatives et quantitatives) est-il un facteur explicatif du niveau d’encombrement et d’intrusion publicitaire perçu ?

Afin de répondre à cette question (h3), un test d’Anova a été réalisé puisqu’il s’agit de corréler des variables continues (échelles de perception) avec des variables qualitatives (le cluster d’appartenance).

Tableau 11 : Anova typologie

Anova typologie

Le tableau présenté ci-dessous indique une signification (p-value) de 0,047 pour l’encombrement perçu, ce qui semble confirmer que le profil de consommation explique partiellement le niveau d’encombrement perçu.

En revanche, la signification de 0,716 soit bien au-delà de 0,05 pour l’intrusion perçue indique que le profil n’influence pas la perception de l’intrusion : l’hypothèse (h3) ne se vérifie donc pas.

On pourrait penser que l’intrusion perçue est similaire alors parmi les répondants : toutefois, la variance était plus élevée que pour l’encombrement.

Cela signifie que les différences de perception de l’intrusion entre les consommateurs s’explique par d’autres variables individuelles. Si le genre semble ne pas forcément entrer en ligne de compte, l’âge et la question de la génération se pose en revanche.

Tableau 12 : Anova âge

Anova âge

Or le tableau ci-dessus indique que la significativité du lien entre tranche d’âge et intrusion perçue est supérieure à 0,05 et donc, ne peut prouver de corrélation évidente.

Si l’encombrement perçu explique partiellement l’intrusion perçue, ni l’âge, ni la typologie de consommation ne sont des variables explicatives de celle-ci.

4. Conclusion

4.1. Contribution théorique

Si la revue de littérature a fait émerger la contribution de l’encombrement perçu et de l’intrusion perçue au sentiment de « saturation publicitaire » (concept générique et inédit, qui rassemblait ce que l’état de l’art avait synthétisé) chez le consommateur, ces deux concepts n’avaient jusque-là été étudiés que de façon « isolée », autrement dit jamais ces deux concepts n’avaient été directement associés et étudiés à l’occasion d’une étude commune.

La recherche présentée ici avait pour vocation d’établir l’existence (ou non) d’un lien entre ces deux phénomènes et de définir si oui ou non le concept de saturation publicitaire, instinctivement défini à l’issue de l’état de l’art comme la combinaison de l’encombrement et de l’intrusion (modèle n°2 – les conséquences de ces deux concepts étant similaires, nous avions synthétisé sous forme schématique le concept global de « saturation publicitaire » , qui est en fait inédit dans la littérature, avec l’encombrement et l’intrusion comme préalable).

Les résultats ont permis de confirmer un lien significatif entre intrusion et encombrement perçus (h1), ainsi qu’une corrélation avec l’attitude générale envers la publicité (h2) – la formation d’une attitude négative envers la publicité peut être à la fois considérée comme une conséquence (réaction affective) et comme un préalable lié au consommateur, à son vécu, et comme toujours à sa perception.

La figure ci-dessous représente donc le modèle du concept de saturation publicitaire enrichi des apports théoriques statistiquement validés grâce à cette recherche.

le modèle du concept de saturation publicitaire enrichi des apports théoriques

Les deux hypothèses (h1) et (h2) confirmées, viennent renforcer les théories de Louisa Ha qui évoquait en 2008 les diverses variables qui influençaient potentiellement l’encombrement perçu : elle évoquait alors l’intrusion perçue, les variables individuelles et les attitudes.

Ha et Litman (1998) avaient étudié et développé le concept d’intrusion publicitaire indépendamment de celui d’encombrement publicitaire.

Conformément à l’intuition que cette recherche avait alors évoquée, l’intrusion est bel et bien liée à l’encombrement et gagne à être étudiée en même temps que celui-ci.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La saturation publicitaire
Université 🏫: Université de Lille - IMMD Institut du Marketing et du Management de la Distribution
Auteur·trice·s 🎓:
Melissa Ferdi

Melissa Ferdi
Année de soutenance 📅: Mémoire dans le cadre du Master Economie-Droit-Gestion mention Marketing de la Distribution - 2018/2024
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