Des grandes marques et des petites marques

Des grandes marques et des petites marques
Dans le milieu culturel comme dans tous les secteurs économiques, on distingue des « pionniers » (l’Opéra national de Paris dans le spectacle vivant capte presque exclusivement les dons en mécénat) et des suiveurs ou des suivants. Il est souvent plus aisé de fidéliser lorsqu’on est une grande marque.
La grande marque ne fidélise pas par un miracle ou une vertu magique de son nom. Elle fidélise parce qu’elle en fait plus (plus de service, plus de relation, plus de réassurance) et qu’elle le fait savoir, ce qui par voie de conséquence crée des barrières à l’entrée de nouveaux concurrents.
Que faire alors quand on est plus petit, quand on est un challenger ?
Le challenger évite l’attaque frontale, mais capitalise sur la faiblesse du leader qu’il va révéler par ses actes.
Avec moins de ressources, le challenger doit faire des sacrifices : il ne peut imiter les actions du leader en plus petit. Il doit concentrer ses ressources sur un seul front. Enfin, il doit être plus créatif, réactif, plus proche du terrain, plus proche des gens (n’est pas ce qui a fait le succès de certains théâtres itinérants dit « théâtres en appartement » ? Ils ont en effet misé sur le service à domicile, brèche non comblée par les lieux de spectacle institutionnels). Face à l’évidence et la simplicité (acheter le leader omniprésent), le client doit avoir une vraie bonne raison pour acheter le challenger.
Kapferer développe également l’idée que mieux que la publicité, la rumeur (média intemporel) peut être un vrai outil pour les plus « petits ».
Néanmoins, il n’existe pas de miracle. La rumeur doit être stimulée, activée. Cela demande des ressources également. Mais, si l’on n’en a pas, il faut alors cibler encore plus, puis grandir progressivement. De plus la rumeur se nourrit avant tout d’expériences fortes qui laissent des traces émotionnelles, d’implications personnelles. Le service exceptionnel est un grand levier de bouche-à-oreille. Les produits et les services peuvent l’être à travers l’histoire qu’ils doivent raconter ; d’où l’intérêt de penser à la rumeur dès la conception même de ceux-ci.
Les relations directes laissent aussi une trace émotionnelle durable. Un restaurant chaleureux et/ou original, des ouvreurs repérables et sympathiques font partie de ces petites attentions particulières et qui peuvent être peu coûteuses qui feront le succès d’un lieu. Nous en revenons ici à l’idée que seul un excellent service peut créer une image de marque.
Pour attendre une fidélité de la part des clients, encore faut-il démontrer que l’on s’intéresse à eux, à leur vécu, à leurs usages. Or, souvent le spectateur se sent beaucoup trop anonyme, le numéro de son siège devient un matricule de spectateur derrière lequel s’efface son parcours personnel de spectateur.
Pourtant, tous les logiciels de billetterie pourraient permettre un suivi des parcours et profils de spectateurs et il serait tout à fait judicieux de s’interroger sur une meilleure utilisation de ces données.
Les lieux de spectacle vivant, conflits de plusieurs marques
L’incarnation humaine du lieu…
Un obstacle à une véritable réflexion stratégique dans le spectacle vivant, nécessaire au développement des fonds propres, réside dans le caractère éphémère de ses dirigeants. Dans les structures publiques ou sous tutelle publique les dirigeants sont souvent nommés sur des contrats à durée relativement courte qui interdisent pratiquement toute approche de long terme. Ce type d’organisation est donc plutôt traversé par des stratégies de carrière ou par des itinéraires artistiques que leur promoteur décline dans les différentes institutions visitées.
Dès lors, la pérennité de l’image d’un lieu n’est pas assurée ou en tout cas beaucoup moins que pour les musées qui sont rarement aussi identifiés par les noms de ceux qui les dirigent. Dans le spectacle vivant, les directions qui se succèdent cherchent toujours à redéfinir le lieu à leur manière sans hésiter pour cela à « renier » l’œuvre de leurs prédécesseurs. Comment créer alors une identité forte repérable et repérée malgré tout ?
…ou le soucis des « marques-personnes » dans le spectacle vivant
Pour le moment, bien souvent ce n’est pas le lieu de spectacle vivant qui constitue une marque mais le directeur à la tête de la structure. Or, en quoi cela est légitime ? Outre la direction artistique c’est toute une équipe qui fait l’esprit et le contenu d’un lieu. Il serait donc plus judicieux de s’en remettre à une marque qui englobe toutes ces personnes plutôt qu’au seul nom de l’artiste « invité » en ces lieux. La direction peut être une marque « en plus ». Ainsi, on en vient au concept de co-branding. L’alliance avec d’autres marques (même temporaire, durée d’un mandat de direction) à la réputation complémentaire permet alors de proposer une crédibilité plus forte.
Construire la marque autour d’une personne met d’emblée en péril la pérennité de la notoriété du lieu. Cela vaut pour les ressources propres mais également pour les subventions publiques. Ainsi, le départ prochain de Peter Brook du Théâtre des Bouffes du Nord ne va pas sans une fuite des soutiens publics. Jusque là ces subventions couvraient 70% du théâtre en ordre de marche ; les négociations pour le prochain budget ont largement revu à la baisse cet apport.
Ajoutons que dans le cas des salles de concert privées, il est tout à fait primordial qu’aucun propriétaire, lorsqu’il est producteur également (et c’est presque toujours le cas) ne soit véritablement associé à la salle. D’ailleurs, bien souvent aux yeux du grand public il n’y a pas d’autre nom que celui de la salle associé au lieu. Cela tient au fait que pour attirer d’autres producteurs et leur louer la salle ou leur acheter une représentation, il est important que le producteur qui détient la salle n’incarne pas le lieu. Si tel était le cas, les autres producteurs ne souhaiteraient pas être absorbé abusivement et symboliquement par le producteur- propriétaire. Il se tournerait vers des salles plus « neutres ».
Le spectacle vivant, victime de trop de co-branding ?
Souvent, l’importance des artistes dans le spectacle vivant crée un effet d’accumulation de marques, chaque artiste augmentant ce co-branding. Il est a fortiori difficile de créer une marque-lieu, car très vite ce sont d’autres marques qui s’empilent, celles des metteurs en scènes, des directeurs artistiques, des comédiens. La force de l’effet marque qu’un lieu souhaiterait avoir peut être affaibli par cette surenchère.
Mais c’est également un autre problème qui se pose. Dans un musée, dès le départ a marque réside dans le lieu. La totalité des œuvres réunies trouve refuge dans le lieu qui les protège. Il est dès lors plus facile de penser à une commercialisation de la marque que peut représenter le lieu. Dans le spectacle vivant, on en vient rapidement à commercialiser une dimension humaine car elle est au cœur de la proposition culturelle. On imagine bien tous les problèmes qui se posent à la commercialisation de captations vidéos de spectacles, de photos de comédiens, d’aimants représentant une scène de théâtre. Les coûts comme les difficultés de conception sont multipliés.
Lire le mémoire complet ==> (Les fonds propres dans le spectacle vivant : état des lieux, développement et perspectives)
Mémoire de fin d’études

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Les fonds propres dans le spectacle vivant : état des lieux, développement et perspectives
Université 🏫: Mémoire de fin d’études
Auteur·trice·s 🎓:

Anna Tauber
Année de soutenance 📅:
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