L’effet de levier particulier de la clause d’earn out

L’effet de levier particulier de la clause d’earn out

d) Une technique juridique spécifique déterminante : l’effet de levier particulier de la clause d’earn out

(a) PRINCIPE DE L’EARN OUT

L’earn out est un concept anglo-saxon apparu dans les années 80 en Grande Bretagne qui désigne un complément de prix différé, payé sur plusieurs exercices, variable et fonction des performances futures de la société acquise. Les opérations de LBO ont, par la suite, largement contribué à populariser ce concept en mettant l’accent sur les flux prévisionnels.

Depuis les années 60, les approches en matière de rentabilité centrées sur le goodwill ont contribué à développer le recours à cette technique juridique particulière, puisque le prix d’acquisition d’une entreprise est globalement la somme de l’actif net comptable et du goodwill.

Le goodwill étant la somme, actualisée sur plusieurs années, des flux financiers (cash flows disponibles, EBE, RE, résultat net…), la clause d’earn out s’inscrit dans la logique du goodwill dans la mesure où les paiements différés sont indexés sur les résultats futurs de l’entreprise acquise.

Face à cette notion de goodwill, l’acquéreur et le vendeur ont nécessairement des points de vue divergents, l’acquéreur étant généralement réticent à accepter de régler comptant les survaleurs (en considération du facteur de risque croissant à mesure de l’éloignement de l’horizon de perception des flux futurs) alors que le vendeur étant motivé à en tirer un surcroît de valorisation (en considération du potentiel de développement et de rentabilité de son affaire). Dès lors, la clause d’earn out apparaît comme une technique juridique particulière déterminante dans la réussite du montage de LBO, dans la mesure où elle présente l’avantage de concilier les exigences de l’acheteur et du vendeur lors de la transaction.

(b) MECANISME ET SPECIFICITE TECHNIQUE

Technique de détermination du prix d’acquisition de l’entreprise cible en partie basée sur ses résultats futurs, le principe de l’earn out est de prévoir le paiement du prix d’acquisition en deux parties : une partie de prix payée comptant et correspondant à un prix plancher, et le complément de prix entièrement variable versé les années suivantes en fonction des résultats constatés.

La clause d’earn out peut s’articuler de deux façons :

  • ** l’acquéreur acquiert 100% du capital de la société cible en assurant au vendeur un prix plancher ajustable à la hausse en fonction des résultats futurs de ladite société.
  • ** l’acquéreur acquiert dans l’immédiat une partie du capital (généralement plus de la moitié) et ultérieurement le solde soumis à valorisation.

La clause d’earn out contribue à la réussite de l’opération de LBO dans la mesure où, du point de vue de l’acquéreur, elle lui permet de transférer le risque de contrepartie sur le vendeur en limitant l’erreur potentielle sur le montant du prix de la cible et en attisant la motivation de rentabilité future de l’affaire auprès du vendeur en tant que dirigeant détenteur d’un bloc significatif d’actions.

La clause d’earn out offre encore à l’acquéreur l’avantage financier de payer en numéraire une partie du prix seulement, le solde faisant l’objet d’un paiement différé, indexé sur un indicateur de performance de l’entreprise. Dès lors, l’on observera que le deuxième mécanisme de la clause d’earn out cité ci-dessus offre un levier juridique maximal tandis que le premier se révèle plus coûteux à l’acquéreur qui doit assumer un multiple futur sur la totalité du prix.

Du point de vue du vendeur, la clause d’earn out offre un double intérêt dans la mesure où, elle lui permet de rester temporairement à la direction de la société, grâce à la mise en place d’un mécanisme d’indexation attractif, le vendeur peut espérer une meilleure valorisation future de la cible.

L’on observera, dès lors, que le deuxième mécanisme de la clause d’earn out cité ci-dessus offre au vendeur un plus grand avantage compte tenu de la revalorisation future portant sur 100% du prix plancher, tandis que le premier est plus particulièrement adapté aux sociétés difficiles à évaluer et pour lesquelles le prix de base offert est peu attractif.

Cependant, ajuster le prix de vente final sur les flux financiers effectivement perçus pose le problème stratégique et juridique du choix de l’indicateur de performance. Plus l’indicateur de référence est situé en aval et porter sur l’exploitation (résultat net, RCAI), plus les risques de divergences d’intérêts s’accroissent.

Inversement, un indicateur situé très en amont (chiffre d’affaires, marge commerciale, excédent brut d’exploitation) pourrait rebuter l’actionnaire financier qui porte sa préférence sur la minoration des compléments de prix et sur des actions à long terme.

D’une manière générale, le vendeur–manager aura plutôt intérêt à privilégier les actions de court terme (ayant un impact positif sur la performance avant l’expiration de l’earn-out) alors que l’actionnaire acquéreur aura au contraire intérêt à privilégier une politique d’investissement, des actions à long terme (ayant un impact positif sur la valorisation de l’entreprise au delà de la durée de l’earn-out.

Le choix pertinent de l’indicateur de référence visera à éviter ces conflits d’intérêts pour garantir le succès de l’opération de LBO en assurant que :

  • * Les spécificités du secteur d’activité et celles de l’entreprise soient prises en compte (ainsi par exemple, dans les secteurs à forte intensité capitalistique ou à fort développement, il est pertinent de mesurer les critères de marge brute et d’excédent brut d’exploitation avant toute incidence des politiques de financement et d’investissement);
  • * L’évaluation de l’entreprise prenne en compte tant sa capacité bénéficiaire (indicateurs d’exploitation) que les critères patrimoniaux (indicateur de l’actif net).

Si le choix d’un indicateur de référence le plus pertinent et surtout le moins sujet à controverse ultérieure est un exercice difficile, la mise en œuvre de la clause d’earn out implique des précautions particulières s’agissant des risques qu’elle expose durant toute la période d’application.

Il sera examiné, ultérieurement, les circonstances où l’application de cette œuvre peut générer des risques, lesquels, non maîtrisés, peuvent nuire à la bonne fin du montage, mais dont l’utilisation à bon escient est garante du succès de l’opération.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
Université 🏫: CNAM PARIS DESS Finance d'Entreprise - Chaire de Finance du Professeur Denis DUBOIS - Spécialisation Finance d'entreprise
Auteur·trice·s 🎓:
Virginie PHAM

Virginie PHAM
Année de soutenance 📅: Mémoire présenté pour l'obtention du DESS Finance d'entreprise - 2001-2017
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