Organisations de l’économie sociale et solidaire: origine

Origine des organisations de l’économie sociale et solidaire

Chapitre II : Origine et domaine d’intervention des OESS

2.1 Origine des organisations de l’économie sociale et solidaire

Dans toute l’histoire de l’humanité, sous une forme ou sous une autre, l’entraide a toujours existé dans les différentes sociétés. Elle se trouve à tous les niveaux de l’échelle sociale.

D’après Defourny, « l’expression d’économie sociale est apparue au XIX siècle, et son histoire remonte aux formes plus anciennes des associations humaines.

On peut même dire que la genèse de l’économie sociale se confond largement avec la lente émergence de la liberté d’association au fil des siècles » (Jacques Defourny, 1999 ; p. 26).

En effet, si certains historiens remontent à l’antiquité pour trouver la trace des organisations humaines proches de l’économie sociale et solidaire, il est admis qu’un des premiers exemples connus en termes de coopération se situe entre les ouvriers et les agriculteurs.

Mais pour certains auteurs, dont Defourny, il existe « des formes de corporations et des fonds de secours collectifs déjà depuis l’Egypte des Pharaons.

Chez les Grecs ils avaient leurs hétairies pour se garantir une sépulture et pour l’organisation rituelle des cérémonies funéraires, tandis que les Romains se groupaient en collèges d’artisans et en sodalitia, associations plus politiques.

Avec l’effondrement de l’empire Romain, ce seront les associations monastiques qui deviendront partout en Europe les refuges de l’associationnisme primitif autant que des arts, des sciences et des traditions tels que : couvents, monastères, abbayes, prieurés, commanderies chartreuses, ermitages, etc. » (Ibid. ; p. 26).

L’entraide existe bien depuis l’antiquité, soit pour l’intérêt d’un groupe ou de toute une société.

Organisations de l’économie sociale et solidaire: origine

À ce propos, on peut citer l’exemple de la lutte des classes, les organisations qui luttent pour les droits humains depuis bien avant 1948, les esclaves qui se sont battus pour leur liberté en 1791 en Haïti, en 1861 aux Etats- Unis, etc.

Le système d’association et de coopération ne date pas d’hier, il existe depuis la création de la société et évolue avec le temps suivant ses besoins.

Pour Thierry, « l’économie sociale et solidaire est née de la volonté de lutter contre les inégalités provoquées par la naissance de l’économie industrialisée fondée sur le capital, puis s’est maintenue au vingtième siècle à côté d’un Etat-providence trop administratif et rigide : elle est par définition une économie de type solidaire, sociétale » (Thierry, 2001).

C’est une réponse aux méfaits causés par le système capitaliste et la révolution industrielle qui donne naissance à un nouveau modèle montrant une autre façon de faire l’économie.

Danièle indique que « la domination du capitalisme, depuis la fin du XVIIe siècle en France, a provoqué un renouvellement de ces pratiques.

Sous des formes variées, contestant plus ou moins radicalement le capitalisme, elles ont manifesté une vitalité étonnante jusqu’aux entreprises associatives actuelles.

Mais cette fidélité aux valeurs du collectif et au refus du tout monétaire ne va pas non plus sans ruptures ni replis : ruptures entre ceux qui dénoncent les méfaits du capitalisme et cherchent une alternative, et ceux qui s’y intègrent pour l’humaniser ; replis communautaires pour, au-delà de la critique de la concurrence et du capital, rechercher des relations totalement hors marché, voire non monétaires » (Danièle, 2001).

C’est ainsi que les problèmes du modèle de l’économie capitaliste ont favorisé un profond réexamen du fonctionnement de l’économie dans la plupart des pays du monde et poussent des réformateurs sociaux et des penseurs utopistes à chercher d’autres solutions.

En ce qui concerne Haïti, l’économie sociale et solidaire date de très longtemps.

Gabriel Antiope a expliqué que c’est le rassemblement des différentes ethnies d’esclaves qui venaient de plusieurs pays de l’Afrique qui a peuplé la colonie d’Haïti.

En arrivant sur ce territoire, ils se sont regroupés en association pour se divertir du point de vue musical et religieux et aussi pour lutter pour leur liberté.

