Motivations et attentes du donateur – Typologie des donateurs

Motivations et attentes du donateur – Typologie des donateurs

2. Motivations et attentes du Donateur

a) Portrait du donateur4

« Le Donateur type a la cinquantaine passée (selon les associations, largement dépassée…), les enfants élevés, une profession agréable mais de moins en moins prenante, des revenus confortables, un niveau d’études supérieur, beaucoup d’informations sur le monde par la lecture, les journaux, la radio, la télévision, les conversations au bureau. Et le monde, si l’on en croit les nouvelles, ne va pas très bien, pense-t-il.

Tout est calme dans le voisinage et il fait beau dehors, mais si l’on regarde le petit écran, une catastrophe ne remplace un drame que pour être suivie d’un scandale.

Dans ce contexte, comment le Donateur peut-il penser qu’un chèque de 35 € à une association peut changer quelque chose à la faim dans le monde, vaincre le cancer ou le sida ou protéger l’environnement ?

Pourtant le Donateur a toujours cru qu’il fallait faire quelque chose et qu’en s’y prenant à plusieurs, en étant des milliers puis des millions à agir, cela pouvait avoir quelque efficacité.

Il croit que le futur sera exactement ce que nous en ferons et que l’on y peut quelque chose. Bien qu’étant vaguement désabusé, sceptique, méfiant, il n’a pas perdu tout espoir en l’Homme et en l’avenir.

Il lui reste un fond d’optimisme et c’est précisément pour cela qu’il va faire un don à une association humanitaire. »

Ce portrait, s’il semble correspondre à la plupart des associations, peut être nuancé compte tenu des missions des associations, de l’âge de leurs donateurs, de la structuration de leurs financements (fonds publics, privés, legs, dons en espèces, etc.).

b) Typologie des donateurs5

– Les « Eprouvés »

Ce sont des donateurs jeunes, ils ont entre (30 et 40 ans), de catégorie socio-professionnelle modeste, qui ont déjà eu à vivre de la générosité d’autrui et qui côtoient encore la pauvreté dans leur vie quotidienne. Leurs dons sont modestes, le plus souvent de la main à la main, ou en nature. Le geste de don est très peu rationalisé, il répond à une sollicitation de nature émotionnelle. Ces donateurs sont méfiants à l’égard des associations qu’ils apparent à des institutions souvent opaques.

– Les « Militants »

Ce sont de jeunes adultes qualifiés qui ont des convictions politiques progressistes, écologistes, et/ou des préoccupations spirituelles. Leurs dons sont réfléchis, programmés, souvent réguliers. Ils vont de préférence à des associations qui se positionnent comme des « contre-pouvoirs » par rapport aux institutions et à l’Etat (exemple : Greenpeace, Médecins du Monde, voire les Restaus du coeur).

4 Portrait inspiré d’une description de Gérard Gendre, « Les stratégies de la générosité », éditions Economica, Paris, 1996.

5 Etude sur « Les motivations et les valeurs associées au don », octobre 2002 – Sorgem pour l’Observatoire de la générosité de la Fondation de France.

– Les « Epargnés »

Ce sont des « baby-boomers » de 40 à 60 ans, aisés socialement et économiquement, qui se sentent privilégiés et épargnés par le sort et en conçoivent une dette (et une culpabilité) à l’égard des moins favorisés. Leur don est motivé par le souci de préserver un équilibre perçu comme instable entre les pauvres et les riches, le Nord et le Sud….Leurs dons sont le plus souvent réguliers et vont en général à plusieurs associations, perçues à la fois comme relais et palliatif aux insuffisances de l’Etat.

– Les « Généreux »

Ce sont le plus souvent des seniors de catégorie socio-professionnelle supérieure, parfois retraités, qui conçoivent le don comme une forme de générosité, de responsabilité et de libéralité qui découle de leur statut social. Leurs dons peuvent être très importants (allant jusqu’à plusieurs ou dizaines de milliers de francs). Ici aussi les causes et associations aidées sont souvent multiples, ou regroupées sous l’égide de la Fondation de France dont la vocation « multicauses » est perçue favorablement par ce profil de donateurs. L’acte de don est rationnel, planifié, il s’inscrit dans une praxis choisie ou héritée, la tradition familiale étant un facteur déterminant dans le comportement de ce type de donateurs.

c) Des comportements et des attentes différents entre les « anciens » et « nouveaux » donateurs

Les « anciens », âgés de 65 ans et plus, font partie d’une génération pour laquelle le don fait partie de leur culture (religion, militantisme, etc.), et qui existent dans un groupe, une communauté, une famille. Ils témoignent d’une grande culture de l’engagement.

