Le respect des garanties de protection du droit à la liberté

Chapitre 2 : Le renforcement du contrôle du respect des garanties de protection du droit à la liberté

Le droit à la liberté a une valeur constitutionnelle au Togo. S’assurer du respect des mesures qui encadrent sa protection nécessite la mise en place de mécanismes de contrôle. Le contrôle est indispensable pour prévenir les violations des principes de droit érigés par la loi.

Le renforcement des mesures de protection du droit à la liberté passe nécessairement par le renforcement des mécanismes de contrôle.

La société civile joue également un rôle considérable dans l’effectivité de la protection du droit à la liberté en droit positif togolais. C’est un acteur dont l’action est à considérer dans le dispositif de protection du droit à la liberté.

Aussi convient-il d’aborder dans un premier temps le renforcement des différents mécanismes de contrôle (section 1) et dans un second temps la contribution de la société civile (section 2).

Section 1 : Le renforcement des différents mécanismes de contrôle

Il existe plusieurs mécanismes de contrôle du respect des garanties de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive. Le plus important est sans doute le dispositif de contrôle mis en place au sein du pouvoir judiciaire lui-même.

Il faut rappeler que le pouvoir judiciaire est le défenseur de la liberté individuelle, dont il assure le respect dans les conditions prévues par la loi220. En ce sens, le législateur a confié la première responsabilité d’effectuer des contrôles aux magistrats.

Outre le contrôle interne des acteurs du pouvoir judiciaire, il existe plusieurs autres mécanismes de contrôle dont la mise en œuvre participe à une meilleure protection du droit à la liberté des personnes poursuivies en droit positif togolais.

Le renforcement de ces différents mécanismes de contrôle est nécessaire pour une protection effective du droit à la liberté contre les pratiques arbitraires dans la phase avant jugement.

Aussi convient-il d’aborder dans un premier temps le renforcement du contrôle interne (paragraphe 1) et dans un second temps le renforcement du contrôle externe (paragraphe 2).

220 Art 18, constitution togolaise

Paragraphe 1 : Le renforcement du contrôle interne

Le législateur fait obligation aux magistrats d’effectuer des visites périodiques dans les lieux de détention pour vérifier les conditions matérielles de détention des détenus en général, des prévenus en particulier et leur situation judiciaire.

En effet, les visites de contrôle sont le lieu de vérifier l’état d’avancement des dossiers des prévenus ainsi que la durée de la détention préventive effectuée.

Les constations faites font l’objet de rapports qui servent à l’amélioration du régime de la détention préventive ainsi que des conditions de détention. Il est donc indispensable de rénover le contrôle des magistrats et de renforcer l’efficacité du contrôle (B).

Le respect des garanties de protection du droit à la liberté

A. Rénover le contrôle des magistrats

La volonté de garantir la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies a amené le législateur à mettre en place plusieurs niveaux de contrôle au sein du pouvoir judiciaire. À l’analyse, le contrôle s’exerce notamment à deux niveaux.

D’abord, le contrôle s’intéresse à la régularité des actes de l’instruction et ensuite le contrôle questionne la régularité de la situation des prévenus.

En ce qui concerne le contrôle de la régularité des actes de l’instruction, il relève essentiellement de la compétence de la chambre d’accusation ainsi que du procureur général.

Aux termes de l’article 159 CPPT, l’inculpé a le droit de relever appel devant la chambre d’accusation, des demandes en habeas corpus refusées par le juge d’instruction ou accordée sous certaines conditions.

La chambre d’accusation, si elle estime qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé, ordonne la libération du prévenu221.

Il en est de même lorsqu’elle estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention. Le droit de saisir la chambre d’instruction appartient également au ministère public.

221 Art 184 CPPT

Le parquetier peut saisir la chambre d’accusation en annulation d’un acte d’instruction222. « Si (la chambre d’accusation) découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché…223 ».

Après annulation d’un acte de l’instruction, la chambre d’accusation peut en outre, décider de renvoyer le dossier de la procédure devant un autre juge d’instruction.

Ce contrôle permet également de sanctionner toute violation des droits de la défense de l’inculpé (par exemple en cas de refus impertinent d’une demande d’expertise et de contrexpertise).

Au terme de l’article 191, « Le Président de la Chambre d’accusation et le Procureur général s’assurent du bon fonctionnement des Cabinets d’instruction du ressort de la Cour d’Appel ».

À cette fin, il leur est adressé chaque mois, une notice établie par chaque cabinet d’instruction. La notice porte mention de toutes les affaires en cours ainsi que des actes d’instruction effectués courant ce mois.

Après analyse de ces notices, le Président de la chambre d’accusation et le procureur général peuvent « faire au juge d’instruction des observations relatives au retard apporté au règlement de ses affaires à l’insuffisance du dossier ou à l’inobservation des formalités légales 224». Ce contrôle périodique permet de s’assurer de la conformité de la procédure d’instruction à la loi.

En ce qui concerne le contrôle de la régularité de la situation des prévenus, il relève de la compétence du ministère public et du juge d’instruction lui-même.

En effet, l’article 500 CPPT dispose que « Le Ministère Public visite périodiquement les établissements pénitentiaires de sa circonscription. Il vérifie la situation des détenus et fait élargir tous ceux qui seraient détenus arbitrairement… ».

Également, l’article 501 dispose que « Le juge d’instruction visite au moins chaque trimestre le quartier des prévenus des établissements de son ressort et veille au respect des dispositions générales et particulières applicables aux prévenus… ».

