Les rumeurs et l’atteinte à l’image d’une firme et d’un produit

Les rumeurs et l’atteinte à l’image d’une firme et d’un produit

• Porter atteinte à l’image d’une firme : cas Procter & Gamble

Depuis 1981, Procter & Gamble reçoit plusieurs milliers d’appels téléphoniques par mois, émanant de consommateurs inquiets : ils veulent savoir si la société a des liens avec Satan, comme le prétend une rumeur.

Selon celle-ci, le symbole visuel de la société, un visage d’humain contemplant une myriade d’étoiles, cache en réalité de nombreux sites sataniques. Pour prospérer en affaires, l’entreprise aurait pactisé avec le diable et verserait 10% de ses bénéfices à une secte satanique. Choqués, de nombreux groupes prônèrent le boycott des produits portant le logo.

Cette rumeur est à rapprocher de celles qui prétendent que les stars le sont devenues grâce au diable. Parties à l’époque où les pratiques magiques étaient très en vogue, disons prudemment des années 40 à Hollywood jusqu’à la fin des années 70 un peu partout dans le monde, ces rumeurs partent du postulat que le diable existe et qu’il accorde des privilèges à ses adeptes.

Ceux-ci, en échange de leur âme ou de sacrifices divers, réussissent particulièrement bien dans leur domaine et en retirent amour, gloire, richesse… C’est pourquoi Madonna ou Bill Gates sont des disciples du démon : s’ils ne l’étaient pas, on ne les connaîtrait pas ! J’ai été personnellement incapable de répondre efficacement à cet argument qu’une amie convaincue m’a un jour opposé.

En ce qui concerne Procter & Gamble, la société décida de retirer le logo, prétendument symbole de satanisme et de culte du démon, des emballages de ses produits. Mais, alors que ces stratégies réussirent relativement bien à court terme, Procter & Gamble, continue à ce jour de recevoir des questions de consommateurs inquiets.

Au cours de ces dernières années, Procter & Gamble a répondu à environ deux cent mille appels et lettres au sujet de ces fausses rumeurs et a même déposé plainte contre un de ses concurrents suspecté d’avoir joué un rôle dans la diffusion de la rumeur : Amway Corporation.

Dans ce cas particulier, la rumeur subsiste encore dans l’esprit des consommateurs malgré les années. Ce cas soulève une interrogation : quand la rumeur devient légende, peut-on encore la contrer ?

• Porter atteinte à l’image d’un produit : cas Perrier

L’affaire du Benzène dans les bouteilles d’eau gazeuse montre comment l’exploitation d’une faille dans la sécurité de l’information peut, en quelques jours, infliger des pertes financières énormes à une entreprise saine. Elle montre également comment l’utilisation intelligente du système de communication a permis à Perrier de contrer cette attaque.

Une rumeur circulait selon laquelle boire du Perrier provoquait des cancers.

Le PDG, Gustave Leven, adopte une stratégie de contre-information très efficace. Il annonce le retrait mondial de toutes les bouteilles et joue sur la transparence : les tests en interne prouvent que la source n’est pas en cause; il s’agit d’une erreur humaine que Perrier assume; l’entreprise supportera le coût du retrait des cent soixante millions de bouteilles, soit 400 millions de francs16.

Cette annonce est relayée par le Professeur Jean François Girard, Directeur Général de la Santé : « La consommation quotidienne d’un demi litre de Perrier pendant trente ans n’augmenterait que d’un millionième le risque d’apparition d’un cancer […]. La décision de retrait des eaux Perrier ne correspond nullement à une mesure d’ordre sanitaire. » Suite à ces annonces, l’action de l’entreprise remonte de 6,5%.

Ce cas rend compte de la puissance négative qu’une rumeur peut avoir. Celle-ci aura coûté à Perrier plusieurs centaines de millions de francs. On note aussi l’efficacité de la contre-information, stratégie indirecte ciblant l’opinion publique partiellement informée et manipulable, ou les relais d’opinion.

Nous commençons aussi à percevoir qu’une rumeur peut cacher de gros intérêts financiers.

• Manipulation de cours de bourse

La bourse est l’un des secteurs qui fait le plus l’objet de rumeurs, notamment sur Internet. Jean-Noël Kapferer dit à ce propos : « C’est normal. Le fonctionnement de base de la Bourse, c’est le tuyau, une information rare, valable dans une période de temps limité.

