Rôle de la société civile dans la protection du droit à la liberté

Section 2 : La contribution de la société civile au respect des garanties de protection du droit à la liberté

Selon la définition des Nations Unies, les acteurs de la société civile comprennent248 : les organisations de défense des droits de l’homme, Les fédérations (aussi bien syndicats qu’associations professionnelles telles que les associations de journalistes, les ordres des avocats, les associations de magistrats, les fédérations étudiantes), etc.

Les OSC sont très actives dans la protection des droits de l’Homme au Togo. En ce sens, elles s’engagent aux côtés du gouvernement et font parallèlement un contrôle citoyen de ses actions publiques.

Les OSC sont des acteurs clés du contrôle externe de la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies au plan national.

Pour étudier le champ d’action de la société civile, il convient d’aborder dans un premier temps la contribution à l’effectivité de la protection du droit à la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps la contribution au renforcement de la connaissance des droits et libertés fondamentales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la contribution à l’effectivité de la protection du droit à la liberté

La société civile participe à l’amélioration de la situation des droits de l’Homme au Togo. Son action en faveur de l’effectivité de la protection du droit à la liberté avant jugement peut s’appréhender en deux temps.

Aussi, il sera abordé dans un premier temps la contribution pour un recours effectif aux droits de la défense (A) et dans un second temps le plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel (B).

A. La contribution pour un recours effectif aux droits de la défense

Plusieurs OSC sont engagées dans la protection des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi au Togo : le CACIT, l’UCJG, le CDFDH, le WANEP, la SMPDD, etc. Certaines OSC ont un mandat de spécifique en faveur des groupes vulnérables.

C’est l’exemple du BNCE-Togo qui s’intéresse spécifiquement à la protection des droits de l’enfant et du GF2D qui s’intéressent aux questions à la protection spécifique des femmes.

Les activités menées par les OSC et qui servent de cadre de contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi sont multiples. Les plus importantes sont les activités de monitoring des lieux de détention.

Selon la définition du HCDH, « Le monitoring est un terme de sens large, décrivant la collecte active, la vérification et l’usage immédiat d’informations en vue de résoudre des problèmes de droits humains 249».

L’objectif du monitoring des lieux de détention est de contribuer à une meilleure protection des droits fondamentaux des personnes incarcérées à travers l’identification et le report des violations observés.

Le monitoring des lieux de détention joue également un rôle préventif puisse que les acteurs étatiques deviennent plus attentifs à leur conduite du fait de la permanence du contrôle. Au cours des actions de monitoring des lieux de détention, les OSC font des assistances juridiques.

L’assistance juridique qui est apporté aux détenus lors des actions de monitoring, permet d’orienter ces derniers vers tout moyen de droit pouvant leur permettre de défendre leurs intérêts250.

248 Guide pratique pour la société civile, LE CHAMP D’ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE SYSTÈME DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES, OHCR, p. 3

249 MANUEL DE FORMATION SUR LE MONITORING DES DROITS DE L’HOMME, SÉRIE SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE N° 7, HCDH, p. 16

250 Notamment le droit à la liberté en ce qui concerne les prévenus

Ainsi, les OSC aident les détenus à rédiger des demandes de libération provisoire, des lettres de demandes d’audience, etc.

Dans son rapport d’activité de l’année 2019, le CACIT affirme que « Quarante-huit (48) lettres de demande d’audience, huit (08) demandes de libération provisoire et six (06) lettres de libération conditionnelle ont été déposées devant les juges d’instruction.

Ces lettres d’audience ont permis aux détenus de rencontrer leur juge d’instruction et de voir leurs dossiers avancer251 ».

Suite aux dépôts des différentes requêtes, les OSC effectuent des actions de suivi auprès des cabinets d’instruction pour prévenir la lenteur judiciaire. Il faut à cet égard relever la collaboration positive avec les cabinets d’instruction.

C’est surtout le cas avec les juges pour mineurs. Très souvent, c’est l’intervention des OSC est nécessaire pour la libération effective des enfants en conflits avec la loi.

En effet, certains parents ne veulent plus accueillir leurs enfants après leur séjour carcéral. L’enfant demeure ainsi en détention bien que le juge pour enfant ait ordonnance de libération et de placement dans sa famille.

Les OSC effectuent des actions afin de rechercher et rencontrer ces parents afin de les entretenir sur leur devoir à l’égard du mineur. Ces actions aboutissent le plus souvent au retour des enfants dans leur famille ou le cas échéant au placement des mineurs ainsi libérés dans des centres d’accueil.

Un fait notable de l’action des OSC pour la protection du droit à la liberté est celle du CACIT qui a conduit à la libération de trois mineurs en situation de détention arbitraire à la brigade pour mineurs de Lomé.

Alors que l’article 323 alinéa 2 du code de l’enfant prescrit un délai maximal de trois mois de détention pour les mineurs poursuivis pour avoir commis des délits, ces trois mineurs ont passé plus de huit mois de détention préventive.

Cette situation était en grande partie due au fait que les trois mineurs avaient été transféré depuis la prison civile de Tsévié pour Lomé. Par suite de leur transfert, le juge en charge a été muté.

