Le sort des indemnités de résiliation d’un contrat

Le sort des indemnités de résiliation – Section 2
Comme il est énoncé dans l’article L 621-28 al 5 du Code de commerce, « si l’administrateur n’use pas de la faculté de poursuivre le contrat, l’inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts dont le montant sera déclaré au passif au profit de l’autre partie. »
Par cet alinéa, modifié par la loi du 10 juin 1994, le législateur ouvre un droit d’indemnisation au cocontractant dont le contrat a été rompu par le jeu de l’option. Le législateur octroie la possibilité d’une indemnisation alors même que la rupture du contrat n’est pas fondée sur une inexécution mais résulte de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur118. Cependant certains auteurs119 estiment au contraire, que l’indemnisation constitue une réparation de la rupture « fautive » de l’engagement contractuel. Cette indemnisation est facultative. Elle sera accordée, semble-t-il si la rupture du lien contractuel cause au cocontractant un préjudice suffisamment caractérisé.

116 B. BOCCARA, op. cit., n°7.
117 Article L 621-40 du Code de commerce.

La modification de l’article 40 par la loi de 1994 soumet ces indemnités à déclaration au passif de la procédure. Cet article dispose, dans son 3° dernière phrase, qu’en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice de la présente disposition.
Pourtant la rédaction de cet alinéa était susceptible de deux interprétations, à savoir les indemnités étaient exclues soit de la priorité de paiement dans son ensemble soit du 3e rang dans le classement interne des créanciers de l’article L 621-32. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 octobre 2002120, a clairement opté pour la première interprétation : « attendu que selon le premier de ces textes, [l’article L 621-32], les créances d’indemnités et pénalités subséquentes à la résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi sont exclues de la priorité de paiement instituée par ce texte. »
En d’autres termes, ces indemnités de résiliation sont désormais considérées comme des créances antérieures au jugement d’ouverture.
On aurait légitimement pu penser que ces indemnités constitueraient des créances postérieures puisque leur fait générateur est la rupture d’un contrat continué, qui s’est nécessairement réalisé après le jugement d’ouverture. C’est d’ailleurs cette solution qu’avait retenu la Cour de cassation dans arrêt du 3 mai 1994121 en soumettant ces indemnités à l’article L 621-32 du Code de commerce.

118 E. JOUFFIN, op. cit., n°140.
119 Ripert et Roblot, op. cit., n° 3055; P. PETEL, Le sort des contrats conclus avec l’entreprise en difficulté, JCP éd. N 1992 n° 18.
120 Com. 15 oct. 2002, RTD com. anv.mars
121 Com. 3 mai 1994 dict. perm. Diff. Entr., Bull. 121 p. 7683.

Le législateur de 1994 a opté pour la solution opposée en ne faisant profiter de l’article L 621-32 du Code de commerce que les créanciers qui favorisent la poursuite de l’activité de l’entreprise grâce à leur participation. Pourtant, les contrats continués puis rompus ont réellement participés à la poursuite de l’activité. Les indemnités liées à leur rupture devraient donc relever de l’article L 621-32 du Code de commerce, ce qui était le cas avant la loi de 1994122. Leur exclusion de cet article se justifie eu égard à la finalité de l’article L 621-32 du Code de commerce mais aussi et surtout eu égard au premier objectif de la loi. Ces indemnités peuvent peser lourdement et inutilement dans le passif. Elles amoindriraient les chances de redressement de l’entreprise si l’administrateur, ou le débiteur, devait les régler en priorité. D’autre part, les travaux parlementaires illustrent cette volonté d’écarter ce type d’indemnités de l’article L 621-32 du Code de commerce car « leur nature n’appelle pas qu’elles bénéficient d’une priorité de paiement123. » L’intérêt des cocontractants créanciers est primé par celui de la sauvegarde de l’entreprise. Leur créance est soumise à déclaration de leur part, sous peine de forclusion, au lieu d’en obtenir le paiement immédiat par le bénéfice de l’article L 621-32 du Code de commerce.
En conséquence, le cocontractant créancier doit déclarer ses indemnités (pénalités, dommages-intérêts …) auprès du représentant des créanciers. Et, selon le nouvel alinéa 2 de l’article 66 du décret du 27 décembre 1985, « les cocontractants mentionnés à l’article 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient d’un délai supplémentaire d’un mois à compter de la notification de la décision constatant ou prononçant la résiliation pour déclarer la créance éventuelle résultant de ladite résiliation (…) »
Ces indemnités sont octroyées judiciairement. Quel est le juge compétent ? Le juge- commissaire ou le juge du contrat ? La doctrine est partagée sur ce point. Pour certains auteurs, le juge-commissaire doit rester cantonné aux pouvoirs qui lui sont attribués par l’article 61-1 du décret à savoir constater la rupture du contrat et fixer sa date124. Pour d’autres125, le juge-commissaire ayant des compétences pour constater la rupture du contrat, la fixation des dommages-intérêts doit également relever de sa compétence. Cette position est cohérente et a le mérite d’être simple et rapide par le recours à un juge unique. Quant à la jurisprudence, on peut relever que la Cour d’appel de Paris126 a exclu que le juge-commissaire puisse allouer une provision au bailleur et ordonner l’expulsion du preneur. Faute à ce jour d’un arrêt de la Cour de cassation prenant parti sur ce point, la controverse reste en suspend.

122 Com. 30 mars 1993, RJDA 1993-10, p.717 n° 834; CA Paris 16 nov 1992, Rev. Proc. Coll. 1993.3 p. 405 Ces décisions ont été rendues en matières de crédit-bail.
123 Intervention Méhaignerie JU Déb. Ass. Nat. 25 nov 1993 p. 6263.
124 M.J. CAMPANA, op. cit., n°9; F. MACORIG-VENIER, préc.
125 M. H. MONSERIE, La réforme du droit des entreprises en difficulté, op. cit., n° 131, p. 66.
126 CA Paris 28 juin 1996, JCP éd. E 1996.

Afin de favoriser le redressement de l’entreprise pendant la période d’observation, la rupture des contrats inutiles à ce redressement est facilitée par rapport aux conditions de droit commun. Le cocontractant est avantagé car il se voit délié de son contrat rapidement mais au prix du non respect de certains principes de droit commun. Dans le prolongement de cette idée, certains contrats doivent disparaître parce qu’ils sont contraires à la philosophie de la réglementation des procédures collectives : ce sont les cas de nullités des contrats conclus pendant la période suspecte.
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Mémoire de DEA Droit des affaires
Université Robert Schuman de Strasbourg
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