Ainsi a-t-il écrit : « Certes nous devons percevoir la danse d’abord comme un lieu de rassemblement.

Mais, dès l’instant où ce rassemblement prend conscience de soi comme un nous actif et différent du reste de la société, nous n’avons plus affaire à une foule ni à une masse, mais a un groupe actif doué d’une lucidité collective dirigée vers une action commune » (G. ANTIOPE, 1996).

A cette époque, ces regroupements assuraient diverses fonctions dans les domaines politique, économique et culturel (rassemblements religieux, lutte pour la liberté, etc.).

L’une des périodes marquées par l’ESS en Haïti est celle de l’émergence du secteur coopératif, au lendemain de l’indépendance nationale en 1804, au moment où les fondateurs de la patrie haïtienne distribuaient des terres.

Cette époque se caractérisait par ce qu’on appelait des groupements associatifs de travail (konbit, eskwad) qui sont des groupes collectifs de travail rémunérés le plus souvent en nourriture ou en jobs de demi-journée de travail.

Dans le Sud-Est, précisément dans La Vallée de Jacmel, il a fallu attendre aux abords de 1946 pour pouvoir bénéficier des services financiers des premières coopératives d’épargne et de crédit légalement reconnues par l’État et fondées par des associations de petits producteurs.

La Petite Epargne de La Vallée de Jacmel est fondée le 22 Décembre 19463 est toute la première qui donne naissance à l’idée de la création de la Coopérative Sainte Anne de Port-au-Prince le 21 février 1951 ainsi les autres, ces plus anciennes structures ont été créées pour offrir des services financiers de base à des citoyens qui en avaient grandement besoin.

3 Rapport de la Petite Epargne de La Valée de Jacmel 27 décembre 1980 sur son fonctionnement et sa bonne marche. Archives de La caisse Populaire de La ville de Jacmel.

Selon Bénédique Paul, « ce mouvement financier coopératif haïtien a débuté en 1937 avec la création de la première coopérative et l’élaboration de la première loi sur la coopérative.

La méthodologie dite « Caisse Populaire », d’origine franco-canadienne, utilisée par le mouvement, a été initiée pour la première fois en 1946 à Jacmel » (PAUL, 2011). Elle a été débutée sous l’influence des missionnaires canadiens.

Ce concept, « Coopératives d’épargne et de crédit » du type de caisse populaire, a été influencé par la formule de Desjardins du Canada et introduit en Haïti.

En 1982, le CNC (Conseil National des Coopératives) est créé dans le but de gérer la tutelle et le contrôle de la multiplication des coopératives financières et agricoles.

Le décret du 31 mars 1981 portant sur la création du CNC stipule en son article 2 que « le CNC a pour mission de formuler la politique nationale dans le domaine de l’organisation et du développement des coopératives »4.

4 Décret du 5 février 1794 dotant le Conseil National de la Coopération d’une nouvelle structure publié dans Le journal officielle Le Moniteur le 4 Juin 1981 par le président à vie de la république Jean-Claude DUVALIER. Archives Caisse Populaire de Jacmel.

Il est, comme les associations, en accord avec le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe comme ministère de tutelle.

La Constitution haïtienne de 1987, dans son article 1, consacre Haïti comme une « République coopérative ».

Il reste à savoir comment, concrètement sur le terrain, s’est appliqué cet article de la Constitution par rapport à l’histoire de ces institutions formelles dans le développement local des territoires dudit pays.

Denis Clerc a signalé, dans la revue Alternatives Economiques, que « …depuis près de deux siècles, l’idée de guider la production à partir des besoins de tous, et pas seulement de l’intérêt de quelques-uns, taraude les hommes.

Cette idée n’est pas restée vaine, puisqu’elle a donné naissance à ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler l’économie sociale et solidaire : il s’agit de l’ensemble des activités économiques qui, tout en émanant de personnes privées (donc relevant de la société civile et non de l’Etat), se fixent d’autres objectifs que la recherche d’un profit maximal ou d’une rentabilité aussi élevée que possible des fonds investis » (LECLER, 2002).