Il se posait une difficulté pratique d’accessibilité. Après identification de ce cas, le CACIT a rencontré le juge pour mineurs en charge le 14 octobre 2019. Le juge a rendu une ordonnance de mainlevée de la garde provisoire trois jours plus tard, le 17 octobre 2019.

Rôle de la société civile dans la protection du droit à la liberté

Certaine OSC s’engagent également dans la lutte contre la lenteur judiciaire et les détentions prolongées. C’est le cas de l’ONG Prisons délices qui a appuyé à l’organisation des audiences en exécution d’un projet dénommé « aide judiciaire aux détenus ».

En trois ans, plus de cinq cent252 détenus ont retrouvé leur liberté. Le projet a couvert la période de 2012 à 2018.

251 Rapport d’activités Janvier-Décembre 2019, CACIT, inédit, pp. 9-10

252 6è, 7è et 8è Rapports périodiques de l’état togolais sur la mise en œuvre de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, p. 197

B. Le plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel

Suite aux diverses actions de monitoring effectuées dans les lieux de détention, les OSC élaborent des rapports alternatifs sur la situation des droits de l’Homme au Togo.

Ces rapports servent notamment à faire des plaidoyers auprès des autorités compétentes pour une amélioration du cadre légal et institutionnel de la protection des droits de l’Homme. Un exemple récent a été observé au cours de la période d’état d’urgence sanitaire253 au Togo.

Pour prévenir la propagation du COVID-19 dans les prisons, le chef de l’État avait procédé à la libération par grâce présidentielle de 1048 détenus le 03 avril 2020. Les mineurs en détention n’avaient pas été pris en compte dans la stratégie du gouvernement.

Les OSC254 sont intervenus auprès des autorités compétentes pour rappeler l’urgence qu’il est de prendre des mesures de protection des enfants privés de liberté contre la pandémie devant aboutir à leur libération en toute sécurité255.

Les différents rapports élaborés suite aux monitorings des lieux de détention sont également exploités par les différents mécanismes de protection des droits de l’Homme auxquels le Togo est parti.

C’est l’exemple du comité contre la torture qui est un organe mis en place pour veiller au respect de la convention des nations unies contre la torture.

Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019, le gouvernement togolais a été amené à se prononcer sur des allégations de violations de droits de l’Homme recensés par les OSC.

C’est également le cas devant la cour de justice de la CEDEAO, où l’État togolais a été condamné plusieurs fois à réparer des violations de droits de l’Homme perpétrés par des agents publics suite à des plaintes déposés par des OSC256.

Les OSC contribuent également au suivi de la mise en couvre des recommandations adressées par les mécanismes internationaux de protection des droits de l’Homme au gouvernement togolais.

253 Décrétée par le chef de l’État dans son message à la nation en date du 1er avril 2020 pour renforcer la riposte nationale contre la propagation du COVID-19 qui touche le Togo depuis le 06 mars 2020

254 Notamment le CACIT

255 En effet, dans une déclaration en date du 13 avril 2020, le directeur exécutif de l’UNICEF exhortait les gouvernements et autorités pénitentiaires à libérer les enfants détenus car « la meilleure manière de protéger les droits des enfants détenus durant une dangereuse pandémie est d’assurer leur libération en toute sécurité»

256 Par exemple, l’État togolais a été condamné par la cour de justice de la CEDEAO en 2016, à verser la somme de 20 millions de F CFA au sieur Koffi AMETEPE suite à la plainte déposée par le CACIT

En effet, lors du passage du Togo devant le CAT, plusieurs recommandations ont été adressées à l’État togolais. C’est l’exemple de la recommandation faite à l’expert et rapporteur HELLER au gouvernement d’envisager « la fermeture de la prison civile de Lomé ».

L’expert et rapporteur Sébastien TOUZE a pour sa part relevé le caractère « dérangeant » de la pratique des visites payantes aux détenus. Les OSC se chargent de faire le suivi de la mise en œuvre des recommandations formulées ainsi que des engagements pris par le gouvernement.

C’est aussi le cas après l’examen périodique universel. L’EPU est un processus d’évaluation de la situation des droits de l’Homme tous les cinq ans. Lors du premier cycle d’examen en octobre 2011, « 133 recommandations ont été formulées : 122 ont été acceptées, et 11 n’ont pas recueilli l’adhésion du Togo.257 ».

Dans son rapport de suivi des recommandations de l’EPU au Togo en 2011, le FIACAT a établi un diagnostic des recommandations selon leur état de réalisation. Ce rapport a mis en exergue les réformes que le gouvernement doit mettre en œuvre pour améliorer la situation des droits de l’Homme en général au Togo.

257 Rapport du gouvernement togolais conformément au paragraphe 5 de l’annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l’homme, EPU, 2016, p. 2

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La protection du droit à la liberté à l’épreuve de la détention préventive en droit positif togolais
Université 🏫: Université de Parakou - Faculté de droit et des sciences politiques (FDSP)
Auteur·trice·s 🎓:
M. KPAKOU Panis Roger

M. KPAKOU Panis Roger
Année de soutenance 📅: École doctorale sciences juridiques, politiques et administratives (SJPA) - 2019-2035
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