Les « nouveaux » donateurs , les 600 à 850.000 papy-boomers qui seront à la retraite dans les prochaines années, ont une démarche différente. En effet, leur démarche est plus individuelle : ils se définissent par rapport à un projet ou des valeurs portées par l’association. Leur choix correspond alors aux valeurs qu’ils souhaitent afficher dans leurs relations sociales. A ce propos, Laurent Terrisse indique qu’ « il faut que cet engagement fasse partie d’un enrichissement personnel permettant de développer leurs alliances dans la Société »6.

Comportement de ces « nouveaux » donateurs – « La consommation identitaire » 7Une des conséquences importante de l’individualisme est que l’individu postmoderne, devenu son propre Pygmalion, se trouve dans une incessante quête identitaire, une quête de sens à donner à sa vie. Il se construit et construit sa vie comme un ouvrage d’art ; ce qui conduit à une esthétisation du quotidien et à une esthétisation de la consommation (Featherstone, 1991).

En l’absence de référents traditionnels ou modernes, conséquence de la décomposition des communautés traditionnelles et agrégations modernes, l’individu se retourne vers les objets et les services, c’est-à-dire le système de consommation, pour se forger une identité. Il a «soif de valeurs» (ou «soif d’idéal» comme le dit la chanson), et cette soif de valeurs parait être la conséquence d’un «manque de communauté».

Le système de consommation devient ainsi central à l’existence de l’individu (Firat et Venkatesh, 1993), et les produits représentent de véritables hybrides sociaux, quasi- objets et quasi-sujets (Latour, 1991), qui viennent de plus en plus remplacer l’autre (humain) dans le processus de création identitaire.

Dans le même temps, des pans entiers de la vie, hier abrités de la sphère marchande, deviennent aujourd’hui des produits et des services monnayables ; en conséquence, en payant, l’individu postmoderne peut se construire une identité à coups de symboles et référents culturels (pièces de théatre, expositions, films, livres…), de référents humanitaires (Médecins Sans Frontières, Bosnie, Somalie…), mais aussi de référents sportifs (la tenue complète du supporter de l’OM), et, en fait, de tous les référents possibles, puisque dans un univers postmoderne où règne l’éclectisme et la confusion des valeurs, «tout est bon» à prendre et à assembler selon son libre-choix.

Le lien importe plus que le bien.

En d’autres termes, l’individu postmoderne valorise autant les aspects sociaux de la vie («le retour de l’amitié», «les nouvelles familles : les copains», «les potes d’abord», titre la presse grand public) que la consommation, l’utilisation ou la possession de biens et services. Sont valorisés essentiellement les biens et services qui, de par leur valeur de lien, permettent et facilitent l’interaction sociale .

Ceci semble d’autant plus vrai pour les nouvelles générations qui n’ont pas connu «l’avant», c’est-à- dire la société d’avant l’individualisme et qui recherchent, parfois avec beaucoup de nostalgie, à redécouvrir le sentiment communautaire (cf. les grandes qualités d’aptitudes relationnelles dont les adolescents d’aujourd’hui parent leurs grands-parents et qu’ils recherchent chez eux, selon Chalvon- Demersay, 1994, p. 74).

La conséquence pour la consommation peut être importante. Il y pourrait y avoir baisse de la consommation des produits et services qui isolent et mettent à distance et montée de ceux qui relient et rapprochent.

d) Motivations et freins associés au don8

Les motivations incitant au don relèvent d’une alchimie entre la passion, la raison et l’éducation et si on ne note pas d’écart significatif selon l’âge, l’appel au don doit cependant être adapté à l’âge des interlocuteurs.

Ainsi, les plus jeunes vont agir plutôt par coups de cœur tandis que les plus âgés vont plutôt privilégier les actes réfléchis.