Il faut préciser que ces deux contrôles doivent faire l’objet d’un rapport respectivement adressé au ministère de la justice en ce qui concerne le ministère public et au procureur générale en ce qui concerne le juge d’instruction.

Ce contrôle permet de prévenir les détentions arbitraires, de veiller au respect des dispositions applicables aux prévenus et de s’assurer de l’état des conditions de détention des détenus.

222 Art 144, b « Le Ministère public, agissant conformément à l’article 65, peut déférer à la Chambre d’Accusation tout acte d’instruction qui lui paraît annulable. »

223 Art 178, b CPPT

224 Art 191.c, CPPT

Il en est de même du contrôle effectué par le juge des mineurs au terme de l’article 476 CPPT « Les mesures de placement ou de surveillance prises par le juge ou le Tribunal font l’objet de compte rendu adressé périodiquement au juge des mineurs par l’établissement, le service ou la personne chargée de leur exécution. Ces derniers peuvent

proposer soit d’abréger, soit de prolonger la mesure, soit de substituer à la mesure ordonnée une autre mesure de placement ou de surveillance plus adaptée à l’évolution du mineur et de sa famille. ».

B. Renforcer l’efficacité du contrôle

Tout contrôle n’a d’efficacité que lorsque les écueils qu’il identifie sont suivis d’une réponse diligente. En effet, l’efficacité des contrôles se mesure à l’aune des améliorations observables sur le terrain.

Le pouvoir judiciaire est doté de plusieurs mécanismes de contrôle du respect des mesures de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive.

Renforcer l’efficacité de ces contrôles contribuerait à l’effectivité de la protection du droit à la liberté. En droit positif togolais, il se pose la question de l’effectivité du contrôle dans les lieux de détention et son efficacité.

Le constat général est que les contrôles sont rarement effectués. À tort ou à raison, il peut être avancé comme justificatif que les magistrats sont très souvent submergés du fait de leur nombre insuffisant.

Selon les chiffres avancés par le directeur de l’administration pénitentiaires lors du passage du Togo devant le comité contre la torture en juillet 2019, le nombre total de magistrats au Togo était de 241 dont 33 femmes sur toute l’étendue du territoire nationale.

En ce qui concerne les cabinets d’instruction, il arrive que « des juges aient plus de 500 dossiers, chacun à sa charge225 ».

Quoiqu’il en soit, l’absence d’un contrôle régulier favorise l’enracinement des violations des droits de la défense et des droits fondamentaux des prévenus. Il est donc urgent que le nombre des magistrats soit véritablement renforcé226 pour que le contrôle qui leur incombe soit effectif.

225 Op cit

226 En mai 2019, un concours national avait été lancé pour recruter 20 auditeurs de justice sur toute l’étendue du territoire. C’est un acquis dans la marche vers la suffisance du nombre des magistrats au Togo.

Il est important que les autorités judiciaires s’impliquent activement pour l’effectivité du contrôle imposé par la loi. Outre le ministère public et le juge d’instruction, plusieurs autorités judiciaires ont un devoir implicite de contrôle dans les lieux de privation de liberté.

Il peut s’agir du président du tribunal, de l’inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires, du ministre de la justice, etc. En renfort aux visites périodiques prévues par la loi dans les lieux de détention, les autorités judiciaires devraient initier des visites ponctuelles en réponse à des situations urgentes dans les lieux de détention.

Le contrôle du magistrat instructeur et du parquetier prévu aux articles 500 et 501 CPPT doivent nécessairement être soldée par la rédaction de rapports périodiques qui serviront d’outils pour l’amélioration de l’existant.

Ces visites devraient en outre permettre de prévenir les détentions arbitraires et les détentions prolongées par la vérification périodique de la situation de chaque prévenu en détention.

Cette vérification se fait notamment par le procureur général et le président de la chambre d’accusation, censé recevoir chaque mois des notices faisant état des affaires en cours d’instruction227.

La vérification se fait également lors des visites dans les lieux de détention. Un exemple positif peut en être donné. Il s’agit de la libération d’un détenu228 suite à une visite de contrôle effectué par le directeur de l’administration pénitentiaire au cabanon.

En effet, ce détenu a effectué près de 8 ans de détention alors même son dossier était demeuré introuvable. Arrêté le 12 octobre 2011, ce dernier a été relâché le 15 octobre 2019 après intervention du directeur de l’administration pénitentiaire qui a eu connaissance de son cas lors d’une visite au cabanon.

Il faut souligner que plusieurs solutions pratiques peuvent permettre aux magistrats d’effectuer le contrôle des lieux de détention.

Les magistrats pourraient en effet recourir à une planification rotative des contrôles au sein de la juridiction, sous réserves de visites ponctuelles en cas d’urgence. La rotation peut concerner essentiellement les magistrats instructeurs et ceux du ministère public.

227 Art 191 CPPT

228 Les initiales de son nom : G.M

Il faut relever qu’outre le contrôle des autorités judiciaires dans les lieux de détention, le législateur a prévu d’autres mécanismes. Il en est ainsi du contrôle sanitaire permanent des lieux de détention prévu à l’article 41229 du code de la santé publique au Togo.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La protection du droit à la liberté à l’épreuve de la détention préventive en droit positif togolais
Université 🏫: Université de Parakou - Faculté de droit et des sciences politiques (FDSP)
Auteur·trice·s 🎓:
M. KPAKOU Panis Roger

M. KPAKOU Panis Roger
Année de soutenance 📅: École doctorale sciences juridiques, politiques et administratives (SJPA) - 2019-2033
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