La Bourse devenant de plus en plus un marché de novices, le réseau est important car les personnes qui veulent s’y initier ne sont pas des experts. Ce qui ennuie la COB17, c’est que les tuyaux peuvent tourner en manipulation. » 18

Des porteurs d’actions se prêtent à ce jeu sur les forums de discussion pour influer le cours de leurs actions. Les entreprises cotées sont très sensibles aux rumeurs. En août 2000, l’entreprise Emulex, spécialisée dans les télécommunications par fibres optiques, a perdu en une heure 60% de sa valeur boursière suite à un faux communiqué de presse publié sur Internet annonçant le départ du PDG.

Autre cas célèbre : Bloomberg. En 1999, un site imitant celui de l’agence d’informations financières annonce une fusion entre deux entreprises. En une matinée, la cotation de l’entreprise « rachetée » grimpe de 31%.

Malgré le démenti rapide de Bloomberg et l’action en justice introduite par la SEC19, la rumeur a durée plusieurs semaines. A son origine : un employé de cette entreprise. La manipulation d’informations financières est devenue courante sur le Web, au point que la SEC a créer une unité spéciale d’investigation.

Autre exemple, elle a porté plainte contre un site financier, eConnect, qui aurait réussi à faire monter le cours de ses actions de 1,39 à 21,88 dollars en dix jours grâce à de faux communiqués annonçant un partenariat commercial.

16 60 millions d’euro

17 Commission des Opérations de Bourse

18 Journal du Net, 28 février 2001

19 équivalent américain de la COB

En France, le premier cas d’attaque via Internet est celui de Belvédère. En 1998, ce fabricant de bouteilles de vodka haut de gamme, coté au Nouveau Marché, s’oppose au groupe de distribution Phillips Millennium sur la propriété de brevets commerciaux.

L’enjeu concerne notamment le marché américain, avec six cent millions de bouteilles par an. Millennium lance une offensive par le biais d’un site. Il y est déclaré, arguments à l’appui, que Belvédère communique des informations erronées et partielles.

En présentant ses dénonciations sous un angle juridique, donc inattaquable et crédible, le site parvient à semer le doute auprès des actionnaires et des journalistes, qui relaieront les arguments dans leurs articles. Le titre Belvédère plonge, perdant en une séance 38%, et la COB ouvre une enquête.

Un an plus tard, celle-ci blanchit la société Belvédère et transmet le dossier à la justice. Ce n’est qu’en décembre 2001 que la fin de l’affaire est annoncée par Belvédère. L’entreprise a compris la leçon et annonce : « Toute notre politique sera lisible à travers notre communication, en particulier sur le nouveau site internet financier opérationnel courant janvier 2002. »20

Toutes ces rumeurs ont contribuées à créer le sentiment qu’il ne faut rien croire de ce qu’on dit des entreprises sur Internet. Et finalement, une nouvelle rumeur s’est créée, selon laquelle une poignée de personnes – financiers omnipotents, juifs sournois ou même franc-maçons selon les sources – manipulerait toutes les informations liées à la bourse.

On retiendra de ces exemples que sur les sujets sensibles, les rumeurs sont faciles à créer, et difficiles à stopper.

• Autres cas

La société TotalFinaElf a fait les frais, en 2000, d’une rumeur malveillante. Un message, qui prétendait informer les internautes sur « comment la multinationale pétrolière responsable de la marée noire tente d’étouffer l’expression citoyenne », offrait la retranscription d’e-mails compromettants, échangés entre cadres dirigeants du groupe pétrolier. Il a fait le tour de la planète.

On y discutait des moyens de contrer la menace de boycott qui pèse sur l’entreprise en ayant recours aux Renseignements Généraux ou à la Justice. Plusieurs chaînes de télé et plusieurs journaux se sont fait piégés : ils ont relayé l’information en toute hâte. Or tout était faux, ce qui fût mis en évidence grâce aux adresses e- mail toutes erronées des cadres cités.

