Activités syndicales et politiques délaissées – Etudiants Erasmus

Activités syndicales et politiques délaissées – Etudiants Erasmus

4.3.3 Des activités syndicales et politiques délaissées

Olivier Galland dans Le monde des étudiants103, ainsi que différentes enquêtes statistiques récentes, ont exposé que la participation aux associations n’est pas très développée et que les loisirs semblent très peu engagés, dans les modes de vie étudiants en France.

On peut dès lors se demander si cette vie associative limitée est le fait des étudiants des universités de Provence, de Turin et de Bristol ? Et comment se situent les étudiants Erasmus par rapport à ce désintéressement ? Il importe tout d’abord de distinguer les engagements en fonction du lien que les étudiants possèdent avec les structures décisionnelles universitaires ou scolaires, en différenciant sympathisant, adhérent et membre actif. Une distinction est ici effectuée entre participation syndicale et associative. Nous nous intéresserons également aux raisons que donnent les étudiants à leur engagement ou désintérêt.

101 « Nella mia famiglia sono molto spaventati dal fatto che io vada a vivere all’estero, mia mamma è molto.. è italiana, dunque.. il fatto che io possa abitare a più di un chilometro da dove abita lei… pero si è rassegnata! Perché io mi muovo molto, mi piace molto viaggiare, partirei tutte le vacanze, se avessi i soldi.”

102 “Avevo un sacco voglia di rivedere i miei genitori, perché io ho una bella famiglia, mi trovo bene, quindi non sono andata via per scappare da loro,[…] non ho sofferto più di tanto, poi i miei sono molto comprensivi rispetto a questo.”

103 GALLAND (O) op. cit. page 133.

Universités de Provence et de Turin : Une vie étudiante associative délaissée

La participation aux associations n’est pas très développée dans les modes de vie des étudiants en général. Dans l’étude de Valérie Erlich104, seulement 27% avaient déclaré participer à une ou plusieurs associations quel que soit le temps hebdomadaire moyen consacré, proportion peu importante par rapport aux fréquentations des autres loisirs.

Ils ne consacraient aussi que 1,3 heures par semaine à cette pratique. De même dans une précédente étude, nous constations que les étudiants « scientifiques » français semblaient encore moins engagés que leurs homologues « littéraires » dans cette pratique.105 La plupart d’entre eux rejettent ainsi les groupements politiques et organisés, ainsi que les syndicats, dont ils ne croient pas à la non-affiliation politique revendiquée. Il en va de même à l’université de Turin.

Toutefois, tout en les critiquant, la plupart des étudiants provençaux et turinois ne pensent pas qu’il soit inutile que des étudiants siègent dans les Conseils d’Université. Ils pensent également que les associations et syndicats ont un rôle à jouer auprès de publics en difficulté ou « déracinés.» En d’autres termes, bien que la quasi totalité des étudiants ne s’intéressent pas aux associations et ne participent pas à leurs activités, ils pensent qu’elles ont une utilité, surtout en ce qui concerne l’animation du campus et l’aide aux étudiants en difficulté.

Mais ils dissocient les associations des syndicats. Pour ces derniers, c’est la dimension revendicatrice et politique qui est perçue comme prédominante, alors que les premières sont pour eux davantage liées à des activités d’accueil et d’animation.

Les étudiants Erasmus font un peu plus souvent partie d’associations ou syndicats étudiants que leurs homologues sédentaires d’après notre enquête, mais le pourcentage des membres impliqués ne dépasse jamais 10% à Turin et Aix-Marseille.

La singularité de l’université de Bristol en la matière est en fait la résultante d’une affiliation obligatoire au syndicat étudiant unique. Ce sont les associations caritatives dans tous les cas, qui attirent le plus d’adhérents, surtout en Italie et en Angleterre, où les groupements religieux, confessionnaux, (à majorité catholique en Italie et à majorité protestante en Angleterre) détiennent le monopole de la bienfaisance philanthropique. Ce sont les syndicats étudiants, suivis de près par les partis politiques qui emportent le moins l’adhésion des étudiants, comme le montre le tableau n°50 suivant.

Les Erasmus sont encore moins impliqués, par rapport aux sédentaires, dans la politique institutionnalisée par des partis. Cela signifie-il pour autant un désintérêt global du politique ?

104 Op. cit. Page 128

105 BALLATORE (M), De l’expérience étudiante à la faculté des sciences. Une comparaison France/Angleterre, Mémoire de Maîtrise de Sociologie, sous la direction de Monsieur Patrick Perez, soutenu en Juin 2002 à l’Université de Provence.