Les motivations et freins au don font apparaître des éléments transversaux aux différents profils de donateurs et des spécificités propres à chaque « type ».

Les éléments transversaux traduisent la complexité des phénomènes du don

Dans la plupart des cas, les donateurs ne considèrent pas le « don » comme un terme adéquat pour évoquer le geste qu’ils font. En effet, la réalité décrite est très différente selon qu’il s’agit d’un don en nature, de la main à la main, d’un don d’argent par envoi de chèques aux associations ou de bénévolat. Dans tous les cas, le terme de « don » est jugé trop fort, le terme « d’aide » lui étant préféré.

Parallèlement, le terme de « charité » est fortement rejeté dans la mesure où il met en jeu une relation dissymétrique entre le donateur et le bénéficiaire, alors que le don, tel qu’il se pratique aujourd’hui, repose presque toujours sur la volonté de restaurer l’égalité ontologique entre les hommes.

Le processus du don se joue à plusieurs niveaux :

  •  un niveau socio-politique et des représentations implicites ou explicites du lien social
  •  un niveau économique, celui de l’échange et de son dépassement par l’absence de contrepartie,
  •  un niveau éthique – le rapport à autrui comme alter ego-
  •  et parfois un niveau spirituel ou religieux.

Selon les interviewés, ce sont tantôt l’une ou l’autre, ou plusieurs de ces dimensions, qui sont privilégiées, et il est fréquent qu’elles soient imbriquées. En particulier, les croyants non pratiquants reconnaissent souvent une influence diffuse de l’éducation religieuse, tout en invoquant des motivations plus explicites de nature sociale.

Il faut distinguer les motivations profondes du don et le passage à l’acte, celui-ci n’étant pas également rationalisé chez tous les donateurs. Il n’est pas rare que les priorités ou intentions de don déclarées à telle ou telle cause ne coïncident pas avec les dons réels, ceux-ci pouvant être déterminés par l’occasion, la sollicitation (un mailing, une journée d’action, un événement médiatique, la sollicitation d’un proche…).

Enfin, il est utile de signaler qu’il n’y a pas de freins de principe à l’égard des comportements de don. L’injonction sociale au don est trop forte pour que de tels freins s’expriment de manière explicite et assumée (personne ne se dit hostile au don).

– Les freins au don

Les freins exprimés par les non-donateurs sont donc, d’une part des freins contingents, d’autre part des freins « passifs » liés au manque d’implication des interviewés à l’égard de cette injonction.

Les freins contingents sont liés à l’idée d’une opacité de gestion des fonds des associations (cf. scandale de l’Arc même si l’on pense en général qu’aujourd’hui les associations sont « mieux contrôlées ») et à l’idée de sur-sollicitation des médias : les travers du « charity- business ».

Parmi les freins passifs, on retrouve souvent les suivants : l’argument du passager clandestin (je ne donne pas parce que d’autres le feront à ma place), le sentiment de dilution du don, la difficulté d’arbitrer entre les causes (tout est urgent, donc rien ne l’est), le sentiment d’être déjà libéré de la dette sociale par un don antérieur, ou par l’impôt.

– Les valeurs associées au don

Les valeurs associées au don aujourd’hui de façon consensuelle mettent en jeu un présupposé, l’égalité de droits entre citoyens (d’une même nation, ou du monde). Le don apparaît comme une volonté de restaurer cette égalité de condition face à l’injustice du sort : pauvreté, maladie, catastrophes naturelles, naissance dans un pays sous-développé… Les valeurs les plus transversales aux différents profils de donateurs sont la solidarité et l’entraide, qui découlent de cette égalité.

Les valeurs plus spécifiques à un profil (cf. détail des profils-types ci-dessus) sont les suivantes :

  •  La citoyenneté active chez les « Epargnés » et les « Généreux »
  •  La générosité, la libéralité, la responsabilité sociale chez les Généreux
  •  La responsabilité planétaire chez les « Militants »
  •  Le sentiment de mutualisation de la dette chez les « Eprouvés »

Il s’agit donc de valeurs essentiellement laïques même si, paradoxalement, la plupart des donateurs reconnaissent l’influence d’une éducation chrétienne, et de l’exemple de leurs proches (parents, amis…)

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