20 Voici ce qu’on peut y lire en guise d’accueil : « Qui doute encore de la puissance du réseau internet ? […] Le Groupe Belvédère et l’ensemble de ses actionnaires peuvent témoigner de la force destructrice de ce médium lorsque ses intentions sont spoliatrices. […] Grâce à la «Toile», Belvédère veut entretenir un contact permanent avec ses actionnaires. www.belvedere.fr se veut un espace d’échange et de communications. Nous vous devons un site agréable (belvédère !), une information complète, sincère, claire et accessible rejoignant en cela les recommandations d’Euronext. Nous souhaitons en échange découvrir vos points de vue (belvédères !), vos critiques constructives, vos analyses souvent pertinentes. Le forum des partenaires que nous mettons à votre disposition promet une forte animation. […] », http://www.belvedere.fr/

En 1976, un prospectus injustement attribué à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif dénonçait le caractère cancérigène de plusieurs additifs alimentaires, faisant peser des soupçons sur des produits anodins.

Au milieu des années 80, le prospectus de Villejuif circulait encore. Récemment, ce tract est réapparu sous forme d’e-mail. Jean-Noël Kapferer commente ainsi ce cas : « Il n’y a pas de fumée sans feu. C’est le signe d’un profond trouble alimentaire à l’heure actuelle dans la population. Le problème des additifs alimentaires avait totalement disparu.

J’ai beaucoup travaillé sur le tract de l’hôpital de Villejuif de 1977 à 1985. C’est exactement le même tract qui est diffusé aujourd’hui sur Internet. La marque Banga y est encore mentionnée. Or, à l’époque, elle était leader sur le marché. Ce qui n’est plus le cas… D’un seul coup, les rumeurs reviennent, alors que l’actualité parle de fièvre aphteuse et d’encéphalite spongiforme bovine. Avec cette rumeur, on réanime donc une sensibilité actuelle qui est très forte. Le sujet regagne de la pertinence. » 21

En Egypte, une rumeur affirmait que lire Coca-Cola à l’envers en arabe signifiait : « Non à Mahomet, non à La Mecque » à cause de la graphie particulière employée pour le logo de la marque. Les responsables de la marque ont fait appel au grand mufti, la plus haute autorité religieuse. Il a décrété que Coca-Cola ne diffamait pas l’islam, et qu’il manquait une lettre pour que l’affirmation soit exacte.

Cette rumeur aurait pu nuire aux ventes de la firme en Égypte. McDonald’s a été suspecté d’utiliser des vers pour relever le taux de protéines de ses hamburgers. Cette rumeur avait déjà atteint Wendy’s, un de ses concurrents, entraînant des pertes de 30% sur les ventes.

Les bonbons pétillants Pop Rocks Crackling Candy de General Foods étaient supposés faire exploser l’estomac s’ils étaient consommés avec une boisson gazeuse. « Penny Brown, une petite fille de 9 ans, a disparu. Aidez nous à la retrouver en diffusant cet avis de recherche. »22 Seul problème : Penny Brown n’existe pas.

Miss France est un homme, Nicolas Levanneur, d’origine picarde.23 Une enquête réalisée par les Renseignements généraux crédite Le Pen de 42% des voix et n’exclut pas son élection.24 L’Homme n’a jamais mis les pieds sur la lune.25 Elvis Presley est bien vivant.26 Georges W. Bush s’emploie à dissimuler les liens du gouvernement américain avec les extraterrestres27. Bill Gates est l’Antéchrist28.

« Quatre ou cinq nouvelles rumeurs non fondées surgissent chaque semaine », estime Guillaume Brossard, cofondateur du site www.hoaxbuster.com, spécialisé dans leur traque.

21 Journal du Net, 28 février 2001

22 www.aful.org/wws/arc/python/2001-12/msg00042.html

23 www.hoaxbuster.com/hliste/avr01/missfrance.html

24 www.collectif-abc.org/breve.php3?id_breve=5

25 membres.lycos.fr/autocoup/lune5.html

26 www.fortunecity.com/tinpan/motorhead/264/mort.html

27 www.presidentialufo.8m.com/georgew.htm

28 egomania.nu/gates.html

Nous retiendrons de tous ces exemples que les rumeurs n’épargnent aucun domaine. Elles touchent autant les entreprises que les faits de société, la vie politique ou la santé publique. Ces exemples confirment aussi le vieil adage : plus c’est gros, mieux ça marche.

Avant de nous interroger sur les moyens de créer une rumeur, étudions les moyens de les contrer.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Marketing viral sur internet et lancement d’un produit sur le marché de l’e-Publicité
Université 🏫: Université Paris X NANTERRE / SUP DE V - DESS Marketing Opérationnel International
Auteur·trice·s 🎓:
Alexis NALINE

Alexis NALINE
Année de soutenance 📅: Mémoire de fin d’études - Promotion 2001 – 2002
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