D’où la monté du secteur de l’économie sociale et solidaire, avec ses objectifs et ses principes de base, qui se donne pour mission d’apporter des solutions plaçant l’homme au centre du sujet de développement économique et social, toute en essayant d’inventer de nouvelles façons collectives de produire des biens et services nécessaires.

L’économie sociale et solidaire apparait bien comme une solution ou une alternative non seulement au problème de développement local mais aussi dans la lutte pour la cohésion sociale et le développement durable du point de vue éducatif et environnemental.

Xavier Engels la définit comme étant « une tentative de construction d’un nouveau bien commun, un moyen de reconnaitre la capacité des associations de porter et représenter l’intérêt général, en d’autres termes de prendre en compte la dimension pluraliste de la construction des politiques publiques » (Xavier et all, 2006).

Elle rassemble des acteurs dont les activités économiques se sont développées au service d’une finalité sociale et non lucrative.

C’est donc une branche de l’économie basée sur les besoins réels des communautés où l’être humain occupe une place de choix.

Une manière collective de produire des biens et des services en prenant en compte l’intérêt de tous et non de quelques-uns. Elle a pour la toile de fond la solidarité et l’utilité sociale.

L’économie sociale et solidaire est donc une bouée de sauvetage pour équilibrer la balance du système économique actuel.

2.2 Domaines d’intervention des OESS

Aujourd’hui, les organisations de l’économie sociale et solidaire défendent de grandes valeurs dans la société.

Les acteurs de l’ESS développent de nombreux projets dans des domaines très variés tels que les pôles territoriaux de coopération économique, la consommation responsable, les circuits courts, les outils de financement solidaire pour accompagner les plus faibles économiquement et aussi dans des domaines qui ont souvent une faible dimension marchande, ainsi que des secteurs historiquement acquis par des critères non lucratifs.

Les associations réduisent la pauvreté par la création d’emplois, par l’éducation à la prise de conscience d’une méthode pour lancer des activités économiques.

Selon Favreau et Fréchette, « les valeur et les principes de base de l’économie sociale et solidaire, ses finalités explicitement sociales, confirmées en cela par son mode spécifique d’organisation et d’affectation des surplus, leur donnent potentiellement des aptitudes particulières pour lutter contre la pauvreté : un dispositif démocratique alliant entreprise et association, des règles du jeu pour favoriser le développement d’un patrimoine collectif, un regroupement de personnes en quête de réponses à de nouveaux besoins (emploi, habitat, services de proximité, en santé, en éducation, en sécurité alimentaire…), etc.» (Favreau et Fréchette, 2002).

On retrouve les structures des organisations de l’économie sociale et solidaire OESS dans diverses secteurs tels que les logements sociaux, l’éco-habitat, l’insertion, la réinsertion, la santé (domaine sanitaire, médico-social, aide à la personne…), le microcrédit, l’accès au marché du travail, l’éducation, l’énergie renouvelable, la valorisation des déchets, la protection de l’environnement, le BTP, l’agriculture, le commerce, la vie locale, le tourisme, la culture (activités artistiques), le sport, l’activité bancaire, l’assurance des personnes et des biens, le travail social, la solidarité internationale, etc.

En Haïti, aujourd’hui il existe diverses initiatives collectives et populaires qui peuvent être assimilées à l’économie sociale et solidaire telles les associations, les mutuelles, les caisses populaires, les caisses d’épargne, etc.

La précarité des conditions de vie des Haïtiens a permis la mise en commun de leurs ressources en vue de la résolution des problèmes collectifs.

Le plus souvent, ces organisations de type ESS sont un moyen de survivre à la misère, un instrument de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale dans les pays pauvres.

Malgré tout, les structures d’ESS font toujours face à des problèmes majeurs dans leur fonctionnement du point de vue de l’incertitude du contexte économique et aussi à des complexités législatives et réglementaires.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: Université Grenoble Alpe - Faculté d’économie - Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Master II Économie des Organisations
Auteur·trice·s 🎓:
Pierre-Volvique JEAN

Pierre-Volvique JEAN
Année de soutenance 📅:
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