Le comportement de consommation des jeunes vis-à-vis de l’alcool

Le comportement de consommation des jeunes vis-à-vis de l’alcool

C. Marketing du vin pour le jeune adulte : évolution d’une segmentation à part entière

«Les jeunes sont l’avenir du vin, reconnaît Robert Beynat, commissaire général de Vinexpo. Mais ils sont mal connus des professionnels. »44.

Pourtant dans d’autres secteurs, il s’agit d’un segment particulièrement dynamique. Depuis les années 1968, la génération « jeune » a commencé à être prise en compte. On remarque, alors une mode adolescente et jeune adulte qui n’existaient pas avant – on passait directement de l’enfance à l’âge adulte. Ces « jeunes » d’aujourd’hui correspondent à une génération entière qu’on appelle la génération « Y » pour les personnes nées entre 1977 et 1995 et la génération « Z » pour les personnes nées après 1996.

« Une génération correspond à une période de renouvellement des hommes estimée généralement à trente ans. La génération se caractérise par trois dimensions : une mémoire collective qui renvoie à l’ensemble des expériences vécues par un groupe d’individus »45.C’est pourquoi au niveau du vin, cette génération a ses propres habitudes et ses attentes qu’il la caractérise. Nous les caractériserons au niveau du comportement de consommation.

45 Lorey Thierry, Cailleba Patrice, « Le concept de génération : application aux représentations du vin en France sur 4 générations », Marketing et Génération, spécial RAM 2010.

46 « Pourquoi et comment innover dans un secteur traditionnel comme le vin ? Entretien Nicolas Gailly, directeur général de Barton et Guestier et Benoît Lesueur directeur commercial France de cordier et mestrezat grands crus » Décision Marketing, N°60, Octobre-Décembre 2010

Pourtant, Benoît Lesueur, directeur commercial France de Cordier et Mestrezat Grands Crus, dans une interview pour Décision Marketing46, explique qu’il ne faut pas segmenter le secteur selon l’âge car le marché ne serait pas fait pour cela. Il insiste en expliquant que les jeunes consomment « surtout une bouteille de Coca avec leur pizza », que pendant des soirées ils boivent uniquement de la vodka, du whisky et du Red Bull. Il faudrait, selon lui, attendre dans les 30-35 ans pour que l’intérêt du vin commence.

Cette affirmation est très stéréotypée, réductrice et fausse. Comme nous l’avons vu précédemment, les jeunes consomment du vin mais différemment de leurs parents. Il ne s’agit pas d’une boisson pour tous les jours mais plus qualitative, plus pour les occasions exceptionnelles, les fêtes etc…

Avec ces allégations, on peut citer une nouvelle fois Robert Beynat : les jeunes « sont mal connus des professionnels ». On comprend alors mieux ce qu’il voulait dire. Les professionnels ne connaissent absolument pas les jeunes mais les rangent dans un segment non-consommateur s’y intéressant qu’à leurs 30 ans. C’est pourquoi, il faut analyser ce segment et leurs attentes en matière de vin mais aussi d’autres alcools car il s’agit d’une génération délaissée par le vin, qui ne demande qu’à s’y intéresser.

L’analyse doit d’abord porter sur leur comportement de consommation (1) qui établit des occasions de boire mais aussi des différences avec leurs aînés. Cela entraîne alors un comportement d’achat (2) différent qui permet de classer les jeunes comme de véritables clients.

1. Le comportement de consommation des jeunes vis-à-vis de l’alcool et surtout du vin

Avant de s’intéresser au milieu du vin, regardons la génération « Y » qui est un segment de consommation à part entière. En effet, il s’agit d’une génération qui connaît une crise identitaire face aux crises économiques et sociales depuis sa naissance. Aujourd’hui, ce segment est entre l’adolescence et l’âge adulte, celui-ci étant plus difficile d’accès de nos jours. En effet, le rallongement des études, la montée du chômage, la difficulté de logement, le retard du premier enfant etc… perturbe le cycle de vie traditionnel qu’ont connu les générations précédentes.

De plus, ils ont grandi dans une situation familiale non traditionnelle, ils ont de moins en moins de frères et sœurs, les deux parents travaillent ou sont en famille monoparentale. Mais aussi, ils sont devenus plus rapidement responsables, écoutés et indépendants. Les parents de cette génération sont pour la plupart de la « génération 68 », ils donnent donc plus de place à leur enfant et le traite assez vite comme un adulte ou du moins un individu à part entière.

Ce groupe est très difficile à décrire. Il est très individualiste, revendicateur et pourtant répond aux sollicitations des réseaux sociaux ainsi qu’au marketing tribal avec entrain. Le lien familial se désagrège mais pas le lien social. On se rassemble donc plus avec ceux qui nous ressemblent qu’avec les liens familiaux.

