Les scandales financiers dans le secteur associatif français

Les scandales financiers dans le secteur associatif français
3. Les scandales financiers

«L’industrie du don» s’est particulièrement développée dans les années 1980. Des sommes d’argent considérables sont récoltés chaque année. Entre 1985 et 1998, les ressources drainées par les ONG sont passées de 198 Millions d’Euros à près de 534 Millions. En 1999, les ressources collectées étaient estimées à 665 Millions d’Euros, dont 407 Millions de dons privés23. Inévitablement, il y a eu quelques détournements personnels, gaspillages et usages détournés.

a) Le détournement d’argent au profit d’individus

En 1985, l’affaire Crozemarie bouleversait le secteur associatif bénéficiant de la générosité du public : la France apprenait que l’homme à la blouse blanche (qui n’avait jamais été médecin) venait de se faire épingler pour détournement d’argent.

Celui-ci confiait ses campagnes de communication à la firme International Development, qui surfacturait ses services et reversait aussitôt des salaires indus à la société du patron de l’ARC.

En 1996, le rapport de la Cour des comptes indiquait que seuls 26% des dons pour la recherche parvenaient effectivement aux scientifiques, ce qui représente au moins 300 millions de francs détournés.

Avec cet argent, Monsieur Crozemarie a pu financer sa piscine privée, son matériel vidéo sophistiqué, la climatisation de l’une de ses villas, sans oublier l’aménagement de son appartement à Villejuif, ses voitures de fonction, ses voyages en avion, ainsi que les salaires de ses domestiques et de ses maîtresses…

Du côté des donateurs, et du secteur associatif, le scandale a fait place à l’indignation et les donateurs ont vu leur confiance trahie. Pour cette raison, le secteur associatif faisant appel à la générosité du public qualifie le scandale de fait structurant dans l’établissement d’une nouvelle relation entre associations et donateurs (cf. étude de Weil Opinion sur la confiance).

b) Les détournements d’argent au profit de l’association

Les difficultés que rencontrent nombres d’associations pour financer leur frais de fonctionnement peut entraîner des dérives ou « arrangements » comptables. Il peut en effet arriver que certaines associations, déclarant utiliser 80% des dons pour le terrain, « maquillent leurs comptes » pour faire correspondre la réalité avec le discours. Par exemple, le salaire des coordinateurs de mission qui travaillent au siège peut être réparti sur le différentes missions auxquelles ils sont affectés ou sur les frais de structure.24

Ainsi, Handicap International fait figurer, sur son site Internet, sur une page accessible en cliquant sur l’onglet « Dépenser pour agir », fait figurer la répartition suivante pour un don de 100F :

  •  71,21F : réalisation de programmes
  •  12,96F : appel et gestion des dons
  •  7,90F : gestion de l’association
  •  4,38F : animation et vente des produits
  •  2,24F : information des médias et de l’opinion
  •  1,30F : soutiens et provisions

Nous remarquons alors que la sacro-sainte règle des 20% des fonds affectés au fonctionnement et 80% à la réalisation des actions n’est pas respectée.

Cependant, compte tenu des actions menées par l’association et de la qualité de services que celle-ci fournit, elle peut se permettre d’afficher certaines dépenses, notamment en terme de représentation publique.

Il peut aussi y avoir des usages détournées «moins moraux» parce que beaucoup plus orientés. On peut citer, à titre d’exemple, l’affaire Raoul Follereau, révélée par l’IGAS (Ministère des Affaires Sociales) en 2001 et rapidement relayée par les médias. D’après ce rapport, l’association offrait des aides financières sans lien avec la lèpre à des églises en Afrique, subventionnait des cardinaux conservateurs au Vatican et réalisait des investissements dans des plantations de palmiers en Côte d’Ivoire.

D’après Rony Brauman, il semblerait que dans le milieu humanitaire, ces pratiques aient été connues depuis des années25 .

c) Les détournements d’argent «pour la bonne cause»

Sans que l’argent de la générosité du public soit utilisé aux fins personnelles de quelques- uns, il arrive parfois qu’il soit détourné de son usage premier pour des raisons plus ou moins morales.

Ces dérives s’expriment le plus souvent par des maquillages comptables. Des associations peuvent ainsi, selon les périodes, transférer «pour la bonne cause» une partie de l’argent récolté pour des crises médiatiques vers des crises oubliées.

Une partie de l’argent donné pour le Burundi pourra ainsi passer en Afghanistan, ou l’inverse, en fonction du baromètre médiatique. «Nous savons que nous n’avons pas le droit, mais nous n’avons pas le choix…» a lancé un dirigeant d’une grosse association humanitaire, basée à Paris, aux envoyés de la Cour des Comptes venus inspecter ses livres comptables.26

Cette pratique tend à combler les lacunes et les dérives de la médiatisation et de la politique dans le souci de traiter équitablement les victimes. Afin de régulariser cette pratique, Handicap International informe ses donateurs que leur argent sera destiné en priorité à l’action pour laquelle ils ont donné, mais que dès que le budget nécessaire à la réalisation de cette action serait atteint, le reste serait réorienté vers des actions plus défavorisée en terme de dons.

Ainsi les dons pour l’Inde, toujours surnuméraires, sont en grande partie réorientés vers le Mozambique ou autres pays moins «vendeurs».

F

Certains modes de fonctionnement présentés dans cette partie peuvent, pour certains, être considérés comme des dérives auxquelles les associations doivent remédier, ce à quoi, d’après nos sources, celles-ci travaillent, soit en interne, soit par le biais de groupes de recherche.

Dans cette partie, nous avons identifié certaines dérives ou risques de dérives relatifs au bon fonctionnement des associations. Généralement ces dérives restent méconnues du grand public, mais lorsque celles-ci peuvent faire scandale, elles sont rapidement relayées par les médias.

Finalement, ces dérives – détournement d’argent au profit d’individus mis à part – sont en fait des contraintes de fonctionnement justifiables vis à vis des donateurs.

Dans ce cadre, nous comprenons donc l’importance d’ouvrir des espaces de dialogue entre donateurs et associations. L’information de ceux-ci sur ces sujets doit être pensée au regard des profils et comportements des donateurs identifiés au chapitre 1.

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