Les effets de la requalification, des avantages pour le salarié

Les effets de la requalification, des avantages pour le salarié

2. Les effets de la requalification, des avantages indéniables pour le salarié

Selon monsieur ALAPHILIPPE, « traditionnellement, le droit du travail envisage la requalification du CDD en CDI comme la sanction infligée à l’employeur qui engage le salarié sous contrat précaire sans respecter le formalisme imposé ou hors des hypothèses autorisées par la loi (…) Suivant cette conception, l’employeur ne peut prétendre à la requalification »358. Dès lors, la jurisprudence met donc le salarié dans une position de supériorité à celle de son employeur puisque seul celui-ci dispose du droit d’agir en requalification de son contrat359.

Ainsi, le salarié tire des avantages indéniables de cette requalification. En effet, il est tout d’abord titulaire d’un contrat à durée indéterminée ce qui lui permet, si son contrat n’a pas été rompu, de poursuivre sa relation de travail dans l’entreprise et ce pour une durée non-fixée contrairement à l’hypothèse d’un contrat à durée déterminée. Mais c’est surtout en ce qui concerne les indemnités pécuniaires auxquelles le salarié peut prétendre lors de la rupture de ce contrat qui constituent le principal intérêt d’une telle requalification.

Comme le constatent messieurs CANAPLE et TEISSIER, l’article L.122-3-13 du Code du travail assortit la requalification du CDD en CDI d’une indemnité forfaitaire qui ne peut être inférieure à un mois de salaire360. Ainsi, « la rédaction même de ce texte amène à penser que l’indemnisation du salarié doive être complétée par le recours aux sanctions du licenciement injustifié (…) La requalification ne serait que le biais pour parvenir à l’application du droit du licenciement »361.

358 P.ALAPHILIPPE, Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélange des genres qui ne profite pas à l’employeur, D.2000, JP, p.30.

359 Cass. soc. 16 juillet 1987, BC V n°481 ; 13 février 1991, Dr. Soc. 1991, p.418 ; 7 mai 1996, RJS 1996 n°658, p.421 in Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélange des genres qui ne profite pas à l’employeur, op. cit.

360 M.CANAPLE et C.TEISSIER, Les incidences de la requalification du contrat à durée déterminée : bilan et perspectives, Semaine sociale Lamy du 27 septembre 1999, pp.6-8.

361 Idem ; voir également, J.SAVATIER, La requalification des contrats à durée déterminées irréguliers, Dr. Soc. 1987, p.407.

Quelles sont alors les autres conséquences possibles de la requalification d’un contrat par nature spécifique ? Il apparaît, en matière de contrats autres que le CDD, que le prononcé de la requalification entraîne également le prononcé d’indemnités pécuniaires en faveur du seul salarié.

En effet et par exemple, le contrat d’apprentissage requalifié en CDI a pour conséquence essentielle le fait que l’apprenti doit alors être considéré comme un jeune travailleur devant percevoir une rémunération calculée sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)362.

De manière générale, on peut donc dire que la sanction de la requalification, tout comme celle de la nullité totale ou partielle du contrat de travail, conduit nécessairement à conférer au salarié concerné un profit substantiel de la situation à laquelle il est confrontée.

D’ailleurs, monsieur COUTURIER met en évidence le parallélisme de ces deux sanctions que certains ont pu déjà évoqué363. Dans le cas de la requalification, le salarié peut obtenir des indemnités égales à celles du prononcé d’un licenciement causé par la rupture d’un contrat à durée indéterminée. De plus, au cas où leur relation n’est pas rompue, ce salarié bénéficie alors d’une rémunération qui est basée sur le minimum pouvant être perçu par tout salarié jouissant d’un CDI.

Cependant, force est de constater que l’employeur n’est pas nécessairement le perdant dans le cadre d’un tel litige. En effet, bien que ne bénéficiant pas de la possibilité d’agir en requalification, ce dernier, lorsque cette sanction est prononcée à la demande du salarié, dispose d’un panel de causes de rupture du contrat de travail beaucoup plus large qu’en matière de CDD. Ainsi, le salarié pourra être licencié, parce qu’il est détenteur d’un CDI, pour des raisons supplémentaires à celles prévues en présence d’un CDD, c’est à dire en plus de la faute grave et du cas de force-majeure364.

Dès lors, l’employeur pourra mettre fin plus rapidement au contrat le liant au salarié. De plus, ce dernier supportera, en cas de rupture du contrat, des conséquences financières moins importantes dans l’hypothèse d’un licenciement même sans cause réelle et sérieuse plutôt que pour la rupture illicite du CDD365. C’est d’ailleurs en raison de cette éventualité que la jurisprudence a interdit toute action en requalification de la part de l’employeur et ce afin qu’il n’échappe aux conditions strictement fixées en matière de rupture d’un contrat à durée déterminée.

362 Cass. soc. 28 mars 1996 M.Tahloul c/M.Barrabes in Le contrat d’apprentissage et le Conseil de Prud’hommes, Cah. prud’homaux août/septembre 2000, JP, p.102.

363 Cf. La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.279.

364 Art. L.122-3-8 du Code du travail.

365 Cf. P.ALAPHILIPPE, Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélange des genres qui ne profite pas à l’employeur, op. cit.

L’objet de la requalification tend donc en pratique « à restituer au contrat sa véritable qualification sans s’arrêter à la dénomination proposée par les parties »366. Toutefois, il faut souligner qu’au sein du régime de la requalification une distinction mérite d’être opérée.

En effet, ce que nous venons de développer concerne la seule hypothèse de la requalification-sanction : le juge prud’homal intervient au sein d’un litige opposant le salarié à son employeur et donne au contrat sa véritable qualification afin que l’ensemble des effets attachés à ce dernier puisse se produire.

Seul le salarié dispose de cette action invoquant alors la violation des règles de fond ou de forme inhérentes à la conclusion des contrats à durée déterminée. Toute autre est l’approche concernant la requalification- interprétation : dans cette hypothèse, le salarié ainsi que l’employeur peuvent saisir le Conseil de Prud’hommes en s’appuyant sur l’article 12 du Code de procédure civile et afin que celui-ci se prononce sur la nature exacte de la convention.

Le salarié dispose donc d’un pouvoir important dans la première hypothèse, pouvoir d’agir en justice dans ce cadre auquel s’ajoute la possibilité de se voir conférer un emploi stable et durable ainsi que de plus amples indemnités en cas de rupture de la relation de travail le liant à son employeur. Cependant, cette sanction est également à double tranchant comme nous l’avons vu, l’employeur pouvant tirer certains avantages de cette requalification.

Pourtant, le législateur ainsi que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ont multiplié les hypothèses de requalification en matière de contrats de travail autres que le CDI. Cette tendance peut s’expliquer dès lors par le fait que seule est sanctionable le défaut de formalisme dans de telles hypothèses.

Le contrat n’est pas alors modifié mais seule sa qualification est révisée. Cette sanction permet donc la survie de la relation de travail qu’il convient alors au salarié et à son employeur de poursuivre voire d’en modifier par la suite les éléments.

De plus, il est à noter que cette sanction va permettre également aux pouvoirs publics de connaître exactement la nature de la relation de travail liant salarié et employeur lesquels peuvent alors intervenir au sein de celle-ci et venir sanctionner éventuellement l’employeur négligeant en s’immiscent dans le rapport contractuel.

La jurisprudence ayant donc pour but la poursuite de la relation contractuelle de travail, celle-ci va avoir alors également la possibilité de recourir à d’autres sanctions en vue de la réalisation de cet objectif parmi lesquelles celle de la révision des clauses non-valides.

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