Dans cette génération, on peut parler du phénomène de l’adulescence. Il s’agit de jeunes adultes qui ont une certaine nostalgie de l’enfance et ne veulent pas rentrer dans l’âge adulte. Ce phénomène est observé depuis les années 1990 et les adulescents sont de plus en plus nombreux. La perte des valeurs traditionnelles (comme la famille), la fin du progrès (comme l’apparition du chômage de masse) et les diverses crises que l’on rencontre font que ces personnes préfèrent rester dans l’insouciance de leur jeunesse.

Les adulescents ont, selon Corinne Maillet47, un profil de cadre, célibataire et citadin, surtout dans des pays développés. Il est intéressant de voir qu’il s’agit d’une nouvelle phase dans la vie par l’augmentation du retard de l’entrée dans l’âge adulte avec l’allongement des études etc…

Les adulescents aiment les marques et sont pourtant très volatiles avec celles-ci. Ils aiment le design, la nouveauté et connaissent très bien le marketing et la publicit é. Ainsi, avec ce phénomène qu’on ne peut ignorer de nos jours, la question de l’alcool est donc très importante. On peut penser qu’il est moins présent dans les habitudes alimentaires de ces consommateurs. Pourtant, on peut considérer qu’ils consomment plutôt comme des adolescents, c’est-à-dire des alcools forts mélangés, peu de vin ou en apéritif, seulement.

C’est un consommateur très exigeant : volatile, se lassant très vite, demandant de la nouveauté et de l’expérience. Il est aussi très informé, il vient de l’ère internet et a une connaissance poussée de la technologie. Ainsi, c’est un consommateur peu prévisible et peu fidèle aux marques – bien qu’elles en soient appréciées.

La marque est également vecteur de rassemblement, le « brand community ». On peut voir des réunions effectuées grâce aux réseaux sociaux autour de la marque. Ainsi, sur Facebook, la marque Nike a invité ses membres de la page officiel de se retrouver devant un stand de hot-dogs sur Time Square pour obtenir le nouvel ensemble sportswear gratuitement. Cette manifestation a eu un vif succès au niveau des membres mais a eu aussi des grandes répercussions pour la marque au niveau de sa cote de sympathie et des ventes.

47 « Le marketing adulescent, comment les marques s’adressent à l’enfant qui sommeille en nous », Corinne Maillet, Village Mondial, 2005.

Ce consommateur aime le politiquement incorrect mais suit la mode. C’est pourquoi il consomme des boissons alcoolisées branchées comme les cocktails ou encore les alcools aromatisés. L’alcool est un objet de rassemblement qui possède également des rituels générationnels.

Platon déclarait qu’il ne faut pas consommer du vin avant 18 ans et boire en modération jusqu’à 30 ans. Seulement, à partir de 40 ans, le vin constituait un remède contre certaines maladies48. Ainsi, dès le début, les jeunes se trouvaient écarter du monde du vin. Boire pour un jeune est donc un acte transgressif que ce soit en Grèce antique ou de nos jours.

Ainsi, la consommation d’alcool et surtout de vin est un fait générationnel. La représentation du vin est différente de nos aînés. Ainsi, la dimension culturelle du vin en tant que symbole de la culture française continue d’être partagée par cette génération. Cependant, les liens avec le terroir, la religion ou l’histoire s’effacent contrairement aux aînés49. Le vin renvoie, également, à un « univers du luxe inaccessible »50, du fait de sa complexité dans la compréhension des mentions.

49 Lorey Thierry, Cailleba Patrice, « Le concept de génération : application aux représentations du vin en France sur 4 générations », Marketing et Génération, spécial RAM 2010.

50 Lorey Thierry, Cailleba Patrice, « Le concept de génération : application aux représentations du vin en France sur 4 générations », Marketing et Génération, spécial RAM 2010.>

On peut voir des différences de fréquence de consommation. Tout d’abord, les jeunes commencent tardivement à boire du vin. Généralement, il débute avec la consommation d’alcool pour 43% d’entre eux et seulement 24% en consomment depuis qu’ils sont petits51.

En effet, seulement 35% des moins de 35 ans consomment hebdomadairement du vin contre 62% pour les plus de 45 ans. De plus les non-consommateurs de vins sont 14% pour les moins de 35 ans contre 9% pour les plus de 35 ans52. Cette différence est surement liée à l’éducation du vin qui n’a pas encore commencé chez cette génération. Les chiffres de l’étude réalisée au cours de ce mémoire sont légèrement en hausse bien qu’ils appuient les mêmes conclusions. Les non-consommateurs seraient seulement de 4% et les consommateurs hebdomadaires seraient de 36%.