Tableau 50 : Répartition des étudiants Erasmus et sédentaires membres de collectifs de l’UT et de l’UP par type d’association –2004-2005- (en pourcentage)

Pourcentage de participants aux collectifs suivants :Erasmus

UT

Erasmus

UP

Ensemble

Erasmus

Témoin

UT

Témoin

UP

Ensemble

Témoin

Associations

étudiantes

7,35,96,54,72,03,6
Syndicats étudiants1,62,01,8000
Partis politiques2,40,71,44,72,03,6
Associations

caritatives

26,66,615,6228,016,4
TOTAL des membres de collectifs37,915,225,331,412,023,6
Non membres62,184,874,768,688,076,4
TOTAL membres/non membres

(N=)

100

(124)

100

(152)

100

(276)

100

(150)

100

(100)

100

(250)

= 6,0 p < 0, 05 = 9,1 p < 0, 05

Le tableau se lit ainsi : 7,3% des étudiants sortants de l’Université de Turin en 2004-2005, faisaient partie d’associations étudiantes. Au total 37,9% des étudiants sortants de l’Université de Turin cette même année étaient membres d’une association, d’un syndicat ou d’un parti politique.

Source : enquête par questionnaire

Même si les étudiants sont rarement favorables aux syndicats ou aux partis politiques, cela ne signifie pas qu’ils se désintéressent de la politique. En effet, des discours des étudiants lors des situations d’entretiens et de l’observation directe entreprise dans les trois pays ressort que les étudiants français et italiens suivent de manière assidue la vie politique de leur pays et en discutent plus souvent que leurs homologues anglais. La faible participation associative et politique des étudiants italiens et français est en quelque sorte compensée par une intense sociabilité spontanée qui s’organise autour des sorties et discussions.

Et il n’est pas rare d’entendre dans les couloirs des conversations s’engager autour de problèmes politiques, alors que notre enquête, comme les analyses sociologiques britanniques sur l’expérience étudiante que nous avons citées, relèvent toutes le peu de valeur que les étudiants accordent aux discussions politiques dans leurs propres schémas conceptuels. Ce faible intérêt se situe donc davantage dans le « faire », plutôt que dans « le dire ». Bien que la majorité des étudiants aient une certaine connaissance des problèmes universitaires et sociétaux et échangent sur ces sujets assez fréquemment, peu franchissent le cap d’un investissement concret et actif.

De plus, lorsqu’il y a engagement, on constate une forme davantage corporatiste qu’universelle des revendications. Seules les associations sportives et d’animation, attirent sans polémique la sympathie des étudiants, sans pour autant les encourager à devenir membres actifs.

Pour mieux comprendre les différences existant au niveau de l’investissement associatif dans les universités françaises et italiennes et les universités anglaises, il est important de souligner quelques différences juridiques qui séparent les associations étudiantes de ces pays.

A l’université de Provence, ces dernières peuvent obtenir des fonds de l’université après avoir établi un dossier de demande d’aide financière auprès du Fonds de solidarité et de Développement des Initiatives Etudiantes (FSDIE)106. Mais elles sont totalement gérées par des étudiants et, comme toute association de la loi 1901, possèdent un grand nombre de libertés : de réunion, d’affiliation, de choix dans les activités, etc. Elles ne sont donc pas forcément affiliées à des syndicats étudiants nationaux comme l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France constituée le 4 mai 1907). En Italie, ce n’est qu’en 1942, que le code civil commence à parler d’associations et de fondations.

Et c’est la constitution de 1947, dans l’article 18, qui reconnait à chaque individu le droit à s’associer dans des organismes collectifs à diverses finalités. Pourtant il faudra attendre 1994 pour que naisse une association étudiante nationale, l’UDU (Unione Degli Universitari) d’inspiration syndicale. L’Europe, pour l’Italie, semble être un tremplin vers un associationnisme, longtemps confisqué par les partis politiques et l’Eglise.

106 Anciennement FAVE (fond d’aide à la vie Etudiante)

Malgré les différences juridiques et historiques entre les associations ou syndicats étudiants français et italiens, ils sont, dans les deux pays, à but non-lucratif, se basent sur le volontariat en ce qui concerne l’adhésion et ne prennent en charge aucune activité commerciale. Ces deux derniers points les distinguent donc fortement du système associatif universitaire britannique.

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