Figure 3 : Les jeunes commencent plus tard la consommation de vin.

Les jeunes commencent plus tard la consommation de vin

Source : Enquête réalisée au cours de l’étude.

De plus, les campagnes contre l’alcool en général ont émergé avec ces jeunes adultes.

Ils sont donc plus sensibles que les générations précédentes. La consommation « modérée » a donc toujours été dans leur esprit. Mais aussi, le revenu reste encore assez faible pour qu’ils consomment du vin toutes les semaines. La consommation de vin correspond donc à des moments exceptionnels comme les fêtes en famille ou entre amis. 96% des jeunes personnes interrogées boivent du vin au cours des repas familiaux ou entre amis, 75% en soirée, 52% pour les apéritifs et 65% pour les grandes occasions.

Ces chiffres montrent que, comme toutes les générations, le vin reste un catalyseur de relations sociales et de convivialité puisque seulement 6% boivent seul chez eux.

La consommation varie en fonction de l’âge. L’évolution gustative se réalise plus on prend de l’âge. Ainsi, lors de l’adolescence, l’alcool est représentatif d’une transgression vis-à-vis des parents. La personnalité se construit alors avec des alcools forts et souvent une consommation excessive pour tester ses limites.

Vers 20-25 ans, la consommation se transforme avec l’entrée du vin dans la consommation. Il y a d’ailleurs d’avantage de modération au niveau des volumes de consommation. Plus tard, dans les trente ans, la consommation se stabilise. Il s’agit de l’entrée dans l’âge adulte. C’est pourquoi l’enquête à montrer que 75% des jeunes adultes se considèrent débutant ou moins que cela en matière de vin. En effet, l’entrée du vin a été faite mais elle n’est pas encore stabilisée.

L’institut BVA a réalisé plusieurs profils des jeunes adultes selon leur consommation de vin53 et regarde aussi certaines actions à mener :

Les 14% de non-consommateurs sont le véritable enjeu, puisqu’il va falloir les convaincre de boire modérément, leur donner envie de connaître la culture du vin et son goût ainsi que leur créer des occasions de déguster.

Les 18,6% qui consomment très régulièrement du vin sont les consommateurs qui aiment la cuisine. Ils débouchent une bouteille dès qu’ils le peuvent et voient le vin comme un véritable plaisir. Ce sont alors de véritables connaisseurs.

Les 24,4% des consommateurs mensuels sont les plus âgés souvent cadres et avec une famille. Leur consommation se réalise surtout au moment des évènements de convivialité avec des amis. Ils sont peut connaisseur mais aiment découvrir.

Les 11,5% des consommateurs qui boivent rarement sont surtout des jeunes diplômés qui entrent dans la vie active. Leurs occasions sont également dans des moments de convivialité, au repas ou apéritif. Ils sont alors en pleine éducation en matière de vin.

Egalement, en Espagne puis depuis quelques temps en France, un cocktail permet une certaine désacralisation de la consommation de vin traditionnelle. Le Kalimotxo – dit Kalimotcho – est un cocktail moitié vin et moitié Coca-Cola, apparu il y a trente ans au pays basque espagnol. Ce cocktail est exclusivement consommé par les 15-25 ans. Cette boisson est réellement paradoxale puisqu’elle fait coexister le vin, image de terroir et de région et le Coca-Cola représentant la modernité et la mondialisation.

Cette boisson s’inscrit dans la première phase de consommation qui est dans la transgression des codes du vin que les parents ont pu éduquer à leurs enfants. Il y a donc une recherche de liberté mais aussi une notion plus ludique. Il permet de rapprocher le vin des jeunes consommateurs, avec un goût plus sucré. Il s’agit donc d’une réelle opportunité pour les producteurs avec de nouvelles occasions de consommer et de faire découvrir le vin à un segment qui n’en consomme peu ou même pas du tout.

Le segment jeune consomme différemment de leurs aînés l’alcool. Il s’agit surtout d’une démarcation et d’une construction de la personnalité qui s’effectue en même temps. Pourtant certaines valeurs restent équivalentes ce qui prouvent que l’alcool a un rôle de fête et de lien social quelque soit la génération.

Toutefois le comportement d’achat ne peut pas être identique. En effet, le seul point de vue du niveau de vie transforme la relation avec le produit. Mais on peut encore voir des différences selon les tranches d’âge qu’il est important d’analyser.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’étiquette de vin et le comportement du consommateur
Université 🏫: Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne - Master 2 Logistique
Auteur·trice·s 🎓:
Pauline Couston

Pauline Couston
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Année 2011
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